© SPW-SG/J.-L. Carpentier

Quévit Michel

Académique, Militantisme wallon

Rebecq Rognon 11/10/1939, Louvain-la-Neuve 10/04/2021

C’est à l’âge de 38 ans que Michel Quévit défend sa thèse de doctorat en Sociologie à l’UCL ; elle fait rapidement l’objet d’un livre intitulé Les causes du déclin wallon qui fera date.

Ce diplôme universitaire est en lui-même le résultat d’un combat social pour celui qui avait entamé sa vie professionnelle en tant qu’apprenti typographe (1954-1958). Loin de la Guerre scolaire, il milite alors en faveur des droits des jeunes travailleurs, au sein de la JOC Brabant [wallon]. Encouragé à mener des études supérieures, il réussit ses candidatures en Philosophie à l’Institut supérieur de Philosophie de l’Université catholique de Louvain, avant de s’orienter vers les Sciences politiques-Relations internationales. En plus de ses licences à l’UCL – sous la direction du professeur Jean Ladrière, il a étudié la « phénoménologie des relations Est-Ouest » –, il sera diplômé de l’International Teacher Program (ITP) de la Harvard Business School.

Menant ses études à Leuven durant les années 1964-1968, Michel Quévit n’échappe pas à l’atmosphère revendicative du mouvement flamand et aux débats sur le transfert de la section francophone de l’université catholique en terres wallonnes. Président du Cercle des Étudiants en Sciences politiques de l’UCL puis président du Mouvement universitaire belge des Étudiants francophones, il s’engage résolument à la fois en faveur du transfert de l’UCL vers la Wallonie et dans la lutte pour la démocratisation des études universitaires, autant de thématiques qui l’amèneront à participer aux travaux du Groupe B-Y et à apporter sa contribution à l’ouvrage collectif Quelle Wallonie ? Quel socialisme ? (1971). Il est aussi actif au sein du mouvement Objectif 72 animé par François Martou, et membre du comité de direction de la Revue nouvelle (1970-1977).

Chercheur au Centre de perfectionnement des entreprises créé par le professeur Michel Woitrin, celui qui est alors boursier se spécialise dans la sociologie des organisations à l’université du Wisconsin et en méthodologie en sciences politiques à l’université du Michigan. Dirigée par le professeur Michael Aiken (Université du Wisconsin), sa thèse doctorale (1977) porte sur les déséquilibres régionaux en Belgique de 1830 à 1973 ; elle se retrouve dans les pages du livre Les causes du déclin wallon. L’influence du pouvoir politique et des groupes financiers sur le développement régional, ouvrage qui contribue à son choix comme Wallon de l’Année 1981.

En étant l’un des premiers universitaires à expliquer clairement et méthodiquement Les causes du déclin wallon (1978), Michel Quévit apporte au mouvement d’émancipation de la Wallonie une contribution majeure, à l’heure où l’application définitive de l’article 107 quater de la Constitution est au cœur des débats politiques. Avec un inévitable regard sur le passé, le sociologue entend surtout attirer l’attention sur les potentialités du redéploiement économique de la Wallonie. Très tôt attiré par les problématiques régionales, Michel Quévit les aborde à l’échelle européenne.

Engagé avec la fonction de « conseiller spécial » auprès du premier Ministre-Président de l’Exécutif régional wallon, Jean-Maurice Dehousse (1979-1983), Michel Quévit contribue à l’élaboration d’une politique de reconversion de l’économie régionale wallonne, tout en étant chargé de négocier avec Edgar Faure le projet qui voit le jour en 1980 à Louvain-la-Neuve, par la convocation de l’assemblée constitutive du Conseil des Régions d’Europe, co-présidée par E. Faure et J-M. Dehousse.

Avec La Wallonie, l’indispensable autonomie (1982), Michel Quévit publie la suite logique de son premier ouvrage. En 1983, il est parmi les initiateurs du Manifeste pour la Culture wallonne, avant de relever le défi d’être le rapporteur général des Congrès « La Wallonie au futur », organisés à l’initiative de l’Institut Destrée. En quête d’un « nouveau paradigme » (Charleroi, 1987), Michel Quévit synthétise les multiples contributions de spécialistes, universitaires et intellectuels, issus de tous les horizons, réunis dans une démarche pluraliste, au sein de quatorze ateliers thématiques. À partir de toutes les contributions et des discussions qui en découlent, il contribue à faire émerger un véritable mouvement de réflexion sur le développement et l’avenir économique, social et culturel de la Wallonie. En associant à ses conclusions Riccardo Petrella, directeur du programme FAST à la Commission européenne, il inscrit résolument la prospective régionale wallonne dans la dimension européenne. Président du Comité scientifique de cette dynamique prospective permanente, il accompagne les congrès « le défi de l’éducation » (1991), « les stratégies pour l’emploi » (1995) et « les problématiques de l’évaluation et de la prospective territoriale » (1998).

Co-auteur avec les professeurs Robert Tollet (ULB) et Robert Deschamps (FUNDP) d’une étude remarquée sur les institutions belges où il invite à se diriger Vers une réforme de type confédéral de l’État belge dans le cadre du maintien de l’unité monétaire (Prix de la SMAP 1984, décerné par CESRW), Michel Quévit conservera toujours, malgré les nombreuses responsabilités professionnelles qu’il exerce par ailleurs, de profondes convictions sur l’avenir institutionnel de la Belgique qu’il fait partager, en 2010, quand il s’interroge, sous forme d’un essai, sur la réalité des liens de solidarité entre Flandre - Wallonie Quelle solidarité ? : De la création de l’État belge à l’Europe des Régions.

Chargé du cours de Développement régional à la Faculté Ouverte de Politique Économique et Sociale, puis à la Faculté des Sciences économiques et sociales de l’UCL, Michel Quévit se voit aussi confier le cours consacré à la stratégie de l’entreprise, enseigné aux classes terminales des ingénieurs au département des sciences, ainsi que le séminaire relatif aux questions européennes au département des sciences politiques et sociales. En 1983, à Louvain-la-Neuve toujours, il crée un groupe de Recherche Interdisciplinaire en Développement Régional (RIDER) dont l’objectif principal est de mener des recherches scientifiques et des expertises dans le domaine du développement régional en Europe.

Membre du Centre Européen de Développement Régional (CEDRE) destiné à soutenir intellectuellement les travaux du Conseil des Régions d’Europe, qu’il avait contribué à créer et qui préfigure l’actuel Comité des Régions, il devient membre du Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs (1984-1999) et y est étroitement associé à la riche production scientifique produite par le GREMI dans le domaine du développement territorial et de la problématique des milieux innovateurs en Europe. Représentant du gouvernement belge au Conseil supérieur de l’Institut universitaire européen de Florence (1992-2002), dont il assure la présidence en 1997, il est désigné, en 1995, par direction de la politique régionale de la Commission européenne, au Comité de Suivi de l’European Business Innovation Centers Network (EBN), dont il sera le CEO de 1998 à 2000, avant de démissionner.

Expert OCDE, expert auprès des autorités européennes, fondateur et directeur du Réseau Innovation et Développement régional (RIDER II), Michel Quévit s’est constamment impliqué dans des dossiers importants relatifs au développement rural, à la reconversion régionale dans les pays industrialisés, à l’évaluation des politiques publiques, à la mise en place de programmes européens, aux politiques industrielles et d’innovation, et à la place de la culture dans la construction européenne.

En 2012, il a été élevé au rang d’officier du Mérite wallon.

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse -2021 ; Fonds Fondation Bologne-Lemaire
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2001, t. III