Cammarata François

Socio-économique, Syndicat

Assoro (Sicile) 03/04/1936, Charleroi 23/02/2001

Né en Sicile en 1936, François Cammarata suit sa mère et ses quatre frères et sœurs quand elle décide de rejoindre Quaregnon où, depuis un an, son mari a trouvé du travail dans un charbonnage, comme nombre de migrants italiens arrivés en pays wallon au lendemain de l’accord de 1946 « du charbon contre de la main d’œuvre ». Mineur en Italie, Salvatore Cammarata avait perdu sa place en 1936 quand, en tant que syndicaliste, il avait réclamé la loi des huit heures ; réintégré, il est ensuite contraint au service dans l’armée italienne. À la Libération, il décide de tenter sa chance en Belgique où il arrive dès 1946 et descend dans la fosse de l’Espérance.

Arrivé en octobre 1947, le jeune François suit une formation de tailleur de vêtements et trouve de l’embauche près de Binche. Dès les années 1950, il rejoint la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) et, pendant trois ans, est le permanent montois du mouvement jeune du Mouvement Ouvrier Chrétien. Il rejoint ensuite les rangs de l’interprofessionnelle de la CSC de Mons, où le permanent syndical est chargé du secteur des mines de la région de Charleroi : d’emblée, il est confronté à la problématique de la fermeture inexorable des charbonnages wallons et à la mise au chômage de nombreux travailleurs, dont ceux issus de l’immigration, car les restructurations touchent aussi l’industrie lourde, le verre et l’acier. Il participe à des conférences économiques, au « sommet » carolorégien de 1966 qui mobilise 80.000 personnes et contribue à la mise en place du Centre d’animation et d’action économique (CAAEC). Il participe aussi à la mobilisation carolorégienne visant à tirer parti des circonstances du Walen buiten pour créer une université dans le pays de Charleroi. À la fin des années 1960, il rejoint la Centrale chrétienne des métallurgistes à Charleroi et est nommé, en 1972, responsable régional. C’est désormais à la première grande crise de la sidérurgie wallonne que le permanent de la CSC métal est confronté.

En quête de solutions face à la déstructuration rapide des outils et du tissu social qui avaient fait la prospérité de la région pendant plusieurs générations, François Cammarata est en premières lignes pour conserver une identité sidérurgique à la région de Charleroi. Pendant plusieurs années, face à la détermination du Liégeois Robert Gillon (FGTB), le patron carolo de la CSC se montre intraitable, réclamant que la reconversion ne se réalise pas sur le dos du pays noir. Poussé par la Commission européenne, Cammarata se montre un partisan décidé de la fusion des bassins de Liège et de Charleroi, figure parmi les interlocuteurs privilégiés de Jean Gandois lorsque celui-ci présente son plan, et apporte ainsi sa contribution à la création de Cockerill-Sambre, puis à la mise en place de sociétés de reconversion comme Sambrinvest ou Meusinvest. Dans les nombreux dossiers socio-économiques de ces années 1970 et 1980 (la manifestation des sidérurgistes en mai 78, les actions à Caterpillar et à Cockerill Sambre, la reconversion des Acec), le syndicaliste CSC est considéré comme un négociateur ferme, efficace et pragmatique. Très proche de la démocratie chrétienne, comme d’Alfred Califice puis de Philippe Maystadt, le Carolo n’est pas le plus grand partisan du Front commun syndical.

Au sein de son syndicat où, depuis 1986, il est secrétaire général de la centrale nationale des Métallos, il manifeste clairement sa préférence pour une organisation qui tienne davantage compte de l’évolution institutionnelle de la Belgique. Le départ de l’unitariste Jef Houthuys est l’occasion de régionaliser les structures et de laisser davantage d’autonomie à la CSC wallonne. À l’heure où de nouvelles compétences sont transférées vers la Région wallonne et où la SRIW prend son véritable envol, François Cammarata est nommé président du Comité régional wallon de la CSC, où il remplace Robert D’Hondt (1989). Il restera le patron de la CSC wallonne jusqu’en juin 1996, moment où il est remplacé par Pino Carlino. Laissant aussi son siège de secrétaire général à la CSC Métal à André Delory, Fr. Cammarata est prépensionné le 1er décembre 1996. Luttant en faveur de l’emploi, de la baisse du temps de travail et en faveur du maintien de la Sécurité sociale, il dénoncera la politique de désengagements massifs de la Société Générale en Wallonie qui la prive de milliers d’emplois. Au début des années 1990, il invite aussi à mener un important débat sur l’avenir de l’enseignement et propose d’en faire le cœur d’un vrai projet de société. En 1996, face aux difficultés de Boël et de Clabecq et en réponse à Robert Collignon qui lance une table ronde sur l’acier wallon, il lance un appel pour la formation d’un pôle unique pour la sidérurgique wallonne, placé sous tutelle régionale.

Après s’être consacré pendant plus de trente ans à la défense des travailleurs, carolos, wallons et européens, ainsi qu’aux droits des travailleurs issus de l’immigration, il conserve le mandat d’administrateur à la SNCB (1995-2001), où il exerce la vice-présidence, et il s’occupe de la gestion de l’atelier protégé « Entra » à Gosselies. Resté actif au sein de la Commission sidérurgique de la fédération européenne du métal, il est encore conseiller au Cabinet des Affaires économiques, auprès de Philippe Maystadt, puis de Jean-Jacques Viseur, aux Finances (1996-1999). En juin 1999, il est cinquième suppléant sur la liste que le PSC présente au Sénat dans le collège français. Durant la même période, il contribue avec Pierre Tilly à l’écriture d’un essai consacré à L’Histoire sociale et industrielle de la Wallonie (2001).
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse