Delbouille Maurice

Académique, Philologie, Militantisme wallon, Politique

Chênée 26/01/1903, Chênée 30/10/1984

Élève de Maurice Wilmotte, d’Auguste Doutrepont et de Servais Étienne, docteur en Philologie romane de l’Université de Liège (1923), boursier sur concours, Maurice Delbouille parfait sa formation à Paris et Florence, se spécialisant dans les littératures françaises et latines médiévales. Successeur d’Auguste Doutrepont, en 1929, chargé des cours de linguistique française et de philologie médiévale, il se consacre à l’édition de textes français du Moyen Âge, à l’instar de son maître Maurice Wilmotte dont il partage aussi une partie des convictions wallonnes. Nommé professeur en octobre 1936, il sera admis à l’éméritat en 1973, après avoir rendu une multitude de services à la communauté universitaire, dont les plus visibles restent la direction de la collection des publications de la faculté de Philosophie et Lettres et la création d’un Service des Langues vivantes.

Fidèle à ses racines, Maurice Delbouille s’attache à étudier et à illustrer autant la langue française que la langue wallonne, ses traditions populaires et la vie culturelle. Membre de la Société de Langue et Littérature wallonnes, il la préside à deux reprises. Dès 1939, il est élu à l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Co-directeur de la revue Le Moyen Âge (1946-1984), il assure pendant plusieurs années la publication du Dictionnaire wallon et il est l’auteur de nombreuses publications scientifiques parmi lesquelles, notamment, La Littérature dramatique wallonne (1937), des Noëls wallons (1938), Sur la genèse de la Chanson de Roland. Essai critique (1954) ainsi qu’une Petite anthologie liégeoise. Choix de textes wallons (1950) et une magistrale étude sur Le premier Roman de Tristan (1962). Quelques titres ne parviennent cependant pas à rencontrer une bibliographie considérable tant en qualité qu’en quantité.

Romaniste reconnu par ses pairs, Maurice Delbouille mène parallèlement une activité politique et wallonne importante. Conseiller communal élu en octobre 1938, désigné comme échevin de Chênée (1939-1941), il remplace le bourgmestre décédé durant l’Occupation (25 octobre 1941), mais s’oppose à la constitution du Grand Liège allemand ; de diverses autres manières, il témoigne d’une réelle activité de résistance. À la Libération, il est coopté au Sénat durant une brève période (1946-1947). Reconduit en tant que sénateur provincial en 1958 toujours pour le parti socialiste, il est élu directement en 1961, au lendemain de la grande grève wallonne contre la Loi unique. Bourgmestre de Chênée sans interruption de 1941 à 1970, il renonce à se présenter en octobre 1970, laissant à Charles Goossens le dernier mandat de bourgmestre de la commune avant la fusion des communes.

Dès la Libération, ce socialiste wallon s’affirme comme une des personnalités importantes du Mouvement wallon. Assumant diverses responsabilités au sein de Wallonie libre, dont une participation au Directoire jusqu’en 1947, membre du comité organisateur du Congrès national wallon qui se tient à Liège, les 20 et 21 octobre 1945, Maurice Delbouille sera membre du Comité permanent du Congrès national wallon de 1945 à 1971. Rapporteur lors du Congrès de 1945, il s’y affirme partisan d’un fédéralisme à trois, de nature à assurer aux Bruxellois un statut spécifique qu’il leur appartiendra de définir. Convaincu que seule cette formule sauvegardera l’unité de la Belgique, il considère que les Bruxellois sont autant responsables que les Flamands de la minorisation de la Wallonie. Signataire de La Wallonie en alerte (1947), à l’instar de 52 autres académiciens et professeurs d’université réclamant l’autonomie pour leur région, il est aussi l’un des cinquante signataires wallons du Manifeste des Intellectuels wallons et flamands, aussi appelé Accord Schreurs-Couvreur (3 décembre 1952). En juin 1976, il figurera encore parmi les signataires de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme rédigée à l’initiative de Fernand Dehousse, Joseph Hanse, Jean Rey et Marcel Thiry, notamment.

Fondateur et administrateur de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (février 1945), Maurice Delbouille dirige avec énergie le deuxième Congrès culturel wallon (Liège, octobre 1955), ce rendez-vous important qui réunit d’éminents esprits venus de divers horizons wallons et européens. À la suite de ce congrès, il est encore à l’origine du Centre culturel wallon (1956-1957) qu’il préside à l’instar de sa Commission de la Littérature dialectale. Auteur de la fameuse lettre que les élus socialistes wallons adressent au roi lors des événements de l’hiver ’60-’61, fondateur du Mouvement populaire wallon, où il exerce diverses responsabilités, il devient la personne-ressource dans la défense d’une « véritable autonomie culturelle au profit de la Wallonie, et de la reconnaissance d’une communauté wallonne et de son intégrité française ». À de multiples reprises, il défend l’idée que les trois chambres régionales (bruxelloise, flamande et wallonne) doivent chacune disposer des compétences culturelles et réclame l’établissement d’un ministère unique de l’Éducation et de la Culture placé sous la direction d’un ministre wallon, compétent en matière culturelle, d’enseignement et d’emploi des langues.

Sources

Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 433-434
Madeleine TYSSENS, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 8, p. 92-97

Mandats politiques

Conseiller communal de Chênée (1939-1970)
Échevin (1939-1941)
Bourgmestre (1941-1970)
Sénateur coopté (1946-1947)
Sénateur provincial (1958-1961)
Sénateur (1961-1965)