Onnou Alphonse

Culture, Musique

Dolhain 19/12/1893, Madison 29/11/1940

Violoniste virtuose, le jeune Verviétois Alphonse Onnou s’inscrit résolument dans les pas de ses illustres devanciers que furent François Prume, Henri Vieuxtemps et autres Guillaume Lekeu. Le quatuor à cordes qu’il forme à la veille de la Grande Guerre lui survivra : en 2013, le quatuor Pro Arte, qui aurait pu s’appeler Quatuor Onnou est fêté aux États-Unis à l’occasion de son centième anniversaire.

Issu d’un milieu modeste (son père était tailleur), formé à l’École de musique de Verviers (auprès de Louis Kefer et de Nicolas Fauconnier), Alphonse Onnou se révèle un violoniste hors pair ; le Prix Vieuxtemps le récompense, ainsi que la médaille de vermeil pour la musique de chambre (1911). Dès 1912, lorsqu’il fréquente le Conservatoire de Bruxelles (classe d’Alexandre Cornélis), il forme avec des condisciples un petit groupe de musiciens avec l’intention de défendre un répertoire de musique contemporaine. D’emblée, Onnou en est le premier violon. Il faudra quelques années avant que ne se mette en place définitivement le Quatuor Pro Arte, nom trouvé en 1917. La composition du groupe varie fortement en ces années de guerre et de reconstruction. Mais Onnou s’appuie très rapidement sur Laurent Halleux, un autre Verviétois, comme second violon. Fernand Quinet et Germain Prévost les rejoignent en 1919, avant que Quinet (Prix de Rome 1921) ne cède son siège à Robert Maas ; il s’agit du dernier changement significatif avant le succès remporté par le quatuor dans l’Entre-deux-Guerres.

Contraints au service militaire, les jeunes musiciens se produisent parfois sous le nom de Quatuor à Archets du 1er Régiment des Guides (1920-1921), mais une fois libérés de leurs obligations, les membres du quatuor ne vont plus cesser de se produire sous le nom Pro Arte, faisant connaître des compositeurs de leur époque (choix artistique d’Onnou), ou plus classiques (orientation de Halleux). Ils interprètent Schönberg, Berg, Roussel, Honegger, Absil… et reçoivent des compositions spécifiques de Bartok, Milhaud, Stravinsky, qui sont autant de témoignages de la qualité du groupe. Pendant un peu plus de dix ans, jusqu’au début des années 1930, Bruxelles est le lieu régulier des Concerts Pro Arte, mais, de plus en plus souvent, le quatuor est appelé à l’étranger. Parfois, Alphonse Onnou est invité à se produire en dehors du quatuor, avec son violon René Aërts, modèle Guadagnini ; mais il s’agit là d’exceptions pour ce virtuose doué d’une capacité de mémorisation peu commune.

Remarqué par Elizabeth Sprague Coolidge, une milliardaire américaine passionnée par la musique de chambre, le quatuor est invité aux États-Unis dès 1926 ; il se produit lors de l’inauguration de la salle de musique de la bibliothèque du Congrès, à Washington, puis régulièrement, grâce à sa mécène, il retourne en Amérique du Nord pour donner notamment les Concerts Pro Arte-Coolidge. À travers les États-Unis, les tournées du quatuor d’Onnou sont appréciées, mais fatigantes : en 1939, Robert Maas déclare forfait. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Onnou et ses compagnons musiciens (dont le violoncelliste anglais Warwick-Evans pour remplacer Maas) se trouvent aux États-Unis. Coincés Outre-Atlantique, ils décident de continuer à se produire sur place. Le responsable de l’Université du Wisconsin, leur offre l’hospitalité à Madison, sur le campus, en tant que « quatuor-en-résidence ».

Frappé d’une leucémie, aux États-Unis, en 1940, Onnou est le premier à disparaître. Il est remplacé par le catalan Antonio Brosa (1894-1979), formé à Barcelone à l’école verviétoise du violon par Mathieu Crickboom. Remplacés au fur et à mesure, les membres originels du quatuor (l’altiste Prévost est le dernier du groupe originel en 1947) cèdent la place à des Américains qui perpétuent durablement le Pro Arte Quartet of the University of Wisconsin puisque le quatuor fête ses cent ans d’existence en 2013, avant d’entreprendre une courte tournée en Wallonie et à Bruxelles. En 1944, Stravinsky écrit pour Germain Prevost l’Élégie pour alto solo qui se joue entièrement en sourdine, pour honorer la mémoire d’Alphonse Onnou le fondateur du Quatuor Pro Arte.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Jour Verviers du 02/05/2014, La Libre Culture du 21/05/2014
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 394
http://proartequartet.org/about.html (s.v. décembre 2014)
Anne VAN MALDEREN, Le quatuor Pro Arte (1912-1947), dans Revue de la Société liégeoise de musicologie, Liège, 2002, n°19, p. 25-45 sur http://popups.ulg.ac.be/1371-6735/index.php?id=480&file=1 (s.v. décembre 2014)
Anne VAN MALDEREN, Historique et réception des diverses formations Pro Arte (1912-1947) : apport au répertoire de la musique contemporaine, thèse, Louvain-la-Neuve, 2012, cfr http://dial.academielouvain.be/handle/boreal:114941 
https://welltempered.wordpress.com/tag/composer/   (s.v. décembre 2014)
Eric Walter WHITE, Stravinsky : A critical Survey 1882-1946, Toronto, 1997, p. 180