Heusy Paul

Culture, Littérature

Verviers 10/12/1834, Limeil-Brévannes (France) 22/11/1915

De brillantes études à l’Université de Liège confèrent à Alfred Guinotte le titre de docteur en Droit (1856), qui lui ouvre les portes du barreau de Liège. D’autres préoccupations motivent cependant le fils du négociant verviétois Henri-Guillaume Joseph Guinotte et de Marie-Anne Renand : la littérature et la politique dont il finit par faire la synthèse.

Fondée en 1854 avec le soutien du Grand Orient de Belgique, la Revue trimestrielle accueille ses premiers textes, deux nouvelles, Franz Brenner (1858), et Louise (1859). Éphémère directeur de la revue liégeoise La Belgique contemporaine (1861-1862), qu’il avait créée et où il côtoyait Thill Lorrain, Guinotte y publie surtout des chroniques politiques, où s’exprime son engagement social. Dans les années 1860, Guinotte préside la section de Liège de la Libre Pensée, et fait partie du comité de la Ligue de l’enseignement. Conférencier, consacrant son temps aux Cours populaires (il y présente notamment l’histoire de la Révolution française), l’avocat se met au service de la cause d’ouvriers arrêtés à la suite de manifestations. Son engagement politique mériterait d’être mieux connu car, en janvier 1870, lorsque la Ière Internationale ouvrière mobilise les ouvriers dans les rues de Liège, Guinotte figure parmi les orateurs, aux côtés notamment d’Eugène Hins et de Paul Janson, de Jean Fontaine, et des Verviétois Jamar et Larondelle. Il défend alors ouvertement le projet de créer, à côté de la Chambre des représentants, une « représentation exclusive des travailleurs », une assemblée composée de représentants élus au scrutin libre.

C’est chez son frère, Lucien, directeur de charbonnages dans le Hainaut, que l’auteur de la nouvelle Le mariage m’épouvante (1861) rencontre celle qui deviendra son épouse (1875), Laurence Le Hardy de Beaulieu, dont le père et le grand-père – le général Le Hardy, vicomte de Beaulieu, figure marquante de la Révolution de 1830 – vivent aux États-Unis.

Abandonnant ses fonctions d’avocat-conseil d’une industrie française située dans l’Hérault (1875-1876), Guinotte décide de se faire un nom dans la littérature. À Paris, où il s’installe, il survit en donnant quelques articles qu’il signe « Paul Heusy », en référence à sa région natale. Sur les conseils de Félicien Rops, il fréquente les milieux naturalistes et il parvient à faire paraître des nouvelles dans Le Réveil, puis La Marseillaise. Compilées, quatre nouvelles constituent son premier livre, Un coin de la vie de misère (Paris, 1878), qui s’avère un vrai succès littéraire, plusieurs fois réédité jusqu’au début du XXe siècle. Dédiés respectivement à Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Edmond de Goncourt et Émile Zola, les quatre récits ont pour personnage principal un ouvrier mineur de Liège (Antoine Mathieu), un berger solitaire de l’Hérault (Jean Benoît), une prostituée parisienne (La Fille de Jérôme) et une pauvresse du Parc Monceau (La Marchande de plaisirs). Il s’agit de la première œuvre de conception naturaliste à s’inscrire dans la littérature belge de langue française.

La reconnaissance parisienne lui ouvre les colonnes de plusieurs revues littéraires françaises, mais ce sera le seul livre que Guinotte parviendra à faire publier de son vivant. L’Histoire du peintre Eugène-Marie – histoire douloureuse d’un enfant adultérin –, sur lequel il travaille pendant quatre ans ne trouve pas d’éditeur. D’autres tentatives seront tout aussi vaines, si bien que le succès des chroniques très sociales qu’il fait paraître, de 1882 à 1883, dans le journal Radical, organe du Grand Orient de France, ne parvienne pas à satisfaire Guinotte.

À l’été 1883, il embarque sa famille et part pour la Floride. À l’invitation de son beau-père, il se lance alors dans la culture des oranges, entreprise qui ne lui sourit guère. Reprenant sa collaboration au Radical auquel il adresse des Lettres floridiennes (1886), il retourne à Paris. De 1887 à 1908, il est un rédacteur permanent du journal parisien auquel il livre près de 250 récits inspirés du carnet où il notait « les faits de la vie humble et de la vie haute ». Critique d’art, chroniqueur judiciaire, conteur, Paul Heusy a rangé son ambition d’écrivain, satisfait de vivre de sa plume de journaliste dont le style est davantage apprécié.

Il a 74 ans quand il accepte l’invitation de son épouse d’une nouvelle expérience américaine. Perdu dans le Minnesota, loin des amis du milieu parisien, il alimente quelques journaux du Vieux Continent en exprimant son amertume et son incompréhension de la vie américaine. Il décide alors de revenir à Paris, sans sa famille, à l’été 1913 ; il s’y attarde au point de ne pouvoir repartir en août 1914… À 80 ans, il remplace dans les salles de rédaction ses confrères envoyés au front. C’est un cancer qui l’emportera à l’hospice de Brévannes, fin 1915.

À l’initiative de Paul Delbouille, l’édition définitive d’Un coin de la vie de misère (1883) est réimprimée par l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique en 1942. Cinquante ans plus tard, la même Académie publie Gens des rues (1994), ouvrage où sont rassemblés 33 courts récits parmi les meilleurs de Paul Heusy.


Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse & https://www.belgicapress.be/ 
DELSEMME, Paul, Biographie nationale, t. 43, col. 463-472
DEFOSSE, Paul (dir.), Dictionnaire historique de la laïcité en Belgique, Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 162
Service de la Promotion des Lettres de la FWB, http://www.promotiondeslettres.cfwb.be/index.php?id=gensdesrueslesucrefilefigures 
Regards sur les lettres françaises de Belgique, Bruxelles, De Rache, 1976 

 

Principaux ouvrages

Franz Brenner (nouvelle, 1858)
Louise (nouvelle, 1859)
Le mariage m’épouvante (1861-1862, saynète)
Un coin de la vie de misère (recueil, 1878)
Gens des rues (recueil inédit, 1873)
Histoire du peintre Eugène-Marie (roman inédit)
Gens des rues (1994)

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Weyergans né Désiré Marcel Weyergans Franz

Culture, Littérature

Ougrée 27/04/1912, Ixelles 08/02/1974

Ce n’est pas au Barreau que cet avocat liégeois fait carrière, mais bien comme écrivain et journaliste. Les données concernant l’activité littéraire et journalistique de Franz Weyergans dont on dispose ne l’éloignent que très peu du portrait-type de l’écrivain-journaliste belge francophone, actif entre 1918 et 1960, que Björn-Olav Dozo a dressé, dans son étude de 2010. Selon le chercheur de l’Université de Liège, « […] l’écrivain-journaliste typique est de sexe masculin, […] exerce ([le plus souvent] une autre profession à un moment de sa vie, […] il fréquente les lieux de sociabilité littéraire, […] publie des romans, des essais, des nouvelles […], peu de poésie ou de contes, se fait publier à Paris […], ou, à défaut, à Bruxelles […]. S’il privilégie Paris pour la littérature, il travaille comme journaliste plutôt dans des quotidiens belges » (DOZO). Père de François Weyergans, Désiré Marcel Weyergans, connu en littérature sous le nom de Franz Weyergans, est l’un des deux personnages-clés du roman Franz et François publié par le fils-écrivain, en 1996.

Fils de forgeron, doté d’un esprit littéraire, Franz Weyergans fait ses humanités gréco-latines au Collège Saint-Servais de Liège, avant de faire son Droit à l’Université de la cité ardente. Proclamé « Docteur », il commence sa carrière au Barreau de Liège, avant de rejoindre, comme journaliste, l’Institut national de Radiodiffusion. Proche des milieux chrétiens conservateurs, il apporte sa contribution à la presse du mouvement politique rexiste au milieu des années 1930 (LANNEAU), ainsi qu’à la Revue des poètes catholiques.

Journaliste à Radio-Bruxelles de 1940 à une date qui nous est inconnue, éphémère critique littéraire à la revue Arc-en-Ciel qui est interdite par l’Occupant, Weyergans ne casse pas sa plume durant les années de guerre, sans pour autant soutenir le régime ; comme certains de ses confrères, il travaille au Secours d’hiver jusqu’à la Libération, sans que son attitude fasse l’objet de critiques ou de réprobation. Auteur catholique, Franz Weyergans n’aura de cesse, dans l’ensemble de ses écrits et comme plusieurs de ses contemporains, d’affirmer sa foi chrétienne et son attachement à la religion et d’y défendre ses valeurs, dans une époque en pleine mutation. Son premier ouvrage, Raisons de vivre, paru en 1941, est une « méditation lyrique » dans laquelle on retrouve les thèmes-phares de son œuvre, toute entière empreinte de piété : le mariage vu comme l’union sacrée entre un homme et une femme, la famille, la dénonciation de l’adultère et de l’onanisme, etc. Le moraliste poursuivra dans cette veine jusque dans les années 1960.

Si les écrivains catholiques ne reconnaissent guère la légitimité d’une littérature de fiction, force est de constater que plusieurs d’entre eux, pour acquérir une certaine légitimité dans le champ littéraire, s’y sont risqués. C’est le cas de Franz Weyergans. Après une première tentative aussi timide que discrète (Prairies, Paris, 1943), son roman Le bonheur à Venise (1958) est, par contre, fort remarqué en raison du cadre dans lequel il inscrit ses valeurs morales : celui qui est en effet aussi un critique de cinéma renommé situe une banale histoire d’adultère au cœur du festival de Venise. En 1968, L’opération pénètre le milieu médical, tandis que son quatrième et dernier roman, On dira cet hiver (1970) revient en Italie, en Toscane cette fois.

Sensible aux paroles de Jacques Leclercq, membre de la communauté catholique Capelle-aux-Champs – du nom du lieu-dit bruxellois où se réunit un groupe disciple de l’humanisme intégral de Jacques Maritain –, Weyergans est le directeur des éditions Pascal qui publient notamment deux ouvrages de Daniel-Rops, l’un consacré à Charles Péguy et l’autre à Ernest Psichari. Il est aussi le fondateur du mensuel Présence des livres et, de 1950 à 1969, il est un chroniqueur régulier de La Revue nouvelle où il publie des critiques littéraires sous son vrai nom, ainsi que ses critiques de cinéma sous le pseudonyme de Jacques Legay. Le cinéma est en effet son milieu, comme en témoignent ses critiques parues dans les revues Amis du film, Le Ligueur, Rivista del Cinematografo, Panorama chrétien et Ecclesie. Dans les années soixante, Franz Weyergans s’est aussi intéressé à la défense et à l’illustration de la langue française, à des fins pédagogiques, et s’est lancé, avec l’appui de photographes, dans la mise en valeur du patrimoine architectural de ses régions de prédilection, Liège et Bruxelles, ainsi que les béguinages, desquels selon lui « pourraient utilement s’inspirer les créateurs des mégalopoles modernes ».

Lauréat du Prix Victor Rossel pour L’opération (1968), l’écrivain a aussi reçu le Grand Prix catholique de littérature pour Les gens heureux (1957), le Prix des Scriptores catholici, première fédération bilingue d’écrivains catholiques, ainsi que le Prix de la Sabam pour l’ensemble de son œuvre. À deux reprises, son fils, François Weyergans, également écrivain, met son père au cœur de ses romans. En 1973, Le Pitre avait provoqué une rupture définie et irréconciliable entre le père et le fils. En 1996, en publiant Franz et François (1996), le fils « débauché » établit une sorte de dialogue post-mortem avec le père « conservateur, rigoriste et vertueux ». En procédant de la sorte, François imitait ce que Franz avait fait avec son propre père, quand il publia, en 1944, Raisons de vivre.

Sources

Georges-Henri DUMONT, dans Nouvelle Biographie nationale, t. V, p. 379-380
Cécile VANDERPELEN-DIAGRE, Écrire en Belgique sous le regard de Dieu, Complexe/CEGES, Bruxelles, 2004
Björn-Olav DOZO, « Portrait statistique de l’écrivain journaliste en Belgique francophone entre 1918 et 1960 », dans Textyles, n° 39, 2010, p. 123-146, en ligne sur http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/65991/1/dozo%20journalistes.pdf
Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. 3, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 427
Céline RASE, « Les ondes en uniforme. La propagande radiophonique allemande en Belgique occupée (1940-1944) », dans CHTP-BEG, n° 23, 2011, p. 126-127
Jacques LATOUR, 1940-1945. Godinne et les Godinnois mobilisés, occupés et libérés, Namur, Éditions namuroises, 2008, p. 136
Francis VANELDEREN, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. III, p. 106
Bibiane FRÉCHÉ, « La Double filiation des Weyergans », dans Murielle Lucie CLÉMENT et Sabine VAN WESEMAEL (dir.), Relations familiales dans les littératures française et francophone des XXe et XXIe siècles. La figure du père, L’Harmattan, 2008, p. 11
http://robertsteuckers.blogspot.be/2012/06/recension-le-travail-de-cecile.html
Catherine LANNEAU, L’idole brisée : la droite belge francophone et la crise morale de la France (1934-1938), p. 185 note 39 (sans référence)
« Entretien avec François Weyergans », dans La Revue nouvelle, 2005, p. 64

Œuvres principales

Raisons de vivre, essai (1941)
Le forgeron, essai (1942)
Prairies, roman (1943)
Lettres à un jeune vivant (1944)
Les gens heureux, essai (1957)
36 ballons (1954)
L’ours aimable, essai (1956)
Le bonheur à Venise, roman (1958)
Le père Pire et l’Europe du cœur, essai (1958)
La bibliothèque idéale des jeunes, essai (1960)
L’amour fidèle, essai (1960)
Apprendre à lire, essai (1961)
La prose française, choix de textes à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement secondaire : de Montaigne à Robbe-Grillet, essai (1963)
Mais oui, vous comprenez le cinéma, essai (1963)
Jeunes mariés, essai (1964)
Enfants de ma patience, essai (1964)
L’opération, roman (1968)
Mon amour dans l’île, essai (1968)
On dira cet hiver, roman (1970)
Comprendre le cinéma, essai (1970, réédition de Mais oui, vous comprenez le cinéma)
Liège (1971)
Béguinages de Belgique (1972)
La Grand-Place de Bruxelles (1974, éd. posthume)

Vierset Auguste

Culture, Journalisme, Littérature

Namur 12/12/1864, Knokke 04/10/1960

Professeur puis journaliste, également poète, chansonnier, essayiste et écrivain, Auguste Vierset laisse une œuvre abondante, en wallon et en français, ainsi que des études littéraires et des relations de voyage. Son parcours s’inscrit dans le mouvement littéraire que connaissent la Wallonie et Bruxelles dans le courant du dernier tiers du XIXe siècle. Dans la capitale, « le renouveau se prépare progressivement de 1870 à 1880, dans d’actives revues littéraires où l’on retrouve la présence agissante de Camille Lemonnier et la volonté de s’inscrire dans la ‘modernité’ ». Parmi ces revues, La Jeune Belgique joua un rôle prépondérant. Auguste Vierset y collabora dès les premières années.

Très tôt attiré par la dialectologie, il publie un Essai d’orthographe wallonne, en 1885, suivi, deux années plus tard, de Germain-wallon, une étude linguistique dans laquelle il relève les influences des parlers germains sur le wallon (surtout de Namur) ; vient ensuite Poètes wallons namurois (1888). Également poète d’inspiration parnassienne, séduit par « l’art pour l’art », Vierset écrit pour le théâtre, en vers, en prose, en wallon, en français ; ses pièces reçoivent un accueil chaleureux et sont souvent représentées. Dans ses romans comme dans ses pièces, l’auteur pratique une écriture simple, mais soignée et efficace.

Professeur aux écoles moyennes de Wavre et de Saint-Hubert jusqu’en 1892, Auguste Vierset se lance ensuite dans le journalisme, fréquentant les salles de presse de tendance libérale : il collabore à L’Express, puis devient secrétaire de rédaction à L’Indépendance belge et au Petit Bleu. Devenu directeur de celui-ci, en 1908, il intègre, en 1911, le Cabinet du bourgmestre Adolphe Max, puis de son successeur, une fonction qu’il ne cessera d’exercer qu’à sa retraite, en 1939.

Animateur, à Radio Bruxelles, de jeux radiophoniques, Auguste Vierset apporte sa contribution à plusieurs revues – Wallonia, L’Almanach wallon, La Défense wallonne, entre autres – et fait partie des collaborateurs wallons des premières années de La Jeune Belgique – avec notamment les frères Destrée, Fernand Séverin, Franz Mahutte ou encore Hector Chainaye. Engagé dans les milieux littéraires, Auguste Vierset est membre du Conseil d’administration de l’Association des Écrivains de Belgique et crée, en 1932, l’Association des Auteurs wallons du Brabant, qu’il préside, de 1936 à 1942. En 1929, le Prix Ernest Bouvier-Parvillez de l’Académie de Langue et de Littérature françaises lui est remis en hommage à sa longue activité littéraire.

Sources

François JACQUET-LADRIER (dir.), Dictionnaire biographique namurois, Wépion, Société royale Sambre-et-Meuse, 1999, p. 218
Jean-François POTELLE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1603
Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. 3, Duculot, Paris-Gembloux, 1988, p. 116-117 ; 171 ; 180-181 ; 378
Joseph HANSE, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. II, p. 393
Céline RASE, Les ondes en uniforme : la propagande de Radio Bruxelles en Belgique occupée (1940-1944), Namur, PUN, 2011, p. 259
Björn-Olav DOZO, « Portrait statistique de l’écrivain journaliste en Belgique francophone entre 1918 et 1960 », dans Textyles, 39, 2010, en ligne sur http://textyles.revues.org/111 (s.v. février 2016).

Œuvres principales

Essai d’orthographe wallonne, essai (1885)
Germain-wallon, essai (1887)
Poètes wallons namurois, essai (1888)
Prima donna, théâtre, adaptation en dialecte liégeois d’une comédie en trois actes (1900)
Marguerite Van de Wiele, essai (1910)
Franz Mahuttei, essai (1911)
Le coffret, théâtre, comédie en un acte (1912)
Gustave Vanzype, étude (1914)
La gageure, théâtre, comédie en trois actes (1920)
La victoire de Pilou, récit (1922)
A la recherche de l’amour, roman (1926)
Lucette, théâtre, comédie en un acte (1931)
Mes souvenirs sur l’occupation allemande en Belgique, mémoires (1932)
De Venise à Gênes, carnet de voyages (1934)
L’opinion publique, théâtre, comédie en trois actes (1936)
La perle, théâtre, comédie en un acte (1925)
La fleur d’Aloès, roman (1929)
On mirauque, théâtre, comédie en un acte (1937)
L’île parfumée, essai (1937)
Trois écrivains belges : Louis Delattre, George Garnir, James Vandrunen, essai (1948)
Fleurs di Mesquène, théâtre, comédie en un acte (s. d.)

Vaneigem Raoul

Culture, Littérature

Lessines 21/03/1934

Écrivain-philosophe libertaire, témoin privilégié des grèves de l’hiver 60 et l’un des principaux membres, avec Guy Debord, de l’Internationale situationniste, soixante-huitard, Raoul Vaneigem est l’une des principales figures contestataires de la seconde moitié du XXe siècle. Il reste encore actuellement une figure contestataire et publie régulièrement des libelles (contre la société marchande, notamment). Hédoniste, il est l’inventeur du célèbre slogan « jouir sans entraves » qui ornait de nombreux murs parisiens, en mai 68.

Fils de cheminot, Raoul Vaneigem est, dès son enfance, baigné dans un environnement ouvrier socialiste, radicalement anticlérical. Membre des Faucons rouges, aux réunions desquels il se rend chaque semaine, il fait sa scolarité à l’École moyenne de Lessines, avant de rejoindre l’Athénée d’Ath, à partir de 1948. Étudiant en Philologie romane de l’ULB (1952-1956), il est l’auteur d’un mémoire de licence – d’abord refusé pour outrances – sur Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, auteur des Chants de Maldoror

Professeur à l’École normale de Nivelles (1956-1964) avant de vivre de sa plume, il est en contact avec le sociologue Guy Lefebvre, dont il suit les cours, à Nanterre (1957-58). Il rencontre aussi Guy Debord, au début de l’année 1961, alors qu’il soutient activement les grèves contre la Loi unique. Il adhère à l’Internationale situationniste, mouvement et revue révolutionnaire, qui promeut de « vivre sans temps mort [et de] jouir sans entrave ».

En 1967, paraît son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations – qui inspire les slogans les plus percutants de Mai 68. Critique radicale de la vie quotidienne et du capitalisme marchand, son ouvrage débute par ce slogan, au cœur des événements de 68 : « Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui ». Fervent défenseur de la vie sur la survie, il démissionne, en 1970, de l’Internationale situationniste et ne revoit jamais Guy Debord.

Amoureux de Dante, de Nerval et de Rabelais, chercheur et érudit, Raoul Vaneigem livre également un important travail sur les hérésies et la résistance au christianisme et tente de démontrer que l’esprit de liberté et de jouissance, l’écoute des désirs profonds, se rencontrent déjà dans le mouvement du Libre-Esprit répandu à travers l’Europe à partir du XIIe siècle. Auteur reconnu quoique très discret – il ne donne pas d’interview –, il est récompensé par le Prix quinquennal de l’essai de la Communauté française pour Adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l’opportunité de s’en défaire (1990). En 2014, le livre d’entretiens qu’il publie avec Gérard Berréby revient sur son parcours au sein de l’Internationale situationniste, à l’occasion des vingt ans de la mort de son fondateur, Guy Debord.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, Le Soir, 21 avril 1993, 24 novembre 1999, 25 avril 2008
http://www.zones-subversives.com/2015/02/raoul-vaneigem-et-les-situationnistes-2.html
http://www.larevuedesressources.org/_raoul-vaneigem,1934_.html
http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/raoul-vaneigem-le-visionnaire-140366
Libération, http://www.liberation.fr/portrait/1996/11/12/un-situ-sans-citer_188747 (s.v. janvier 2016)

Œuvres principales

Isidore Ducasse et le comte de Lautréamont dans les poésies (1956)
Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations (1967)
Pour la révolution (Terrorisme ou révolution) (1972)
De la grève sauvage à l’autogestion généralisée (1974)
Histoire désinvolte du surréalisme (1976)
Le Livre des plaisirs (1979)
Le mouvement du Libre-Esprit (1986)
Adresse aux vivants sur la mort qui les gouverne et l’opportunité de s’en défaire (1990)
La résistance au christianisme (1993)
Les Hérésies (1994)
Banalités de base (1995)
Avertissement aux écoliers et lycéens (1995)
Nous qui désirons sans fin (1996)
La paresse (1996)
Pour une internationale du genre humain (1999)
De l’inhumanité de la religion (2000)
Déclaration universelle des droits de l'être humain. De la souveraineté de la vie comme dépassement des droits de l’homme (2001)
Pour une internationale du genre humain (2001)
L’ère des créateurs (2002)
Pour l’abolition de la société marchande pour une société vivante (2002)
Salut à Rabelais ! Une lecture au présent (2003)
Rien n’est sacré, tout peut se dire (2003)
Le Chevalier, la Dame, le Diable et la mort (2003)
Modestes propositions aux grévistes (2004)
Voyage à Oarystis, roman (2005)
Journal imaginaire (2005)
Entre le deuil du monde et la joie de vivre (2008)
Ni pardon, ni talion (2009)
De l’amour (2010)
L’État n’est plus rien, soyons tout (2010)
Unions mixtes, mariages libres et noces barbares (2010)
Lettre à mes enfants et aux enfants du monde à venir (2012)
Le cueilleur de mots (2012)
Rien n’est fini, tout commence (2014)

© Jean-Luc Geoffroy

Vandromme Pol

Culture, Littérature

Gilly 12/03/1927, Loverval 28/05/2009

Journaliste, écrivain, essayiste, critique littéraire, pamphlétaire, Pol Vandromme laisse une œuvre abondante – une cinquantaine de livres et des centaines d’articles et d’éditoriaux – touchant à tous les styles, à presque tous les genres et tous les sujets. Malgré une renommée qui dépassa les frontières, il est resté fidèle à sa région natale qu’il ne quitta jamais. Il lui consacre, ainsi qu’à ses écrivains, plusieurs ouvrages, parmi lesquels Georges Simenon (1962) ou encore Hergé, dans Le monde de Tintin (1959). Il développe également une vision de la Wallonie s’inscrivant souvent à contre-courant.

« Citoyen de littéraire française », comme il se définit, écrivain dans le sillage des hussards, il consacre plusieurs écrits à ceux-ci, notamment à Roger Nimier (1977). Éditorialiste politique et chroniqueur littéraire entré en journalisme à la Libération, il est l’auteur de milliers d’articles, notamment dans le journal Le Rappel, établi à Charleroi, où il est tour à tour journaliste, rédacteur en chef, puis directeur. Auteur de La droite buissonnière (1960), Céline & Cie (1996), Malraux. Du farfelu au mirobolant (1996), il ne cache pas ses sympathies pour des écrivains tels que Céline ou encore Léon Daudet, et leurs idées. Esprit tranchant, auteur de libelles et de pamphlets, il jetait un regard circonspect sur l’évolution institutionnelle de la Belgique : La Belgique francophone (1980), Les gribouilles du repli wallon (1983), Wallonie irréelle (1986), Lettres du Nord. L’apport de la Belgique à la littérature française (1990), Une mémoire de Wallonie (1996), ou encore La singularité d’être Wallon (2002), qui précède sa lecture de Destrée : la Lettre au roi (2003). Dans une critique violente (1983), il dénonce le Manifeste pour la culture wallonne, qu’il définit comme une apologie « de l’art totalitaire, de la culture de masse, du réalisme socialiste ».

Prix Charles Plisnier 1966, pour son essai sur Jean Anouilh, il reçut notamment le Grand Prix de la Critique de l’Académie française 1982, le Prix Emmanuel-Vossaert de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique pour son essai Le pays de la terre noire (1980) et le Grand Prix du Rayonnement français, en 1984. Lauréat du Prix Francophonie de l’Union des Éditeurs de langue française (1991), il est également récompensé, pour son « indépendance » et ses « qualités d’écriture », du Prix de la meilleure critique littéraire de l’année 1996.
En 2015, à titre posthume, paraît un recueil d’articles critiques, Une indifférence de rébellion, avec « des évocations du Château du Rœulx, du carnaval de Binche, de Tournai la "Bruges hennuyères", […] de Liège avec ses autochtones à "la tête près du bonnet avec des susceptibilités roides mais brèves" ».

Sources

Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. 1 : Le roman, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 172
Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Ibid., t. 3 : L’essai, p. 449
http://www.promotiondeslettres.cfwb.be/index.php?id=vandrommebelgiqueladescente
Le Carnet et les instants, http://le-carnet-et-les-instants.net/2016/01/13/vandromme-une-indifference-de-rebellion/
https://www.servicedulivre.be/Auteur/vandromme-pol
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2009/07/06/paul-vandromme-essayiste-et-critique-litteraire-belge_1215810_3382.html?xtmc=vandromme&xtcr=6
http://www.lefigaro.fr/livres/2009/06/04/03005-20090604ARTFIG00505-pol-vandromme-passeur-des-lettres-.php
Revue célinienne, 1979, publié sur http://louisferdinandceline.free.fr/indexthe/entretien_avec_pol_vandromme.htm
http://www.loverval.be/10-BIBLIOTHEQUE/04-auteurs-lovervalois/Vandromme.htm

Œuvres principales

Robert Brasillach, l’homme et l’œuvre (1956)
La politique littéraire de François Mauriac (1957)
Drieu La Rochelle (1958)
Le monde de Tintin (1959)
La droite buissonnière (1960)
Un été acide (1961)
Les tempêtes de Mars (1961)
Georges Simenon (1962)
Jean Anouilh, un auteur et ses personnages (1965)
Roger Nimier (1977)
Charleroi 1940-1945 (1979)
La Belgique francophone (1980)
La terre tenue de Dieu et du soleil (1980)
Le pays de la terre noire (1980)
Les gribouilles du repli wallon (1983)
Les fumées de la Sambre (1985)
Wallonie irréelle (1986)
Lettres du Nord. L’apport de la Belgique à la littérature française (1990)
Journal de lectures (1991)
Jours d’avant (1993)
Depuis le temps… (1995)
Une mémoire de Wallonie (1996)
Céline & Cie (1996)
Malraux. Du farfelu au mirobolant (1996)
La singularité d’être Wallon (2002)
Destrée : la Lettre au roi (2003)
L’humeur des lettres (2005)
Bivouacs d’un hussard (2007)
Vagabondages (2007)
Belgique : la descente au tombeau (2008)
Une famille d’écrivains (2009)
Une indifférence de rébellion (2015)

Vandercammen Edmond

Culture, Littérature

Ohain 08/01/1901, Uccle 05/05/1980

Attaché à son village natal d’Ohain, dont il fréquenta l’école communale et où il connut Robert Goffin son contemporain, Edmond Vandercammen achève sa formation d’instituteur à l’École normale de Nivelles (1916-1919), malgré la Première Guerre mondiale. Nommé à Ixelles en 1920, l’enseignant parfait sa formation en suivant les cours de psychopédagogie à l'Université libre de Bruxelles, tout en cultivant une fibre artistique multiforme. À l'académie des Beaux-Arts, il apprend la peinture et le dessin ; dans le même temps, il se fait écrivain. En 1924, paraît Hantise et désirs, qu’il reniera par la suite, mais qui reste le premier d’une vingtaine d’ouvrages que clôture, en 1981, le recueil (posthume) Ce temps que j'interroge. S’y ajoutent de nombreux textes espagnols et sud-américains que Vandercammen a traduits par goût pour la culture espagnole qu’il a découverte lors d’un voyage en 1931 avec Plisnier et Ayguesparse.

De son enfance à Ohain, Edmond Vandercammen a conservé un souvenir émerveillé des paysages brabançons qui inspirent sans conteste son œuvre. Les bois ou la campagne où il aimait à se promener régulièrement au départ de sa petite maison blanche du chemin de l’Alouette, se retrouvent dans son écriture comme dans sa peinture. Parmi les dizaines de tableaux qu’il a signés, de nombreuses gouaches représentent son cher Brabant. Installé à Bruxelles où l’a conduit son métier d’instituteur, cet ami de Plisnier et d’Ayguesparse, de Pierre Bourgeois et de Pierre-Louis Flouquet, découvre de nombreux courants artistiques, s’adonne surtout à la peinture, rencontre Anne de Koning, jeune institutrice, dessinatrice qui illustrera plusieurs des ouvrages de celui qui devient son mari en 1925.

Vandercammen connaît alors la tentation surréaliste, mais la politique l’intéresse moins que la métrique qu’il privilégie pour exprimer le bonheur de l'homme et de la terre, ainsi que le sentiment d’inquiétude. S’il « reste attentif au Front littéraire de Gauche et au Mouvement des écrivains prolétariens dont il signe le Manifeste publié dans Le Monde » (BROGNIET), il se consacre davantage au Journal des Poètes, dont il est l’un des fondateurs avec Pierre Bourgeois, Maurice Carême, Georges Linze et Norge (1930) et fait paraître son premier recueil de poésies : Innocence des solitudes (1931). Deux ans plus tard, le Prix Verhaeren lui est décerné pour son recueil Le sommeil du laboureur. Attiré par le monde hispanique, il traduit des poètes et écrivains espagnols et latinos, tout en voyageant au Mexique, à Cuba et en Amérique latine. En 1939, il fait paraître une Anthologie de la poésie espagnole contemporaine.

Délibérément muet durant la Seconde Guerre mondiale, Vandercammen se rattrape après la Libération, continuant à alterner traductions et œuvres personnelles. En 1952, alors qu’il reçoit le Grand Prix triennal de Poésie pour La Porte sans mémoire, il est élu membre de l'Académie de Langue et de Littérature françaises, dite Académie Destrée. Cosignataire de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin 1976), destinée à dénoncer l'extrême lenteur mise dans l'application de l'article 107 quater de la Constitution et à réclamer un fédéralisme fondé sur trois Régions (Bruxelles, Flandre et Wallonie), le poète a vu son œuvre couronnée en 1979 par le Grand Prix des Biennales internationales de la poésie.

Sources

Jean-Luc WAUTHIER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VIII, p. 368-370
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
https://www.servicedulivre.be/Auteur/vandercammen-edmond
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 53, 104 ; t. IV, p. 238
Marginales, numéro spécial Edmond Vandercamme, 1958

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Tirtiaux Bernard

Culture, Littérature, Poésie, Sculpture

Martinrou (Fleurus) 11/04/1951

Verrier et sculpteur, écrivain, poète et comédien, Bernard Tirtiaux fait partie de ses artistes qui contribuent, par leurs talents multiples, au rayonnement international de la Wallonie.

Après des humanités gréco-latines à l’École abbatiale de Maredsous, Bernard Tirtiaux commence des études de Droit à Louvain, en même temps qu’il suit des cours de dessin, peinture et gravure à l’Académie des Beaux-Arts louvaniste. Attiré par tous les domaines artistiques dès l’enfance, il quitte la ville universitaire pour apprendre le métier de verrier, à l’Institut supérieur artistique de la Cambre, à Bruxelles, où il passe un an, avant de gagner la France pour poursuivre sa formation dans l’art du vitrail dans divers ateliers. Très remarqué, il reçoit ses premières commandes – une verrière pour le château de Couzeix, près de Limoges, à la demande des Monuments historiques du Limousin, les vitraux de la synagogue de Livry-Gargan, près de Paris – et expose ses propres œuvres, à Paris, au Salon des artisans d’art.

Reprenant la ferme familiale de Martinrou (1975), il y installe son atelier. La carrière du verrier Tirtiaux est en train de prendre son envol : il est sollicité dans le Hainaut, à Bruxelles, mais aussi à l’étranger – en Suisse, notamment, où il réalise des grands vitraux pour des bâtiments privés. Sélectionné pour le Prix Jules et Marie Destrée au musée du Verre de Charleroi (1984), il manie le verre et l’allie à d’autres matières telles que l’inox. Représentant de la Wallonie à l’étranger, il participe à l’exposition « Art verrier en Wallonie, de 1802 à nos jours », qui se tient à Paris, à l’automne 1985, avant d’être présentée dans les principales villes wallonnes, ainsi qu’au Québec et en Finlande.

Amateur de l’art pour l’art, Bernard Tirtiaux se lance d’autres défis quand il crée, en 1981, les asbl la Ferme de Martinrou – dont l’ambition est la promotion des arts et de la culture – et la Compagnie du Banc public qui monte ses propres créations. C’est là que William Dunker connaîtra ses premiers succès. Mais il s’agit surtout pour Bernard Tirtiaux de donner libre cours à sa passion pour le théâtre, une passion qu’il s’est découverte alors qu’il était sur les bancs de l’université. Sa première pièce, La profanation, co-écrite avec son frère, l’écrivain François-Emmanuel Tirtiaux, remonte à 1972. La ferme de Martinrou présente des adaptations et des créations de tous les styles – spectacles pour enfants, chansons, cabarets, etc. – en même temps qu’y sont aussi organisés des stages créatifs. Scénographe et metteur en scène, Bernard Tirtiaux construit de nombreux décors, notamment pour ses propres spectacles, et monte diverses pièces, notamment Scène de méninges, de et avec Bruno Coppens.

Autre défi, Bernard Tirtiaux s’intéresse à l’intégration du verre dans l’architecture. En 1996, il implante une Cathédrale des lumières, au centre de l’Europe des quinze à Viroinval. Durant les années 2000, il se consacre davantage à son activité de sculpteur et enchaine les expositions (Château du Val Saint-Lambert, 2001 ; Oupeye, 2002 ; Artyp, 2002, 2003 et 2004 ; Écuries de Waterloo, 2004 ; Abbaye de Stavelot, 2005 ; Louvain-la-Neuve, 2006, etc.).

Dramaturge, poète et chansonnier – il a notamment sorti un album, Entre le ciel et l’ombre (1994) – Bernard Tirtiaux se fait également romancier, un genre dans lequel il se lance, en 1993, quand il publie Le passeur de lumière, l’histoire d’un orfèvre chassepierrois, parti en Orient « chercher le secret des couleurs et de l’art d’appréhender la lumière dans les vitraux ». Consacré Livre de l’été à Metz, il reçoit aussi le Prix Lire Élire et le Prix des lycéens 1995, qui est décerné par un jury d’étudiants de dernière année du secondaire de part et d’autre de la frontière franco-belge. Artiste tout terrain, Bernard Tirtiaux ne s’arrête pas en si bon chemin et publie Les sept couleurs du vent, récompensé du Prix littéraire du Quartier latin, du Prix Relay, du Prix des Auditeurs de la RTBf et du Prix de la Bibliothèque centrale du Hainaut. En 2015, il publie son septième roman, Noël en décembre.

Sources

http://www.bernard-tirtiaux.be/
http://www.kerditions.eu/bernard-tirtiaux/
http://www.bon-a-tirer.com/auteurs/tirtiaux.html (s.v. janvier 2016)

Œuvres principales

La loge, théâtre (1981)
Vitraux du casino de Namur (première série en 1986)
Vitraux pour l’église Saint-Remi de Montignies-sur-Sambre (s. d.)
Vitraux de la chapelle Notre-Dame de Grâce de Gosselies (1987)
Westerbork 43, théâtre (1991)
Vitraux de la chapelle de la Colline de Penuel à Mont-Saint-Guibert (décembre 1992)
Le passeur de lumière, roman (1993)
Entre le ciel et l’ombre, chansons (1994)
Les sept couleurs du vent, roman (1995)
Parole de pierre, théâtre (1996)
Cathédrale de lumière, œuvre en verre, Viroinval (1996)
Rosace pour la chapelle de Martinrou (1998)
Le puisatier des abîmes, roman (1998)
Vitraux pour le Château du Val Saint-Lambert (1999)
Vitraux pour l’église d'Esquelmes (2000)
Vol d’éternité, théâtre (2000)
Sculptures de verre pour le Château du Val Saint-Lambert (2001)
Vol d’éternité, roman (2001)
Aubertin d’Avalon, roman (2002)
Pitié pour le mal, roman (2006)
Murs en lames de verre et auvent-voilure pour l’espace-santé de Malmedy (2008)
Lueurs, poèmes (2011)
Prélude de cristal, roman (2011)
Noël en décembre, roman (2015)
L'ombre portée, roman (2019)

Thinès Georges

Culture, Littérature

Liège 10/02/1923, Court-Saint-Etienne 25/10/2016

Homme de sciences, docteur en psychologie, éthologue, professeur d’université et musicien, Georges Thinès, cet « athlète complet du cerveau », comme le définissent certains de ses amis, a mené de front plusieurs carrières. Également poète, essayiste, nouvelliste et romancier, il est un auteur prolifique, dont les écrits, scientifiques comme littéraires, ont largement été récompensés.

Fils d’un ingénieur des mines, qui l’emmène lors de ses déplacements professionnels dans les charbonnages de Campine, Georges Thinès fait sa scolarité au Collège de Visé, où il se découvre une passion pour le monde romain. Pris dans le tumulte de la Seconde Guerre mondiale, il s’engage comme volontaire de guerre à la Royal Navy (1944-1946), où il obtient le grade de lieutenant de vaisseau de première classe. 

La guerre terminée, il entreprend des études de Psychologie à l’Université catholique de Louvain. Chercheur FNRS (1953), docteur en Psychologie (1955), Georges Thinès mène des recherches sur le comportement animal et fait des séjours prolongés aux universités d’Utrecht et de Cologne. Homme de sciences reconnu internationalement – professeur visiteur à l’Université Lovanium (1956), maître de conférence à l’Université de Nimègue, où il enseigne la Psychologie comparée (1961-1969), professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain à partir de 1963 – il s’intéresse également à la Philosophie et a obtenu un bachelier dans cette matière (1957).

En 1962, il publie son premier ouvrage scientifique, Théorie de la causalité perceptive. Fondateur (1966) et directeur du Centre de Psychologie expérimentale et comparée de l’Université catholique de Louvain et de la Faculté de Psychologie, l’année suivante, il devient le doyen de celle-ci, jusqu’en 1972, durant la période du Walen buiten.

À côté de cette brillante carrière scientifique, qui sera couronnée par le Prix Francqui (1971), et de la rédaction de nombreux articles de revue et d’ouvrages sur les questions de psychologie expérimentale, d’anthropologie philosophique et d’éthologie, Georges Thinès s’est essayé, avec succès, à l’exercice de la littérature – de la poésie, d’abord – avec la publication d’un premier recueil, en 1959, dans l’esprit de Valery. Abordant tous les genres, il est aussi l’auteur de romans, dont le premier, Les effigies, sorti en 1970, « mêle autobiographie et réflexion sur le temps, un des thèmes majeurs de toute l’œuvre à venir ». Le tramway des officiers est couronné par le Prix Rossel 1973. Également nouvelliste – citons L’homme troué (1981) – et auteur de théâtre, il reçoit le Prix Bernheim pour l’ensemble de son œuvre, en 1992.

Passionné de musique, violoniste, Georges Thinès est le fondateur, avec Huyskens, de l’Orchestre symphonique de l’Université catholique de Louvain, dans lequel il occupe la place de premier violon.

Professeur visiteur au Collège de France (1989), fondateur de deux revues internationales, le Journal of Phenomenological Psychology et Behavioural Processes, dont il est le rédacteur en chef, Georges Thinès est membre de nombreuses institutions de prestige, qui en disent long sur ses domaines de prédilection. Membre de l’Académie de Belgique, classe des Sciences, et de l’Académie de Langue et de Littératures françaises, depuis 1978, où il succède à Marcel Thiry, membre correspondant du musée d’Histoire naturelle de Paris, il est également membre du Comité de la Maison internationale de la Poésie à Bruxelles. 

Admis à l’éméritat, en 1988, Georges Thinès dirige la fondation Jean-Marie Delwart, qui attribue des aides à la recherche en Éthologie. Par ailleurs, en 1976, il est l’un des 143 signataires de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin), destinée à dénoncer l’extrême lenteur mise dans l’application de l’article 107 quater de la Constitution ; il plaide ainsi en faveur d’un fédéralisme fondé sur trois Régions : Bruxelles, Flandre et Wallonie.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée
Francis VANELDEREN, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. III, p. 108
http://www.arllfb.be/composition/membres/thines.html

Œuvres principales

Poésies, poésie (1959)
Théorie de la causalité perceptive, essai (1962)
Psychologie des animaux, essai (1966)
La problématique de la psychologie, essai (1968)
L’aporie suivi de Stèle pour Valéry, poésie (1968)
L’évolution régressive des poissons cavernicoles et abyssaux, essai (1969)
Les effigies, roman (1970)
Atlas de la vie souterraine, avec R. Tercafs, essai (1972)
Orphée invisible, théâtre (1974)
Le tramway des officiers, roman (1974)
Dictionnaire général des sciences humaines (1975)
L’œil de fer, roman (1977)
Phenomenology and the sciences of behaviour, essai (1977)
Les Objets vous trouveront, récits (1979) 
Phénoménologie et science du comportement, essai (1980)
La bibliothèque du château, dans Il était douze fois Liège, récits (1980)
L’homme troué, nouvelles (1981)
Les Vacances de Rocroi, roman (1982) 
Théorèmes pour un Faust, poésie (1983)
La statue du lecteur, poésie (1984)
Logos l’absent, poésie (1986)
Le désert d’Alun, récit (1986)
Le quatuor silencieux, nouvelles (1987)
Le mythe de Faust et la dialectique du temps, essai (1989)
Les cités interdites, poésie (1990)
Existence et subjectivité, essai (1991)
La succursale, théâtre (1991)
L’horloge parlante, théâtre (1991)
L’amour aveugle, nouvelles (1993)
La face cachée, roman (1994)
Gémonies, poésie (1995)
Astaroth l’androgyne, poésie (1996)
L’imperfection, poésie (1996)
Janus, poésie (1996)
Connaissance de l’Érèbe, poésie (1997)
La leçon interrompue, récit (1998)
Laurel et Hardy ou les miroirs déformants, essai (1998)
L’exil imprononcé, poésie (1999)
Eros simulacre, poésie (2000)
Poésie Bruxelles 2000, avec André Doms, anthologie (2000)
Le songe de Thucydide, récit (2001)
Victor Hugo et la vision du futur, essai (2002)
Voix d’Ovide en sa première mort, poésie (2003)
Le voyageur lacunaire, nouvelles (2003)
Rimbaud maître du feu, essai (2004)
Textes contextes, étude (2004)
Chants séculaires, avec André Doms, essai (2005)
Madame Küppen et l’autre monde, roman (2007)
André Doms entre épopée et lyrisme, avec Pierre Rommée (2008)

Swennen René

Culture, Littérature, Militantisme wallon

Jemeppe-sur-Meuse 05/01/1942, Liège 31/01/2017

Avocat, romancier, écrivain engagé, René Swennen est un partisan déclaré d’un avenir meilleur pour la Wallonie au sein de la République française. Identifiant une série de symptômes qui conduisent à la fin de la Belgique, il invite ses contemporains à réfléchir sérieusement à leur devenir, de manière autonome ou dans le cadre de la France. Pour sa part, il est partisan du rattachement de la Wallonie à la France, après une négociation juridique entre la Région Wallonie d’une part, la France et l’Union européenne d’autre part.

Docteur en Droit de l’Université de Liège (1965), cet étudiant de la génération d’Antoine Duquesne, Jean-Maurice Dehousse, Urbain Destrée et autre Jean Gol s’inscrit comme avocat au barreau de Liège et arrive à la revendication wallonne par d’autres chemins que ses condisciples, émules, de près ou de loin du professeur François Perin. En 1980, alors que la première phase de la régionalisation a été péniblement acquise, dix ans après l’inscription de l’article 107 quater dans la Constitution, l’avocat publie à Paris un ouvrage politique, Belgique requiem, qui provoque des remous dans l’opinion. Établissant le constat de la dislocation inéluctable de la Belgique, dans un avenir qu’il estime proche, il explique pourquoi il est sérieux de plaider en faveur du rattachement de la Wallonie à la France. En 38 petites histoires, classées alphabétiquement par mots-clés, il dissèque un être étrange, « le Belge, cette anomalie historique qu’a tuée le nationalisme flamand ». Essai politique pour les uns, pamphlet pour les autres, cet opus aura deux suites, en 1999 et 2009, sous-titrées suite et fin ?, dans lesquels l’auteur analyse les situations politiques du moment et confirme son choix, en regrettant le temps perdu en atermoiements et en affaiblissement de la Wallonie.

Quittant l’indépendantisme wallon des années 1970-1980 (Front démocratique wallon, Indépendance-Wallonie et Front pour l’Indépendance de la Wallonie) pour embrasser la cause du rattachement à la France dès 1986, René Swennen est l’un des auteurs et signataires d’un mémorandum du Mouvement wallon pour le retour à la France (1989), texte qui servira de base au Manifeste sur la Wallonie française (avril 1990). Pour défendre ses idées, il se présente régulièrement comme candidat lors des élections régionales et fédérales, depuis les années 1990, notamment sur les listes du Rassemblement-Wallonie-France.

Au-delà des idées politiques qu’il défend, l’ouvrage Belgique requiem vaut par la qualité de son écriture. Il n’est dès lors pas étonnant de retrouver René Swennen parmi les écrivains wallons de la fin du XXe siècle et du début du troisième millénaire. À ses activités d’avocat et de militant rattachiste, René Swennen ajoute en effet une passion pour le roman historique. Entreprenant systématiquement un impressionnant travail de recherche dans le passé, l’écrivain inscrit résolument ses récits dans la grande histoire et veille à ce que ses fictions la transcendent : en témoignent Dom Sébastien, roi du Portugal (1979), Palais-Royal (1983), La Nouvelle Athènes (1985), Les Trois Frères (Grasset, 1987), Le Roman du linceul (Gallimard, 1991), Le Soleil et le Mousquetaire, suivi de La Nuit de la Saint-Nicolas (1999), Cinq nô occidentaux (1999), La Disparition de John (2008), L’Ombre de Palerme (2012). Le Prix Rossel a récompensé Swennen, en 1987, pour ses Trois frères. En 1988, il a reçu le Prix des Quatre Jurys.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Centre d’Histoire de la Wallonie et du Mouvement wallon, projet Encyclopédie 2000
https://www.servicedulivre.be/Auteur/swennen-ren%C3%A9

 

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Santocono Girolamo

Culture, Littérature

Enna (Sicile) 08/05/1950

Redécouverte du local, expression de la sensibilité, affirmation du moi, exploitation de la mémoire, ces thèmes sont autant de signes révélateurs d’un nouveau mouvement, perceptible dans les lettres wallonnes et dans d’autres formes d’art, à partir des années 1960, dans lequel « l’apport italien […] est loin d’être négligeable ». En témoigne l’écrivain et animateur culturel Girolamo Santocono, installé dans le Borinage depuis son plus jeune âge.

Originaire d’un petit village sicilien, « qui a exporté les trois quarts de sa population en Belgique et aux États-Unis », Girolamo Santocono et sa mère débarquent dans le Hainaut, à Morlanwelz, en 1953. Venus rejoindre le père de « Toni », qui, depuis 1951, travaille dans les mines de la région du centre, en vertu de l’accord belgo-italien de 1946 « Des hommes contre du charbon », ils vivent à L’Étoile, un quartier de Morlanwelz composé d’anciens camps de prisonniers de guerre, initialement destinés aux allemands, et recyclés en logements pour les immigrés italiens. Ils emménagent ensuite dans la rue de l’église, dans laquelle résident exclusivement des familles  italiennes. Étudiant à l’athénée de Morlanwelz où l’un de ses professeurs se nomme Jean Louvet, Girolamo Santocono étudie ensuite la Sociologie à l’Université libre de Bruxelles. Son diplôme en poche, il s’essaie dans divers registres, notamment ceux de la chanson et de la musique, avant de travailler dans le secteur socio-culturel.

Arrivé tardivement à l’écriture, c’est la préparation d’une émission de radio au cours de laquelle il raconte ses souvenirs d’enfance, qui lui inspire son premier roman, Rue des Italiens (1986), qui sera récompensé du Prix Charles Plisnier 1987. Girolamo Santocono relate sa propre enfance – l’installation des Italiens dans les régions minières de Wallonie, dans les années 1950 –, témoignage des conditions de vie de ces populations et de leur accueil et de leur intégration plus ou moins difficile. Ses origines, le milieu italien immigré, la région des charbonnages, sont également traités dans son deuxième roman, Dinddra, publié en 1998.

Directeur-animateur du centre culturel de Chapelle-lez-Herlaimont, Girolamo Santocono met un point d’honneur à proposer une programmation éclectique visant à « montrer des artistes qui font évoluer le monde ». Engagé, il aime aller à la rencontre des jeunes dans les écoles, leur expliquer son travail d’écrivain, les amener à s’exprimer sur le monde. À la fin de l’année 2015, Girolamo Santocono a laissé sa place à la direction du centre culturel de Chapelle-lez-Herlaimont.

Sources

Annamaria LASERRA (dir.), Album Belgique, Bruxelles [etc.], PIE-Peter Lang, 2010, p. 205 ; 208
Jean-Marie KLINKENBERG, dans Bruno DEMOULIN (dir.), Histoire culturelle de la Wallonie, Bruxelles, Fonds Mercator, 2012, p. 170
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Soir 16 juin 1996, 27 février 2002, 7 décembre 2002
Flavia CUMOLI, « Perdus dans le paysage : la prolongation de la culture rurale italienne dans les bassins miniers de Wallonie », dans Revue belge d’Histoire contemporaine, 2007, n° 3-4, en ligne sur http://www.journalbelgianhistory.be/fr/system/files/article_pdf/BTNG-RBHC,%2037,%202007,%203-4,%20pp%20419-443.pdf (s.v. janvier 2016)

Œuvres principales

Rue des Italiens, roman (1986)
Dinddra, roman (1998)
Ça va d'aller...Y a pas d'avance, nouvelles (2018)