La grève wallonne de l’hiver 1960-1961 : journée de mobilisation du 14 décembre 1960

Au nom d’un gouvernement tout récemment remanié, Gaston Eyskens annonce le dépôt de mesures de restriction budgétaire, ce qui deviendra la Loi unique, ainsi que l’abandon du volet linguistique qui accompagne le recensement décennal de la population (27 septembre 1960). Dans l’opposition, le parti socialiste s’allie au syndicat FGTB pour mener dès l’automne une campagne de mobilisation (Opération Vérité). Avec le soutien d’André Renard, une série d’actions (meetings, réunions, manifestations) sont organisées pour montrer l’opposition des travailleurs à la politique jugée antisociale du gouvernement et populariser les réformes de structure. « Notre action se déroulera suivant un plan strict », déclare A. Renard à Liège le jour où le Parlement reçoit le texte du gouvernement (9 novembre). Après une douzaine d’assemblées d’information et un arrêt de travail (21 novembre), le 14 décembre est choisi comme journée de mobilisation afin de mesurer les forces en présence. Déjà, la mobilisation des effectifs FGTB est plus forte en Wallonie qu’en Flandre, confortant les régionales wallonnes de la FGTB à établir une coordination entre elles. Quelques années plus tard, cette coordination donnera naissance à l’Interrégionale wallonne de la FGTB.

Références
Gubbels33


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La Question royale et la consultation populaire du 12 mars 1950

Au moment de la Libération, Léopold III est dans l’impossibilité de régner ; son frère, le Prince Charles, assume l’intérim : il est le régent. Les discussions portant sur la question du retour de Léopold III en Belgique divisent le pays jusqu’en 1950. Les passions sont vives. À côté des traditionnelles fractures entre laïcs et chrétiens, progressistes et conservateurs, républicains et royalistes, apparaît une divergence profonde entre Wallons et Flamands. La consultation populaire organisée en mars 1950 confirmera cette différence de sensibilité entre les régions du pays : si 58% des Belges se disent favorables au retour de Léopold III, ils sont 72% de Flamands à avoir dit OUI, contre 58% de Wallons à avoir dit NON. Les Bruxellois, quant à eux, comptent autant de OUI (49,8%) que de NON (50,2%). Lorsque le gouvernement catholique homogène décidera de la fin de l’impossibilité de régner de Léopold III, nombreuses seront les manifestations d’opposition dans le pays wallon et à Bruxelles. Juillet 1950 verra la tension atteindre son paroxysme. Au lendemain de la mort de trois manifestants tués par les balles de la gendarmerie à Grâce-Berleur, Léopold III abdique. Son fils lui succédera un an plus tard, à sa majorité.

Référence
WTcM-carte-25


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La frontière linguistique en application de la loi de 1932 et du recensement de 1947

La loi de juillet 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative continue de se référer aux limites provinciales et aux résultats du volet linguistique du recensement décennal de la population : quand elle est majoritaire, la réponse donnée à l’expression « langue parlée uniquement ou le plus fréquemment » à l’occasion des recensements rend obligatoire la langue utilisée par les administrations communales. Si une minorité atteint 30%, l’administration communale est tenue de communiquer au public dans les deux langues. La mise en application de la loi de 1932 fut vivement contestée avant-guerre, sous prétexte que la référence de la loi au recensement linguistique n’était pas connue des recensés. Ce n’est plus le cas lors du recensement de 1947.
« À la frontière linguistique et à la périphérie de la région de Bruxelles de nombreux recensés optent pour le français, écrit P-H. Levy. À Enghien, si la connaissance du français passe, entre 1930 et 1947, de 90 à 96% sa « pratique la plus fréquente » passe de 47 à 89%. La majorité change et la pratique du flamand tombe loin en dessous des 30% nécessaires à la communication dans les deux langues ! À Bruxelles, toute l’agglomération devient à majorité francophone par la francisation de Molenbeek, Jette, Koekelberg et Anderlecht auxquelles viennent s’ajouter Ganshoren, Evere et Berchem-Sainte-Agathe ; d’autres communes périphériques se francisent et les milieux flamands usent de l’expression de la tache d’huile de Bruxelles pour qualifier le phénomène. Le résultat du recensement de 1947 est refusé par les Flamands. La lutte se fera plus vive et c’est finalement par accord entre néerlandophones et francophones que le recensement linguistique est supprimé en mai 1960 » (Lévy). Néanmoins, la loi s’applique en 1954, dès que le nouveau gouvernement publie les résultats du volet linguistique du recensement de 1947.

Référence
Loi du 28 juin 1932 ; Ency02 ; Ency03


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Le Congrès national wallon des 20 et 21 octobre 1945

Durant la guerre, des mouvements wallons de résistance sont unanimes lorsqu’il s’agit de se défaire du joug nazi mais les notes sont discordantes quand il faut présenter un projet politique commun pour la Wallonie à l’heure de la Libération. Pour construire un consensus, le mouvement Wallonie libre, créé en juin 1940, propose d’organiser, dès la libération venue, un Congrès qui définirait ce projet. Les 20 et 21 octobre 1945, le Congrès national wallon organisé à Liège est le premier grand rendez-vous de toutes les forces vives de la Wallonie libérée et consciente de son identité. Il va permettre à toutes les opinions de s’exprimer, les plus radicales comme les plus modérées. Plus d’un millier de personnes sont présentes.
Quatre solutions seront proposées au vote des congressistes qui ont le loisir de les défendre, discuter et argumenter :
- le maintien de la structure unitaire de la Belgique avec des modifications plus ou moins importantes dans l’appareil constitutionnel ou légal ;
- l’autonomie de la Wallonie dans le cadre de la Belgique ;
- l’indépendance complète de la Wallonie ;
- la réunion de la Wallonie à la France.
Un double vote est officiellement prévu. Le premier qualifié de sentimental permettra aux congressistes de laisser parler leur cœur. En effet, sur 1048 votants, il y a :
- 17 voix en faveur de la première solution - le maintien de la structure unitaire de la Belgique avec des modifications plus ou moins importantes dans l’appareil constitutionnel ou légal ;
- 391 voix en faveur de l’autonomie de la Wallonie dans le cadre belge ;
- 154 voix en faveur de l’indépendance complète de la Wallonie ;
- 486 voix en faveur de la réunion de la Wallonie à la France.
Après de nouveaux débats, c’est à main levée qu’une proposition favorable au projet fédéraliste est approuvée (à l’unanimité moins 12 voix). Ce second vote sera présenté comme un vote de raison. Une commission sera créée au sein du Congrès national wallon afin d’étudier les modalités du fédéralisme ainsi retenu. Le Congrès national wallon s’entoure de juristes et rédige un projet de réforme institutionnelle visant à introduire le fédéralisme en Belgique. Une proposition de loi est déposée à la Chambre en 1947 mais elle est rejetée sous prétexte qu’aucune modification institutionnelle ne peut intervenir en période de Régence. Le combat pour l’instauration du fédéralisme sera encore long.

Références
Pôle Recherche et Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée


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Libération de la majeure partie de la Wallonie par les troupes américaines (septembre 1944)

C’est essentiellement sous un commandement américain que la Libération des villes et communes wallonnes s’effectue entre le 2 et le 18 septembre 1944. Le maintien de troupes allemandes aux frontières, les V1 tombant sur Liège notamment, et la contre-offensive Von Rundstedt en Ardenne prolongeront cependant la situation de guerre jusqu’au printemps 1945.

Référence
VDL136


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La Résistance en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale (1943-1944)

Ne rien décider qui engage l’avenir de l’État belge, favoriser autant que possible les Flamands, mais n’accorder aucune faveur aux Wallons. Tel est l’ordre que Hitler en personne donne le 14 juillet 1940, à propos de l’avenir de la Belgique. Il faut attendre 1944 pour que les intentions d’Hitler se précisent : création d’un Reichsgau Flandern et d’un Reichsgau Wallonien. Entre-temps, une Flamenpolitik introduira une surreprésentation flamande dans les rouages de l’État et les régions industrielles – essentiellement wallonnes – seront l’objet d’une exploitation maximale : matières industrielles puis main-d’œuvre. Le rapatriement des soldats flamands alors que les Wallons demeurent en captivité accentuera encore cette différence de sensibilité et d’attitude par rapport à l’occupation allemande.
Dans les quelques lignes qu’il consacre à Résistance et collaboration dans l’encyclopédie La Wallonie, Le Pays et les Hommes, José Gotovitch décrit succinctement la situation vécue en Belgique durant l’occupation allemande de 1940 à 1945 et met en évidence le fossé qui sépare Wallons, Flamands et Bruxellois. Sa conclusion, prudente, souligne que La Résistance ne fut pas un phénomène spécifiquement wallon, ni la collaboration exclusivement flamande. Ces deux clichés sont également faux. Mais tout concourt à montrer qu’une attitude, un comportement différent se révéla au Nord et au Sud du pays face à l’occupation. En Flandre, la collaboration fut le fait d’un parti disposant au départ d’une réelle base populaire. Mais comme en 1914-1918, elle put apparaître à certains comme un moyen d’assurer la réalisation d’aspirations nationalistes ancrées dans la tradition du mouvement flamand. À aucun moment, par contre, en Wallonie, cette collaboration ne put prendre un contour effectivement wallon, s’appuyer sur une réalité nationaliste. La déconfiture des organismes de collaboration d’appellation wallonne aboutit même à la pantalonnade du discours impérial de Degrelle en 1943 : les Wallons étaient des Germains ! Même le chef de Rex ne pouvait renverser l’histoire avec un discours ! Hors ce nationalisme impossible, la collaboration wallonne ne pouvait dès lors que rassembler – après décantation – d’authentiques nationaux-socialistes engagés d’autant plus avant qu’ils se mouvaient dans un terrain hostile.
Pour manifester son opposition à l’occupant, la Résistance prit des risques importants pour publier des journaux clandestins. Une équipe dirigée par José Gotovitch a identifié 674 titres différents, publiés dans toute la Belgique, dont 417 titres différents en Wallonie, 183 en Flandre et 64 « nationaux ». En région liégeoise, près de 140 titres ont été identifiés. Quant aux actes de sabotage violent, ils témoignent également d’une forte activité dans le pays wallon, en zone rurale comme en zone industrielle.

Référence
VDL118


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Les camps de concentration et leurs commandos (1940-1945)

À partir de l’arrivée au pouvoir d’Adolphe Hitler (1933), l’Allemagne se couvre d’un réseau serré de camps de concentration. Au début, ils sont destinés à « rééduquer » des Allemands – communistes, intellectuels rebelles, délinquants, homosexuels, etc. – le plus souvent envoyés là sans procès et sans peine déterminée. Rares sont ceux qui en seront libérés. Livrés à la SS qui en assure la gestion, les camps sont souvent construits par les internés eux-mêmes, qui sont employés à de multiples autres tâches épuisantes.
Avec l’entrée en guerre de l’Allemagne nazie contre ses voisins, arrivent des soldats ennemis (les prisonniers de guerre sont traités séparément dans les stalags (pour les soldats) et les oflags (pour les officiers) comme le montre une autre carte), mais surtout des résistants condamnés ou ramassés, des juifs, des tsiganes, des slaves, etc. À partir de 1941, les camps se transforment en gisements de travailleurs exploités au seul profit de la SS qui fournit, à bas prix, à l’industrie allemande une main-d’œuvre organisée en kommandos opérationnels.
Lorsqu’est lancée la solution finale (été 1941), un certain nombre de camps développe des structures annexes qui deviennent des lieux d’extermination pour les Juifs d’Europe. La première chambre à gaz fonctionne à Auschwitz dès septembre 1941. Tout en étant à proximité l’un de l’autre, camps de concentration et camps d’extermination répondent à des objectifs différents dans l’esprit des nazis, mais tous ont conduit à la mort des millions d’innocents. Dans le Militärbefehlshaber Belgien und Nordfrankreich, la SS disposait de deux lieux d’incarcération, le fort de Breendonck et la forteresse de Huy. D’autres prisons ont renfermé des civils – résistants ou non – condamnés par l’occupant allemand ; parfois, ces prisonniers eurent la chance de regagner leur domicile ; le plus souvent, ces lieux d’enfermement n’étaient qu’une étape de transition avant l’expédition dans les camps allemands.

Référence
HiG114 ; VDL71


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La Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale

C’est cette forme graphique que les diverses activités de la Résistance ont été illustrées dans le Livre d’or de la résistance belge, publié par la Commission de l’historique de la Résistance instituée par le Ministère de la Défense nationale (Bruxelles, 1946).


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La nouvelle carte de la Belgique et de la France imposée par le Reich (1940-1942)

Il est malaisé de connaître précisément les intentions allemandes à l’égard de leurs voisins. Néanmoins, le nouveau statut imposé à l’ouest rencontre plusieurs des intentions (résumées à la carte précédente). Le nord de la France est rattaché à l’autorité militaire allemande établie à Bruxelles. À la tête du Militärbefehlshaber Belgien und Nordfrankreich, le Général Von Falkenhausen exerce ainsi conjointement ses prérogatives sur ces départements français et sur une Belgique amputée des communes romanes et des cantons dits rédimés. Au sein de la zone occupée est aussi créée une zone "interdite", rattachée au commandement militaire de Bruxelles ; elle s’étend de la mer du Nord jusque quasiment au lac de Genève. Quant à l’Alsace-Lorraine, elle est annexée de fait (7 juillet - 30 novembre 1940), tout comme le grand-duché de Luxembourg. Malgré quelques aménagements cette situation se poursuivra durant toute la durée de la guerre ; à partir de novembre 1943, l’Allemagne occupe la totalité de la France ; il n’y a plus alors de ligne de démarcation.

Référence
DamiA99


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Projets allemands concernant la frontière occidentale du Reich

On ne sait rien de précis sur les intentions du régime nazi à propos de la réorganisation de l’Europe. Plusieurs hypothèses ont circulé, pour « après la victoire du Reich sur la France ». Dans les milieux tournant autour d’Abetz, on ambitionnait de laisser le territoire français intact – l’Alsace et la Lorraine mises à part – afin d'assurer à la France le second rang en Europe, derrière l'Allemagne mais devant l'Italie. D’autres, au contraire, projetaient de ramener la France à ses frontières antérieures aux traités de Westphalie et même, pour certains, à 1552, (donc sans Metz, Toul et Verdun), correspondant sensiblement à la ligne de partage des eaux entre, d'une part, la Manche (Somme et Seine), et, d’autre part, la Mer du Nord (Escaut, Meuse, Moselle et Rhin), plus la Franche Comté, et même (projet le plus extrême) de soustraire à la France la Bourgogne (ducale) proprement dite. L’idée de rendre la Bretagne indépendante est aussi avancée, comme celle de l’intégrer à une confédération celte comprenant l'Ecosse, l'Irlande et le Pays de Galles.
Il ressort aussi de certains projets, vagues et non publiés, que l'Allemagne aurait annexé directement non seulement l'Alsace-Lorraine, le territoire de Belfort et le bassin de Briey, mais aussi le Nord (Flandre française de langue flamande étendue jusqu'au Cap Gris Nez), plus Lille (Ryssel), rattaché à une « grande Néerlande future », faisant elle-même partie plus ou moins intégrante du Reich ; de plus, aurait vu le jour une « Lotharingie » avec Nancy comme capitale et Léopold III comme roi, et composée des parties orientales de l'Artois et de la Picardie, de la Wallonie moins Eupen-Malmedy, de Bruxelles, de la Lorraine française (avec ou sans le Barois) et de la Franche-Comté. Cette « Grande-Bourgogne » (sans la Bourgogne…) – rêvée également par des rexistes belges – aurait formé un État tampon entre la France et l'Allemagne. La France n'aurait conservé qu'un petit fragment de sa frontière, à la source de l'Oise. Cette ligne Bruxelles-Morez correspond sensiblement à l'ancienne frontière entre la Neustrie et l'Austrasie, à celle du Saint-Empire avant les annexions françaises.

Références
DamiA98 ; FH05-228


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