Répartition régionale et politique des députés (1932)

Les élections du 27 novembre 1932 voient un léger gain des catholiques, des socialistes et des communistes tandis que les libéraux et les nationalistes flamands subissent un recul comparable. Parmi les décisions de la Chambre, on trouve l’adoption en juin 1935 de la loi instaurant le principe de l’homogénéité linguistique régionale en matière judiciaire.


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La frontière linguistique en application de la loi de 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative

La loi de 1921 sur l’emploi des langues en matière administrative ne donne pas entière satisfaction au Mouvement flamand. Un nouveau texte est proposé en 1930 par un groupe de parlementaires et provoque des débats très animés. Finalement, la nouvelle loi de juillet 1932 sur l’emploi des langues en matière administrative continue de se référer aux limites provinciales et aux résultats du volet linguistique du recensement décennal de la population : quand elle est majoritaire, la réponse donnée à l’expression « langue parlée uniquement ou le plus fréquemment » à l’occasion des recensements rend obligatoire la langue utilisée par les administrations communales : l’avis du conseil communal n’est plus sollicité. L’emploi de la langue de la région administrative s’impose. Si une minorité atteint 30%, l’administration communale est tenue de communiquer au public dans les deux langues.
Quand la loi est votée en 1932, le recensement de 1930 est achevé depuis plusieurs mois, mais on n’en connaîtra les résultats qu’en 1934. À ce moment éclate la polémique quand, du côté flamand, on estime qu’il faut mettre immédiatement en application les informations recueillies, sans discussion, alors que du côté des Wallons et des Bruxellois francophones, on estime que l’on ne peut utiliser des données qui ont été recueillies en 1930 et qui ne pouvaient tenir compte de l’usage nouveau et particulier qui en serait fait plus tard. Très vite, autorités communales et citoyens contestent la référence aux résultats du recensement de 1930 car elle oblige certaines localités à abandonner, contre leur gré, la langue généralement employée dans les rapports avec les administrés : entre la langue habituellement parlée et celle que l’on souhaite utiliser avec les autorités, il y a une préférence que les « recensés » n’ont pas eu l’occasion d’exprimer. Aucune modification n’interviendra avant qu’éclate la Seconde Guerre mondiale et le recensement de la population réalisé en 1947 constitue un véritable test.

Référence
Loi du 28 juin 1932 ; Ency02 ; Ency03


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Répartition régionale et politique des députés (1929)

Le résultat des élections législatives de mai 1929 est favorable aux libéraux (+5, dont 3 en Wallonie) et aux frontistes qui sont près de doubler leurs sièges (11 au lieu de 6). La majorité catholique-libérale va engager la Belgique dans une étape importante de son histoire : c’est d’abord la flamandisation intégrale de l’Université de Gand qui est adoptée, consacrant le principe selon lequel la langue de la région fait la langue véhiculaire. Ce principe va se retrouver dans la législation relative à l’enseignement primaire et secondaire, et à l’administration (1932). Par l’adoption des lois de 1932, c’est le principe de l’homogénéité linguistique de territoires régionaux qui est consacré, le bilinguisme étant maintenu à Bruxelles et dans les communes situées le long de la frontière linguistique. On est entré dans l’ère du régionalisme linguistique, soutenu par les représentants de tous les partis. L’adoption en juin 1935 et en mai 1938 de lois instaurant le même principe en matière judiciaire et à l’armée complète le dispositif.


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Répartition régionale et politique des députés (1925)

Après trois années de gouvernement tripartite, placées sous le signe de l’union nationale pour tenter de reconstruire un pays dévasté par la guerre, les tensions politiques ont rapidement repris le dessus ; lors des élections du 20 novembre 1921, les catholiques sont sortis grands vainqueurs et se sont associés aux libéraux sous la présidence d’un extra-parlementaire Georges Theunis, qui parvient à conduire son équipe jusqu’au terme normal de son mandat. Mais face à ce gouvernement, les forces de gauche se sont mobilisées.
Lors du scrutin d’avril 1925, la Chambre des représentants enregistre une forte poussée à gauche : non seulement le POB remporte une victoire importante, mais un nouveau parti envoie ses premiers députés. Avec 78 députés, le POB gagne dix mandats (dont la moitié en Wallonie) et compte alors autant d’élus que le Parti catholique (-2) ! Avec la perte de dix sièges, les libéraux sont les grands perdants du scrutin. Les différences régionales se maintiennent. Dissident du parti socialiste, le Parti communiste de Belgique qui vient de se constituer obtient un élu dans l’arrondissement de Bruxelles (Joseph Jacquemotte) et un autre à Liège (War Van Overstraeten). En Flandre, par contre, le Front Partij gagne 2 nouveaux sièges (6) aux côtés des trois partis dits traditionnels.
Après cinq tentatives manquées et 73 jours de crise, un gouvernement catholique-socialiste se met en place ; mais la législature est agitée en raison d’abord de la crise financière ; sans élection, une tripartite se met en place, avant que ne lui succède une coalition catholique-libérale ; le Parlement est alors tout occupé à débattre de projets de loi sur l’emploi des langues à l’armée. Face aux tensions communautaires, 15 députés wallons et 13 députés flamands du POB élaborent et signent un document connu sous le nom de Compromis des Belges (16 mars 1929), qui reconnaît le principe de territorialité linguistique et se prononce en faveur de l’autonomie culturelle.


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Confirmation de la frontière linguistique par la loi sur l’emploi des langues en matière administrative (1921)

Dès la signature de l’Armistice et le retour des gouvernement et parlement belges à Bruxelles, toutes les dispositions prises par les Allemands sont supprimées et le statu quo ante bellum est rétabli. Les questions liées à l’emploi des langues et les revendications régionales ne disparaissent cependant pas. À l’heure où plusieurs projets wallons de type fédéral retiennent la frontière linguistique comme ligne de partage entre des régions à créer, le député flamand Van Cauwelaert prend l’initiative d’une nouvelle proposition de loi destinée à régir l’emploi des langues en matière administrative. Abrogeant finalement la loi de 1878 dont elle maintient les principes pour leur donner davantage d’impact, la loi adoptée en juillet 1921 garde le critère des limites provinciales, réduit la zone bruxelloise à l’agglomération et non plus à l’arrondissement, et définit, cette fois, la région administrative où il devra être fait exclusivement usage de la langue française. Elle ajoute cependant un nouveau critère, lié aux résultats du volet linguistique du recensement.
Depuis 1910, en effet, deux nouvelles questions ont été introduites dans la rubrique des « langues parlées » du recensement décennal. Le « recensé » doit d’abord indiquer quelle(s) langue(s) nationale(s) il sait parler (français, flamand et allemand). Ensuite, s’il est « plurilingue », il doit préciser « la langue employée le plus fréquemment ». En dépit des multiples interprétations que l’on peut faire de cette expression, les statistiques linguistiques sont utilisées comme instrument par le législateur, pour la première fois, en 1921. En effet, s’il apparaît que la langue majoritairement parlée n’est pas celle du groupe linguistique auquel la (nouvelle) loi les rattache, le conseil communal concerné a le droit de décider du choix de la langue pour ses services extérieurs et la correspondance.
Contournant l’obstacle déjà rencontré par la loi de 1878 (les limites des provinces ne prennent pas en compte la dimension linguistique), la loi de 1921 introduit le principe du bilinguisme dans les provinces wallonnes, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Du côté wallon, le mécontentement sera considérable. Si elle contribue à définir « la région administrative de langue française » par référence aux limites des provinces et arrondissements wallons, la loi s’écarte des critères retenus depuis 1889 et de la définition de la Wallonie formulée par Albert Mockel.

Références
La loi est votée à la Chambre le 29 juillet janvier 1921 et au Sénat le 15 mai 1921, avant d’être promulguée le 31 juillet. Elle paraît au Moniteur belge, le 12 août 1921, n°224, p. 6566-6568.


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La Belgique a cessé d’être neutre (1919-1936)

Après les événements de la période 1914-1918, les territoires rhénans sont occupés par les forces alliées pour une période provisoire. Des troupes françaises, américaines, anglaises et même belges sont chargées du maintien de la paix en Rhénanie, chacun dans une zone déterminée (en 1923, la France suppléera le départ des Américains).
Après l’Armistice, il est apparu difficile que la Belgique conserve son statut de pays neutre, statut imposé par le traité des XXIV Articles (1831-1839). Des négociations ont été menées pour conclure un traité belgo-franco-britannique mais elles échouent. Le 7 septembre 1920, un accord militaire est approuvé par les gouvernements de la France et de la Belgique. Cet accord d’états-majors présente un caractère défensif ; dirigé contre l’Allemagne, il doit jouer dans « le cas d’une agression militaire non provoquée ».
Application de cet accord, les troupes françaises et belges viennent occuper la Ruhr en 1923 et 1924 afin de marquer la désapprobation des deux pays face aux retards du gouvernement de la République de Weimar dans le paiement des dommages de guerre prévus par les traités de Versailles (la France occupe seule d’autres villes). Le soutien ferme initialement consenti par l’Angleterre s’est transformé en démarche de conciliation prenant en compte les difficultés rencontrées par l’Allemagne. Pressentant que les dispositions de Versailles ne seraient pas respectées, la France et la Belgique ont ainsi tenté d’obtenir les réparations dues par la force, en occupant les centres de production de charbon, de fer et d’acier de la vallée de la Ruhr (janvier 1923). Cela provoque de vives tensions au sein de la République de Weimar ; des attentats sont perpétrés contre les troupes belges ; une république rhénane autonome est proclamée à Aix-la-Chapelle (octobre) ; finalement, en 1924, l’ordre est rétabli et les troupes d’occupation finissent par se replier (août 1925). En octobre 1925 est ratifié le Traité de Locarno ou Pacte rhénan entre l’Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie. Ce texte établit une garantie mutuelle des frontières franco-allemandes et belgo-allemandes ; la Belgique se retrouve donc, à la fois, garantie et garante. En 1930, la Rhénanie est totalement évacuée, cinq ans plus tôt que ne le prévoyait le traité de Versailles.

Référence
DamiA28


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Les trois cantons annexés à la suite d’un plébiscite (1920)

Parler d’un plébiscite populaire concernant le choix de l’appartenance des cantons de Malmedy, Eupen et Saint-Vith occupés par les troupes militaires belges du général Baltia est un euphémisme. Un registre est ouvert à Eupen et à Malmedy du 23 janvier au 23 juillet 1920 et les opposants à l’annexion à la Belgique sont invités à y apposer leur signature. Sur 63.940 habitants, 271 signatures se prononcent en faveur d’un retour à l’Allemagne ; il s’agit majoritairement de fonctionnaires allemands en poste dans ces communes.
Avant la période napoléonienne, Eupen appartenait au duché de Limbourg, Saint-Vith à celui de Luxembourg, Malmedy dépendait du St-Empire et formait avec Stavelot une originale principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy. Les trois cantons avaient été réunis pour la première fois au sein du département de l’Ourthe, entre 1795 et 1814 et jusqu’au dernier quart du XIXe siècle, les habitants de ces contrées ont bénéficié d’une certaine liberté linguistique et religieuse. La politique de germanisation du Reich suscite la résistance des habitants de la région de Malmedy. On parle de Wallonie prussienne et, de cette époque, remonte une réelle volonté de nouer des liens plus étroits avec le pays wallon.

Références
DamiA32 ; DamiA51 ; WTcM20


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Répartition régionale et politique des députés (1919)

La Grande Guerre a convaincu les plus récalcitrants de l’urgence d’introduire le suffrage universel pur et simple en Belgique. Dans son discours du trône, le roi Albert en a fait la promesse dès l’automne 1918 et bien que le changement institutionnel ne soit pas encore intervenu, le scrutin de novembre 1919 est le premier à accorder une voix – et une seule – à tous les hommes âgés de 21 ans. Même si de nombreuses veuves de guerre en obtiennent également le droit. Les femmes devront attendre 1948 avant d’en bénéficier.
Dans la nouvelle Chambre élue au suffrage universel, les forces catholiques ne disposent plus de la majorité absolue (101 députés sur 186 en 1912, 73 sur 186 en 1919). Quant aux réalités régionales, elles n’ont pas changé : la Flandre vote toujours majoritairement à droite (49 catholiques et nationalistes, contre 24 POB et 15 libéraux), la Wallonie à gauche (38 POB, 13 libéraux et 21 catholiques), tandis que les rap¬ports de force demeurent dispersés dans l’arrondissement de Bruxelles (7 catholiques, 6 libéraux, 8 socialistes, 4 divers). Soutenant un gouvernement tripartite, ce sont ces parlementaires qui réunissent la majorité des deux tiers nécessaires à l’introduction du suffrage universel pur et simple dans l’article 47 de la Constitution. C’est aussi sous cette législature qu’est votée la loi du 31 juillet 1921 régissant l’emploi des langues en matière administrative.


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Annexion des cantons d’Eupen - Malmedy - Saint-Vith (1919)

Lors des négociations qui aboutissent à la signature du premier traité de Versailles (28 juin 1919), il est donné suite à une partie des revendications de la Belgique, celles portant sur les cantons wallons, dits rédimés. Annexés à la Prusse au détriment de la principauté de Liège et des anciens Pays-Bas autrichiens en 1815, les cantons wallon de Malmedy et germanophones d’Eupen et Saint-Vith sont attribués à la Belgique. Un plébiscite populaire doit confirmer ce transfert de territoire.
Sans plébiscite pour sa part, le territoire neutre de Moresnet, jusqu’alors placé sous la double administration belgo-prussienne, revient totalement à la Belgique (Neu Moresnet et Kelmis/La Calamine). Les prétentions sur le sud du Limbourg hollandais et sur la rive méridionale des bouches de l’Escaut sont par contre rejetées par la Conférence de Paix : il ne peut être question de toucher au territoire des Pays-Bas, pays neutre, non belligérant et donc non vaincu.

Références
DamiA32 ; DamiA51 ; WTcM20


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L’Europe des Traités de Versailles (1919-1920)

Durant la Grande Guerre, Woodrow Wilson, le président des États-Unis, a mis en avant le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notamment dans son Programme en quatorze points. Ce principe conditionne les traités de paix qui s’étendent de 1919 à 1920. Il motive le démembrement de l’empire austro-hongrois et de l’empire ottoman. Il justifie la naissance de nouveaux États-nations. Il conditionne l’organisation de consultation de populations qui décident de leur « appartenance » par plébiscite. Tout en cherchant à créer un nouvel équilibre européen, les puissances victorieuses visent aussi à affaiblir définitivement l’Allemagne et à refouler le nouvel état soviétique le plus possible vers l’est.

Références
DamiA25 ; Duby96 ; Hip46 ; Hip56 ; HiP73


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