Répartition régionale et politique des députés (1892)

Dès la naissance du Royaume-Uni des Pays-Bas, puis du royaume de Belgique, la représentation des États au Parlement a été supprimée. Dès 1831, les députés et sénateurs qui sont élus dans des arrondissements représentent l’ensemble de la nation en train de naître et non leur région d’origine. Très réduit, le nombre des électeurs est alors défini par le montant d’imposition versé annuellement à l’État : ce système censitaire accompagne les soixante premières années de la Belgique. Ayant dirigé ensemble le jeune royaume de 1831 à 1846, parti catholique et parti libéral prennent ensuite seuls les commandes de gouvernements homogènes, hormis lors de la coalition de 1855-1857. En raison de l’application du principe du vote majoritaire et en présence de deux formations politiques, des majorités se dégagent avec une certaine facilité. Une relative alternance caractérise la période 1846-1894, même si le Parti libéral ne dispose plus de ministère depuis 1884. La question de la place de la religion dans l’État constitue la principale ligne de clivage. Les revendications linguistiques et régionalistes n’en sont qu’à leur balbutiement, et il n’existe pas d’entité flamande, wallonne ou bruxelloise. On observe néanmoins, en 1892, dernier scrutin selon le système censitaire, des majorités politiques clairement différentes selon que les arrondissements sont flamands, wallons ou de Bruxelles.

Références
Moyne


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1886 : la Wallonie née de la grève

18 mars 1886... la commémoration de la Commune de Paris se termine à Liège dans le désordre, des bagarres et des boutiques dévastées. Les forces de l’ordre passeront toute la nuit à rétablir le calme. Le lendemain pourtant, la grève générale s’étend dans le bassin industriel de Seraing, Jemeppe et Flémalle... Pendant plusieurs jours, l’armée et la gendarmerie vont occuper les points stratégiques et s’opposeront aux ouvriers. À peine les ouvriers liégeois ont-ils repris leur travail que des émeutes éclatent dans le Hainaut ; la violence est telle que des usines, des propriétés privées sont détruites... La riposte de la troupe est sanglante : plus d’une vingtaine de tués parmi les manifestants, quant aux blessés, on ne les compte pas... Le Borinage, le Namurois, Dinant, le Tournaisis, Sprimont seront aussi touchés par la grève.
La colère du printemps 1886 était celle des travailleurs wallons écrasés par la loi du marché : le chômage généralisé, l’érosion constante des salaires. Le monde ouvrier a peur devant la dégradation progressive de l’économie et donc des salaires, il a peur du chômage. Carriers, verriers, mineurs, sidérurgistes réclament une hausse des salaires. Dans la Belgique censitaire et centralisatrice de la fin du XIXe siècle, des forces vives de Wallonie ont constitué à la fois le détonateur et le démarreur d’une Belgique nouvelle, plus sociale et plus démocratique.
1886, l’unité de la Wallonie ouvrière se manifeste, écrit Robert Demoulin (Histoire de la Wallonie, 1973). Véritable jacquerie ouvrière qui a traversé toute la Wallonie, le mouvement de révolte s’est répandu comme la poudre à travers toute la Wallonie industrielle. Seul le textile de Verviers n’a pas bougé. Le mouvement n’a pas été prémédité. La présence d’étrangers est attestée mais ils ne sont pas nombreux ; la propagande des socialistes en faveur du suffrage universel leur fait prôner le calme. L’émeute liégeoise a été l’étincelle. S’il n’y a pas d’unité d’action, il y a une unité de réaction sur un fond de misère et de chômage.
La Wallonie est-elle née de cette grève ? Des professeurs d’université se sont posé la question à l’occasion d’un colloque organisé dans le cadre du centième anniversaire de l’événement. À l’issue de leur exposé, ils n’ont pas enlevé le point d’interrogation. En partie parce que le terme Wallonie recouvre plusieurs acceptions différentes. D’autre part, parce que la grève avait un caractère essentiellement social. C’est sous l’impulsion des événements sociaux de 1886 que des initiatives vont être prises par le pouvoir politique afin de permettre progressivement l’élaboration d’une véritable législation sociale. Une étude rapide de la législation de cette époque prouve qu’avant 1886, il n’existe que peu de dispositions légales en matière de protection des travailleurs et de sécurité sociale. Une chose est certaine, la grève a fait la cohésion de la Wallonie industrielle, dynamique et novatrice.

Références
GeHW ; vKlK ; VSb1886 ; WnG1886


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Première reconnaissance du principe de la séparation administrative (1878)

En 1876, à l’initiative du député catholique anversois Jan Delaet, une proposition de loi vise à faire du flamand la langue administrative des communes et des provinces de la région flamande, dans leurs relations entre elles, avec le public et l’État. La définition du territoire administratif concerné est l’objet de vives discussions au Parlement et l’on s’accorde finalement à reconnaître, dans la loi du 24 mai 1878, une région administrative flamande où prévaut désormais une forme de bilinguisme qui privilégie nettement le flamand. Elle est constituée par les provinces d’Anvers, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Limbourg, ainsi que des arrondissements de Louvain et Bruxelles. Un statut particulier est instauré pour l’arrondissement de Bruxelles, où l’emploi du français reste privilégié, mais où particuliers et communes ont le droit de demander que leur correspondance soit en flamand.
Par soustraction apparaît dès lors une région administrative wallonne où seule la langue française est de rigueur. Ce « solde » n’est pas mentionné dans le texte de la loi et le territoire administratif n’apparaît que par défaut : l’espace wallon est constitué par les provinces de Hainaut, Liège, Luxembourg, Namur, ainsi que par l’arrondissement de Nivelles.
Dès ce moment surgit le problème des communes où domine le français mais située dans une province flamande, et des communes où une majorité de citoyens pratiquent le flamand mais situées dans une province qui n’est pas flamande. Ces situations ne sont pas prises en compte par le législateur à ce moment.

Référence
Votée à la Chambre le 8 mai 1878, au Sénat le 15 mai, la loi paraît au Moniteur belge du 24 mai 1878, n°144

 


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La Belgique et ses provinces (1839)

Depuis 1795, les territoires des anciens Pays-Bas autrichiens et de la principauté de Liège ont fait l’objet d’un redécoupage administratif de la part de la République française. L’œuvre de l’avocat Charles-Lambert Doutrepont devient « loi » par l’arrêté du Comité de Salut public du 14 fructidor an III. Parmi les critères rationnels utilisés à l’époque, figure la volonté de morceler les anciennes « provinces », d’en effacer le souvenir, et, enfin, de respecter la frontière linguistique. À l’exception du département de la Dyle, les limites des départements devaient la respecter. Ainsi la principauté de Liège est coupée en deux parties, l’une essentiellement thioise, l’autre essentiellement romane. Les limites tracées sous le régime français sont conservées sous le régime hollandais et le nouvel État belge. Seule leur dénomination change. Il est donc malaisé de voir dans les provinces les héritières des anciens comtés, duchés et autres principautés.
La loi fixant les compétences des provinces, adoptée le 30 avril 1836, en définit les missions et l’organisation. En tant qu’autorités subalternes, elles s’occupent de « matières d’intérêt provincial », les unes obligatoires, les autres laissées à l’appréciation des hommes politiques qui la dirigent. Comme la commune, la province dispose d’un pouvoir législatif, d’un pouvoir exécutif et d’une administration.
En 1839, suite à la signature définitive du Traité des XXIV articles, les limites des provinces de Limbourg et de Luxembourg seront considérablement remaniées. La partie orientale du Limbourg redevient hollandaise. La partie orientale du Luxembourg constitue un grand-duché, État indépendant.
À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, lorsque le parti catholique dispose de la majorité absolue au niveau national de l’État belge, le niveau de pouvoir provincial (notamment dans le Hainaut et à Liège) donne l’occasion aux partis progressistes de développer une politique alternative dans un certain nombre de domaines (enseignement, santé, etc.).
Générant des conflits suite à l’adoption d’une série de lois dite linguistiques, les limites des provinces seront revues en 1962-1963 afin de les faire correspondre à la frontière linguistique.


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La Belgique de 1839

Ce n’est qu’en 1838 que le roi des Pays-Bas se résout à accepter la situation provoquée par la révolution belge de 1830 et à signer le traité des XXIV articles. La Belgique doit s’acquitter d’une partie importante de la dette des Pays-Bas, même si le principal est antérieur à l'unification de 1815. Parmi les autres articles, le traité de Londres (19 avril 1839) impose à la Belgique un statut de neutralité totale, que garantissent l'Autriche, la France, le Royaume-Uni, la Prusse et la Russie. La Confédération germanique apporte également sa signature aux traités.
Les Pays-Bas conservent le contrôle des bouches de l'Escaut (un droit de péage est imposé jusqu’en 1863) et un accès à Liège par la Meuse. Ils conservent aussi une partie du grand-duché luxembourgeois. Reconnu comme indépendant mais attribué en fief au roi des Pays-Bas (1815), le grand-duché ne parvient pas à se libérer. État membre de la Confédération germanique (1815), dépecé en 1839 pour constituer une partie de la Belgique, et adhérant au Zollverein (1842), il dispose de ses propres institutions, mais il doit encore supporter la présence d’une garnison prussienne dans la citadelle de Luxembourg. En 1867, la France de Napoléon III propose secrètement aux Pays-Bas de racheter le grand-duché, mais quand la transaction est éventée, une crise éclate au cœur de l’Europe. La diplomatie calme le jeu et le grand-duché est reconnu neutre et indépendant (1867).
C’est à la même date que la province néerlandaise de Limbourg perd le titre officiel de duché qui lui avait été attribué en 1839. Entre ces deux dates (1830-1866), le duché de Limbourg a fait aussi partie de la Confédération germanique.

Références
HaHu150 ; Sel146 ; WTcM01 ; WTcM19 ; www_cm1830


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La Belgique contestée (1831-1838)

La campagne que mène Guillaume d’Orange pour restaurer l’unité des Pays-Bas ne dure que quelques jours (du 2 au 12 août 1831) et montre la faiblesse du nouvel État belge. L’avancée des troupes hollandaises est rapide et aisée ; une bonne partie des provinces flamandes sont reprises quand, garante – comme l’Angleterre – de l’indépendance belge, la France est appelée à la rescousse (8 août). Dépourvus de l’aide militaire de la Prusse et de la Russie, les Pays-Bas ne résistent pas devant l’avancée fulgurante de l’armée française sous le commandement du maréchal Gérard. De plus, la crainte d’une guérilla meurtrière pousse les armées hollandaises à se replier de toutes leurs positions en Belgique à l’exception de la citadelle d’Anvers (cessez-le-feu signé le 12 août).
Néanmoins, Guillaume Ier continue de refuser de signer le traité de Londres qui comporte désormais 24 articles. Il refuse aussi de rendre la citadelle anversoise. Il faudra une seconde intervention de l’Armée française du Nord du même commandant Gérard qui sort victorieux du siège du fort d’Anvers (15 novembre – 23 décembre 1832). La jeune armée belge a également participé à l’opération pour protéger la ville. Guillaume Ier n’est toujours pas décidé à reconnaître le nouvel État belge qui vivra sous le régime d’un armistice jusqu’en 1839.
En 1897, un monument français est sculpté pour honorer la mémoire des soldats français tombés lors de la prise d’Anvers. Suite au refus des autorités de cette ville de dresser un monument français sur leur sol, c’est Tournai qui accueillit le souvenir imposant dédié au maréchal Gérard et à ses hommes.

Références
HaHu150 ; Sel146 ; WTcM01 ; WTcM19 ; www_cm1830


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La Révolution de 1830

La rébellion qui éclate dans les rues de Bruxelles en septembre 1830 n’est pas réprimée par les troupes hollandaises dont les effectifs sont considérablement amoindris par la désertion des miliciens originaires des provinces du sud. Les événements se transforment en révolution quand les « élites » prennent le contrôle du pouvoir en se distançant du roi Guillaume Ier des Pays-Bas. Cette sécession donne naissance à la Belgique, dont l’indépendance est proclamée sous l’autorité d’un gouvernement provisoire. Très rapidement, une Constitution est rédigée sur laquelle prête serment un prince de Saxe-Cobourg choisi pour devenir le roi du nouvel État avec l’assentiment des grandes puissances européennes, hormis les Pays-Bas.

Références
FH04-313 ; WTCm01 ; WTCm19 ; www_cm1830


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Origine des corps de volontaires de septembre 1830

La question de l’origine géographique des volontaires de 1830 fait débat depuis de longues années. Comme le montre la carte postale éditée par la Ligue wallonne de Charleroi en 1913, les Wallons qui vivaient au tournant des XIXe et XXe siècles étaient convaincus que leurs ancêtres étaient les fondateurs de la Belgique et, dans leur lecture de l’histoire, ils étaient persuadés de la participation déterminante des Wallons lors des événements de septembre 1830.
Au début des années 1980, cette conception est remise en question par les scientifiques qui acceptent les conclusions d’une étude menée par l’historien américain J.W. Rooney. Selon ce dernier qui dessine un profil du combattant de 1830 à partir de sources originales (quatre listes de près de 3.000 noms), il s’agirait avant tout d’une révolution d’ouvriers et de journaliers à majorité bruxelloise écrasante et dont la langue maternelle est le flamand. La participation des volontaires accourus des provinces wallonnes serait donc minime dans les combats de Bruxelles contre les troupes « hollandaises ». L’historiographie intègre prestement cette interprétation des événements.
En 2008, cependant, dans une biographie consacrée à Franz Foulon, l’historien J-P. Delhaye montre les limites de l’analyse de Rooney et invite à mener de nouvelles recherches. Par exemple, il incite à examiner tous les documents qui recensent les volontaires aux journées révolutionnaires et à réaliser un recomptage précis. Peut-être comprendra-t-on mieux, alors, pourquoi les citoyens des années 1890/1900 – dépourvus de toute étude historique et statistique – étaient persuadés du caractère « wallon » de la Révolution de 1830.

Références
DELH_Foul ; RooJW


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Révolutions libérales et nationales en Europe (1830-1831)

L’équilibre européen imposé par le Congrès de Vienne connaît rapidement ses premiers avatars. Les idées libérales et nationales se répandent à travers l’Europe. Le tracé de certaines nouvelles frontières est contesté. Dans le sud-est européen, l’implantation de l’Empire ottoman sur le vieux continent est remise en question. Ailleurs, ce sont les autorités aux formes d’ancien régime qui font l’objet d’oppositions politiques parfois violentes. L’année 1830 voit l’Europe s’enflammer, surtout à la suite de la Révolution de Juillet et des Trois glorieuses qui secouent Paris ; les révoltes européennes ont des modalités et des conséquences variées. Si des révoltes se soldent par la naissance de nouveaux États (la Belgique, la Grèce et la Serbie), la révolution polonaise est quant à elle matée par la Russie, les constitutions de certains cantons suisses sont réformées dans un sens plus libéral, les mobilisations italiennes sont combattues par l’Autriche, la loi salique est combattue en Espagne et le Portugal résiste à l’autoritarisme du roi Michel Ier.

Références
FH04-270, 315 ; Hahu92


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Le royaume uni des Pays-Bas (1815-1830)

Le royaume uni des Pays-Bas a été constitué pour repousser toute tentation de Paris de lorgner davantage vers le nord. « L’Amalgame » de 1815 place sous la couronne de Guillaume Ier d’Orange plusieurs entités que seule la France républicaine puis impériale avait réussi à réunir. Désormais, et pour la première fois depuis 880, la frontière impériale germanique passe à l’est de la Meuse. Seules les terres luxembourgeoises figurent encore dans la Confédération germanique.

Références
Duby176 ; GeGB50 ; GM03-271 ; HaHu149 ; M132 ; Sel145 ; WPH01-264


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