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Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Jean-Baptiste d’OMALIUS d’HALLOY

Statue à la mémoire de Jean-Baptiste d’Omalius d’Halloy, réalisé par Guillaume Geefs, 21 août 1881.



Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les autorités municipales belges continuent d’être encouragées par leur gouvernement à contribuer au renforcement de « l’identité nationale » par l’implantation de statues de personnalités héroïques dans les parcs et sur les places. À Namur, le phénomène commence à se développer au moment où l’enceinte de la ville est démantelée, où les portes et les tours sont détruites, tandis qu’un plan d’aménagement et d’embellissement trace les grandes orientations du futur. En 1869, un premier grand monument a été inauguré, honorant Léopold Ier ; trois ans plus tard, c’est Isabelle Brunelle qui est honoré d’une statue dans l’espace public. En 1881, Jean-Baptiste d’Omalius d’Halloy est à son tour « statufié » et honoré par les Namurois. Entre Léopold Ier, la comtesse d’Harscamps et J-B. d’Omalius, le point commun le plus évident est le nom du sculpteur, Guillaume Geefs (1805-1883), qui signe les trois œuvres namuroises. Celle d’Omalius figure parmi les dernières de l’artiste anversois.


Formé à l’Académie d’Anvers, le jeune Geefs avait très rapidement été repéré par ses professeurs ; une bourse lui avait permis de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il est nommé professeur de sculpture de l’Académie d’Anvers (1833-1840). Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique venait de trouver l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre les personnes et les événements les plus illustres du pays. Statuaire du roi, Geefs s’installe à Bruxelles où son atelier répond aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique. Ses statues de Léopold Ier se déclinent en diverses versions, dont l’une sur la colonne du Congrès, à Bruxelles, et une autre à Namur. À Anvers, il livre une statue de Rubens (1840) ; à Liège, celle de Grétry (1842). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France.


À Namur en ce dernier tiers du XIXe siècle, le nom du Liégeois Jean-Baptiste d’Omalius d’Halloy s’élève au même rang que les Rubens, Grétry et autre Godefroid de Bouillon. Pour savoir qui du géologue ou du politique a motivé ce choix des autorités namuroises, il convient de faire le tour du monument, d’allure classique, puisque sur un haut socle élancé se dresse une statue en bronze, coulée par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles, représentant d’Omalius de plein pied. On peut lire les inscriptions suivantes, sur la face avant :


JEAN-BAPTISTE-JULIEN
D’OMALIUS D’HALLOY
NÉ LE 16 FÉVRIER 1783

MORT LE 15 JANVIER 1875


sur la face latérale à droite quand on fait face à la statue :


ORGANISATEUR
DU GOUVERNEMENT PROVINCIAL
DE NAMUR
1815-1830
sur la face latérale à gauche :
SÉNATEUR
DE L’ARRONDISSEMENT
DE DINANT
1848 – 1875


sur la face arrière :


CRÉATEUR
DE LA GÉOLOGIE BELGE
1808 – 1874


Les deux facettes de la vie de J-B. d’Omalius sont ainsi clairement illustrées. Par ses recherches, il a contribué à la naissance de la géologie belge et, jusqu’en 1832, le scientifique est le seul à avoir réalisé une carte géologique de la France. Pour cette raison, certains auteurs n’hésitent pas à le désigner comme le fondateur de la géologie de l’empire français. Sur le bronze, on voit d’ailleurs clairement que d’Omalius tient dans sa main une carte géologique dessinée, avec l’inscription latérale suivante :


ESSAI D’UNE CARTE GÉOLOGIQUE
DE LA FRANCE, DES PAYS-BAS ET
QUELQUES CONTRÉES VOISINES


Cette carte se déplie sur une roche dont le sculpteur Guillaume Geefs s’est employé à représenter les multiples tranches, figurant les plis terrestres.


Président de la Société géologique de France (1852), correspondant de l’Académie des sciences de France (1842), président de l’Académie royale de Belgique, d’Omalius exerça également d’importantes fonctions politiques. Maire sous l’empire (entre 1807 et 1815), sous-intendant de l’arrondissement de Dinant (1814), secrétaire général du département de l’Ourthe sous le gouvernement des puissances alliées (1814-1815), il est désigné gouverneur de la province de Namur sous le régime « hollandais » (1815-1830) et publie, en 1827, le code administratif de ladite province. Dans le nouvel État belge, sa fortune lui permet d’être élu au Sénat, selon le système censitaire. Représentant catholique de l’arrondissement de Dinant (1848-1875), il exerce la vice-présidence de la Haute Assemblée de 1851 jusqu’en 1870.


C’est la Société géologique de Belgique qui a décidé, six mois après la disparition du savant, de lui élever une statue. Après avoir hésité entre Liège et Namur quant à l’implantation, la Société opte pour Namur et bénéficie de subsides tant de l’État (10.000 francs), de la Province (5.000 fr.) que de la ville (2.500 fr.), une souscription couvrant le solde des frais. Dans un premier temps, le projet envisageait d’installer le monument place Saint-Aubain ; ensuite, le nouveau square près de la gare a finalement attiré la statue, dont le sujet donne son nom au lieu.


Il ne fait aucun doute que l’initiative du monument s’inscrit dans la volonté de l’époque de renforcer le sentiment national belge. Le 12 août 1880, le Parlement avait en effet opté pour le troisième dimanche du mois d’août (et les deux jours suivants) comme nouvelle date de référence officielle de la fête nationale de la Belgique. Aucune motivation historique, sentimentale ou politique n’avait justifié ce choix, si ce n’est de supprimer une décision de loin encore antérieure, celle prise par le Congrès national, à l’unanimité, le 19 juillet 1831, sur proposition de Charles Rogier et qui avait retenu les Journées de Septembre. Jour de l’inauguration, le 21 août 1881 est le 3e dimanche du mois.

 

Sources


http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=A4289&objnr=10142103
http://www.harscamp.be/index.php/Le-monument-a-Isabelle-Brunelle-comtesse-dHarsca/un-roi-une-comtesse-un-gouverneur.html (s.v. mars 2015)
Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 332-334
J. GUEQUIER, dans Biographie nationale, t. 16, col. 157-163
A. DE VAUX, Discours prononcé à l’inauguration du monument de M. d’Omalius d’Halloy, le 21 août 1881, Namur, L. Raikem, 1885
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV, p. 14, 21
Sybille VALCKE, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 415-417

 

Statue Jean-Baptiste d’Omalius d’Halloy (Namur)

 

Square d’Omalius

5000 Namur

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle Étienne GÉRARD

C’est à l’occasion des Fêtes de Wallonie en septembre 1958 qu’est inauguré, à Bierges, la stèle au général français Étienne Gérard. L’initiative en revient officiellement au Comité de la Fête de la Wallonie de Wavre et des environs (CFWW), groupement au sein duquel se montre particulièrement actif Achille Philippot, l’un des responsables de la section de Wavre de Wallonie libre. En prenant cette initiative, le Comité souhaite à la fois commémorer la victoire remportée à Bierges, le 18 juin 1815 par le général Gérard à la tête du 112e de ligne (dans la foulée de la bataille de Ligny), et rappeler que c’est le même militaire français qui assura définitivement, le 23 décembre 1832, l’indépendance de la Belgique par la victoire qu’il remporta à Anvers sur l’armée hollandaise. L’association de ces deux événements historiques, dans un même monument qui sera honoré annuellement dans le cadre des Fêtes de Wallonie, en dit long sur les valeurs et les références défendues par les responsables locaux de Wallonie libre et leurs sympathisants.

Le militaire qui est ainsi honoré est un Français (1773-1852). Engagé dans le 2e bataillon de volontaires de la Meuse en 1791, grenadier sous les ordres de Dumouriez en 1792, il prend part à la bataille de Jemappes (6 novembre), ainsi qu’à celle de Neerwinden (mars 1793) aux conséquences opposées. Présent aux batailles de Fleurus comme à Charleroi (1794), il est gradé dans l’armée de Sambre-et-Meuse et reste dans l’ombre de Bernadotte, promu maréchal en 1804. Participant à toutes les batailles de l’Empire, il est élevé au rang de comte en 1813 par Napoléon, à celui de chevalier par Louis XVIII, et de pair de France par… Napoléon en juin 1815. Négociant le passage définitif des armées françaises au nouveau gouvernement, Gérard se retire à Bruxelles pendant quelques mois. Rentré en France (1817), il est élu député libéral (1822) ; en 1830, il prend le parti du duc d’Orléans et est nommé ministre de la Guerre sous la Monarchie de Juillet. Rappelé pour assurer le commandement de l’Armée du Nord (août 1831), il fait fuir les troupes « hollandaises » qui avaient franchi la frontière belge ; quant au siège d’Anvers, il y met fin le 23 décembre 1832, en contraignant les Hollandais à la capitulation. Jusqu’à ses derniers jours, celui qui avait reçu des autorités belges une épée d’honneur en témoignage de reconnaissance exerça encore diverses fonctions politiques importantes à Paris.
Alors que la ville d’Anvers avait refusé (1894) le monument Gérard que finit par accueillir la ville de Tournai (1897), la section de Wavre veut se souvenir – de façon certes plus modeste – que le 18 juin (date marquante), le commandant français a été blessé par balle à la poitrine lors de l’attaque du Moulin de Bierges. Une stèle sobre, en calcaire, rehaussée d’une médaille figurant le portrait du général Gérard et plaque commémorative, rappelle ce souvenir ; elle est inscrite au répertoire mondial des souvenirs napoléoniens. Sur la face avant, on peut lire :

« EN CES LIEUX FUT BLESSÉ
LE 18 JUIN 1815
LE GÉNÉRAL GÉRARD
HÉROS DE L’EMPIRE ET
DÉFENSEUR DE NOTRE
INDÉPENDANCE NATIONALE
CFWW 1958 ».

Au début de l’année 2014, le monument a été enlevé de son endroit originel. Afin de lui offrir une meilleure visibilité, le Cercle d’Histoire, d’Archéologie et de Généalogie de Wavre et du Brabant wallon a suggéré à la ville de Wavre de le déplacer. Son inauguration au coin de la ruelle al ‘Buse s’est déroulé le dimanche 6 juillet 2014 en présence d’un détachement de militaires français, à l’occasion d’un week-end de reconstitution des combats qui se sont déroulés à Wavre en 1815.

 

Sources

Chaumont-Gistoux, Grez-Doiceau et Wavre, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2007, p. 206
Paul DELFORGE, Achille Philippot, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1264-1265
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Alain CHAPPET, Roger MARTIN, Alain PIGEARD, André ROBE, Répertoire mondial des souvenirs napoléoniens, Paris, éd. SPM, 1993, p. 694
Informations communiquées par Jean Boucher, secrétaire du Cercle d’Histoire, d’Archéologie et de Généalogie de Wavre et du Brabant wallon asbl, mai 2014
Inauguration du monument Gérard à Bierges en 1958, dans Wavriensia, n°6, 1958
Ch. DE VOS, Le monument du général Gérard, dans Wavriensia, n°5, 1966

 

Stèle général Gérard

Boulevard de l’Europe 
1301 Bierges

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Paul Delforge

Paul Delforge

Pyramide (météorologique) et médaillon Jean-Charles HOUZEAU

Pyramide (météorologique) et médaillon Jean-Charles Houzeau, médaillon réalisé par Charles Van Oemberg, sur une idée originale de Charles Delnest, 2 juin 1890.

Successeur d’Adolphe Quetelet à la direction de l’Observatoire de Belgique, Jean-Charles Houzeau de Lehaie (Mons 1820-1888) est un original autodidacte et aventurier comme le XIXe siècle en connut quelques-uns. Journaliste d’abord, il s’intéresse aux sciences et aux progrès techniques, mais est surtout un passionné d’astronomie. Assistant volontaire auprès de Quetelet à l’Observatoire de Bruxelles (1844), Jean-Charles Houzeau nourrit des idées politiques républicaines qui sont cause de son renvoi (1849). Après Londres, Paris l’accueille pendant cinq années durant lesquelles il publie sa Physique du globe et météorologie (1851) puis les Règles de climatologie (1853) ainsi que ses Essais d’une géographie physique de la Belgique au point de vue de l’histoire et de la description du globe (1854) ; sans jamais avoir été diplômé d’écoles supérieures, il est associé sans réserve aux débats scientifiques de son temps.


Réconcilié avec la Belgique, membre de la classe des Sciences de l’Académie, sa curiosité le conduit à des recherches dans d’autres domaines que les sciences « dures », mais  il ne parvient décidément pas à s’adapter au microcosme bruxellois (1854-1857) : il s’embarque pour l’Amérique, où il va vivre près de 20 ans. À la Nouvelle-Orléans, le journaliste wallon prend une part active dans la lutte antiesclavagiste. Cet engagement politique l’oblige à un nouvel exil : maraîcher au Mexique puis à la Jamaïque. C’est là qu’en 1876, le gouvernement belge vient le rechercher pour nommer cet humaniste libre penseur à la tête de l’Observatoire royal, dont la direction est vacante depuis le décès de Quetelet en 1874 ; il va très rapidement contribuer à la modernisation de cette institution, non sans se laisser tenter par une dernière expédition qui le mène au Texas (1883). Dans le milieu des spécialistes de la météorologie, son Vade Mecum de l’Astronomie et sa Bibliographie générale de l’Astronomie sont considérés comme des apports majeurs au développement de l’astronomie moderne.


La disparition de cet éminent scientifique – astronome, météorologiste, géologue, géographe – et écrivain ne pouvait laisser les autorités montoises indifférentes. Se rappelant que Houzeau était né à Havré, le collège montois présidé par Henri Sainctelette s’empresse de décider de l’érection d’un monument. Le jour de l’inauguration est le lundi de la ducasse de Mons. Le lendemain du Lumeçon, en présence de responsables de l’Académie de Belgique et de l’Observatoire royal, les autorités politiques de la région – collège des bourgmestre et échevins, ainsi que les parlementaires dont Auguste Houzeau, le frère de l’astronome – rendent publique une œuvre totalement originale : pour la première fois en Wallonie, une place publique accueille en effet une colonne astronomique et météorologique.


Comme la décrit très précisément G. Quignon, elle mesure 7 mètres de haut et comprend deux parties, le piédestal et la colonne. Le piédestal a été taillé en une pièce en pierre bleue de Soignies. La face Nord-Est – dans l’axe de la rue principale – porte un médaillon de marbre blanc représentant, en buste, le profil droit de Houzeau. Autour du médaillon, outre une branche de feuilles de chêne aux glands dorés, ont été sculptés dans la pierre une lunette et une règle divisée. En-dessous, l’inscription en lettres dorées indique :

A
J C HOUZEAU DE LEHAIE
ERIGE PAR LE VILLE DE MONS »

Sur la face Sud-Est était encastrée à l’origine une plaque en marbre blanc portant un baromètre. Sur la face Sud-Ouest, à l’opposé du médaillon, les coordonnées géographiques précises du monument ont été gravées dans la pierre et dorées :
LATITUDE
SEPTENTRIONALE
50° 27’ 12’’

LONGITUDE EN TEMPS 
PAR RAPPORT À BRUXELLES

1 m. 42 s.

PAR RAPPORT À GREENWICH
+ 15 m. 47 s.

ALTITUDE
34 m 51 c

Quant à la face Nord-Ouest elle présentait, comme son vis-à-vis – un grand thermomètre encastré dans une plaque de marbre blanc. 
Sur le piédestal décoré à son sommet vient prendre place un monolithe de pierre bleue en forme d’obélisque. Cadran solaire original, la pyramide est disposée de manière à faire passer la méridienne par une des diagonales, l’arête S servant de méridienne (ligne horaire de midi). Aux sommets des arêtes Est, Sud et Ouest, trois styles dorés ont été tracés avec une inclinaison correspondant à la ligne des pôles. Les styles Est et Ouest donnent l’heure au moyen des lignes horaires tracées sur les faces adjacentes à la méridienne. Le style Sud est terminé par une plaque de tôle perforée d’un trou à travers lequel passe le rayon solaire à l’heure de midi, le long du style Sud. La méridienne de temps moyen est tracée de manière telle que l’on peut lire l’heure moyenne du lieu. Quant au sommet de la pyramide, il est couronné d’une sphère armillaire qui porte les signes des constellations zodiacales. À l’intérieur de la sphère, apparaît un globe terrestre traversé par un tube : à travers ce tube, on peut voir l’étoile polaire lors de son passage inférieur au méridien de Mons.


Lors de son inauguration, la première colonne météorologique du pays disposait d’une boite vitrée destinée à recevoir quotidiennement la carte du bulletin météorologique fourni par l’Observatoire royal. Par ailleurs, elle devait aussi être « équipée » d’un appareil montrant les phases de la lune. Remontant à 1890, le monument ne comporte plus actuellement ces attributs. Sa conception générale, assurément originale, était l’œuvre d’un industriel montois, Charles Delnest, par ailleurs conseiller communal (-1891) et surtout généreux mécène de ce projet. Il fut aidé par Lancaster et Bijl, assistants de l’Observatoire d’Uccle pour tout le volet des relevés techniques. Le monument et le médaillon représentant Houzeau sont dus, quant à eux, à un autre montois, le statuaire Charles Van Oemberg, aidé par Pette.


Formé à l’Académie de Bruxelles auprès du Liégeois Simonis notamment (1841-1847) puis protégé de Charles-Auguste Fraikin dont il fréquente l’atelier, Charles Van Oemberg (Limelette 1824 - Mons 1901) est un artiste bien connu des Montois lorsqu’il se voit confier de participer à la réalisation du mémorial Houzeau. Originaire de Limelette, installé ensuite à Bruxelles, il vient habiter à Mons en 1882 et, l’année suivante, il succède à Charles Brunin comme professeur de l’Académie de la cité du Doudou. Il y enseignera jusqu’en 1899. Avant sa désignation comme maître de jeunes artistes, Van Oemberg avait lui-même franchi les étapes de la reconnaissance en exposant ses œuvres d’inspiration lors de Salons. Engagé sur des chantiers de décoration d’édifices bruxellois (hôtel de ville, Bourse), il signe plusieurs bustes appréciés et reçoit une première commande importante quand son Allégorie de la Belgique est retenue pour illustrer le 25e anniversaire du règne de Léopold Ier. Elle est inaugurée à Wavre, en 1859. Van Oemberg participe ainsi au mouvement qui voient les principales villes belges se doter de monuments de personnalités ayant marqué l’histoire nationale. Réalisant de concert des œuvres d’inspiration, des statues officielles, voire des sujets religieux, des sujets historiques ou en rapport avec la colonie, Van Oemberg se fait un nom dans la sculpture de son temps et il n’est donc pas étonnant que ses bustes de personnalités soient si nombreux. Absorbé par son enseignement à partir de 1883, il semble que sa contribution au mémorial Houzeau soit l’une de ses dernières réalisations.

 

Sources



Polydore SWINGS, dans Biographie nationale, t. 29, col. 694-699
Monument Houzeau à Mons, dans Ciel et Terre, juin 1890, p. 177-183 
G. QUIGNON, Monument Houzeau à Mons, dans Ciel et Terre, mai 1938, t. 54, n°5, p. 153-156
Jan VANDENBRUAENE, Astronomische gids voor België, VVS, 2009, p. 282-284
Jacques VAN LENNEP, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 596-598
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=E6570&objnr=10140354
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 674

Pyramide (météorologique) et médaillon Jean-Charles Houzeau

Place Louise
7000 Mons

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Paul Delforge

Photo Jongen 

Statue Louis XIV

Bénéficiant d’un financement inscrit dans le cadre du Phasing out de l'Objectif 1, la ville de Tournai entreprend de valoriser davantage son patrimoine historique, au-delà du beffroi, de la cathédrale et du Pont des Trous. 

Via l’Intercommunale Ideta qui est le maître d’œuvre, un plan stratégique privilégie en effet depuis 1995 le développement touristique du Hainaut. Se concentrant sur le cœur historique de Tournai, les autorités locales confient à l’artiste plasticienne Christine Jongen (1949-) le soin de mettre en place une quinzaine de statues dans un parcours d’interprétation à travers la « Cité des cinq Clochers ». Une quinzaine de statues en bronze sont les étapes marquantes d’un circuit fortement balisé par une signalétique particulière. Touristes comme habitants de la cité sont ainsi invités à une promenade de deux heures, jalonnées de 43 étapes.

Afin de garantir la qualité de l’initiative communale, le bourgmestre, Roger Delcroix, a confié à un comité scientifique composé d’historiens, d’archéologues et de spécialistes des traditions locales la mission d’encadrer le projet. Répondant aux critères souhaités, Christine Jongen implante quinze statues sur les trottoirs de Tournai, entre la Grand-Place, l’Escaut, la Tour Saint-Georges et le Fort Rouge. Née à Bruxelles, formée en psychologie à l’Université libre de Bruxelles, Christine Jongen travaille comme journaliste à l'hebdomadaire Notre Temps (1975-1976), avant de se consacrer entièrement à la sculpture. Laissant son inspiration se nourrir aux sources les plus variées, de la Renaissance européenne aux grandes traditions asiatiques ou d’Amérique, elle s’oriente vers la peinture abstraite quand elle s’installe en France au début des années 1980. Menant aussi une réflexion continue sur l’art dans son essai À la recherche de formes, paru pour la première fois à la fin les années 1980, elle présente ses œuvres à plusieurs reprises (Paris, Bruxelles, Genève, Bordeaux, Bézier, Montréal, Rome, Barcelone, Avignon, Padoue, etc.) et dans divers salons d'art français (2000-2003).

Pour Tournai, Christine Jongen crée quinze statues, en bronze, de 70 à 75 centimètres de haut, qui toutes sont déposées sur des piliers de 2,8 m de haut. Coulées dans les ateliers de la fonderie Francart, à Crisnée, les statues sont autant de références au passé de Tournai, évoquant des fonctions (chanoine, évêque) ou des « activités » (tailleurs de pierre, portier, arbalétrier), comme des personnages historiques. Parmi ces derniers, Louis XIV symbolise une période particulière de l’histoire de Tournai. Investie en 1667, lors de la Guerre de Dévolution, Tournai redevient française jusqu’en 1713 et la signature du Traité d’Utrecht. Sous Louis XIV, la cité scaldienne connaît à la fois une longue période de prospérité et de profondes transformations (les berges du fleuve sont rectifiées et une nouvelle citadelle est édifiée sur les plans de Vauban dans le nord). Considérée par Louis XIV comme une place forte imprenable, Tournai devient un enjeu dans la Guerre de Succession d’Espagne. Sa capitulation devant les troupes du duc de Marlborough (1709) est un moment important, symbolisant la fragilité de la France de Louis XIV. D’une taille de 70 centimètres environ, la statue de Christine Jongen représente un roi de France debout, davantage en habits de cour qu’en guerrier.

 Sources 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://www.badeaux.be/Balisages/Bal5/Site15/Site15.html
http://christine.jongen.pagesperso-orange.fr/GrilleJongen.htm (sv. juillet 2015)

 

Statue Louis XIV (Tournai)


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

place de Nédonchel
7500 Tournai

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Paul Delforge

Monument et bas-relief John O’KELLY

C’est à Jemeppe-sur-Meuse, en 1721, que la première machine à feu a été installée sur le continent européen. L’événement est d’importance. Quelques années auparavant, l’Anglais Thomas Newcomen avait inventé et construit un appareil à vapeur capable d’actionner une pompe. Cet engin – appelé pompe à feu – était bien supérieur à ceux utilisés jusqu’alors et suscita l’intérêt de nombreux investisseurs. D’importantes mesures de précaution furent prises sur l’île britannique pour protéger l’invention et empêcher qu’elles soient imitées ailleurs, notamment en principauté de Liège. 

Pourtant, trois hommes d’affaires liégeois parviennent à convaincre un collaborateur de Newcomen. Et c’est ainsi qu’une pompe à feu est montée dans un charbonnage situé entre Tilleur et Jemeppe-sur-Meuse, au puits du Vieux-Groumet. La machine de Newcomen trouve là sa première application dans l’industrie extractive, et le pays wallon va rapidement devenir le moteur continental de la Révolution industrielle.

En raison de l’importance de l’événement, la Revue universelle des Mines, de la Métallurgie, de la Mécanique, des Travaux publics, des Arts et des Sciences appliqués à l’industrie, organe de l’Association des Ingénieurs sortis de l’École de Liège, décide d’inaugurer un monument à l’occasion des cérémonies prestigieuses de son centième anniversaire. S’étalant sur trois journées, le programme du « centième » prévoit trois journées de conférences consacrées à La Recherche scientifique et l’Industrie, une exposition dans le cadre de la Foire internationale des Mines, de la Métallurgie, de la Mécanique et de l’Électricité industrielle, et l’inauguration du monument O’Kelly.

John O’Kelly

D’originaire noble, John O’Kelly de Galway était né dans cette ville d’Irlande en décembre 1672 et était mort à Bruxelles en 1753. Capitaine dans l’armée anglaise, il avait pris part à la Guerre de Succession d’Espagne, et avait combattu du côté de Barcelone vers 1710, avant de prendre la direction de Vienne. On le retrouve, en effet, dans la capitale des Habsbourg, occupé à l’amélioration des fortifications de la ville sous les ordres du prince Eugène de Savoie, avant qu’il ne voyage à Ratisbonne et en Suède. 

On ignore encore comment il avait eu connaissance de la technique mise au point par Newcomen. Mais les rares sources disponibles concordent à désigner le baron Berthold de Wanzoulle, chanoine de Saint-Lambert, Lambert Van den Steen, conseiller privé du prince-évêque, et le baron Fernand d’Eynatten comme solliciteurs auprès d’O’Kelly auquel ils apportaient un soutien financier. 

Maîtres des houillères à Jemeppe, Mathieu et Nicolas Raick signèrent le contrat d’exploitation avec le génial technicien irlandais. En 1720, il obtient du prince-évêque de Liège, Joseph-Clément de Bavière, la permission d’exploiter « une machine de son invention » destinée à épuiser les eaux des mines. Installée dans le hameau de Mabotte, elle fonctionne dès le début 1721. 

Disposant aussi, semble-t-il, par la suite, d’installations en Espagne et en Suède, O’Kelly choisit de s’installer durablement dans nos contrées. Plusieurs pompes à feu de sa conception équipèrent des charbonnages liégeois. Il s’y maria, eut deux enfants et s’éteignit à Bruxelles, à l’âge de 80 ans.

Plus de 235 ans plus tard, les ingénieurs de Liège réunis, entourés des autorités locales, du secrétaire de la Légation d’Irlande et de Donal O’Kelly, lointain descendant de John, inaugurent solennellement le monument en pierre réalisé par le tailleur de pierre Maurice Bar, ainsi que la plaque en bronze due à Freddy Wybaux. 

Tirer de l’oubli un grand fait du passé et honorer un illustre inventeur, telles étaient les intentions des initiateurs du mémorial, installé là même où fonctionna la pompe à feu. Surplombant la vallée, l’endroit donnait à voir, à l’époque, sur l’ensemble des industries Cockerill fumant et éructant le long de la Meuse. Dans les discours sont associés Rennekin Sualem, enfant de Jemeppe, et ce O’Kelly venu de son Irlande lointaine.

Sur le bas-relief, on voit, dans le coin inférieur droit, la signature du sculpteur, avec les lettres F et W entremêlées, tandis que, sur la pierre, également dans le coin inférieur droit, c’est le nom du tailleur de pierre et sculpteur A.-M. Bar qui apparaît.

Monument et bas-relief John O’Kelly (Jemeppe-sur-Meuse)

Les sculpteurs Maurice Bar et Freddy Wybaux

Bien connu dans le pays de la pierre, le sculpteur et entrepreneur sprimontois Maurice Bar avait suivi des cours à l’Académie de Liège. Régulièrement sollicité par les autorités communales pour réaliser des monuments aux victimes des deux guerres (comme à Xhendremael), il réalise également des bustes (comme celui en pierre du roi Albert, à Esneux), des médaillons (Henri Simon à Lincé). Ici, à Jemeppe-sur-Meuse, c’est la partie en pierre du monument O’Kelly qu’il réalise. 

Le bas-relief est, quant à lui l’œuvre, de Freddy Wybaux (1906-1977).
Formé aux Académies de Liège et d’Anvers, Prix du Gouvernement 1929, Prix Marie 1932, Fritz Wybaux entame la sculpture par des bustes, des portraits, des nus et des allégories, le bois ayant sa prédilection. 

Marié à la peintre Eva Herbiet, Wybaux vient d’exécuter des commandes pour le Palais des Congrès de Liège (sculpture de la façade nord), le CPAS de Liège ou la maison communale d’Ougrée, lorsqu’il est sollicité par l’association des ingénieurs liégeois. Appelé aussi pour la décoration de la « nouvelle » gare des Guillemins (fin des années 1950, début des années 1960), Wybaux est aussi sollicité par des particuliers pour des décorations intérieures. 

Professeur à l’École technique de Seraing et à l’Académie de Liège, membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, il parvient à se distinguer par un style fort personnel dans une production de bas-relief ou de petites statues en plâtre, en bois, voire en céramique. 

Dans les collections du Musée en plein air du Sart Tilman, L’Ange vert est une céramique de grand format « magico-mystique », dont l’abstraction lyrique – tendance vers laquelle il s’oriente dans l’immédiat après-guerre – témoigne de l’évolution artistique de son auteur.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Inauguration à Jemeppe-lez- Liège du monument O’Kelly, dans Revue universelle des Mines, de la Métallurgie, de la Mécanique…, t. XIII, n° 9, septembre 1957, p. 450-453.
Robert WELLENS, dans Biographie nationale, t. 33, col. 417.
Yves DUBOIS, Les monuments commémoratifs de la Grande Guerre en province de Liège, Université de Liège, mémoire 2010-2011, p. 103.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 812.
http://vincentlecuyer.com/freddy-wibaux/ 
http://www.museepla.ulg.ac.be/opera/wybaux/ange_vert.html (s.v. juillet 2015)

 

 

Rue Mabotte
4100 Jemeppe-sur-Meuse (Seraing)

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Paul Delforge

Médaillon Jean Racine au Théâtre de Mons

C’est au début des années 1840 que la ville de Mons accueille un nouveau théâtre : sur les plans de l’architecte montois Charles Sury (1814-1865), un bâtiment néo-classique s’élève à l’angle de la rue Neuve et de la Grand Place. Le porche d’entrée, avec ses colonnes ioniques, est fermé par trois massives grilles en fonte, réalisées par le ferronnier Ph.-J. Hoyois et ornées par le sculpteur Émile Hoyaux qui signent les quatre médaillons représentant Molière, Racine, Grétry et de Lassus, ainsi que les attributs des arts scénique et musical sur un fronton triangulaire.

L’inauguration se déroule le 18 octobre 1843, offrant à la ville de Mons un théâtre moderne en plein centre-ville. Devenu vétuste, voire dangereux, le premier théâtre sera démoli au milieu du XXe siècle et laissera place à un « Grand Théâtre » tout neuf, inauguré en 1948, où l’on a conservé les grilles d’origine, leur hauteur étant quelque peu réduite. Quant aux quatre médaillons d’E.-J. Hoyaux qui continuent d’y briller de mille feux, ils datent de 1846.

Formé au collège de sa ville natale, le Montois Sury avait été nommé conducteur des travaux de la cité du Doudou en 1837, avant d’être désigné comme architecte principal en 1844. Mons lui doit plusieurs édifices comme le théâtre déjà cité (1843), mais aussi l’arsenal (1848), l’abattoir (1853), le manège (1854) et une école. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts, Sury a aussi contribué à la restauration du beffroi et de Sainte-Waudru, et a pris part aux projets d’agrandissement de la ville après la démolition des fortifications. Sury était plus âgé que Hoyaux.

Formé à l’Académie de sa ville natale, où il reçoit les conseils d’Antoine Van Ysendyck, le Montois Émile-Joseph Hoyaux  (14 juin 1823 - date de décès inconnue) avait exposé dès 1842 un bas-relief et un buste de Voltaire qui furent immédiatement remarqués. C’est par conséquent à un sculpteur de 20 ans qu’est confiée la réalisation des médaillons des grilles du théâtre (achevés en 1846), avant d’être sollicité pour d’autres réalisations diverses. 

Outre de nombreux bustes et portraits, Hoyaux réalise une statue de la Vierge pour la chapelle du saint-Sacrement à Sainte-Waudru et s’occupe de la restauration des gargouilles de la même Saint-Waudru ; il signe aussi le bas-relief du fronton du théâtre de Mons, ainsi qu’un bas-relief sur le mausolée de la famille Duvivier (1855). Issu d’une famille de tailleurs de pierre, Émile-Joseph Hoyaux semble être le père d’Émile-Aimé Hoyaux, ingénieur et entrepreneur, pionnier en de nombreux domaines, dans le dernier quart du XIXe siècle, et notamment qui fut à l’initiative de la Cité ouvrière de Cuesmes (la Cité Hoyaux). Quant à Jean Racine (1639-1699), il est considéré comme le représentant type de la tragédie française classique : La Thébaïde (1664), Alexandre le Grand (1665), Andromaque (1667), Britannicus (1669), Iphigénie (1674), Phèdre (1677) sont quelques-unes de ses œuvres parmi les plus connues. Elles ont été jouées par le théâtre montois qui témoigne ainsi son attachement au théâtre français.



Ernest MATTHIEU, Sury, dans Biographie nationale, t. 24, col. 277-279.
Le passé artistique de la ville de Mons, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, vol. 16, 1880, p. 360.
Christiane PIÉRARD, Les logements sociaux à la fin du XIXe siècle et la Cité Hoyaux à Mons (Cuesmes), dans Revue belge d’histoire contemporaine, 1977, n°3-4, p. 539-567.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 728.
http://www.samons.be/sites/default/files/LettredeSam201202.pdf (s.v. juillet 2015)

Grand-Place
7000 Mons

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc, arbre et plaque Henri Simon

Banc Henri Simon, arbre et plaque commémorative, réalisé à l’initiative des amis de l’écrivain, 7 octobre 1934

Avec Li Neure Poye (1893), Li Mwért di l’abe (La mort de l’arbre) (1909) et Li pan dè bon Dieu (Le pain du bon Dieu) (1914), Henri Simon (Liège 1856 – Liège 1939) a signé des œuvres majeures, ressortant d’une rare production, qui le placent au premier rang des écrivains dialectaux. Homme discret, fuyant la foule, il avait choisi de chercher le calme loin de la ville, et avait trouvé dans sa maison de Sprimont-Lincé une oasis rêvée. Ses amis lui rendaient régulièrement visite et c’est là, à Lincé, qu’en octobre 1934, ils lui réservèrent la surprise d’une fête associant les habitants du hameau. Toutes les maisons étaient pavoisées et un joyeux cortège composé d’amis de la littérature wallonne se donna rendez-vous à hauteur de la place du Batti pour rendre hommage au poète et lui dédier un monument de son vivant. Un hêtre pourpre fut planté et, par la suite, un panneau a été enfoncé dans le sol pour indiquer :

CHAL, HENRI SIMON
VINÉV VOLTÎ
PO LI FÉ ONEUR
ON-Z-A PLANTÉ ON TCHINNE EN
1934


Poète, écrivain, auteur dramatique, auteur de comédies, Henri Simon a contribué à la renaissance des lettres wallonnes au tournant des XIXe et XXe siècles, lui donnant ses lettres de noblesse avec des œuvres de qualité. Considéré comme le Mistral du pays de la Meuse, Henri Simon avait pourtant choisi une autre voie, dans sa jeunesse. En effet, en 1883, boursier de la Fondation Darchis, il s’est d’abord orienté vers la musique et vers la peinture. Mais dès son retour de Rome, Henri Simon s’installe à Lincé où il va se consacrer entièrement aux lettres wallonnes. Hostile à La Wallonie d’Albert Mockel parce que le symbolisme lui paraît une esthétique ‘étrangère’, il contribue au mouvement régionaliste wallon par ses écrits, mais aussi comme co-fondateur du Musée de la Vie wallonne (1913), dont il est le conservateur pendant ses premières années (1915-1922). Membre de la Société de Littérature wallonne et de l’Académie de Langue et de Littérature françaises, dite Académie Destrée dès sa création (1921), personne n’est étonné qu’il ne prenne jamais place dans le fauteuil qui lui est réservé. 

À défaut d’un fauteuil, Henri Simon acceptera de s’asseoir sur le banc que lui offrent ses amis, en octobre 1934. Cette structure monumentale est relativement courante dans l’Entre-deux-Guerres. Une dizaine d’exemples pourraient être cités aux quatre coins du pays wallon ; le banc original de Lincé a cependant disparu et a été remplacé par un banc public ordinaire. En même temps qu’est planté un chêne, le banc Henri Simon est inauguré à l’initiative d’un comité présidé par Paul Baar. Une plaque commémorative est également apposée sur la façade de la « maison dite Nagant » où Henri Simon composa Li Neure Poye, « essai folklorique en deux actes qui s’appuie sur des superstitions curieuses et sur les usages populaires du Jour des Rois » (Wallonia). Cette plaque non signée est encore visible sur la façade d’une propriété privée de la rue Robespierre. Sur une pierre bleue de format carré ont été représentés un croissant de lune dans lequel s’ébat une poule, avec l’indication gravée

ICI
HENRI SIMON
ECRIVIT
LI NEURE POYE


En octobre 1934, les discours prononcés tant par le bourgmestre de Sprimont, que par Jean Haust et Joseph-Maurice Remouchamps, furent des hymnes à la langue wallonne et à l’un de ses plus grands interprètes. L’année suivante, les Amis de l’Art wallon organiseront au Trianon une autre manifestation d’hommage au « Maître de Lincé ».


Sources

Informations obtenues grâce à l’amabilité de Mme Ahn et M. Pierre Toussaint
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 259
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. II, p. 473-479 ; t. IV, p. 383-385
Les Lettres wallonnes contemporaines, 2e éd., Tournai-Paris, Casterman, 1944
Albert MAQUET, Création, à Liège, du ‘Djan ‘nèsse’ de Henri Simon, dans La Vie wallonne, XLV1II, n° 348, 4e trimestre 1974
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1480
Rita LEJEUNE, Histoire sommaire de la littérature wallonne, Bruxelles. Office de Publicité, 1942
Préface de Jean Haust à la 2e édition du Pan de bon Diu, Liège, Vaillant-Carmanne, 1935, collection ‘Nos Dialectes’
Wallonia, 1893, p. 174
Louis REMACLE, Henri Simon, dans La Défense wallonne, 11 mai 1935
La Vie wallonne, octobre 1934, CLXX, p. 65-66
La Vie wallonne, novembre 1934, CLXXI, p. 69-72
Maurice PIRON, Le souvenir de Henri Simon, dans La Vie Wallonne, CCXXIV, n° 8, 15 avril 1939
In memoriam. Textes inédits de Henri Simon dans La Vie Wallonne, CCXXXI, n° 3, 15 novembre 1939

 

Banc Henri Simon, arbre et plaque commémorative (montage photographique) – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Place du Batti/rue Robespierre
4140 Sprimont Lincé

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Paul Delforge

Paul delforge

Sculpture Yvonne VIESLET

Monument Yvonne Vieslet, réalisé par le sculpteur Patris de Marchienne, 29 juillet 1956 – 16 juillet 2010.

Le nom d’Yvonne Vieslet (Monceau-sur-Sambre 1908 – Marchienne-au-Pont 1918) est associé à un épisode dramatique de la Grande Guerre dans le pays de Charleroi. Après avoir survécu aux privations et aux souffrances des quatre années de guerre, Yvonne Vieslet est une petite fille de dix ans qui, en toute innocence, est victime de la folie meurtrière des « grands ». En octobre 1918, les soldats allemands sont en pleine débandade. Dans leur repli, ils maintiennent prisonniers des soldats français et un camp de passage a été aménagé à Marchienne-au-Pont. Après la distribution de couques et de pains aux élèves de l’entité grâce à l’intervention du Comité de Secours local, la petite fille passe à proximité du camp et est émue par l’état des prisonniers. En dépit d’une interdiction, elle propose sa couque à un détenu et la sentinelle allemande de faction tire dans sa direction, la touchant mortellement.

Le récit de ce drame fait rapidement le tour du pays de Charleroi, confortant l’animosité et l’exaspération à l’égard de ceux qui occupent le territoire depuis quatre ans. Alors que l’Armistice approche, l’événement prend une dimension internationale. À titre posthume, le président français Raymond Poincaré décerne la médaille de la Reconnaissance française en argent (1919). Les écrits se multiplient (poèmes ou récits), apportant toujours davantage de précisions... Une médaille commémorative est frappée ; des milliers de photographies de la petite victime sont vendues ; les autorités communales de Marchienne-au-Pont et de Monceau-sur-Sambre attribuent à une rue le nom d’Yvonne Vieslet et une souscription publique contribue à l’élévation d’un premier monument, rue de Châtelet, à Marchienne-au-Pont, à l’endroit même où la petite fille a été tuée. Dès 1919, une plaque commémorative a été apposée dans la cour de l’école de Monceau-sur-Sambre. En 1956, un second monument voit le jour, à Monceau, devant l’école fréquentée par la petite Vieslet, rue Ferrer. Il est inauguré une semaine à peine avant que ne survienne la catastrophe de Marcinelle.

L’émotion provoquée par la mort violente de la petite Yvonne a-t-elle masqué la réalité des événements ? Dans un ouvrage publié en 1984, Claude Daubanton s’appuie sur le témoignage d’un témoin pour donner une version différente des faits qui se sont déroulés le 12 octobre 1918. Il y avait bien des soldats français retenus prisonniers dans la cour du Cercle Saint-Édouard, à Marchienne. Depuis la rue, les passants observaient la tension manifeste qui opposait les prisonniers épuisés et les Allemands en déroute, chacun éprouvant les mêmes difficultés pour se nourrir. Un quignon de pain jeté depuis la rue atterrit dans la cour et sème le trouble entre détenus et geôliers. La sentinelle allemande qui repousse violemment un prisonnier français est prise à partie verbalement par les Carolorégiens. Sentant la tension monter, un soldat tire pour disperser la foule et la balle atteint mortellement la jeune Vieslet. Il n’y avait par conséquent pas intention manifeste de la part du soldat allemand.

Quoi qu’il en soit, la population reste attachée à la mémoire de l’événement, quelle qu’en soit la version. On en veut pour preuve une mobilisation de citoyens pour remplacer la statue de Monceau dérobée en 2007, probablement en raison de la valeur de son métal… Œuvre d’Ernest Patris (1909-1981), l’originale pesant plusieurs dizaines de kilos ne sera jamais retrouvée. En 2010, une œuvre similaire est réalisée par Fabrice Ortogni en polyester. Elle est inaugurée le 16 juillet 2010.
Sculpteur et céramiste, le Gembloutois Ernest Patris venait de créer un atelier de poterie à Marchienne-au-Pont (1952), où il commençait aussi à couler le bronze et l’étain (1955), lorsqu’il est sollicité pour réaliser la statue d’Yvonne Vieslet. Diplômé de l’Université du Travail où il a suivi des cours de dessin technique, de modelage et de fonderie, Patris avait appris seul à modeler la terre glaise dans l’Entre-deux-Guerres, période où il était ouvrier aux ACEC. Des cours d’anatomie qu’il avait suivis à l’Académie de Gand et de fonderie à l’École professionnelle de Gilly, il avait retenu les principes qui lui permettraient de réaliser des bustes et des portraits d’autant plus appréciés que son amitié avec James Ensor lui apporta un savoir-faire supplémentaire. Ses modèles étaient autant les enfants que les ouvriers mineurs et même si, comme nombre de statuaires de sa génération, les monuments aux victimes des deux guerres constituent une partie de son activité, il réalise une œuvre personnelle originelle qui s’enrichit aussi de tableaux. Fin observateur de la société et de scènes de vie, Ernest Patris s’essaya à diverses techniques tant en peinture qu’en sculpture. Sa réputation ayant dépassé les frontières du pays de Charleroi, il expose à de nombreuses reprises à l’étranger, où il est maintes fois récompensé. En Suisse, il signe le monument Interflora et on lui doit encore un buste de l’abbé Pierre et de Roberto Benzi.

Ayant appris le métier dans la fonderie familiale Walcast à Gosselies, Fabrice Ortogni a étudié le design industriel à La Cambre, avant de se lancer dans une activité qui allie technique et créativité. Designer industriel, « jonglant avec la coulée des aciers inoxydables et les alliages spéciaux pour réaliser des moules » qui lui sont commandés sur le marché international, le directeur de Corsair s’est porté candidat quand les autorités carolorégiennes ont sollicité une entreprise capable de reproduire presqu’à l’identique la statue en bronze de Vieslet réalisée par  Patris et dérobée un demi-siècle après son inauguration. Avec un procédé de fabrication innovant, Ortogni a ainsi mis les nouvelles technologies (polyester imitation bronze) au service du passé, et rendu au quartier de Monceau son monument Vieslet.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont L’Avenir, 30 mai 2009 et 17 juillet 2010)
Louis GOFFIN, Yvonne Vieslet, Monceau-sur-Sambre, Collet, 1956
http://www.bel-memorial.org/cities/hainaut/marchienne-au-pont/marchienne-au-pont_monument_yvonne_vieslet.htm (s.v. juillet 2015)
http://www.galeriedupistoletdor.com/gdpo/sculpture/Patris.htm
http://www.charleroi-decouverte.be/index.php?id=113 (s.v. juin 2015)
Claude DAUBANTON, Royale Feuille d’Etain de Marchienne-au-Pont, Marchienne-au-Pont, 1984
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 260

 

Monument Yvonne Vieslet (Monceau)

Rue Ferrer 
6031 Monceau

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Alfred DEFUISSEAUX

Monument Alfred Defuisseaux, réalisé par Paul Du Bois, 1er juin 1905.


Située au cœur de Frameries, sur une place qui porte son nom, l’imposante statue d’Alfred Defuisseaux (1843-1901) rend hommage à un homme politique ayant œuvré en faveur de l’amélioration de la condition ouvrière, ainsi qu’en témoignent les autres personnages du monument. Œuvre du sculpteur Paul Dubois (Aywaille 1859 – Uccle 1938), le monument a été inauguré le 1er juin 1905, soit moins de quatre années après la disparition de l’auteur du fameux Catéchisme du Peuple. Il s’agit là certainement du premier monument établi dans l’espace public wallon rendant hommage à une personnalité socialiste.


Dans la région de Mons et du Borinage, le nom des Defuisseaux est bien connu au XIXe siècle. Tous trois parlementaires, les frères Léon (1841-1906), Alfred et Fernand (1848-1912) sont les petits-fils d’un bijoutier ayant tenu commerce sur la place de Mons, et les enfants d’un avocat, héros de 1830, qui délaissa le barreau et la politique pour prendre la direction de la Manufacture de Porcelaine de Baudour. Issu d’un milieu bourgeois acquis aux idées libérales, Alfred s’engage en politique pour défendre des idées « socialistes » et obtenir le suffrage universel pur et simple. Avocat comme son frère Léon, Alfred est l’auteur du pamphlet rédigé sous forme de dialogues qui, distribué à 200.000 exemplaires au début de l’année 1886, doit contribuer à la mobilisation des masses en faveur du suffrage universel. Son initiative est cependant largement débordée quand éclate l’insurrection spontanée du « printemps wallon » de 1886. 

Accusé d’en être l’un des instigateurs, Alfred Defuisseaux – qui s’est réfugié en France – est condamné à six mois de prison. Persuadé que seule la grève générale immédiate peut permettre l’émergence du suffrage universel et de la république, il entre en désaccord avec le POB naissant et crée le Parti socialiste républicain (1887). Affaibli par les manœuvres de la gendarmerie et de la Sûreté de l’État, le PSR finira par intégrer le POB et, en 1894, lors des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural, le tribun Defuisseaux est l’un des 28 premiers députés socialistes, tous élus en Wallonie. De retour au pays, l’ancien ténor du Barreau de Mons siègera à la Chambre jusqu’à sa mort, en 1901.
 

C’est pour honorer son « héraut » que la très active Fédération boraine du POB décide de lui élever un monument significatif. Sa conception est confiée au sculpteur Paul Dubois. Originaire d’Aywaille, où il grandit dans un milieu de la petite bourgeoisie, il dispose d’une aisance suffisante pour bénéficier d’une formation de sept ans à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), où il est tour à tour l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. Condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, Paul Dubois remporte le prix Godecharle 1884 qui le place d’emblée parmi les sculpteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est de cette époque que remonte cette signature – Du Bois – qui doit lui permettre de se distinguer de son parfait homonyme français, voire de Fernand Dubois.


Son œuvre variée et abondante (près de 200 sculptures) ne démentira pas cette entrée remarquée parmi les sculpteurs de son temps. Après trois années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. 

En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie (Antoine Clesse à Mons en 1908, Gabrielle Petit à Tournai en 1924, Frère-Orban à Liège en 1931, de la Chanson wallonne à Tournai en 1931), ainsi que des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905) et des sculptures allégoriques variées. C’est par conséquent un artiste en pleine maîtrise de son art qui réalise le monument d’Alfred Defuisseaux : le choix de l’artiste est aussi guidé par le fait que depuis les années 1890 il participe activement au mouvement de socialisation de l’art. Son engagement social est sincère et profond.

Monument Alfred Defuisseaux


Coulée par la « Fonderie nle des bronzes (anc. firme J. Petermann) à Saint-Gilles-Bruxelles », la statue à trois composantes porte la signature de Paul Du Bois en date de 1904. Inauguré le 1er juin 1905, le monument place Alfred Defuisseaux au centre de la représentation, debout sur une sorte de rocher qui lui permet de dominer la situation. Scrutant l’horizon, il retient par les bras un mineur éploré dont la lampe gît couchée aux pieds des deux hommes. Comme à l’abri derrière le leader socialiste, une femme assise, au visage paisible, tient son enfant dans ses bras. La cape qui déborde des épaules du tribun accentue l’effet de protection qui semble dispenser Defuisseaux tout autour de lui. Et si la symbolique déployée par le sculpteur ne suffit pas, l’inscription qui apparaît sur le socle finit de s’en convaincre :

« A
ALFRED
DEFUISSEAUX
___
LE DÉFENSEUR DU PEUPLE »

 

 

Colfontaine, Dour, Frameries, Honnelles et Quévy, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2006, p. 175
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518
Jean PUISSANT, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 165-166
Marie ARNOULD, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 7, p. 93-95
Jules DELECOURT, dans Biographie Nationale, t. V, col. 86-87

Place A. Defuisseaux

7080 Frameries

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Ernest DURAY

Buste Ernest Duray, réalisé par Hector Brognon, septembre 1953

Malgré l’importance de la colombophilie en Wallonie, il est rare qu’un monument rende explicitement hommage à une personnalité ayant consacré une partie de son temps à cette activité. C’est cependant le cas à Écaussinnes, où le buste élevé en l’honneur d’Ernest Duray, dans l’angle des rues Noires Terres et Camille Duray évoque aussi d’autres aspects de cette personnalité marquante. Conseiller communal de Soignies de 1911 à 1952 avec une interruption entre 1921 et 1926, Ernest Duray a aussi siégé à la Chambre, comme représentant libéral de Soignies (1939-1945), avant de devenir sénateur provincial du Hainaut pendant quelques mois (1949-1950). Issu d’une famille d’industriels, Ernest a été l’un des patrons des « Usines Émile Duray ». Si le buste honore principalement Ernest, l’ensemble du monument est un hommage à la famille Duray, en particulier à Émile, son fondateur, ainsi qu’à tous ceux qui ont contribué à sa réussite industrielle. Réalisé par Hector Brognon (1888-1977), le monument Duray présente cette autre particularité d’être à la fois individuel (face avant) et collectif (face arrière du socle). 

Sur la face avant, apparaît la mention suivante :

ERNEST DURAY
INDUSTRIEL
CONSEILLER COMMUNAL
DÉPUTÉ
SÉNATEUR
COLOMBOPHILE

tandis qu’au dos, la dédicace est davantage circonstanciée :

1950
75E ANNIVERSAIRE 
DES USINES 
ÉMILE DURAY

HOMMAGE 
À LEUR FONDATEUR,
À SES FILS 
CAMILLE
OSCAR
ARTHUR
ERNEST

ET AUX EMPLOYÉS ET 
OUVRIERS QUI SE SONT 
DÉVOUÉS POUR ELLES

Fils cadet d’Émile Duray (1841-1908) et, comme son paternel et tous ses frères, Ernest (1877-1955) est natif de Houdeng-Goegnies. Il a suivi les seuls cours de l’École moyenne lorsqu’il commence à travailler, vers 1891, dans l’atelier familial de chaudronnerie et de constructions mécaniques. Depuis 1875, cet atelier est situé à Écaussinnes-d’Enghien. Dans les années 1890, Ernest y prend la direction du bureau de dessin et du pointage des ouvriers. Poursuivant les cours dominicaux de l’École industrielle de La Louvière, Ernest se voit confier, en 1898, la direction de la brasserie que son père vient de fonder. Le nouveau breuvage connaît un certain succès dans la région. Au décès du patriarche, les frères Camille, Arthur et Ernest créent une société en commandite, « Les Ateliers Duray » (1908) ; spécialisée dans la métallurgie, elle est dirigée par Camille, tandis qu’Ernest, n°2 de la société, reste responsable de son département spécifique qui s’appelle désormais « Brasserie Duray fils ». Quand éclate la Grande Guerre, tous les outils de production des Duray sont démantelés. Après l’Armistice, la remise en marche des affaires est laborieuse ; face à la concurrence, la brasserie Duray doit fermer (1937). Mais l’activité métallique connaît, quant à elle, le succès, principalement en raison de commandes coloniales. En 1934, « Les Ateliers Duray » deviennent la Société anonyme « Usines Émile Duray », en conservant un très fort ancrage familial. Après l’indépendance du Congo, l’entreprise périclite et disparaîtra en 1981.

S’il apparaît comme un industriel, Ernest Duray se consacre cependant de plus en plus à la politique. Quand, en octobre 1911, il se présente parmi les candidats du cartel libéral-socialiste formé pour renverser la majorité catholique, et qu’il est élu conseiller communal, il est engagé dans les milieux libéraux depuis une dizaine d’années. Il a contribué au développement de groupements politiques (Jeune Garde libérale, Société de Secours, etc.) et se montre un ardent défenseur de l’école publique (trésorier de la Ligue de l’Enseignement à partir de 1912). Renforçant ses activités politiques dans les années 1930, il est premier suppléant à la Chambre en 1932 et le siège de député de Soignies lui échappe en 1936 pour quelques voix à peine. Élu le 2 avril 1939, il n’aura guère l’occasion de siéger. Après l’invasion de mai 1940, il se réfugie en France, dans le Puy de Dôme avant de rentrer à Écaussinnes dès la fin 1940. Responsable de l’Association libérale démocratique de Soignies, il ne parvient pas à retrouver un siège à la Chambre et achève sa carrière parlementaire au Sénat.

Parallèlement à ses activités industrielles et politiques, Ernest Duray cultiva un loisir pour lequel il se passionna dès ses 12 ans : la colombophilie. Avec le temps, il s’imposa comme un spécialiste dans ce sport, participant à de multiples concours. Champion et éleveur, responsable de sociétés, il publie en 1943 ses Souvenirs de cinquante années de pratique du sport colombophile.

Le buste d’Ernest Duray a été réalisé par le sculpteur et architecte Hector Brognon (Bois d’Haine 1888 – Bois d’Haine 1977). Professeur à l’École industrielle et commerciale d’Écaussinnes, il jouit d’une solide réputation dans le Hainaut, en raison notamment de ses nombreuses réalisations comme ses bustes et statues, ainsi que pour les monuments aux morts et aux héros des deux guerres sur les places publiques (comme celui d’Écaussinnes-d’Enghien, sur la Grand-Place) ou dans les cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926, ou le bas-relief Ernest Martel en 1939). La pierre bleue d’Écaussinnes n’a plus de secret pour celui qui a été surnommé récemment « le Rodin de Bois d’Haine » et qui a aussi signé le monument dit de Marguerite Bervoets à La Louvière et a participé à la décoration des frontons et panneaux de l’hôtel de ville de Charleroi (côté rue de Turenne et rue Dauphin). Le buste d’Ernest Duray est signé par Brognon et clairement daté de 1953. L’idée d’un tel buste est née en 1950, lors du 75e anniversaire de la création de la société. Le souvenir de cet anniversaire est inscrit sur le socle en granit de Bretagne. Ce socle et les inscriptions gravées en lettres colorées – aujourd’hui difficilement lisibles – sont dus à l’entreprise Caudier-Rembaux d’Écaussinnes.

L’inauguration de l’ensemble s’est déroulée en septembre 1953, en présence d’Ernest Duray. 

Sources 

Informations aimablement communiquées par la bibliothèque d’Écaussinnes et le Cercle d’Information et d’Histoire locale (l’abbé Jous et son frère)
Philippe VERHEYEN, Ernest Duray, une vie consacrée à l’industrie et à la politique belge, dans Le Val Vert. Bulletin trimestriel édité par le Cercle d’Information et d’Histoire Locale des Ecaussinnes et Henripont, Ecaussinnes-Lalaing, 1989, n°65-68, en particulier n°67, p. 66
Claude BRISMÉ, Histoire des Écaussinnes, recueil n°15 du Cercle d’information et d’histoire locale, 2010
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 155
Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d’Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 435, 439-440

Buste Ernest Duray

Angle des rues Camille Duray et Noires Terres
7190 Écaussinnes

carte

Paul Delforge