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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Notger

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques

Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. 

Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Notger est parmi les premières.

Membre de cette équipe, Michel Decoux (1837-1924) va réaliser 3 des 42 statues, dont celle de Notger. Considéré comme un sculpteur animalier, M. Decoux est surtout connu pour la réalisation de groupes de scènes de chasse et s’est spécialisé dans les animaux sauvages (éléphants, panthères, etc.). Influencé par le cubisme et s’inscrivant dans le courant Art déco, aimant travailler le bronze, il signe une œuvre très différente sur le chantier de Liège : c’est dans la pierre que, de manière fort classique, il tente de rendre la personnalité de Notger (c. 930-1008).

Statue de Notger

Notger, premier prince-évêque de Liège

Originaire de Souabe, Notger est désigné évêque de Liège par l’empereur Otton Ier en 972. Huit ans plus tard, il reçoit d’Otton II un privilège d’immunité générale sur les possessions de l’Église de Liège, qui transforme ainsi l’évêque en prince-évêque

En déléguant son pouvoir à la cathédrale Saint-Lambert et à son titulaire, l’empereur transforme de facto l’évêque, en l’occurrence Notger, en un comte ayant droit de haute justice, de lever le tonlieu, de battre monnaie, d’établir des marchés et de dresser des fortifications. 

En 985, Notger reçoit en donation le comté de Huy ; d’autres territoires suivront formant un important ensemble territorial s’étendant de part et d’autre de la Meuse. La principauté de Liège devient le modèle de ce que l’on appellera l’« Église impériale ottonienne » (Reichskirche). 

Souverain puissant, Notger entreprend d’importants travaux qui contribuent à la transformation rapide de la cité de Liège. Il est aussi reconnu comme évêque bâtisseur.

Le rôle majeur de Notger dans l’histoire de Liège lui vaut d’occuper une place en vue sur la façade du Palais provincial. La statue du tout premier prince-évêque est en effet située sur le péristyle ; elle est la deuxième en commençant par la gauche lorsque l’on fait face au bâtiment. Revêtu d’habits qui lui donnent l’apparence d’un évêque, le personnage statufié tient un manuscrit dans sa main gauche, tandis que son bras droit est plié à hauteur de sa poitrine. Sa main droite est, elle-même, relevée dans une posture qui est unique parmi les 42 statues du Palais provincial. Le regard de Notger paraît fixer l’horizon ; les traits sont décidés. Le socle de sa statue est l’un des rares où le nom gravé apparaît encore de manière assez nette.



Hubert SILVESTRE, dans Biographie nationale, t. XLIV, col. 446-459
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 332.
http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_18697/notger-et-son-temps (s.v. avril 2014)
Jean-Louis KUPPER, Alexis WILKIN (dir.), Évêque et prince, Notger et la Basse-Lotharingie aux alentours de l’an mil, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2013.
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 32 et ssv.
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82.
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. juillet 2013)
La Meuse, 2 octobre 1880.

Façade du Palais provincial (face à la place Notger)
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Ernest PSICHARI

Durant les combats particulièrement meurtriers qui se déroulent au mois d’août 1914 dans toute la province de Luxembourg (bataille des frontières), un jeune lieutenant français, du 2e régiment d’artillerie coloniale, perd la vie à l’entrée du village de Rossignol. S’il est enterré au cimetière militaire français de l’orée de la forêt (Rossignol) dès 1919, avec des dizaines d’autres de ses compagnons d’infortune, un premier monument est érigé en son honneur, dans l’espace public, quelques mois après l’Armistice (1920). 

Ce combattant n’est pas ordinaire : petit-fils de Renan, il est aussi l’un des tout premiers écrivains français tombés au champ d’honneur ; de surcroît, ses ouvrages les plus récents et son engagement dans la foi catholique donnent matière à transformer la mort d’Ernest Psichari en un martyr chrétien ou en un héros militaire.

Ernest Psichari

Né à Paris un 27 septembre 1883, Ernest Psichari est le fils du philologue Jean Psichari co-fondateur de la Ligue des Droits de l’homme, et, par sa mère, le petit-fils d’Ernest Renan et l’arrière-petit-neveu du peintre Ary Scheffer. Alors qu’il étudie la philosophie à Paris, au tournant des XIXe et XXe siècles, Psichari publie ses premiers poèmes qui s’inscrivent dans le courant symboliste. 

Désireux de servir la France, il délaisse une thèse de doctorat entamée sur le thème de « la faillite de l’idéalisme » pour le métier des armes (1904). Jeune brigadier, membre d’une expédition géographique, il tire de ses premiers services dans l’Oubangui-Chari-Tchad français (1906-1907) une nouvelle inspiration pour un récit de voyage qu’il rédige à son retour (Terres de soleil et de sommeil, 1908, couronné par l’Académie française). Essentiellement descriptif, Terres contient un étonnant dernier chapitre où on lit à la fois une justification de la colonisation, une apologie de la guerre, et une affirmation de la supériorité des blancs sur les noirs. Quand le sous-lieutenant de l’École d’artillerie de Versailles parvient à reprendre du service en Mauritanie (1909-1912), il se révèle un militaire aguerri, particulièrement attentif à affirmer la présence française. 

C’est en Afrique qu’il écrit L’Appel des armes, un roman à thèse qui, publié en 1913, tourne le dos au symbolisme et amplifie les idées en germe dans le dernier chapitre de Terres. Il s’agit d’un tournant dans sa pensée. Cet ami de Péguy y exprime un nationalisme hargneux et une pensée réactionnaire. « Le petit-fils de Renan, jusqu’alors connu pour son activité dreyfusarde et socialiste » (NÉAU-DUFOUR) change de camp, choisit celui de l’ordre, au point que certains historiens verront dans L’Appel des armes l’un des premiers témoignages d’une sensibilité préfasciste (GIRARDET).

Cependant, contrairement à ses contemporains – Péguy, Barrès ou Maurras –, Psichari ne cherche pas à élaborer une vision politique ; il n’aboutit à une forme de nationalisme intégral qu’en raison de sa propre crise intérieure qui n’est pas encore terminée. En effet, tandis que sa vie affective continue de connaître d’importants déchirements, éloignée cependant des périlleux chemins de traverse qu’il avait empruntés jadis, il abjure sa foi orthodoxe pour être baptisé selon le rite catholique. La quête sous-jacente d’une mystique le conduit sur le chemin du catholicisme intégral (vers 1912) et il réécrit par deux fois son dernier opus, en donnant une large place à « la recherche de la foi », tout en y manifestant un esprit de tolérance – notamment à l’égard de l’Afrique – et en se référant aux idéaux de 1789. Accoler une étiquette définitive à la pensée de Psichari apparaît par conséquent bien difficile. C’est à titre posthume que paraîtront en 1916 Le voyage du centurion, où il raconte les étapes de sa conversion, puis, en 1920, Les voix qui crient dans le désert.

Psichari achève l’écriture de ses deux romans autobiographiques, relevant de la « littérature catholique », quand éclate la Grande Guerre. Celle-ci l’empêche de prononcer ses vœux et d’entrer définitivement dans l’ordre des Dominicains. Envoyé sur le front belge, il se réjouit de prendre les armes pour ramener l’Alsace et la Lorraine dans le giron de la nation française. Mortellement touché au combat, le 22 août, à Rossignol, il est l’un des tout premiers écrivains, lieutenant appartenant au milieu intellectuel de son temps, à laisser la vie sur le champ de bataille. Celui qui était l’ami de Charles Péguy (tué lui aussi au combat quinze jours plus tard) et de Jacques Maritain devient très rapidement, dans la presse, la figure du héros militaire et celle du martyr chrétien. Après l’Armistice, sous la plume d’auteurs aussi divers que Henri Massis, Charles Maurras, Maurice Barrès, Jacques Maritain, Robert Garric, Charles de Gaulle, François Mauriac, Edmond Rostand et bien d’autres, on se dispute la mémoire de cette sorte de héros national de la France, défenseur de la patrie, de la nation et de l’Église.
 

Monument Ernest Psichari (Rossignol)

Le monument inauguré à Rossignol le 23 août 1920 n’échappe pas à cette compétition mémorielle. L’initiative est revient à Henri Massis, critique littéraire parisien déjà proche de Maurras et de l’Action française, ainsi qu’au poète et juriste bruxellois Thomas Braun, grand admirateur de l’Ardenne, et à Jean Psichari, le père d’Ernest. 

L’inauguration se déroule après une cérémonie religieuse célébrée par un père dominicain du prieuré Saulchoir, celui-là même où Psichari devait faire son noviciat. En présence du colonel français Cayrade, elle se déroule à l’endroit (ou près de l’endroit) où le soldat tomba à la tête de sa batterie. La presse s’en fait particulièrement l’écho, Le XXe siècle consacrant plus d’une page à honorer Ernest Psichari. D’autres initiatives seront prises par la suite dans le village de Rossignol qui devient, dans l’Entre-deux-Guerres, un lieu de pèlerinage particulièrement fréquenté par les milieux catholiques belges et français, qu’il s’agisse des scouts, des jécistes, des acéjibistes ou de la Ligue des familles nombreuses.

En bord de route, à quelques dizaines de mètres du cimetière civil, le monument Psichari s’élève en trois niveaux ; un large socle en pierres du pays accueille le monument proprement dit, composé d’une base en pierres légèrement arrondies qui supportent un obélisque d’environ 2 mètres de haut. 

Sur la face avant de l’obélisque, un glaive dressé verticalement est surmonté de l’inscription :


ERNEST
PSICHARI


Du côté droit, au sommet de l’obélisque a été gravée la date du 22 août 1914, tandis qu’à gauche apparaît la mention « ici tomba ». Sur le socle, on peut voir deux flambeaux avec les inscriptions :


LES TROUPES DE LA MARINE (à droite)
LE SOUVENIR FRANÇAIS (à gauche)


Aucune indication ne permet de connaître le nom du sculpteur ou de l’architecte ayant conçu ce monument.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (en particulier la période d’août 1920 et Le XXe siècle)
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 137.
Frédérique NÉAU-DUFOUR, Ernest Psichari : l’ordre et l’errance, Paris, éd. du Cerf, 2001
Raoul GIRARDET, La société militaire dans la France contemporaine 1815-1939, Paris, Plon, 1953, p. 307.
http://www.ftlb.be/pdf/WAR14-18.pdf 
http://ftlb.be/fr/attractions/fiche.php?avi_id=2852 
www.STADTAUS.com_rossignol_ernest_psichari.pdf (s.v. juillet 2015)

Rue Camille Joset
6730 Rossignol (Tintigny)

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc Georges Simenon

Banc et statue Georges Simenon, réalisé par Roger Lenertz, 13 février 2004.

Situé tout près de la place Saint-Lambert, derrière l’hôtel de ville, au cœur de Liège, un banc en bronze invite à partager un moment de détente, de lecture ou une photo avec l’écrivain Georges Simenon (1903-1989), représenté sans lunettes, le chapeau sur la tête, la pipe dans la main gauche, tandis que le bras droit étendu sur le dossier du banc invite le passant à partager la pose avec l’illustre romancier. Né à Liège où il fut notamment journaliste, le romancier s’est fait un nom à Paris, avant de s’installer en Amérique puis finalement en Suisse. Ses romans policiers sont parsemés de références à ses années passées en bord de Meuse ; ainsi en est-il par exemple de Pedigree, ou du Pendu de Saint-Pholien, histoire où le Commissaire Maigret impose son personnage. Avec une apparente indifférence, les meilleurs de ses romans et la série des Maigret (au total plus de 300 titres en 34 ans) brossent un panorama du temps comme Balzac et Zola l’ont fait pour leur époque. Un grand nombre de ses livres sont adaptés au cinéma, conférant une dimension supplémentaire à l’œuvre de l’écrivain. Depuis quelques années, la ville de Liège est attentive à honorer la mémoire de l’enfant de la cité, qui a d’ailleurs légué une partie de ses archives littéraires à l’Université de Liège (1977).

Outre l’exposition de prestige qui s’est déroulée en 1993, « l’Année Simenon » en 2003 en pays de Liège, l’introduction dans le folklore d’un géant représentant le Commissaire Maigret, et le parcours permanent de promenade truffé de références à l’écrivain et à son œuvre, le nom de Simenon s’inscrit durablement dans le quartier d’Outremeuse, sous la forme d’une rue et de l’identification de l’auberge de Jeunesse, à l’entrée du piétonnier en Neuvice sous la forme d’une plaque commémorative et, depuis 2004, par l’ouverture d’une place du Commissaire Maigret où a été installé le bronze de Simenon assis sur un banc… à quelques dizaines de mètres de la permanence de la police locale et surtout de la maison natale de l’écrivain (24 de la rue Léopold).

Au sol, devant le banc, une plaque en bronze explique la raison pour laquelle le monument a été érigé :


« 13 février 2004
Clôture de « Wallonie 2003, Année Simenon au Pays de Liège »
(Province, Ville et Université de Liège)

Œuvre du sculpteur Roger Lenertz et des « Carrières de Sprimont »
sur une idée de « La Libre Belgique – Gazette de Liège »,
avec l’aimable autorisation de Monsieur John Simenon,

avec le soutien de l’Office de promotion du tourisme Wallonie-Bruxelles,
de la société « Georges Simenon Family Rights Ltd »,
ainsi que des maisons d’éditions (sic)
« Georges Simenon Ltd (a Chorion Company) » (GB), « Gallimard » (F),
« Les Presses de la Cité » (F), « Tusquets Editores » (SP) et « Adelphi Edizioni) (I) ».



Inspiré d’une photo de Simenon prise à Liège en 1950, le sculpteur Roger Lenertz (1924-2012) a conçu la statue assise de Simenon et a conçu le moule dans son atelier à Saive. La sculpture en bronze qui a été coulée à Merelbeke pèse 200 kilos. Elle est déposée sur un banc de pierre, du petit granit sorti des carrières de Sprimont, qui pèse quant à lui près de 800 kilos. Déjà auteur d’un buste en argile de Simenon exposé au Palais des Congrès lors de l’Année Simenon à Liège, Roger Lenertz est un artiste liégeois au parcours atypique. L’essentiel de sa carrière, il l’a menée à la Société des Transports intercommunaux liégeois (la STIL, ancêtre du TEC) ; admis à la retraite, il décide de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts, se lance dans la peinture, avant de se consacrer à la sculpture. À Saive où il installe son atelier, il prend l’initiative d’organiser tous les deux ans une exposition de sculpture, avec l’association Saiv’Art. Son talent est apprécié et il honore plusieurs commandes publiques comme le Vî Bleu à Cheratte Haut, le buste d’Henriette Brenu au Musée de la Vie Wallonne, le monument en l’honneur des chasseurs ardennais à Florenville, ou les deux mineurs de Blegny. Reconnu aussi à l’étranger, où il expose, il laisse notamment une œuvre chez Moët et Chandon à Epernay.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul DELBOUILLE, Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 354-359
Pierre ASSOULINE, Simenon, Paris, éd. Julliard, 1992
Jean-Christophe CAMUS, Simenon avant Simenon. Les Années de journalisme (1919-1922), Bruxelles, Didier-Hatier, 1989.
Centre d’études Georges Simenon, Simenon, l’homme, l’univers, la création, Bruxelles, Complexe, 2002
Anne RICHTER, Simenon sous le masque, Bruxelles, Racine, 2007
 

Banc Georges Simenon


 

 

Place Commissaire Maigret 
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Paul VERLAINE

Plaque commémorative Paul Verlaine, dessinée par l’architecte Jules Ghobert, 26 juin 1932.


« Paliseul ou Jéhonville », Belgique, par Sedan et Bouillon (Verlaine).
Entre Paliseul, Bertrix, Bouillon, Corbion, Sedan et Jéhonville, les références à Paul Verlaine sont nombreuses dans l’espace public, presque autant que les allusions à cette région dans l’œuvre de l’écrivain. « Car (…) Verlaine restait foncièrement attaché au pays de ses aïeux, et l’atmosphère ardennaise est constamment présente au fil de ses écrits, en un jeu continu de miroirs » (CHANTEUX-VAN GOTTOM, p. 10). Les relations entre Paul Verlaine et l’Ardenne wallonne sont intimes. En 1924, Paul Dresse avait été l’un des premiers à établir dans le détail « l’ascendance paternelle ardennaise » de l’écrivain et à mettre en évidence les affinités ardennaises du poète dans son œuvre. Le père Verlaine, Nicolas, est originaire de Bertrix (1798-1865) ; d’autres membres de sa famille résidaient dans la région, dont une de ses tantes (Henriette, épouse Grandjean, 1796-1869) qui avait offert son château de Carlsbourg aux frères des Écoles chrétiennes. Pendant plusieurs étés, entre 1849 et 1873, Paul Verlaine séjourne régulièrement entre la Lesse et la Semois, dans un pays et auprès de gens qui marqueront durablement son imaginaire :

« L’endroit où demeurait ma tante est, à trois lieues de Bouillon, un tout petit chef-lieu de canton, Paliseul […] Un joli site perché, qui corrige l’âpreté un peu des toits trop uniformément en ardoises… » (Croquis de Belgique, 1895).
Né à Metz au hasard des affectations professionnelles de son père, c’est à Paris que Paul Verlaine (1844-1896) grandit ; sa famille s’est installée dans la capitale française après la démission du père Verlaine de la carrière militaire (1851). Mis en pension durant sa scolarité, l’adolescent exprime déjà son mal-être et ne s’attardera pas dans les études. Employé municipal, le jeune Verlaine est surtout attiré par l’écriture : son premier recueil de poésies paraît en 1866, mais un premier amour impossible le tourmente ; alcool et violence altèrent définitivement le comportement de celui qui, coup sur coup, voit son mariage éclater et sa situation professionnelle perdue : il est renvoyé de la mairie parisienne pour avoir soutenu les Communards (1871). Sa relation tumultueuse avec Arthur Rimbaud s’achève à Bruxelles : pour avoir blessé son ami au poignet au cours d’une bagarre violente, il est condamné et privé de liberté dans la prison de Bruxelles puis à celle de Mons jusqu’en 1875. Au terme de sa peine réduite, il a retrouvé la foi catholique et il devient professeur. Après avoir donné des cours en Grande-Bretagne, il atterrit à Rethel où il entretient une relation singulière avec l’un de ses élèves (1877-1883) qui se termine à nouveau tragiquement. Bien que reconnu comme un maître, voire comme un précurseur par les défenseurs du symbolisme, Verlaine ne s’en remettra jamais, décédant à Paris d’une congestion pulmonaire à l’âge de 51 ans. Désigné « Prince des Poètes » en 1894, le poète maudit, auteur en 1895 de Croquis de Belgique, laisse une œuvre majeure et son souvenir fait l’objet d’une attention toute particulière dans le pays où il vécut une partie de sa jeunesse.
Sur un côté de la future « Maison Paul Verlaine », qui appartenait alors à Paul Poncelet, notaire et bourgmestre de Saint-Hubert, à l’angle de la rue Paul Verlaine et de la petite ruelle qui revient vers la Grand Place de Paliseul, une plaque rappelle une période importante de la vie de l’entité :


ICI
JOUA
PAUL
VERLAINE


PLACÉ PAR LES ÉCRIVAINS ARDENNAIS
LE 26 JUIN 1932


L’initiative de cette plaque sobrement décorée en revient aux Écrivains ardennais, coutumiers de ce genre de démarches. Lors de l’inauguration, de nombreuses personnalités officielles avaient fait le déplacement, dont Jules Poncelet, député du Luxembourg et président de la Chambre en exercice, Jules Destrée en tant que représentant officiel de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, et le Consul de France Fernand Sarrien. Autour de Thomas Braun et de très nombreux écrivains ardennais et d’ailleurs (comme Marcel Thiry ou Olympe Gilbart), les autorités locales représentées par le bourgmestre Poncelet avaient également réussi à faire venir différentes personnalités françaises (dont l’éditeur des œuvres de Verlaine). Outre la lecture de poèmes, Thomas Braun, J-P. Vaillant et Henri d’Acremont avaient préparé chacun un discours, tandis que Jules Destrée s’adressa au nombreux public en une brève improvisation.

Dessinée par l’architecte Jules Ghobert, la plaque fournie par les Ardoisières de Martelange est une allusion à la proximité de l’endroit où le jeune Paul Verlaine venait jouer avec Hector Perot (de 12 ans son aîné), dont le père Joseph, percepteur des postes, fut bourgmestre de Paliseul : les Perot habitaient la maison aujourd’hui appelée Paul Verlaine. Elle évoque aussi l’amitié de Verlaine avec le jeune Jean-Baptiste Dewez (1841-1899) qui deviendra le directeur du collège Juste Lipse à Louvain (1871). Quant à la matière de la plaque commémorative, il s’agit de schiste d’Ardenne, évocation à la fois des ardoises d’écriture des écoliers de cette époque et des ardoises de couverture des toits typiques de la région. Au milieu des années 1970, quand est inauguré un complexe culturel avec salles polyvalentes, une inscription est placée au-dessus de la porte d’entrée principale. Il s’agit de cette phrase de Verlaine :


au pays de mon père
on voit
des bois sans nombre…


Si Paul Verlaine est définitivement attaché à la littérature de la France et si l’Ardenne occupe une place indéniable dans son œuvre, il est une hypothèse formulée par Guy Gilquin sur l’influence qu’a pu avoir Verlaine sur l’émergence d’un milieu artistique dans cette partie de la Wallonie, et pas seulement sur Albert Raty : « Avec ses vers fameux, Paul Verlaine n’a-t-il pas été l’élément qui fit prendre conscience aux artistes et poètes wallons de leur existence et du potentiel inspirateur que constituait cette région éloignée des centres urbains ? » (GILQUIN, cité par CHANTEUX-VAN GOTTOM, p. 13).
Quant à Jules Ghobert (Wéris 1881-Bruxelles 1971), après sa formation en architecture à Saint-Luc Liège, il s’adonne tant à la peinture, à la lithographie qu’à l’architecture, cette dernière étant son activité professionnelle principale. Auteur d’un inventaire des constructions rurales et traditionnelles (1914), il signe les plans de nombreuses habitations privées, tant à Bruxelles qu’à Louvain pour l’essentiel, au lendemain de la Grande Guerre. Cet ami de Charles Counhaye partage avec le Verviétois le goût du monumental et du luminisme et, comme lui, est rattaché à l’école du fauvisme brabançon. Ensemble, il contribue à l’aménagement intérieur de l’abbaye de Tongerlo (1920-1935), tandis que Ghobert réalise aussi des commandes de monuments commémoratifs, comme à Paliseul, ou funéraires. Ayant participé sans succès à plusieurs concours internationaux d’architecture, il remporte, en 1937, celui de l’aménagement du complexe du Mont-des-Arts, à Bruxelles. Après moults péripéties dues à l’indécision des autorités, il collabore avec Maurice Houyoux pour établir les plans définitifs d’un projet qui évolue sans cesse et qui occupera trente années de sa carrière : les travaux sont exécutés entre 1954 et 1969. L’ensemble comprendra finalement bibliothèque, palais des congrès, cabinet des Estampes et archives et marquera durablement le cœur de Bruxelles.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
La Vie wallonne, décembre 1922, n°28
Paul DRESSE, dans Les Cahiers mosains, 15 février 1924, n°1, p. 9-11
Danielle CHANTEUX, Paul Verlaine et l’Ardenne : regard singulier d’enfance, Neufchâteau, Weyrich, 2011
Jean ISTACE, Les séjours de Paul Verlaine à Paliseul, dans Terres d’Herbeumont à Orchimont, bulletin n°39, 2013, p. 16-28
La Grive, octobre 1932, cité par Jean ISTACE
Exposition « Verlaine, Ardennais de souche et de cœur », et vidéo du Gsara, cfr http://gsara.tv/outils/verlaine-adrennais-de-souche-et-de-coeur/ 
http://www.tvlux.be/video/paliseul-paul-verlaine-et-l-ardenne_10040.html
http://balat.kikirpa.be/peintres/Detail_notice.php?id=2526 (s.v. juillet 2015)
Exposition Verlaine, cellule n° 252. Turbulences poétiques, Mons, capitale culturelle 2015, musée des beaux-arts 2015-2016
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 622

 

Plaque Paul Verlaine (Paliseul)

Rue Paul Verlaine
6850 Paliseul

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Maurice DEFOIN

Monument à la mémoire de Maurice Defoin, réalisé par l’architecte Édouard Frankinet père et le sculpteur Alex Daoust, 21 ou 27 avril 1928.
 

Sur la rive droite de la Meuse, au pied du Rocher Bayard, apparaît sur la gauche de la N95 en venant de Givet un monument honorant la mémoire d’un motocycliste dinantais. Son nom, Maurice Defoin (1894-1927), ne doit pas être confondu avec celui d’Alphonse Defoin que porte la rue où est installé le monument. Marchand de bois de son état, conseiller communal libéral de Dinant élu en 1926, Maurice Defoin partageait surtout une forte passion pour la course motocycliste. 

C’est au volant d’une Gillet qu’il trouve accidentellement la mort, le 2 octobre 1927, à hauteur de Profondeville, alors qu’il se rend à Bruxelles pour participer à la dernière manche du Rallye national Gillet (Coleau). Co-fondateur de l’Union Motor Dinant, Defoin est immédiatement honoré, quelques mois après son décès, par la création d’une compétition portant son nom (le Grand Prix Maurice Defoin à partir du printemps 1928) et par l’inauguration d’une stèle dont la réalisation a été confiée à l’architecte Édouard Frankinet père (1877-1937) et au sculpteur Alex Daoust (1886-1947). 

Outre le médaillon présentant le profil droit du pilote avec son casque et ses lunettes de motocycliste, le sculpteur a réalisé un bas-relief allégorique où la mort munie de sa faux vient ôter la vie au « motard ». Entre le médaillon et le bas-relief, la pierre en granito est également sculptée sur sa face avant, illustrant le blason du club motocycliste. Quant à la partie supérieure de la pierre, elle est recouverte d’une sorte de dôme, tandis les quatre angles légèrement arrondis sont recouverts de décorations allégoriques coulées dans le bronze.

Monument Maurice Defoin (Dinant)


Dessinateur talentueux, Alexandre Daoust s’est pris de passion pour la sculpture quand il enseignait les mathématiques à l’Abbaye de Maredsous. Diplômé sur le tard pour pouvoir enseigner le dessin dans les Écoles moyennes de l’État, il accomplit toute sa carrière, comme professeur de dessin, à l’Athénée de Dinant (1920-1946). En parallèle, le co-fondateur de l’Université populaire de Dinant enseigne aussi à l’École industrielle de Dinant. Durant toute la période de l’Entre-deux-Guerres, Daoust s’attèle à ressusciter et à rénover l’art de la dinanderie. Quant à sa propre sculpture, elle se dégage du côté « académique » de ses débuts, pour exprimer son amour de la Wallonie, de ses habitants, de son terroir et de ses traditions. Destiné à immortaliser l’assaut aussi héroïque que vain de quelques « pantalons rouges » lancés à l’attaque de la Citadelle, son remarquable monument L’Assaut, au cimetière français de Dinant, lui ouvre de nouvelles portes (1927). 

C’est par conséquent vers un artiste local à la notoriété naissante que se sont tournés les promoteurs du monument. Continuant à sculpter des œuvres d’inspiration personnelle, Daoust répond aux demandes de particuliers comme à celles émanant des pouvoirs publics. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il se lance dans un projet qu’il mûrit depuis longtemps : « réaliser un ensemble d’œuvres sculpturales (reliefs, statues) et fusains dont le thème serait d’essence tout à fait wallonne », qu’il intitulerait L’Âme wallonne et qui serait installée à Liège. De ce projet ambitieux, il n’aura l’occasion de réaliser que la partie centrale, « Noël de Wallonie » (1946-1947).


Quant à Édouard Frankinet, né Theux en 1877, il a étudié la sculpture et l’architecture à Saint-Luc, à Liège, avant de faire une partie de sa carrière à Bruxelles (1900-1907) où il se laisse gagner par les principes du Modern Style. En 1907, il s’installe à Dinant où il échappe de peu aux massacres d’août 1914, mais pas à la déportation. Avec Arthur Defoin et Léon Sasserath notamment, il fait partie des 416 civils emmenés en Allemagne, sans enquête, interrogatoire ni jugement. Les otages dinantais sont maintenus en détention à Cassel pendant trois mois, avant d’être relâchés. En novembre 1914, l’architecte Frankinet retrouve Dinant en état de ruines. Il ne peut être que préoccupé par la reconstruction de la cité mosane pour laquelle il nourrit plusieurs projets. Après l’Armistice, il est étroitement associé au relèvement de Dinant, contribuant notamment à l’aménagement de la Grand-Place, à la (re)construction du Casino, du Musée communal ou de l’Église Saint-Nicolas. Dans la vallée de la Meuse, entre Hastière et Namur, plusieurs villas en style Renaissance mosane doivent aussi leur existence aux plans de cet architecte.

 

Michel COLEAU, Dinant reine de la Meuse, Dinant 1994, p. 163, cité par  http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/autres/defoin-maurice (s.v. mars 2015)
André LÉPINE, 80 monuments insolites d'Entre-Sambre-et-Meuse, Cerfontaine, 1989, p. 9
http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/art-&-culture/frankinet-edouard  (s.v. mars 2015)
Jean SERVAIS, Le sculpteur Alex Daoust, dans La Vie wallonne, 1947, n°238, p. 81-104
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 288

Au pied du rocher Bayard

5500 Dinant

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Mémorial Joseph DUFRANE

Statue à la mémoire de Joseph Dufrane, mieux connu sous le pseudonyme de Bosquétia, réalisée par Léon Gobert, 28 septembre 1913

C’est à l’occasion de la première célébration de la Fête de la Wallonie à Frameries que l’on a procédé à l’inauguration du monument Bosquétia, en souvenir du poète wallon Joseph Dufrane. Un Comité s’était constitué, comprenant notamment Louis Piérard, Ph. Passelecq et l’avocat Demoustier, afin de réunir les fonds nécessaires à la réalisation du monument. La cérémonie officielle est l’occasion pour ce Comité de remettre le monument aux autorités locales, en l’occurrence au bourgmestre Désiré Maroille. Plusieurs discours, récitations de poème et musiques sont interprétées, en présence notamment de Jules Destrée. Honorer un auteur wallon dans le cadre des fêtes de Wallonie leur apparaissait comme une évidence.

Né à Frameries en 1833 et décédé en 1906, Joseph Dufrane a développé une importante activité dans l’industrie. Directeur de charbonnages, il est surtout connu pour être un artiste aux multiples facettes, et considéré comme le « fondateur de la littérature dialectale du Borinage » (Piron). Organiste, chef de fanfare, le musicien était chansonnier et compositeur. Installé à Bruxelles vers 1880, il ressent le besoin de se consacrer aux lettres wallonnes : adaptant en borain des fables de La Fontaine et des pièces de Molière et de Racine, il crée ensuite des œuvres originales, tant en prose que sous forme de chansons ou de pièces de théâtre. Donnant ses lettres de noblesse au wallon borain, il compose En’ c’èst nî co Fram’rîye qui est rapidement considéré comme un hymne pour Frameries et sa région. Chroniqueur dans la presse quotidienne, il utilise le pseudonyme de Bosquétia, l’Écureuil, surnom qui lui survivra. 

Œuvre du sculpteur montois Léon Gobert (1869-1935), le monument alterne la pierre et le bronze ; il se compose d’une stèle érigée sur des gradins bruts de pierre bleue ; dans la partie supérieure, est inséré un médaillon figurant le poète. Et au sommet, un écureuil grignote une branche de chêne. Il s’agit bien sûr de la référence explicite au surnom de Dufrane. Sur les gradins une petite fille lit en souriant l’inscription :

«  A Joseph Dufrane
Qui sous le nom de Bosquétia
A créé et popularisé les lettres boraines.
Ses amis et admirateurs ».

Élève et disciple de Charles Van Oemberg à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, dont il deviendra lui-même professeur, Léon Gobert s’est spécialisé dans la réalisation de sculptures, monuments et bas-reliefs illustrant le travail de la mine et la misère ouvrière. Natif de Wasmes où il a laissé plusieurs œuvres, Léon Gobert a réalisé notamment la Fontaine de L’Ropieur à Mons. 

Sources 

Colfontaine, Dour, Frameries, Honnelles et Quévy, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2006, p. 151
Wallonia, t. XXI, 1913, p. 622
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 194, 598
Robert WANGERMÉE (dir.), Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles, Liège, Mardaga, 1995, p. 84-85
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 206

7080 Frameries

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Josse GOFFIN

Si la statue qui domine la place située devant l’église de Clabecq honore Josse Goffin, l’ensemble du monument est un hommage plus général à tous ceux qui ont contribué à la fondation et au développement des Forges de Clabecq, en particulier à trois représentants de la famille Goffin : Édouard-Guillaume (1796-1858), Charles-Henri (1827-1861) et Josse-Philippe-Auguste (1830-1887). Un an après le décès de ce dernier, le monument est inauguré (1888). Sa réalisation a été confiée au sculpteur Jacques de Lalaing (1858-1917). Son initiative a été prise par deux chefs de fabrication (Étienne et Alphonse Thomas) qui ont réussi à convaincre Simont, le directeur des Forges.

Sur un piédestal en pierre bleue, aux lignes simples, la statue en bronze coulé de Josse-Philippe Goffin le présente debout, la jambe droite vers l’avant croisant celle de gauche, tandis qu’il s’appuie de la main droite sur une canne. Il est vêtu d’un large pardessus non boutonné et d’autant plus dégagé à l’avant que son bras gauche est légèrement plié pour venir prendre appui sur son côté, à hauteur de son bassin. Avec son mètre quatre-vingts, la statue semble être de la même hauteur que l’industriel dont le regard porte sur l’horizon, tandis qu’il paraît tourner ostensiblement le dos à l’église. Bien que le temps ait fait son œuvre, il reste identifié sur la face avant du piédestal par la dédicace suivante :

A JOSSE-PHILIPPE-AUGUSTE GOFFIN
PROPRIETAIRE DES FORGES DE CLABECQ
1830-1887
SES EMPLOYÉS ET SES OUVRIERS RECONNAISSANTS

Sur les deux faces latérales, de manière plus nette, on peut lire le nom et le statut des deux autres membres de la famille :

ÉDOUARD-GUILLAUME GOFFIN
1796-1858
FONDATEUR DES USINES DE CLABECQ

et

CHARLES-HENRI GOFFIN
1827-1861
CONSTRUCTEUR DU LAMINOIR
ET DU CHEMIN DE FER DE RACCORDEMENT

À l’arrière :

AUX
FONDATEURS
DES FORGES DE CLABECQ
1888

Comme l’indiquent les inscriptions du monument, Édouard-Guillaume Goffin a été le premier de cette famille bruxelloise à investir des moyens financiers dans l’exploitation d’une forge à métaux située à Clabecq. Il est alors associé au banquier Nicolas Warocqué et les affaires prospèrent quand éclate la Révolution de 1830. Surgissent alors des difficultés et, à l’entame des années 1840, la Société des Forges de Clabecq fait l’objet d’une profonde réorganisation. Après la disparition de N. Warocqué et du maître de la forge, Ed-G. Goffin en devient le seul responsable et, avec ses fils, développe une activité rentable. Au milieu du siècle, déjà 300 personnes y travaillent et un premier laminoir à fer est installé (1850) après l’installation d’une grande fonderie (1845). Charles-Henri n’est pas étranger aux progrès techniques réalisés ; en 1857, le premier train à tôles est construit ; en 1858, les Forges disposent d’un précieux raccordement ferré à la gare de Tubize : les débouchés sont assurés pour de nombreuses années.

En 1861, Josse Goffin se retrouve cependant seul aux commandes, suite aux disparitions successives de son père (1858), puis de son frère (1861). Plongé dans l’entreprise familiale depuis sa naissance, le jeune entrepreneur donne un nouvel envol aux Forges de Clabecq. Il parvient à vendre ses produits sur le marché européen. Dans les années 1880, l’entreprise compte 1.200 ouvriers et utilise des outils modernes. Toujours à l’initiative de Josse Goffin, une cité ouvrière a été construite pour accueillir une partie du personnel… en tout cas pour le conserver à proximité de l’outil. Cela peut paraître paradoxal au regard du choix effectué par l’industriel lui-même qui a choisi, lui, de rester domicilié à Berchem-Sainte-Agathe, localité des environs de Bruxelles dont les Goffin sont les bourgmestres de 1842 à 1902 : Josse-Philippe avait succédé à son père (1842-1858) et son fils, Josse-Édouard lui succèdera de 1888 à 1902. C’est d’ailleurs le même fils, Josse-Édouard, qui reprendra les Forges en 1888 en leur donnant le statut de société anonyme.

Monument  Josse Goffin

Les idées politiques des Goffin sont résolument libérales ; cet engagement s’accompagne d’une pratique de la religion protestante qui renforce leur opposition au parti catholique local qui n’apprécie que modérément l’adhésion de nombreux ouvriers au même culte que leur patron. Cette situation explique en partie la raison de l’orientation de la statue de Josse Goffin, tournant le dos à l’église. Par souscription publique, le personnel employé par les forges a souhaité rendre hommage à ses patrons. Soutenu par les milieux libéraux de l’arrondissement, le projet est confié au sculpteur Jacques de Lalaing et, un an après le décès de Josse Goffin (2 septembre 1887), l’inauguration du monument sur la place de Clabecq peut avoir lieu (30 septembre 1888). Il donne lieu à des festivités populaires rehaussées par la présence d’éminentes personnalités locales et nationales.

Pour Jacques de Lalaing (Londres 1858 – Bruxelles 1917), il s’agit quasiment d’une œuvre de jeunesse. Né à Londres trente ans plus tôt, dans une famille aristocratique, il s’était d’abord orienté vers la marine quand il largue toutes les amarres, pour se former à la peinture dans l’atelier libre de Jean-François Portaels, à Bruxelles où il s’installe en 1875. Croisant la route de Gallait et surtout de Vinçotte, Jacques de Lalaing s’oriente vers la sculpture à partir de 1884. Son talent jumelé à ses relations mondaines et à un travail permanent lui permet de décrocher le projet de Clabecq, qui apparaît vraiment comme une de ses premières œuvres publiques importantes (1887-1888). Elle lui ouvre la voie à d’autres commandes (Léopold Ier à Ostende, mémorial anglais à Waterloo, etc.) et acquiert progressivement un statut de « sculpteur officiel ». Lors du Salon de 1887, le groupe qu’il expose – Base de Mât électrique – retient fortement l’attention : en raison d’une histoire mouvementée, il marquera durablement la carrière du sculpteur. Portraitiste, de Lalaing apprécie la représentation d’animaux (fauves et chevaux surtout), les scènes historiques, et répond volontiers à des demandes pour réaliser des fontaines ou pour décorer des intérieurs, dans un style qui reste toujours classique. Hostile à l’avant-gardisme, il s’inscrit résolument, et avec un succès inégal, dans la tradition du portrait mondain. Membre de la Commission directrice des Musées royaux de Peinture et de Sculpture, il en devient le vice-président (1

912), puis le président à la veille de la Grande Guerre. Membre de la classe des Beaux-Arts de l’Académie de Belgique (1896), membre de plusieurs Jurys, nationaux comme internationaux, le peintre/sculpteur présente aussi ses œuvres d’inspiration propre lors de Salons. La maladie aura raison de lui en octobre 1917.

 

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 57-59
Inauguration de la statue Josse Goffin à Clabecq, dans Tubize et son passé, 1998, n°14, p. 33-44
Catherine LECLERCQ, Jacques de Lalaing : artiste et homme du monde (1858-1917), Bruxelles, Académie de Belgique, Classes des Beaux-Arts, 2006
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 368
Tubize et son passé, Recueil n° 14, 1998
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 435, 439-440

Place Josse Goffin
1480 Clabecq

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Paul Delforge

© Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Bas-relief Hubert KRAINS

Bas-relief « Pain noir » Hubert Krains, Réalisé par Jules Brouns, 18 juillet 1926.


L’écrivain Hubert Krains (1862-1934) a déjà publié quelques contes et nouvelles quand il achève Pain noir, en 1904, l’œuvre qui fera sa réputation : écrit en Suisse où ce fonctionnaire à l’administration des postes occupe le secrétariat de l’Union postale universelle (1895-1911), ce roman qui évoque la question sociale et le machinisme est un hymne à sa terre natale hesbignonne. Devenu directeur général des Postes de Belgique (1925-1928), Hubert Krains devra attendre l’après Première Guerre mondiale pour obtenir une reconnaissance officielle comme écrivain et conteur. Son roman Mes Amis reçoit le prix quinquennal de littérature (1921). Depuis 1920, il est aussi l’un des tout premiers membres de l’Académie de Langue et de Littérature françaises (1920-1934), institution fondée à l’initiative du ministre Jules Destrée.


L’inauguration d’une plaque commémorative « Hubert Krains », à Waleffes, en juillet 1926, va donner lieu à d’importantes réjouissances. Venant de Bruxelles et de Liège, des délégations officielles se joignent aux Hesbignons qui veulent rendre un vibrant hommage à l’écrivain du pays : on évoque l’âge de l’écrivain (près de 65 ans) comme prétexte à la manifestation. En fait, il n’y a aucun prétexte objectif aux démonstrations d’amitié réciproque qui se déroulent alors : les gens de Hesbaye ne veulent pour rien au monde manquer l’occasion d’exprimer leurs sentiments à l’endroit de celui qui a si bien réussi à parler d’eux-mêmes. Après une matinée relativement protocolaire, le reste de la journée du 18 juillet 1926 prend un caractère résolument populaire, même si d’autres discours sont prononcés, annonçant notamment le promotion de Hubert Krains au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Accompagné par les musiques interprétées par les fanfares locales, le jubilaire parcourt les rues de son village à la tête d’un imposant cortège où se mêlent agriculteurs, académiciens, hommes politiques locaux, parlementaires, représentants ministériels, hauts responsables de la Poste, écrivains, représentants de la Section liégeoise des Amis de l’Art wallon, membres de l’Association des Écrivains belges (que Krains préside depuis 1919), et bien d’autres. Ils sont nombreux ceux qui ont fait le déplacement pour saluer l’auteur de Mes Amis. Une séance littéraire et dramatique clôture la manifestation, l’occasion pour Charles Delchevalerie d’analyser l’œuvre de l’écrivain et aux organisateurs de remettre le Livre d’or des souscripteurs. Un drame lyrique en 3 actes est interprété, adaptation scénique du célèbre Pain noir. Et même si Hubert Krains n’est pas l’auteur de ce seul roman, le succès de Pain noir est tel que même le bas-relief en bronze réalisé par Jules Brouns y fait référence.


Présidé par M. Fossoul aidé de Wood de Trixhe et surtout de Céleste Bada, un Comité d’organisation s’était entouré d’un Comité d’honneur, d’un Comité de patronage et de Comités régionaux, pour réussir « la Manifestation Hubert Krains aux Waleffes » et la rendre plus mémorable encore par la réalisation d’un « monument ». La souscription fut l’occasion pour plusieurs centaines de personnes d’exprimer leur admiration à Hubert Krains. Remis officiellement au bourgmestre des Waleffes, le mémorial représente une jeune femme assise offrant à deux enfants un livre ouvert où s’inscrit ostensiblement le titre Pain noir. Le nom de l’écrivain est gravé dans la partie inférieure du bas-relief scellé dans le mur du cimetière, devant l’église du village. « Visant à la finesse et à l’élégance, [la plaque] est, à ce point de vue, une œuvre bien wallonne, où la distinction s’unit à une grâce sensible » (cité par S. Alexandre).
Auteur du bas-relief officiellement intitulé « L’adolescence hesbignonne offrant le Pain noir à l’Immortalité qui trône dans son sanctuaire de laurier et de chêne », Jules Brouns (Ivoz-Ramet 1885 - Herstal 1971) est un sculpteur surtout actif en région liégeoise. Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où Joseph Rulot est l’un de ses professeurs, récompensé par plusieurs prix, le jeune Brouns est d’abord tailleur de pierre dans l’entreprise paternelle, avant de devenir professeur de modelage et de dessin à l’École technique de Huy, ensuite à Seraing. Après la Grande Guerre, il reprend l’atelier de Rulot dont il est le légataire universel. Poursuivant tous les projets entamés par son prédécesseur, il s’attache à défendre la mémoire de son maître. Brouns ne parviendra cependant pas à achever le monument Defrecheux, dit aussi de l’âme wallonne. Comme ses collègues, il reçoit plusieurs commandes pour des monuments aux victimes de la guerre, essentiellement dans la région liégeoise, dans des cimetières comme sur la place publique. Souvent avec une allégorie féminine, debout regardant vers le ciel et de grande dimension, les monuments commémoratifs constituent l’essentiel de l’œuvre de celui qui est aussi un excellent portraitiste. Intervenant sur plusieurs édifices publics (école technique de Seraing, orphelinat du Vertbois, Lycée de Waha), il signe aussi, en 1952, la statue du mémorial Walthère Dewé.

 

Sources

La Vie wallonne, septembre 1926, LXXIII, p. 12-16
La Vie wallonne, novembre 1926, LXXV, p. 172-174 
La Vie wallonne, 1994, n°425-428, p. 209-201
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 157
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 898-899
Paul ARON, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VI, p. 257-259
Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 41-44
Olympe GILBART, Hubert Krains, écrivain classique dans La Vie wallonne, t. XIV. 1933-1934, p. 330-331
Charles BERNARD, Discours de réception à l’Académie ravale de langue et de littérature françaises, Bruxelles, 1935
Arsène SOREIL, Hubert Krains dans Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique, p. 495-499
Jules DECHAMPS, Hubert Krains, Bruxelles, s.d., ‘Collection anthologique belge’
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d’Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l’Université de l’Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996, p. 137-148

 

 

 

Bas-relief « Pain noir » Hubert Krains


 

 

 

Rue Hubert Krains
4317 Les Waleffes - Faimes

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Paul Delforge

© Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste MARTEL Ernest

Ce sont les élèves de l’École industrielle d’Écaussinnes, avec l’aide de leur professeur, le sculpteur Hector Brognon, qui ont réalisé, 16 septembre 1934, les bustes d’Ernest Martel et de Félicien Yernaux que l’on peut encore voir aujourd’hui depuis la rue Ernest Martel, dans la cour d’entrée de l’actuelle École Industrielle et Commerciale d’Écaussinnes. 

De 1933 à 1937, Martel succéda à Yernaux à la présidence de la Commission administrative de cet établissement destiné à former la jeunesse aux métiers de la région. L’utilité de cette école était défendue de longue date par Ernest Martel, figure marquante de l’entité où il était né en 1880. 
 

Porteur de télégrammes d’abord, carrier ensuite, le jeune Martel (1880-1937) milite très jeune dans l’action socialiste, syndicale d’abord, politique ensuite. Très vite, l’affilié au Syndicat des Ouvriers de la Pierre prend des responsabilités et il succède à Maurice Denis à la tête de la Fédération nationale des Ouvriers de la Pierre et du Plâtre qu’il transforme en Centrale des Travailleurs de la Pierre. Il y joue un rôle majeur sur le plan régional, national et international. 

Conseiller communal d’Écaussinnes élu en octobre 1911, il devient échevin des Finances (1912-1921) et c’est à ce titre qu’il tente de préserver la situation de sa population durant les années d’occupation allemande. Après l’Armistice, il devient le bourgmestre d’Écaussinnes-d’Enghien de 1921 à 1929 ; élu conseiller provincial du Hainaut (1928), il renonce à ses mandats communaux pour endosser la fonction de député permanent. Il renonce aussi à ses fonctions syndicales, cédant le Secrétariat national de la Centrale de la Pierre à Hubert Lapaille, tout en étant élu à la présidence de l’organisation. 
 

Tant le buste de l’École industrielle que le nom attribué à l’une des artères principales de la localité sont des témoignages de reconnaissance des habitants à l’égard de quelqu’un qui s’est engagé résolument dans la défense de leurs intérêts, tant sur le plan social, que politique et économique. De longue date, Ernest Martel réclamait la création d’une École industrielle pour former la jeunesse aux métiers de la région. Après le dur lock-out de 1909-1910, l’École de dessin est transformée en École industrielle et commerciale d’Écaussinnes, avec le soutien des maîtres de carrières. 

Il semble que Félicien Yernaux soit désigné comme premier président de la Commission administrative de l’école et qu’il exerce ce  mandat jusqu’en 1933, année où il est remplacé par… Ernest Martel. Symbolisant l’accord qui pouvait régner entre industriels et syndicalistes, l’École industrielle devient le lieu qui accueille les bustes de Yernaux et de Martel. Le projet est certainement né au moment du passage de relais entre les deux hommes et l’inauguration se déroule le 16 septembre 1934. 
 

Surnommé  « le Rodin de Bois d’Haine », Brognon avait l’habitude de prêter ses services dans la réalisation de monuments ou de bustes réalisés par ses élèves ou par ses amis. Au sortir de la Grande Guerre, il jouit d’une solide réputation dans le Hainaut en raison de sa parfaite connaissance de la pierre bleue d’Écaussinnes. Plusieurs commandes de bustes et de statues lui parviennent, ainsi que des monuments aux morts et aux héros des deux guerres destinés aux places publiques (Écaussinnes-d’Enghien) ou aux cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926) ; il réalisera aussi le monument Ernest Martel du cimetière. Brognon est encore l’auteur du monument dit de Marguerite Bervoets à La Louvière et a participé à la décoration des frontons et panneaux de l’hôtel de ville de Charleroi (côté rue de Turenne et rue Dauphin).

 

Sources

- Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Archives 
- Le Mouvement syndical belge, n°12, 20 décembre 1937, p. 6 
- Claude BRISMÉ, Ernest Martel (1880-1937), dans Le Val Vert. Bulletin trimestriel du Cercle d'Information et d'Histoire locale des Écaussinnes et Henripont
- Écaussinnes-Lalaing, 1988, n° 64 ; 1989, n° 65-67 
- Claude BRISMÉ, Histoire des Écaussinnes, recueil n°15 du Cercle d’information et d’histoire locale, 2010 
- Léon BAGUET, dans Le Val Vert, 1990, n°69, p. 12 
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 155 
- Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d’Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56 
- http://www.eic-ecaussinnes.be/historique_suite.html (s.v. février 2014) 
 

Cour de l’École commerciale et industrielle
rue Ernest Martel 6
7190 Écaussinnes

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Inauguré le 16 septembre 1934

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Mémorial PATTON à Arlon

Six ans avant Bastogne, les autorités de la ville d’Arlon prennent l’initiative de célébrer le célèbre général américain George Patton, le vainqueur de la bataille des Ardennes fin 1944, début 1945. L’idée d’un monument revient en particulier à la Commission des Fêtes d’Arlon, présidée par Julien Breyer. L’ensemble est réalisé par le Service communal des Travaux sur base des plans de son directeur René Barbier. 

L’obélisque est offert par le sénateur Gilson d’Izel, et le médaillon est l’œuvre de Victor Demanet. L’inauguration se déroule le 26 mai 1957 en présence de nombreuses autorités civiles et militaires, dont le gouverneur du Luxembourg Octave Lohest et le général américain Fleming, commandant la « US Communication Zone/Advance Sector à Verdun ». 

Monument général Patton (Arlon)

Le profil droit de Patton apparaît dans un grand médaillon en bronze et précède un double texte – français puis anglais – gravé dans la pierre de la stèle :


D’ICI
LE 24 DÉCEMBRE 1944
LE GÉNÉRAL PATTON
LANÇA LA 3E ARMÉE
DANS LA BATAILLE DES ARDENNES


FROM THIS POINT
ON DECEMBER 24, 1944
GENERAL PATTON
SENT FORTH THE BIRD ARMY
INTO THE BATTLE OF THE ARDENNES


L’endroit où est implanté le monument est celui où le militaire américain aurait motivé ses troupes, en vue de la contre-offensive des Ardennes, contre les armées du maréchal von Rundstedt. La tactique de ce dernier vise à prendre les ponts de la Meuse et à séparer les armées anglaises des forces américaines pour reprendre le port d’Anvers. 

C’est autour de Bastogne que la bataille décisive se déroule au cours d’un hiver particulièrement terrible. Encerclées par la 5e Panzer Armee, les troupes alliées parviennent à résister et reçoivent finalement l’aide de l’aviation, avant que la division blindée de George Patton entre dans la ville le 26 décembre, créant un couloir de communication entre les défenseurs de Bastogne et les renforts. L’accomplissement de ce fait d’armes était remarquable. Le monument arlonais rend ainsi hommage au général américain qui commanda notamment la 7e, puis la 3e armée des États-Unis lors de la libération de l’Europe. 

George Smith Patton Jr.

Depuis son plus jeune âge, servir l’armée américaine est l’objectif de George Smith Patton Jr. Actif au Mexique contre Pancho Villa, en Europe de l’ouest lors de la Grande Guerre, il est un ardent défenseur d’un accroissement de la puissance matérielle de l’armée US. Ayant débarqué au Maroc en 1942, il mène la campagne de Tunisie, conduit les troupes de la 7e armée en Sicile et arrive le premier à Messine (17 août 1943). Après le débarquement en Normandie, il reçoit le commandement de la 3e armée, mène une guerre éclair jusqu’en Lorraine, se montre décisif dans la bataille des Ardennes et poursuit sa route vers l’Allemagne. Nommé brièvement gouverneur militaire de la Bavière, avant d’être affecté au commandement de la 15e armée, il est victime d’un accident de la route et succombe à ses blessures (21 décembre), un an presque jour pour jour après la libération de Bastogne.

Le sculpteur Victor Demanet

Sculpteur des rois et des reines, des soldats et des résistants, des personnages historiques lointains comme de personnalités contemporaines, Victor Demanet a fait de l’espace public, notamment de Wallonie, sa galerie d’exposition. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, il s’est rapidement imposé comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. 

Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964) était appelé à leur succéder si ses études à l’académie des Beaux-Arts (1916-1919) ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. Élève de Désiré Hubin, Demanet eut la révélation en voyant des œuvres de Constantin Meunier et surtout celles traitant de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. 

Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin avaient fini de convaincre Demanet que sa voie était dans la sculpture. Comme d’autres artistes de son temps, il va réaliser plusieurs monuments aux victimes des deux guerres ; auteur de plusieurs dizaines de médailles, il poursuit aussi une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail. Sur le bord de la veste du général Patton, la signature de V. Demanet est particulièrement apparente.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques CHAMPAGNE, Arlon et son Patrimoine, Mémoires de bronze et de granit, t. I, Arlon, éditions Glane, province de Luxembourg 2011.
Jacques TOUSSAINT, Les médailles du sculpteur-médailleur Victor Demanet (1895-1964), dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, 1984, n°130, p. 141-204 + planches
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147.
http://users.skynet.be/fa530432/Intro/Monuments.htm 
http://www.luxembourg-belge.be/diffusio/fr/je-choisis/visiter/tourisme-memoire/2eme-guerre/arlon/le-monument-au-general-patton_TFO10024.php 
http://ftlb.be/fr/attractions/fiche.php?avi_id=1551 (s.v. juillet 2015)

Place du 12e Bataillon de Fusiliers « Remagen »
(carrefour des rues de Bastogne et de Neufchâteau)
6700 Arlon

carte

Paul Delforge