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de Schutter Olivier

Humanisme-Egalité

Ixelles 20/07/1968

En raison de l’activité de diplomate de son père, Olivier De Schutter passe sa jeunesse en Inde puis en Arabie saoudite, où il fréquente l’école anglaise, le Lycée français puis l’École belge quand il arrive au Rwanda, en 1980, avant d’achever ses humanités à Sint-Joris Instituut à Bruxelles (1985). Inscrit en Droit à l’Université catholique de Louvain, il y obtient une licence en Droit international (1990) et un doctorat pour une thèse qui est une analyse comparative (entre États-Unis et Europe) de l’impact de l’émergence des droits fondamentaux sur la fonction judiciaire et la séparation des pouvoirs (1998). Formé à Paris II, détenteur d’un Master en Droits de l’Homme à Harvard (1991), il devient le secrétaire général de la Ligue belge des Droits de l’Homme en 2000, avant d’être chargé de la Fédération internationale, la FIDH, de 2004 à 2008. Là, il a l’occasion de se spécialiser sur l’impact de la mondialisation sur les Droits de l’Homme. 

Durant la période 2002-2006, il dirige encore un groupe européen d’experts indépendants chargés de conseiller l’Union européenne en matière de Droits de l’Homme et ses rapports annuels sont fortement appréciés. Il effectue aussi diverses expertises pour le Conseil de l’Europe. Homme de terrain, capable de formaliser une doctrine juridique en matière de Droits de l’Homme, il se révèle un grand connaisseur de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

En mai 2008, il est appelé à remplacer Jean Ziegler à la fonction de Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, au sein du Conseil des Droits de l’Homme. Sa mission consiste à présenter des rapports à l’Assemblée générale des Nations Unies et au Conseil des Droits de l’Homme portant, notamment, sur les obstacles à la réalisation du droit à l’alimentation et sur les moyens de les surmonter (mai 2008-mai 2011).

Auteur de nombreux ouvrages traitant de droit international, des Droits de l’Homme sous les angles économiques ou sociaux, il est professeur à l’Université catholique de Louvain et au Collège d’Europe, professeur invité à la Columbia University et membre de la Global Law School à la New York University.

En septembre 2012, Olivier De Schutter reçoit du gouvernement wallon le titre de commandeur du Mérite wallon.

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 

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Deprez Jules

Socio-économique, Entreprise

Seraing 1833, Liège /05/1889

Créés en 1825, établis en Société Anonyme en 1826, les verreries et établissements du Val Saint-Lambert sont d’abord dirigés par leurs deux fondateurs, François Kemlin de 1826 à 1838, puis Auguste Lelièvre de 1838 à 1863 qui, en 1836, ont dû se résoudre à l’entrée majoritaire de la Société générale dans le capital. Parmi leurs premiers collaborateurs, on trouve des verriers transfuges de Vonêche et un certain Lambert Deprez. Son fils, Jules, formé à l’École des Mines de Liège et diplômé en 1856, va donner au Val Saint-Lambert l’envol international qui lui faisait encore défaut.

Entré au Val en 1857, nommé sous-directeur en 1860, Jules Deprez va remplacer Auguste Lelièvre en 1863 et donner un nouveau dynamisme à la société, lui faisant franchir un cap décisif. S’appuyant sur un réel savoir-faire, bénéficiant d’un catalogue rédigé en plusieurs langues et présentant, dès 1843, les services qui font sa réputation (Poniatowski, Metternich, Lalaing), le nouveau directeur met davantage l’accent sur l’innovation, l’exportation et la rationalisation dans une démarche d’expansion s’appuyant sur un apport massif de capitaux. Une série de perfectionnements techniques (notamment pour améliorer la gravure et la décoration), l’introduction de nouvelles machines et de nouveaux fours (Boëtius en 1870) contribuent à accroître la productivité et la qualité. L’acquisition par le Val de la cristallerie Zoude à Jemeppe et à Herbatte (1879), de la verrerie de Jemeppe-sur-Meuse (1883) et surtout de la Compagnie des Verreries et Cristalleries namuroises, déjà en 1879, conduit à une fusion et à la naissance de la Société anonyme des cristalleries du Val Saint-Lambert, qui retrouve pleinement son indépendance par rapport à la Société générale. 

Localisant et rationalisant la production du cristal soufflé et moulé à Seraing, du demi-cristal soufflé à Herbatte, des cheminées de lampe à Jambes et diverses productions à Jemeppe, Jules Deprez attaque le marché mondial et y impose une marque, Le Val Saint-Lambert, une seule adresse de commande et un catalogue diversifié (verres à vitre, glaces, cristaux). Grand voyageur, Deprez vend ses produits à travers le monde, est présent dans les grandes expositions. Occupant 2.800 personnes et produisant 120.000 pièces par jour en 1880 et bientôt 4.000 ouvriers en 1889, le Val est bien loin de la vingtaine de collaborateurs des origines pas si lointaines, c’était en 1826. Cette expansion formidable c’est à Jules Deprez qu’elle la doit. 

Cet entrepreneur perçut aussi très vite l’intérêt de prendre en compte le volet social : école gratuite de dessin, coopérative d’achat des produits alimentaires et de première nécessité, prise d’eau potable sur le site de Seraing, infirmerie pour les premiers soins, assurance accidents du travail (1880). Membre de la Chambre de commerce de Liège, il était aussi conseiller communal à Seraing (1864-1872).
 

Sources

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 212
L’art du verre en Wallonie de 1802 à nos jours, Charleroi 1985
Le centenaire du Val-Saint-Lambert, 1826-1926, Seraing, 1926

Demoulin Joseph

Culture, Lettres wallonnes

Liège 29/01/1825, Liège 25/01/1879

Fils d’un ouvrier maçon, Joseph Demoulin bénéficie des sacrifices paternels qui lui permettent d’accéder aux études. Fort d’une solide instruction dans des collèges catholiques réputés, il prend la direction de Paris où il veut se faire un nom en littérature. Il y arrive au moment où la capitale française est plongée dans le climat prérévolutionnaire de 1848 ; acquis aux idées démocratiques et progressistes, partisan absolu du suffrage universel, le Liégeois côtoie les milieux parisiens, est en contact avec Victor Hugo et Pierre-Joseph Proudhon, et se fait pamphlétaire. Ses attaques contre Louis Napoléon le conduisent par deux fois en prison pour délit de presse, avant d’être expulsé de France (1851). 

Rentré au pays, il vit de sa plume, comme journaliste, romancier, auteur dramatique, auteur engagé. Il écrit des feuilletons, des poèmes satiriques, des œuvres wallonnes pour le théâtre qui sont remarquées, mais pas impérissables. S’inscrivant dans la veine naturaliste et réaliste, il n’échappe pas au ton moralisateur. En 1860, Le Quart d’heure du diable est un petit essai satirique dédié à la princesse de Rheina-Wolbeck, comtesse de Lannoy-Clervaux. Depuis les années 1850, il a aussi en chantier un ambitieux roman sur la Révolution liégeoise de 1789.

S’il excelle dans les lettres, il éprouve des difficultés avec les chiffres. Après avoir retrouvé brièvement la prison, cette fois en raison de dettes accumulées, il lance, en 1869, un journal, Le Petit Courrier, dont le succès est assuré par la couverture qu’il fait de la guerre franco-prussienne de 1870. En 1871, attiré par la Commune, il retourne à Paris afin de mettre en application ses profondes convictions progressistes et sociales. Correspondant pour Le Rappel, Joseph Demoulin est arrêté par les Versaillais et échappe de justesse au peloton d’exécution. À nouveau, il est expulsé de France. Ses dernières années à Liège le voient se consacrer à l’écriture. 

En 1874, il publie son roman le plus connu, Le D’zy, qui, en wallon de la région du Condroz, désigne la couleuvre argentée. Tel est le surnom qu’il attribue à son héros (Paul Derenne), sorte de Robin-des-Bois, « philosophe, droit, libéral, intelligent, toujours prêt à aider les pauvres, mais qu’une erreur judiciaire a réduit à vivre en hors-la-loi, dans les bois, comme un génie bienfaisant, aussi insaisissable qu’un orvet » ; plusieurs fois réédité, ce roman constitue une véritable fresque vivante de la vie rurale dans les années 1830, intégrant de nombreuses dimensions politiques. En 1874, à la suite de son poème Le Martyr dédié à Grégoire-Joseph Chapuis, il mobilise ses contemporains (proches de ses idées) en faveur du Verviétois qu’il comparait à Saint-Just.

En 1876, alors qu’il réédite un Recueil de chansons wallonnes et chansonnettes, J. Demoulin devient aussi le deuxième président du Caveau liégeois ; mais sa présidence de la société littéraire est éphémère (à peine six mois) ; peu rompu à la culture du compromis, ce radical et franc-maçon finit son existence dans un certain dénuement matériel que compensent ses convictions politiques. En 1880, ses frères maçons lui rendront hommage en republiant Les plébéiennes, recueil des poésies écrites par Demoulin dans les années 1870.

Sources

Philippe RAXHON, La Figure de Chapuis, martyr de la révolution liégeoise dans l’historiographie belge, dans Elizabeth LIRIS, Jean-Maurice BIZIÈRE (dir.), La Révolution et la mort : actes du colloque international, Toulouse, 1991, p. 209-222
Robert FRICKX et Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. I, Le Roman, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 151-152
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 390-391, 482
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 399
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 58
Célestin DEMBLON, Joseph Demoulin, Sa vie et ses œuvres, Liège, 1883, réédité par le Caveau liégeois, 1998

Oeuvres

È Fonci-Pîrète 
Dji von, djin ‘pou (1858)
Les Plébéiennes (1870)
Pô/Lambert (1881)

Delwart Jean-Pierre

Socio-économique, Entreprise

Uccle 07/07/1950

Licencié en Sciences économiques à l’Université libre de Bruxelles, Jean-Pierre Delwart entame sa carrière professionnelle comme analyste de crédit à la Chemical Bank, avec le statut de stagiaire Onem. Il est ensuite engagé à la Banque du Benelux où il se forge une expérience en matière d’acquisitions et de fusions d’entreprises ; il passe ensuite chez Indosuez Belgique (1979-1991). Actif dans le secteur bancaire en région liégeoise depuis 1982, il rejoint une spin-off de l’Université de Liège qui connaît en 1991 de sérieux problèmes. Pourtant, le secteur de l'aquaculture est en plein développement et J-P. Delwart est convaincu du potentiel d’Eurogentec dans les biotechnologies. Il investit lui-même dans la société où il s’impose en vrai manager, laissant aux scientifiques le soin de développer leurs recherches pendant qu’il s’occupe du volet commercial. Directeur financier puis administrateur délégué, il prend la direction, en 1993, de cette société qui va pâtir de blocages en matière d’agréation européenne pour un produit-phare (la Smoltine).

Contrainte à une profonde restructuration, Eurogentec établit de nouveaux bâtiments dans le parc scientifique du Sart-Tilman et, forte d’investissements privés complémentaires, la société se lance dans de nouveaux défis, quittant le domaine de la santé animale et son potentiel de développement pour les biotechnologies tout aussi prometteuses. Depuis 1995, Eurogentec rend des services dans le cadre de processus de développement et de production de nouveaux médicaments, pour le compte d'entreprises biopharmaceutiques, mais surtout elle produit des outils de recherche spécialisés et des réactifs chimiques pour des laboratoires dépendants d'universités ou d'entreprises du secteur des biotechnologies. 

En une quinzaine d’années, la PME Eurogentec s’impose sur le marché des oligonucléotides, en vendant notamment des morceaux d'ADN qui servent de matière première aux centres de recherche actifs dans la génétique. Elle se positionne aussi dans le secteur de la protéomique (fourniture d’outils permettant l'étude du comportement des protéines) et multiplie par dix son chiffre d’affaires, tandis que son personnel croît de 500%, qu’elle acquiert des sociétés à l’étranger (Angleterre, Japon, États-Unis) et dispose d’une joint-venture à Singapour (2003). Les années 2004-2005 sont plus difficiles, mais Eurogentec est courtisée par quelques importants groupes financiers qui prennent des participations.

Financier actif dans les biotechnologies, J-P. Delwart s’est vu confier la présidence de Solvac, le holding de la famille Solvay. Membre du Groupe de Redéploiement économique du pays de Liège (GRE, 2004), administrateur de l’Institut wallon virtuel de Recherche d’excellence dans les domaines des sciences de la vie (2009), président de l’Union wallonne des Entreprises liégeoises (UWEL) jusqu’en 2008, vice-président de l’UWE (2003-2009), il succède à Eric Domb à la présidence de l’Union wallonne des Entreprises en 2009, et devient ainsi le 16e président du syndicat des patrons wallons (2009-2012). Au sein de l’UWE, il porte un regard favorable et critique à l’égard du Plan Marshall 2.Vert, plaide en faveur d’un meilleur apprentissage des langues auprès des jeunes et de davantage d’esprit d’entreprise. Pour les encourager, Eurogentec est partie prenante au capital de Start Up Invest, filiale de Meusinvest destinée à soutenir les projets de diversification industrielle (2005).

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://www.uwe.be/uwe-1/historique 

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Delruelle Jules-Emile

Socio-économique, Entreprise

Forêt-Trooz 30/05/1900, Liège 15/01/1980

Ingénieur chimiste diplômé de l’Université de Liège (1928), Jules-Émile Delruelle entre rapidement à la SA Société métallurgique de Prayon dont son père, Jules, assure la direction, parmi d’autres activités. Avant la guerre, la société de Prayon absorbe notamment la SA Nouvelle Montagne.

Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Jules-É. Delruelle se montre particulièrement actif au sein du réseau de Résistance Clarence et du Comité Gille. Au sein du groupe Gille formé en 1941 et devenu Comité politique de la Résistance, il siège aux côtés du professeur Charles De Visscher (président), de Ganshof Van der Meersch, de Jacques Basyn, et de Louis Bekaert dont la mission consiste à informer le gouvernement de l'état de l'opinion et à stimuler l'opposition à l'occupant. De nombreuses études économiques sont alors menées et J. Delruelle est responsable de la transmission d’informations vers Londres ainsi que de la collecte d’informations à caractère industriel, économique et financier. À la Libération, dans l’éphémère gouvernement Pierlot qui est chargé de la remise en place des institutions (26 septembre 1944-31 janvier 1945), J-E. Delruelle est désigné comme ministre des Affaires économiques. Cette expérience qui conduit un extra-parlementaire au rang de ministre ne convaincra pas J-E. Delruelle de poursuivre en politique. 

Très vite, il revient aux affaires, faisant l’essentiel de sa carrière à Prayon, mais il garde une intense activité au sein d’associations professionnelles ou d’organismes spécialisés. Administrateur de la Fédération des Industries de Belgique (1945-1952), vice-président du Conseil central de l’Économie (1948-1961), il est très tôt interpellé par les revendications wallonnes et par l’idée de décentralisation économique. Il entend exposer un point de vue qui soit propre aux organisations patronales et c’est une des raisons qui le conduisent à contribuer activement à la création d’une Union wallonne des Entreprises. Celle-ci voit le jour au printemps 1968. En accolant l’adjectif (wallonne) à l’Union plutôt qu’aux entreprises, l’association s’ouvre aux usines étrangères qui s’installent en Région wallonne, et elle accueille indifféremment les entreprises industrielles et les autres. Si les premiers présidents de l’UWE font valoir l’avis des patrons lors de l’adoption de la Loi dite Terwagne de planification et de décentralisation économique (juillet 1970) et de la révision de la Constitution (décembre 1970), ils accompagnent aussi la mise en place du Conseil économique de la Région wallonne et de la Société régionale de Développement. En réclamant la constitution d’une Société unique en Wallonie, les patrons wallons sont sur la même longueur d’onde que les forces syndicales et que le Mouvement wallon. En 1975, Jacques Delruelle, fils de Jules-Émile, accède à la présidence de l’Union wallonne des Entreprises
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jean STEPHENNE, L’Union wallonne des Entreprises, dans J-C. VAN CAUWENBERGHE (dir.), L’aventure régionale, Bruxelles, Luc Pire, 2000, p. 137-143
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 197
Emmanuel DE BRUYN, La Guerre secrète des espions belges : 1940-1944, Bruxelles, Racine, 2008, p. 68, 143

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Delruelle Jacques

Socio-économique, Entreprise

Liège 18/02/1930, Bruxelles 12/07/2022

Diplômé de l’Athénée Robert Catteau à Bruxelles (1949), docteur en Droit et détenteur d’une licence spéciale en Droit économique de l'Université libre de Bruxelles (1956), juriste, Jacques Delruelle devient administrateur de la Société métallurgique de Prayon en 1968, société dont son père Jules-Émile et son oncle, André, sont responsables. Administrateur d’une série d’autres sociétés (dont la SA Mines et Métallurgie, la Société générale des Minerais), il est contraint de procéder à la liquidation de la Société de Prayon définitivement ébranlée par le premier choc pétrolier.

Dès les années 1960, Jacques Delruelle affiche une conscience wallonne et est attentif à la revendication d’une décentralisation économique portée dans certains milieux, mais il entend exposer un point de vue qui soit propre aux organisations patronales. C’est une des raisons qui le conduisent à la mise en place d’une Union wallonne des Entreprises. Celle-ci voit le jour au printemps 1968. En accolant l’adjectif (wallonne) à l’Union plutôt qu’aux entreprises, l’association s’ouvre aux usines étrangères qui s’installent en Région wallonne, et elle accueille indifféremment les entreprises industrielles et les autres. Si les premiers présidents de l’UWE font valoir l’avis des patrons lors de l’adoption de la Loi dite Terwagne de planification et de décentralisation économique (juillet 1970) et de la révision de la Constitution (décembre 1970), ils accompagnent aussi la mise en place du Conseil économique de la Région wallonne et de la Société régionale de Développement. 

En réclamant la constitution d’une Société unique en Wallonie, les patrons wallons sont sur la même longueur d’onde que les forces syndicales et que le Mouvement wallon. Élu à la présidence de l’Union wallonne des Entreprises en 1975, Jacques Delruelle entend inscrire son association comme un interlocuteur valable face au Comité ministériel des Affaires wallonnes et dans ses actions au sein du CERW. C’est sous sa présidence que l’UWE adopte le statut d’une asbl. C’est également sous sa gouverne qu’est entreprise la rédaction d’une doctrine capable de fédérer tous les dirigeants d’entreprises de Wallonie. L’initiative est délicate, mais elle débouchera sur le document intitulé « L’entreprise, source de progrès – axes d’une doctrine de l’UWE », qui engage résolument l’UWE sur la voie d’un véritable syndicat du patronat wallon. Quand il achève sa présidence en 1979, Jacques Delruelle reste membre du bureau de l’UWE et assiste à l’adoption des lois d’août 1980, créant notamment un véritable Conseil régional wallon, objectif qui figurait de longue date dans ses propres aspirations.

Dès lors, il n’est guère étonnant de retrouver J. Delruelle en charge de la première vice-présidence du nouveau Conseil économique et social de la Région wallonne, quand le CERW se transforme, en 1983, principalement par le retrait des politiques, laissant les organisations patronales et syndicales débattre entre elles et émettre des avis consultatifs sur la politique des gouvernements wallons. Aux côtés de Georges Vandersmissen (président, FGTB), de Roger Mené (EWCM) et de Willy Thys (CSC), il occupe cette fonction jusqu’en 1995, accompagnant le transfert de l’institution dans ses locaux définitifs, au Vertbois, à Liège.

Président du Collège des Censeurs de la Banque nationale (1967-1995), Jacques Delruelle est nommé régent de la Banque nationale en 1995 et exerce ce mandat jusqu’en 1998. Dans les années ’50, il a épousé Janine Ghobert, qui sera parlementaire libérale dans les années 1980 et 1990, avant de devenir Juge à la Cour d’Arbitrage. Membre du Conseil d'administration de la SPI+, président de l’aile francophone de la Croix-Rouge de Belgique (1986-2000), Jacques Delruelle a aussi présidé la Société littéraire de Liège (1991-1997) et a été Consul général de la Principauté de Monaco pour les provinces de Liège et Luxembourg (années 1990).

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jean STEPHENNE, L’Union wallonne des Entreprises, dans J-C. VAN CAUWENBERGHE (dir.), L’aventure régionale, Bruxelles, Luc Pire, 2000, p. 137-143
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 197-198

Delporte Yvan

Culture, Bande dessinée

Charleroi, 24/06/1928, Bruxelles 06/03/2007

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Yvan Delporte franchit la porte de la maison Dupuis à Marcinelle ; il y commence au bas de l’échelle, retouchant les couleurs de comics américains, avant d’en gravir tous les échelons et de devenir le rédacteur en chef de Spirou de 1955 à 1968, période qui est la plus faste et la plus mythique du magazine pour la jeunesse. Avec Yvan Delporte, Dupuis a trouvé l’esprit correspondant parfaitement à la définition d’un spirou, personnage espiègle, farfelu et irrévérencieux. En dépit des différences majeures qui l’opposent à Jean Dupuis, il impose des scénaristes et des dessinateurs dont le génie donne ses lettres de noblesse à l’École de Marcinelle : Franquin, Peyo, Will, Mitacq, Piroton, Forton, Eddy Paape, Roba, etc. Avec le Trombone illustré, supplément pirate de Spirou paru entre 1977 et 1982, il met à contribution des noms qui deviendront célèbres : Tardi, Bilal, Rosinski, Moebius, Comès, F’Murrr, Bretécher, Jannin, Gotlib, Mézières...

Scénariste, roi de la contre-pétrie, magicien iconoclaste, Yvan Delporte marque les aventures de nombreux héros comme Gaston, Sibylline, les Schtroumpfs, Benoît Brisefer, Johan et Pirlouit, Isabelle, la Ribambelle... Pour la télévision, il est l’un des premiers à adapter les aventures des Schtroumpfs dont il avait fourni l’idée originale géniale à Peyo.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Salut, Yvan !, dans le journal de Spirou n° 3599, 4 avril 2007
Yvan Delporte, Réacteur en chef, biographie par Christelle et Bertrand PISSAVY-YVERNAULT, éditions Dupuis, septembre 2009
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 350
La Wallonie à l’aube du XXIe siècle, Namur, Institut Destrée, Institut pour un développement durable, 2005

Delloye Nicolas

Socio-économique, Entreprise

Huy 11/04/1755, Huy 22/12/1818

Descendant de Materne Del Loye installé à Huy au début du XVIIe siècle, fils de Henri Delloye, bourgmestre de Huy à trois reprises sous l’Ancien Régime, Nicolas Delloye évolue dans une famille d’industriels notamment actifs dans le secteur du papier et propriétaires de plusieurs papeteries (Landrecy, Bouyart, Chinet) ; son frère, Henri-Joseph (1752-1810), est aussi un esprit curieux, visiteur de fabriques de laiton en Angleterre et chercheur de calamine et de zinc dans le bassin mosan.

Durant la période française, Nicolas Delloye est maire (1799-1800, 1809-1815) et membre du collège municipal hutois (1803-1815). En 1810 et 1811, il est nommé sous-préfet ad interim. Mais son activité principale est l’industrie. Maître de forges, il a repris les activités familiales et lancé une fabrique de toiles peintes et « imprimées à la mode de Jouy » (1793-1806). Son entreprise de papier dispose d’un carnet de commandes bien rempli et est certainement la deuxième en importance du département à la fin de la période impériale. Entrepreneur, il met à profit les informations rassemblées par son frère dans le domaine du laminage et de la ferblanterie. Il saisit surtout parfaitement l’intérêt du procédé mis au point par l’abbé Dony dans le secteur de la ferblanterie et, du fait du blocus continental imposé depuis 1806, s’attaque au traditionnel monopole anglais. 

Soutenu par des financements parisiens, Nicolas Delloye dispose déjà de ses laminoirs qu’il ne cesse d’améliorer et crée une ferblanterie à La Mosteye, au bord du Hoyoux, d’où vont sortir des millions de feuilles de fer blanc d’une exceptionnelle qualité. Aussi important que William Cockerill, le secteur d’activités de Nicolas Delloye pâtit cependant des événements de 1815, moment où l’Angleterre reprend pied sur le marché européen. Sans protection sous le régime des Pays-Bas, la ferblanterie Delloye ne peut concurrencer les bas prix pratiqués par Londres qui dispose, de surcroît, d’importantes mines d’étain dans ses colonies. Le brusque déclin de ses affaires ne doit pas priver Nicolas Delloye du rang de pionnier dans la grande industrie qui se met en place en Wallonie au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. Quant à la plupart de ses nombreux enfants ils assurent, chacun à leur manière, la continuité familiale.
 

Sources

La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés,  t. I, p. 269-293
Georges HANSOTTE, Des Forges au bord du Hoyoux, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), Hommes de fer et de fonte, Huy, 1994, coll. Histoire d’une ville, p. 23-26
Claude-M. CHRISTOPHE, Une dynastie traditionnelle de maîtres de forges, les Delloye, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), op. cit., p. 41-48
Jean-Marie DOUCET, L’imaginaire social, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), op. cit., p. 94-95

 

Mandats politiques

Maire de Huy (1799-1800)
Membre du collège municipal (1803-1815)
Maire (1809-1815)
Sous-préfet ad interim du département de l’Ourthe (1810-1811)

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Delloye Materne

Socio-économique, Entreprise

Huy 25/05/1657, Huy 01/09/1719

Descendant de Materne Del Loye installé à Huy au début du XVIIe siècle et fils de Jean Materne (bourgmestre de Huy), Materne Delloye est apothicaire et cherche à faire de Huy un lieu de cure thermale vers 1717, comme en témoigne le traité qu’il publie alors. Parmi les nombreux Delloye qui sont médecins, chirurgiens, orfèvres, artistes ou ecclésiastiques, Materne Delloye possède un moulin à papier à Chinet-Huy. Ses descendants élargiront cette activité en acquérant d’autres moulins ; quant à sa petite-fille, Marguerite (1718-1795), directrice de la papeterie Delloye, en épousant Gilles-Barthélemy Godin (1726-1775), elle sera à l’origine de l’épopée des papeteries hutoises Godin, dont le prestige et la réputation marquèrent les XVIIIe, XIXe et XXe siècles.
 

Sources

Claude-M. CHRISTOPHE, Une dynastie traditionnelle de maîtres de forges, les Delloye, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), Hommes de fer et de fonte, Huy, 1994, coll. Histoire d'une ville, p. 41-44

Del Cour Jean

Culture, Sculpture

Hamoir 1627, Liège 04/04/1707


Sculpteur admiré de son temps, Jean Del Cour n’a pas perdu de sa notoriété avec le temps. Ses œuvres multiples de style baroque contribuent à l’éclat de Liège, de l’église Saint-Jacques (où un triomphal ensemble présente deux de ses chefs-d’œuvre, le Saint Jacques le Mineur et l’Immaculée Conception) au pont des Arches (il y avait érigé un christ en bronze grandeur nature) en passant par certaines chambres du palais des princes-évêques, par les bas-reliefs de l’église Saint-Martin, voire par la fontaine de Vinâve-d’Île surmontée d’une Vierge à l’Enfant. Il choie aussi la cathédrale Saint-Bavon à Gand, et d’autres églises à Spa, Herkenrode, Huy, etc.


Aîné de cinq enfants, dont le peintre Jean-Gilles, Jean Del Cour a appris le travail du bois auprès de son père menuisier et abandonné ses études au profit du dessin et de la sculpture ; il a fréquenté l’atelier de Robert Henrard, lui-même disciple de François du Quesnoy. Très tôt remarqué, il fait le voyage à Rome (1648-1657) avant de contribuer, dans la principauté de Liège, à l’épanouissement du style baroque fortement tempéré de classicisme. Ses sujets sont principalement destinés aux édifices religieux, mais pas seulement ; il manie avec dextérité toutes les matières (bois, marbre, terre, etc.). Les œuvres de Jean Del Cour s’imposent à celles de ses prédécesseurs et le maître devient le fondateur de l’école liégeoise de sculpture des XVIIe et XVIIIe siècles. Sculpteur, architecte, maçon, entrepreneur, on lui doit encore un Christ au tombeau en marbre blanc (destiné aux Sépulchrines et conservé à la cathédrale Saint-Paul), mais surtout la « réparation » de la grande fontaine du Marché de Liège : en fait, il va l’embellir par la présence de « Trois Grâces » et la mise en valeur du fameux perron liégeois ; le souvenir du sculpteur reste associé à cet édifice, même si ce que l’on voit aujourd’hui diffère beaucoup avec les intentions de l’artiste.

 

Sources

Michel LEFFTZ, Jean Del Cour 1631-1707. Un émule du Bernin à Liège, asbl Les Musées de Liège et Éditions Racine, Bruxelles, 2007
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Albert LEMEUNIER (dir.), Jean Del Cour et la sculpture baroque à Liège. Chefs-d’œuvre du Musée d’Art religieux et d’Art mosan, catalogue d’exposition, Liège, 1994
Pascale BONTEMPS-WERY, Jean Del Cour et la sculpture baroque à Liège : Chefs-d’œuvre du Musée d’Art religieux et d’Art mosan, catalogue, exposition, Liège du 30 avril au 28 mai 1994
Pierre COLMAN, dans Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts – culture, Bruxelles, 1980, t. II, p. 223-230 
Marie-Madeleine ROBEYNS, Jean Delcour, Collection Wallonie, art et histoire, Gembloux, Duculot, 1977
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 259, 301
Jean Del Cour, 1631-1707 : catalogue de l’exposition organisée à l’occasion du 250e anniversaire de sa mort, Salle des Pas perdus de l’Hôtel de ville du 29 septembre au 20 octobre 1957, Liège, 1957
G. DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. V, col. 343-346