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Moutschen Joseph

Culture, Architecture

Jupille 18/03/1895, Jupille 22/12/1977

Au milieu du XXe siècle, deux frères, Joseph (l’aîné) et Jean Moutschen marquent de leur empreinte l’architecture de la région liégeoise. L’initiale de leur prénom étant identique, il est parfois malaisé de restituer à l’un ou à l’autre sa contribution, d’autant que certains projets les ont réunis. Néanmoins, Joseph, l’aîné, apparaît comme celui qui impose le plus sa signature et influence, par ses fonctions à l’Académie, la formation des futurs architectes.

Entré très jeune à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Joseph Moutschen dessine en journée pour le compte du bureau de l’architecte Arthur Snyers à partir de 1911 et continue de suivre des cours en soirée ; grâce à une bourse et au soutien de l’Union coopérative (socialiste), il prépare aussi les examens d’entrée au génie civil qu’il compte mener à l’Université de Gand ; après plusieurs mois passés à l’Université de Bonn, il se trouve à Gand quand éclate la Grande Guerre. En raison des circonstances, c’est à Liège qu’il est diplômé avec grande distinction par l’Académie, en juin 1917, avant d’être choisi comme répétiteur, et professeur intérimaire (1917-1919). Il s’implique alors dans les discussions autour d’un projet de réforme complète de l’enseignement de l’architecture, déposé avant 1914, et qui est resté en suspens sous l’occupation allemande : nouveau programme, nouveau contenu, nouveau cursus, cours du jour au lieu de cours du soir… En 1920, la réforme est finalement définie et introduite. C’est dans ce cadre nouveau qu’il entre en fonction comme professeur, après avoir suivi à Paris, grâce à une Bourse, les cours de l’École nationale des Beaux-Arts (1919).

Dès le début des années 1920, Moutschen est attiré par les constructions en hauteur ; les gratte-ciels le fascinent ; lors d’un séjour aux États-Unis, il rencontre Franck Lloyd Wright et Cass Gilbert ; par ailleurs, il soutient fortement le manifeste du groupe l’Équerre, dont son frère, Jean, est l’un des initiateurs. Architecte s’inscrivant dans la veine fonctionnaliste, il compte à son actif plusieurs cités d’habitations (Thier à Liège en 1922, cité des Cortils à Jupille entre 1925 et 1935), de même que des monuments (Wauters à Waremme, celui de Grâce-Berleur) ou des bâtiments emblématiques (le siège du journal La Wallonie, des Maisons du Peuple à Montegnée et Herstal). Émanant du secteur public, plusieurs commandes marquent le paysage de l’est wallon : des écoles communales (par ex. rue Saint-Gilles en 1935, à Wandre, à Romsée en 1959), le pont barrage à Monsin (1930) et, au Val Benoît l’Institut de Mécanique (1932) et l’Institut du génie civil (1937), ce dernier reflétant bien l’application des principes chers à Walter Gropius. La contribution de Joseph Moutschen au Mémorial Albert Ier et à la préparation des Palais pour l’Exposition de l’Eau de 1939 est aussi à souligner, de même que l’aérogare 58 à « Bruxelles national » (1954-1958).

Dès 1922, Joseph Moutschen avait été nommé professeur, en charge des cours d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, des cours de théorie architecturale, ainsi que de géométrie descriptive. Il consacre ainsi une partie de sa carrière à l’enseignement ; Georges Dedoyard sera l’un de ses disciples. Entre 1942 et 1945, quand Jacques Ochs est fait prisonnier par les Allemands, Moutschen assure la direction par intérim de l’Académie de Liège. De 1948 à 1960, il devient le directeur effectif de l’Académie et de l’Institut supérieur d’Architecture de Liège, cessant ses activités de professeur en 1959.

Parallèlement, Moutschen milite dans les rangs du POB. En 1921, il est élu conseiller communal à Jupille et devient échevin des Travaux publics, ainsi que de l’Instruction publique à partir de 1926. Membre de l’Association des Architectes de Liège (1923), membre-correspondant de l’Institut archéologique liégeois (1930), de la Société nationale des Habitations à Bon marché et de la Commission centrale de l’Urbanisme (1938), ce proche de Georges Truffaut dont il conçut les plans de la maison figure parmi les membres du Grand Liège (délégué à la Commission d’urbanisme). Résistant au sein du réseau Bayard (1943-1944), arrêté et fait prisonnier, Moutschen est reconnu comme résistant et prisonnier politique.

Après la Seconde Guerre mondiale, celui qui est appelé à siéger dans de nombreux jurys assume à deux reprises la présidence de la Fédération des Architectes de Belgique (1948-1950, 1958-1960) et est membre effectif du Conseil de l’ordre des Architectes de la province de Liège. De nombreux prix et récompenses saluent la carrière d’un architecte fort pris par son enseignement, mais dont les réalisations reflètent la personnalité et les engagements.

Sources

Coline CAPRASSE, Les Moutschen architectes modernistes liégeois, Université de Liège, 2014, mémoire inédit Histoire de l’Art et archéologie
Sébastien CHARLIER et Thomas MOOR, dans Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique, de 1830 à nos jours, Bruxelles, Fonds Mercator, 2003, p. 428-429
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 370, 372
Émile PARENT, La réorganisation de l’enseignement de l’architecture, dans L’Equerre, décembre 1933, p. 542
Liège : Guide d’architecture moderne et contemporaine 1895-2014, Liège, Mardaga, 2015, notamment p. 244

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Moutschen Jean

Culture, Architecture

Jupille 02/07/1907, Liège 07/01/1965

Au milieu du XXe siècle, deux frères, Joseph (l’aîné) et Jean Moutschen marquent de leur empreinte l’architecture de la région liégeoise. L’initiale de leur prénom étant identique, il est parfois malaisé de restituer à l’un ou à l’autre sa contribution, d’autant que certains projets les ont réunis. Néanmoins, Jean se démarque de son aîné, professeur et directeur de l’Académie de Liège, par ses réalisations en tant qu’architecte de la ville de Liège, notamment le Lycée de Waha, grand bâtiment public construit avec des matériaux régionaux. En 1939, la grande Exposition Internationale de l’Eau donne à Jean Moutschen l’occasion de s’exprimer, sous la conduite d’Yvon Falise : vraie prouesse technique, le grand palais (destiné dès l’origine à devenir une patinoire) porte sa signature. Au début des années 1960, l’Institut Hazinelle porte aussi sa griffe, de même que l’Institut polytechnique.

Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1923-1931) où son frère est professeur, Jean se destine lui aussi à l’architecture. Jeune diplômé, adepte d’une « architecture rationnelle », il est membre du Groupe l’Équerre, dès 1930, et de son Comité directeur (1931). Parmi les revendications exprimées par Victor Rogister, Jean Moutschen, Émile Parent, Edgard Klutz et autre Albert Tibaux, l’Équerre demande un enseignement où la formation technique et pratique tienne davantage compte des nécessités professionnelle et sociale de l’époque. Rationalité, confort, ensoleillement, hygiène sont des principes prioritaires pour ces architectes ; quant aux matériaux, nouveaux, ils doivent présenter de nombreux avantages, dont celui de l’économie financière.

S’il est marqué par l’esprit de ce groupe, Jean Moutschen s’en démarque cependant quelque peu à partir de 1933, quand il est engagé au sein du Service d’architecture de la ville de Liège, même si l’Équerre a le soutien de Georges Truffaut, l’échevin des Travaux publics, et peut s’exprimer assez librement à Liège. Les architectes du Groupe sont identifiés parmi les « modernistes belges » de leur temps. En 1936, grâce au soutien de Georges Truffaut qui cherche à donner un nouveau souffle à la ville de Liège, Jean Moutschen est nommé « architecte de la ville » par le conseil communal (deux tiers des voix) ; il cesse alors totalement ses activités en tant qu’indépendant pour se consacrer exclusivement aux grands chantiers communaux ; inaugurée en 1937, l’école communale André Bensberg, dans le quartier Saint-Gilles, à Liège, est considérée comme la première œuvre significative de Jean Moutschen ; en 1951, il est nommé architecte-directeur. Après la Libération, il siègera à Commission des Monuments et des Sites (1949), sera membre effectif de l’Association des Architectes de Liège (1962), et membre de jury de nombreux concours.

Sources

Émile PARENT, La réorganisation de l’enseignement de l’architecture, dans L’Equerre, décembre 1933, p. 542
Coline CAPRASSE, Les Moutschen architectes modernistes liégeois, Université de Liège, 2014, mémoire inédit Histoire de l’Art et archéologie
Sébastien CHARLIER et Thomas MOOR, dans Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique, de 1830 à nos jours, Bruxelles, Fonds Mercator, 2003, p. 428-429
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 370, 372
Liège : Guide d’architecture moderne et contemporaine 1895-2014, Liège, Mardaga, 2015, notamment p. 244
L’Équerre. Réédition intégrale, 1928-1939, Liège, 2012

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Moureau Paul

Culture, Lettres wallonnes, Littérature

Jodoigne 01/06/1887, Louvain 17/11/1939

Entre Jodoigne, sa ville natale, et Châtelet, sa ville d’adoption, Paul Moureau établit une étonnante fusion, certes par passion pour le dessin et l’écriture, mais aussi parce qu’il nourrit le projet d’illustrer et de défendre la langue wallonne, objectifs que s’est fixés le cercle des Rèlîs namurwès. La collaboration de Paul Moureau avec Eugène Gillain, le père de JiJé, le futur dessinateur de bandes dessinées, donnera par ailleurs naissance à la première série éditoriale de la revue des Cahiers wallons.

Diplômé de l’École moyenne de Nivelles (1909), instituteur à l’École moyenne de l’État de Châtelet à partir de 1912, Paul Moureau s’établit dans cette localité peu avant la Grande Guerre. Il s’y investira dans la vie culturelle locale (vice-président du Club artistique La Sambre, membre des Amis de Châtelet, président du comité de commémoration du centenaire d’Octave Pirmez), en étudiera l’histoire et le folklore (plusieurs articles paraissent dans les journaux et revues du pays de Charleroi) et sera un membre actif du Comité de restauration de la Chapelle Saint-Roch.

En 1924, il suit une formation complémentaire, en passant l’examen devant le Jury central, qui lui permet de devenir professeur de dessin et de travail manuel, toujours à l’École moyenne de Châtelet. À cette passion tardive, le dessin, il en ajoute une seconde, l’écriture. C’est à ce moment-là, vers 1927, que Moureau rencontre Eugène Gillain qui vient d’emménager à Châtelet. Les deux hommes deviennent des amis inséparables.

Comme Gillain, Moureau admire Edmond Étienne, et il rédige justement une biographie à son sujet. Il l’illustre de ses dessins réalisés à la plume et qui sont autant de vues de Jodoigne et de souvenirs d’enfance. Par l’intermédiaire d’un Gillain insistant, Moureau est reçu comme membre du cercle des Rèlîs namurwès, association consacrée à l’illustration et à la défense de la langue wallonne… Moureau s’essaye en effet au wallon de Jodoigne et il est un membre assidu des réunions des Rèlis. Le résultat de sa production wallonne est convainquant : rassemblés dans un recueil lui aussi richement illustré en noir et blanc, ses premiers contes et poèmes paraissent en 1932 (Lès contes d’a-prandjêre), préfacés par Jean Haust. Son écriture s’affirme de plus en plus et, en 1936, Fleûrs d’al Vièspréye (Fleurs du crépuscule) est accueilli avec beaucoup de faveur ; le Prix du Brabant 1936 est décerné à ce recueil de poèmes dédiés à sa mère, qui comprend six gravures de Joseph Gillain. Par ailleurs, il se lance dans une pièce de théâtre en vers (Pa d’zos l’tiyou, Sous le tilleul, créée en 1933 et publiée en 1934), plus littéraire que dramatique, très bien accueillie. Li drwète vôye (1935) et Djan Burdou (1939) n’auront pas le même succès.

Avec Eugène Gillain, Paul Moureau relève encore le défi de donner naissance à la revue Cahiers wallons (1937-1939). Le premier numéro de l’organe des Rèlîs namurwès s’ouvre d’ailleurs sur une fable de Paul Moureau ; de cette revue, ils voulaient faire une sorte d’anthologie des meilleurs textes en wallon, chaque numéro couvrant une région. L’ambition première ne sera que partiellement rencontrée. En février 1938, témoignage de la place qu’il occupe désormais dans la littérature wallonne, Paul Moureau est élu membre titulaire de la Société de Littérature wallonne. Il ne profitera guère de cette reconnaissance, emporté par la maladie un an plus tard.

Sources

La Vie wallonne, 15 décembre 1939, CCXXXI, p. 127-128
Jacques TOUSSAINT et Joseph DEWEZ (dir.), Les Cahiers wallons ont 75 ans. Les Rèlîs namurwès au service de l’identité wallonne, Namur, 2012, p. 20-31, 35-52, 86-88
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 434-436
Émile Lempereur, À Paul Moureau (Jodoigne 1887 – Louvain 1939) écrivain, artiste-peintre, animateur de la vie culturelle, professeur. Hommage de Châtelet sa ville adoptive 1912-1939, Châtelet, éd. Cercle d’art et de littérature du Canton de Châtelet, 1967
J-J. Gaziaux, Paul Moureau, dans Wallonnes, 4, 1994
Les Cahiers wallons, n° spécial Paul Moureau, n°30, janvier 1940
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 227

Œuvres principales

Une belle figure wallonne : Edmond Étienne, sa vie, son œuvre, 1930
Une petite sainte de chez nous : Sainte Ragenufle d’Incourt, 1936
La Marche Saint Eloi à Châtelet, s.d.

Poésie
Lès contes d’a-prandjêre, 1932
Fleûrs d’al Vièspréye, 1936
Les gayes d’a Batisse de l’Abîye, 1936
E sûvant li stwèle, 1936

Théâtre
Pa d’zos l’tiyou, 1934
Li drwète vôye, 1935
Djan Burdou, 1939
Jeu dramatique de ND de Soûye, inédit

Moremans Victor

Culture, Journalisme

Saint-Nicolas-lez-Liège 01/04/1890, Liège 17/12/1973

C’est au lendemain de la Grande Guerre que Victor Moremans entre comme journaliste à la Gazette de Liège et y accomplit la totalité de sa carrière. Cette Grande Guerre est le facteur qui détermine sa destinée. En effet, après des humanités chez les Jésuites du collège Saint-Servais, le jeune Liégeois s’est orienté vers le monde de l’industrie et des sciences en obtenant un diplôme d’ingénieur à l’Institut Gramme ; quand l’armée allemande franchit la frontière et s’attaque à la cité liégeoise, en âge de mobilisation, Moremans participe aux combats contre l’envahisseur. Après le siège d’Anvers, il est fait prisonnier de guerre. De novembre 1914 à novembre 1918, il est interné au camp d’Alten-Grabow et ne rentre au pays qu’après un séjour de soins en Suisse. Dès ce moment, il a choisi de se destiner au journalisme.

Après avoir proposé ses services à des revues et des gazettes, il finit par être engagé comme rédacteur stagiaire à la Gazette de Liège, en même temps que Georges Simenon. Il y accomplira toute sa carrière. S’intéressant à la politique communale de 1923 à 1938, il se charge du feuilleton littéraire hebdomadaire, avant de se révéler en critique apprécié. Chargé de la page littéraire, « il se livre, avec un égal bonheur, à la critique d’art et de musique, et s’intéressera activement au théâtre » (LINZE). Sa curiosité, sa finesse d’analyse et son ouverture d’esprit le font apprécier des milieux intellectuels de son temps avec lesquels il échange une abondante correspondance et noue des liens d’amitié : Francis Jammes, Max Jacob, Henry de Montherlant, Georges Bernanos, André Billy, Henry Bordeaux, Jean Cassou, Jacques Chaban-Delmas, Henry Poulaille, Colette, Jacques Copeau, Tristan Derême, André Gide, Yvette Guilbert, le maréchal Lyautey, Maurice Maeterlinck, Marcel Arland et son ami Georges Simenon.

Auteur de trois essais et de trois traductions de romans du Hongrois Làszló Dormandi, il est surtout le rédacteur de deux mille cinq cents articles parus dans la presse quotidienne, de 1923 à 1940 et de 1944 à 1973, puisque, sous la seconde occupation allemande, il a fait partie des journalistes qui brisèrent leur plume. Au-delà de la quantité, il y a une qualité particulière dans la critique militante de Moremans. Ami des peintres liégeois Richard Heintz, Robert Crommelynck, Jean Donnay, Joseph Verhaeghe, révélateur perspicace du talent de Nathalie Sarraute à ses débuts littéraires (Tropismes, 1939), le découvreur de pépites qu’était Victor Moremans a élargi l’horizon artistique des lecteurs wallons à la production internationale. Membre du comité des Beaux-Arts de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (dès 1945), il fait partie du comité général du deuxième Congrès culturel wallon (Liège, 1955), et se charge, à cette occasion, du rapport de la section qui traite de La situation du théâtre en Wallonie. Membre de la commission des Arts et des Lettres de la province de Liège, il présidera aussi la commission du théâtre du centre culturel wallon (1956) et sera vice-président de l’Association générale de la Presse belge.

Son influence est incontestable sur l’ouverture du théâtre liégeois à d’autres compagnies, notamment françaises. Membre du Conseil national de l’Art dramatique d’expression française (1953-1973), il peut être considéré comme l’un des pères du Festival du Jeune Théâtre de Liège qui, pendant vingt ans, à partir de 1958, s’est ouvert aux formes du théâtre contemporain.

Sources

Jacques-Gérard LINZE, Victor Moremans, un demi-siècle de littérature, communication à l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, 10 octobre 1992, http://www.arllfb.be/ebibliotheque/communications/linze101092.pdf 
La Vie wallonne, I, 1974, n°345, p. 44
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1121 
Jacques PARISSE, Situation critique. Mémoires d’un critique d’art de province, Liège, Adamm éd., 2000, p. 127

Œuvres principales

Trois essais
Les poètes du prix Verhaeren, 1930
Pyramides et gratte-ciel, 1951
Léopold Levaux et son œuvre d’écrivain, 1956

Trois traductions de romans du Hongrois Làszló Dormandi
La fée maléfique, 1944
Fièvre tropicale, 1944
Deux hommes sans importance, 1945

© Sofam

Maubeuge Lucien

Culture, Lettres wallonnes

Avernas-le-Bauduin 08/04/1878, Seraing 31/08/1968

Bien que ses premiers écrits datent du début du siècle, c’est tardivement que Lucien Maubeuge signe sa meilleure œuvre, avec Lès djins dèl basse classe (1939). Fort apprécié par ses contemporains, le dramaturge donne ainsi au théâtre wallon de Liège une de ses meilleures pièces de l’Entre-deux-Guerres. S’il était aussi poète, Lucien Maubeuge ne consacrait que ses loisirs à l’écriture, même si son activité de machiniste dans un charbonnage lui permettait de donner libre cours à son imagination.

Toute son existence, Lucien Maubeuge restera partagé entre sa Hesbaye natale, patrie maternelle, et la ville industrielle de Seraing où son père, un Ardennais, installa la famille : ayant abandonné la gendarmerie, ce dernier y exerce comme cordonnier. Au terme de l’école primaire, Lucien Maubeuge est rapidement plongé dans le monde du travail : les cristalleries du Val Saint-Lambert d’abord comme apprenti tailleur de cristaux (1891-1894), la mine de Marihaye et le charbonnage du Thier Polet ensuite, à Seraing ; hiercheur, il exercera ensuite toute sa vie la fonction de machiniste.

Trouvant à s’évader dans l’écriture, il compose des chansons poétiques en wallon qui sont remarquées dès les premières années du XXe siècle. Encouragé par Théophile Bovy et Édouard Plenus, Maubeuge connaît un succès certain avec plusieurs recueils en wallon publiés avant la Grande Guerre, et inspirés à la fois par le travail de la mine et les paysages de Hesbaye. Plusieurs revues et gazettes se disputent la publication de ses textes, dont son sonnet Li Mouhagne (La Mehaigne), ainsi que la très appréciée chanson Li Niyêye (La nichée).

D’autre part, le discret Maubeuge rencontre une réelle reconnaissance populaire quand il se met à l’écriture de pièces de théâtre, elles aussi en wallon. Mêlant drôlerie et observations psychologiques des travers de ses contemporains, parfois anonymes, parfois clairement identifiés, les pièces de Maubeuge sont des tableaux des mœurs populaires ou de plaisants croquis villageois qui sont fort attendus depuis Li musique d’à Dj’han-Noyé (1910) ; régulièrement, elles sont à l’affiche du Théâtre communal wallon de Liège. Mais Maubeuge se fait plus rare après la Grande Guerre. Peut-être pour concentrer dans une seule pièce le meilleur de son talent : Lès djins dèl basse classe, créée au Trianon en 1939, est saluée de toutes parts. Récompensée par le prix biennal de Littérature wallonne de la ville de Liège (décembre 1939), cette pièce consacre le retour du théâtre wallon à la tradition de la seule évocation de la vie du terroir. En 1924, le prix Jean Lamoureux lui avait déjà été décerné et en 1930, la section liégeoise de la Société des Arts wallons lui avait consacré une séance d’hommage spéciale, à l’hôtel de ville de Seraing, sous les auspices de Joseph Merlot.

Sources

Oscar PECQUEUR, dans La Vie wallonne, LXI, 15 juillet 1925, p. 443-445
La Vie wallonne CXV, mars 1930, p. 253-254 ; CCXXXII, 15 janvier 1940, p. 149-154

Œuvres principales

Violètes èt Pinsêyes, 1904 (poésie)
So Tchamps so Vôyes... Poésèyes wallones, 1906 (poésie)
Béguinette è Sizet, 1908
Feumes al pompe (Femmes au puits), 1908
Tchansons di m’vyèdje, 1909 (poésie)
Li Discandje
Li musique d’à Dj’han-Noyé, 1910
Moncheû Grignac, 1911
Lès feumes de cazêre, 1912
Bèguinète èt Sizèt
Li Marchâ dè Trô-Botin
Li Discandje, 1924
Lon dé pays, 1924
Pasquêyes èt rîmès, 1924 (poésie)
Les Coqs, 1926
Li Pansa, 1928
Lès djins dèl basse classe, 1939

Martin Alfred

Culture, Peinture, Sculpture

Liège 03/10/1888, Stavelot 06/10/1950

Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Alfred Martin a été un élève doué d’Adrien de Witte et, durant la première moitié du XXe siècle, il a été à la fois un peintre, un graveur et un illustrateur apprécié de ses contemporains. Encouragé par Émile Berchmans, Armand Rassenfosse et Auguste Donnay, ce représentant de l’art wallon acquiert une réelle notoriété grâce à la facilité avec laquelle il aborde tous les genres et les sujets.

Liège, la cité, ses quartiers populaires, ses traditions, son folklore, ses processions ont eu l’honneur de ses peintures, de même que les scènes de la vie quotidienne. Les paysages de l’Ourthe, de l’Amblève et de la Vesdre sont autant de terrains de jeux qu’apprécie l’aquarelliste ; il représente aussi très bien les paysages enneigés et donne de nombreuses interprétations de vues de villages. Des intérieurs d’église ont aussi sa prédilection. Son triptyque dans l’église Saint-Denis, à Liège (1926), témoigne encore de son intérêt pour la peinture religieuse, comme celui destiné à la basilique de Chèvremont (1929). Ses nus autant que ses portraits expressifs constituent une gamme supplémentaire de son talent. Louis Banneux, Noël Dessard et Charles Delchevalerie, notamment, font appel à Martin pour illustrer des livres consacrés aux légendes ardennaises, au travail de la houille ou à honorer des confrères. Xylographe, Alfred Martin est encore l’auteur d’affiches (notamment pour la SNCB) et de très nombreux dessins qu’il réalisait dans son petit atelier liégeois.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 136
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 290

Marin Auguste

Culture, Poésie

Châtelet 10/08/1911, Ooigem, sur la Lys, 24/05/1940

Très tôt, Auguste Marin est attiré par l’écriture ; il n’a pas vingt ans quand il publie Statues de Vierge (1931) et il est encore aux études quand il produit son œuvre la plus marquante, Le Front au vitre (1934). De recevoir le Prix Verhaegen de Poésie (1935) n’incite pas le jeune docteur en Droit de l’Université catholique de Louvain à pratiquer le métier d’avocat auquel il s’est préparé, mais qui ne le passionne guère. Stagiaire chez Paul Struye (1937-1938), il prête davantage d’intérêt à ses amis poètes qui l’incitent à poursuivre son œuvre littéraire et à publier dans les revues : La revue sincère, Le Thyrse, La Revue Générale, La Revue Nationale, et surtout L’Avant-Poste sont ravies de recevoir les textes du poète Auguste Marin, dans les années d’avant-guerre (1928-1940). En quête d’inspiration, ses poèmes se font plus rares après 1934, mais sa plume nourrit les revues de nouvelles, de critiques d’art, de chroniques cinématographiques. Il s’intéresse en particulier à Odilon-Jean Périer.

Catholique fervent, pacifiste, voire antimilitariste, Auguste Marin  est hanté par les bruits de guerre et la mobilisation de 1939 est un vrai calvaire. Combattant de ’40, il est tué durant la Campagne des Dix-Huit Jours, sur la Lys. « C’est tout un monde de couleurs et de souffles dont nous sommes à jamais frustrés » écrira en hommage Robert Vivier en 1945.

Une brève anthologie (Traces) paraît en 1945, avant que les Cahiers du Nord ne rassemblent davantage de textes de l’écrivain wallon dans Œuvres (1950), et que Jacques Antoine publie les Œuvres poétiques de Marin, dans une édition définitive établie par André Gascht en 1977. Par ailleurs, un Prix annuel et international de poésie Auguste Marin a été régulièrement remis dans les années 1950 et 1960.

Sources

La Vie wallonne, I, 1962, n°297, p. 62 ; I, 1963, n°301, p. 73
Robert VIVIER, Hommage au poète Auguste Marin, mort pour la patrie : 1911-1940, dans L’Avant-Poste, 1945
Armand BERNIER, Auguste Marin, le poète à l’âme de cristal, Bruxelles, Labor, s.d.
https://www.servicedulivre.be/Auteur/marin-auguste 

Maréchal Lucien

Culture, Lettres wallonnes

Saint-Servais 24/07/1892, Liège 24/11/1964

Avec son frère, Paul, Lucien Maréchal a été le fondateur ainsi que l’âme du cercle littéraire Les Rèlis namurwès, créé en 1909. Jusqu’à son décès, en 1964, il en est resté le dynamique secrétaire général ; auteur dramatique et romancier, il a consacré tous ses loisirs à promouvoir le dialecte wallon de Namur selon des critères de qualité élevés.

Sans conteste, l’influence d’Alphonse Maréchal est prépondérante sur ses deux fils, Paul, l’aîné, et Lucien. Professeur de rhétorique à l’Athénée de Namur, Alphonse Maréchal est l’un des meilleurs connaisseurs des lettres wallonnes namuroises et il parvient sans peine à transmettre sa passion pour la langue wallonne à la jeune génération. En 1909, Lucien achève ses humanités à l’Athénée de Namur lorsqu’il crée Les Rèlis namurwès, avec Georges Pelouse, Télesphore Lambinon et Auguste Demil, dans le but d’élever le wallon au rang de langue littéraire. Dans leur cursus scolaire, ces jeunes s’étonnent de devoir apprendre la littérature flamande alors qu’ils ignorent tout de la littérature wallonne. Se fixant des règles de fonctionnement très strictes, Les Rèlis (les choisis) seront les défenseurs de textes wallons de qualité. Co-fondateur du cercle et secrétaire (-général), Lucien Maréchal sera le gardien vigilant des principes fondateurs.

Receveur aux contributions (1912-1914), vérificateur des Douanes et Accises à Liège (1919), puis chef de bureau, Lucien Maréchal montrera l’exemple en présentant régulièrement des textes en wallon de sa composition et en animant les différentes revues (Li Blan Cloke, Sambre et Meuse, Les Cahiers wallons) qui servent de supports au cercle littéraire. Usant du pseudonyme de Verdasse lorsqu’il écrit en wallon, il est l’auteur d’une quinzaine de pièces de théâtre, romans et œuvres poétiques. Plusieurs prix lui sont attribués, dont, en 1950, le Prix biennal de Littérature wallonne du gouvernement. Auteur, avec son frère Paul, d’une Anthologie des poètes wallons namurois (1930), il écrit aussi, en français, sur le wallon, les vieux métiers, le folklore, l’histoire locale et les auteurs wallons ; dans ce domaine aussi, on dénombre une quinzaine d’articles ou de brochures, dont certains ont été récompensés par un prix. Lors des fêtes de Wallonie 1958, organisées à Namur, la Gaillarde d’argent lui est remise.

Membre associé au Musée de la Vie wallonne, membre du Caveau liégeois, membre titulaire de la Société de Langue et de Littérature wallonnes (depuis 1932), Lucien Maréchal est encore l’auteur d’articles dans La Vie wallonne, La Philologie wallonne et Le Guetteur wallon. Conférencier, il illustre aussi lui-même ses articles dans Le Guetteur wallon ou La Vie wallonne. Associé à la conception de l’exposition Deux siècles de littérature dialectale à Namur (1964), celui qui contribua à la valorisation du wallon à Namur pendant un demi-siècle a légué sa riche bibliothèque wallonne à la ville de Namur.

Sources

Félix ROUSSEAU, Propos d’un archiviste sur l’histoire de la littérature dialectale à Namur, 2e partie, « 1880-1965 », dans Les Cahiers wallons (Namur), 1965, n°1-2-3, p. 
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1074
Bibliographie des travaux des Rèlis namurwès. 1909-1964, dans Les Cahiers wallons (Namur), 1964, n°7-8-9, p. 194-195 ; et Les Cahiers wallons (Namur), 1965, n°4-5, p. 113
Joseph CALOZET, Lucien Maréchal, dans Les Cahiers wallons (Namur), 1965, n°6-7-8, p. 137-178
Les Kriegscayès. Un témoignage de guerre inédit en wallon, Namur, Rèlîs Namurwès, 2015
La Vie wallonne, III, 1965, n°311, p. 202-203
La Vie wallonne, novembre 1930, CXXIII, p. 86-88

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Mallieux Fernand

Militantisme wallon

Liège 12/02/1872, Dinard (France) 14/08/1934

Docteur en Philosophie et Lettres de l’Université libre de Bruxelles – sa thèse est une traduction française des Nouveaux principes de géométrie de Nicolas Lobatchevski –, avocat, juriste, spécialiste du droit russe, professeur de langues, Fernand Mallieux est aussi philosophe, écrivain et particulièrement attentif à tout ce qui a trait à la Wallonie.

Inscrit à Liège comme avocat-stagiaire dès octobre 1893, le jeune Mallieux voyage en Russie à plusieurs reprises dans les années 1890, et s’intéresse à son système juridique, dont il deviendra un expert apprécié. Professeur de russe à l’École des Hautes études commerciales et consulaires de Liège, titulaire de la même fonction au Cercle Polyglotte, traducteur-juré pour les langues russe et polonaise, auteur de plusieurs articles scientifiques, professeur à l’Université libre de Bruxelles (1902/1903), cet avocat à la cour d’appel de Liège fréquente les milieux à la fois industriels, politiques et culturels du pays de Liège. Au moment où les investissements wallons se font nombreux en Russie, l’expertise de Mallieux est recherchée. Plusieurs articles parus dans des journaux spécialisés témoignent aussi de son intérêt pour les marchés et les débouchés potentiels du côté de la Chine, de l’Australie et de l’Afrique. 

Auteur d’articles et d’ouvrages qui font référence dans le domaine du droit russe, Mallieux cherche, à travers le droit, à identifier la psychologie des collectivités « nationales » et apparaît aussi comme une sorte de médiateur culturel entre la Russie et la Belgique de langue française, où il fait notamment connaître le travail de traductrice de Maria Veselovskaïa.

Conférencier, proche des libéraux Émile Dupont et Charles Magnette, Fernand Mallieux s’affiche progressiste et franc-maçon, défenseur du programme de l’aile gauche du parti libéral. Défenseur de la démocratisation des sciences et des arts, dénonciateur des exactions et des crimes commis en Russie comme au Congo, convaincu que « tous les progrès du droit seront et devront être démocratiques » (1909), proche des libéraux Émile Dupont et Charles Magnette, Fernand Mallieux s’affiche progressiste et franc-maçon, défenseur du programme de l’aile gauche du parti libéral. Cofondateur de « L’Université populaire de l’Amicale » de l’École moyenne de Liège, il côtoie régulièrement Oscar Colson et Jules Destrée.

Polyglotte auquel la mémoire collective accorde la connaissance d’une quinzaine de langues, dont le chinois, le grec et le persan, Fernand Mallieux s’intéresse aussi à la langue et à la culture wallonnes. Collaborateur majeur et régulier de l’importante revue régionaliste Wallonia, il contribue à lui apporter une dimension plus politique au lendemain du Congrès wallon de 1905 : sa chronique intitulée Défense wallonne deviendra le titre de l’organe de l’Assemblée wallonne à partir de 1913. Membre de la Ligue wallonne de Liège, présidée par Julien Delaite (1907),  Fernand Mallieux est le responsable de l’importante enquête lancée auprès d’hommes politiques, d’écrivains, d’artistes et de militants wallons, sur la question : « Faut-il flamandiser l’Université de Gand ? Comment se défendre contre l’assaut du flamingantisme ? » (1911-1912). Dans la foulée, il rédige un rapport sur la germanisation de l’Université de Gand, qui doit servir de base aux discussions de l’Assemblée wallonne (1913), dont il est l’un des représentants de l’arrondissement de Liège. En 1913, il est encore rapporteur sur la question du choix du drapeau wallon. Membre du comité exécutif de la Ligue wallonne de Liège, membre et vice-président de la section liégeoise de la Société des Amis de l’Art wallon, dès sa création en octobre 1912, il restera toujours fidèle à l’Assemblée wallonne, regardant – après la Grande Guerre – la formule de la séparation administrative avec scepticisme (1912-1914, 1919-1934).

Dans les premières semaines de la Grande Guerre, avec Charles Magnette, il lance deux appels aux frères maçons allemands, afin qu’ils viennent constater par eux-mêmes les atrocités commises en Belgique par l’armée allemande. Tout au long de l’occupation allemande (1914-1918), Mallieux reste à Liège et il est l’un des trois avocats liégeois auxquels les Allemands donnent l’autorisation de plaider devant les tribunaux. Plus de 1.500 dossiers en témoignent. Cependant, son aide clandestine à la résistance et son statut de membre de l’Assemblée wallonne entraînent son arrestation. Sur base d’une dénonciation, les Allemands le soupçonnent d’avoir hébergé un prisonnier de guerre russe, transféré en Belgique puis évadé, de lui avoir procuré de faux papiers et de l’avoir mis en rapport avec un passeur. Il reste emprisonné pendant plus de deux mois et demi. La promesse de sa libération est agitée comme argument par les services allemands qui tentent d’appliquer la Wallonenpolitik. En vain. Ce chantage ne fait pas siller Charles Magnette. Alors qu’une déportation en Allemagne est brandie sous les yeux de Mallieux, il est finalement libéré contre le versement d’une amende de 3 000 marks.

Membre actif du groupe liégeois de l’Assemblée wallonne dès les premiers jours de l’Armistice, il tente vainement de trouver une formule de conciliation entre les partisans de la séparation administrative et les unionistes. L’éclatement de l’Assemblée wallonne en juillet 1923 sera un déchirement pour celui qui reste persuadé que la Wallonie est unilingue française et que la Flandre est bilingue (1930), comme en témoigne son engagement contre la flamandisation de l’Université de Gand. Pour lui, la consécration de l’unilinguisme en Flandre sonne la fin de la Belgique.

Secrétaire de la Ligue pour la Défense des intérêts belges (1919), président-fondateur de l’Association des condamnés/prisonniers politiques (1921), vice-président de la Cour des Dommages de Guerre, maître la loge « Parfaite intelligence », Mallieux continue d’apporter son aide active aux réfugiés russes, polonais et juifs qui arrivent à Liège dans l’Entre-deux-Guerres. Par ailleurs, il continue d’écrire des articles dans divers journaux et revues : La Meuse, La Vie wallonne et L’Action wallonne par exemple, ainsi que des contes, souvent inédits, genre littéraire dans lequel il s’était lancé durant la Grande Guerre. S’il se consacre ainsi à la poésie dans l’intimité de sa maison, c’est peut-être parce que, désormais, les chiffres occupent l’essentiel de son temps. Élu conseiller communal, il est en effet choisi comme échevin de la ville de Liège, en janvier 1923, et il va s’occuper des finances de la ville jusqu’à son décès, en août 1934.

Selon son souhait, Mallieux a été incinéré avant d’être enterré dans l’intimité. Depuis plusieurs années, il menait campagne en faveur de ce « mode de destruction des cadavres » et il était considéré, à Liège, comme le chef de file des partisans de l’incinération.

Sources

Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1066
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10
Roger TAVERNIER, L’avocat liégeois Fernand Mallieux (1872-1934) : un homme à la vocation universelle tombé dans l’oubli, dans Eddy STOLS, Emmanuel WAEGEMANS (dir.), Montagnes russes. « La Russie vécue par des Belges, Bruxelles, Anvers, EPO, 1989
Roger TAVERNIER, Maria Veselovskaïa (1877-1937) en haar Russiche Belgicana. Naar aanleiding van enkele weinig belkende teksten van 1917, dans Ex officina. Bulletin van vrienden van de Leuvenses universiteitsbibliotheek, IV, n°1-3, 1987, p. 75-128
Marie-Cécile ADAM, Mockel, Magnette et la franc-maçonnerie, dans La Vie wallonne, 1987, p. 73-80, note 21
L’Action wallonne, septembre 1934, p. 3 ; La Meuse, 11 novembre 1899 ; La Gazette de Liège, L’Express, 16 août et 8 octobre 1934
Fernand MALLIEUX, Souvenirs de prison 1917-1918
Francine MEURICE, Présentations et extraits des documents du fonds APA-AML (Belgique), dans Cahier de l’Actualité du Patrimoine autobiographique 2014 (relecture des textes de 1914-1918)
Les accidents intimes causés par les guerres mondiales. La guerre 1914-1918 en Belgique. Les lettres de prison Mallieux, Fernand, Souvenirs de prison 1917-1918, 1919-1921, dans Actualités du Patrimoine autobiographique aux AMAL, n°3, 2013, p. 22-24

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Mali Pierre

Socio-économique, Entreprise

Verviers 18/08/1856, Plainfield 04/10/1926

Agent commercial au service des familles Simonis et de Biolley, l’Amstellodamois Henri Mali a repéré William Cockerill dans le Nord de l’Allemagne en 1797 et a fini par le convaincre de mettre ses géniales inventions au service de ses patrons, des industriels du textile verviétois. À la suite de ce coup de maître, Henri Mali est resté toute sa vie au service des Simonis et des Biolley, et s’est installé à Verviers en transmettant à ses enfants et petits-enfants son esprit d’entreprise et d’exploration de nouveaux marchés.

Dès 1826, Henri Willem Mali (Verviers ?, New York 1867) est envoyé aux États-Unis pour prospecter les marchés. Fondateur de la Henry WT Mali & Co. Inc. à Manhattan, il s’installe à New York comme agent commercial international et y fait carrière. Il se fait construire un imposant bâtiment du côté de Brooklyn, surplombant la Harlem River ; cet ancien bâtiment de briques rouges constituant le Hall Butler, proche de l’Université, est toujours visible en 2016. Sollicité dès l’établissement des relations diplomatiques et commerciales du nouveau royaume de Belgique pour le représenter aux États-Unis, Henri W. Mali est le premier consul de Belgique aux États-Unis (1831) ; désigné aussi commissaire du gouvernement auprès de la Société de navigation à vapeur entre Anvers et les États-Unis, il est promu consul général en 1855. Jusqu’en 1949, les Mali seront consuls de Belgique à New York.

À la fin des années 1830, Charles Mali (Verviers 1818, Brooklyn 10/07/1899) rejoint son frère Henri W. aux États-Unis et soutient les activités de la société spécialisée et réputée pour tous ses produits de billard haut de gamme. Installé à Brooklyn, président de la Société belge de bienfaisance de New York de 1881 à 1898, membre de la Chambre de Commerce de New York, il est le consul général de Belgique à New York, de mai 1867 à juillet 1899.
Quant à Jules Mali, le troisième frère, revenu à Verviers après un séjour outre-Atlantique qui a duré cinq ans, il fait carrière dans sa ville natale, où il joue un rôle important. Ce sera son fils, Pierre qui partira aux États-Unis pour reprendre la direction de la société de ses oncles.

Jeune ingénieur diplômé de l’Université de Liège (1878), Pierre part en effet pour les Amériques où il accomplit sa carrière. Il y épousera Frances Johnston, la fille du premier président du Metropolitan Museum of Art. Importateur et commerçant, directeur de la « Henry W.T. Mali &. Co », il sera tour à tour vice-consul (1889), consul en remplacement de Charles (1900), et consul général de Belgique à New York (1914-1926). Les deux fils de Pierre, John Taylor Johnston Mali (1893-) et Henry Julian Mali (1899-), prendront sa succession, en tant qu’importateur exclusif des tissus de la société Simonis : la société Mali est le plus ancien fournisseur de matériels de billard haute gamme en Amérique et aussi la plus ancienne entreprise familiale établie à New York City.

Sources

L’Indépendance belge, La Meuse 1840-1914, dont 26 octobre 1855 ; La Meuse, 16 mai 1882 ; Gazette van Moline, 1er novembre 1917
Remember, Nos Anciens. Biographies verviétoises 1800-1900, parues dans le journal verviétois L’Information de 1901 à 1905, Michel BEDEUR (préf.), Verviers, éd. Vieux Temps, 2009, coll. Renaissance, p. 79-80
Théo WÜCHER, Oraison funèbre prononcée le 12 juillet 1899 à l’occasion des obsèques de Charles Mali, New York, Weiss, 1899
Anne VAN NECK, Les débuts de la machine à vapeur dans l’industrie belge, 1800-1850, Bruxelles, Académie, 1979, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique au XIXe siècle, p. 121