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Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Zénobe GRAMME

Quelques mois à peine après le décès, à Paris, de Zénobe Gramme, l’association des anciens élèves de Polytechnique et de Centrale, à Paris, fait connaître son intention d’ériger un monument à la mémoire de l’illustre inventeur. Après son invention, le nom de Gramme s’était imposé comme celui d’une marque et l’on en avait fini par oublier que ce nom renvoyait à un génial inventeur qui, en se retirant discrètement, dans la banlieue parisienne n’avait pas facilité l’entretien de sa mémoire. L’idée des Parisiens fait cependant bondir les milieux belges ; plusieurs articles paraissent et Oscar Colson retrace, pour la revue Wallonia, une importante biographie qui insiste sur les racines wallonnes de l’inventeur de la dynamo. Plutôt qu’un comité bruxellois, ce sont des Liégeois qui prennent l’initiative : l’Association des Ingénieurs sortis de l’École de Liège formule, dès août 1903, le projet d’ériger un monument en l’honneur de son illustre membre. Un Comité présidé par Frédéric Nyst – par ailleurs président de l’AILg – lance une importante souscription publique qui parvient à sensibiliser plus d’un millier de communes, de sociétés et de particuliers : ce sont près de 75.000 francs qui sont rassemblées auxquels le gouvernement, la province et la ville de Liège ajoutent de plantureux subsides.

Pourvu de moyens importants, le « Comité du Monument Gramme » (au sein duquel on retrouve notamment le professeur George Montefiore-Levi) peut se permettre d’ériger un impressionnant monument à Liège, d’apposer une plaque commémorative à Jehay et de créer des bourses d’études pour les étudiants de l’École industrielle de Liège. Chacun s’accorde à considérer que l’inauguration du monument liégeois doit s’inscrire dans le cadre de l’Exposition universelle qui se tient alors dans la Cité Ardente. Le monument prend place dans le prolongement du pont de Fragnée lui aussi rénové et inauguré en 1905.

En présence du ministre Gustave Francotte – en charge du Travail –, le bourgmestre Gustave Kleyer exprime la satisfaction de « la Capitale wallonne » d’accueillir un tel monument. Il est à la mesure du génie attribué à Zénobe Gramme puisqu’il comprend trois groupes de sculpture en bronze s’appuyant sur un socle en pierre de très grande largeur : Gramme menuisier, Gramme méditant, vingt ans plus tard.

La partie évoquée ici s’intitule « la dynamo ». Menuisier bricoleur et persévérant, Zénobe Gramme (1826-1901) dépose en 1869 le brevet de son innovation majeure, une machine dynamoélectrique. À la tête de sa propre société, il parviendra à vendre son « produit » de plus en plus perfectionné à l’industrie. C’est à l’inventeur qui a révolutionné le monde que cette partie du monument rend hommage. Sur un socle plus élevé que les deux autres, occupant la position centrale, un autre socle en forme de colonne carrée est surmonté d’un large buste, réalisé en bronze, qui présente Zénobe Gramme en demi corps. Sa main repose sur une dynamo bien visible. Symbolisant une déesse personnifiant la science selon les uns, la porteuse d’électricité selon les autres, une femme se tient à la droite de l’inventeur ; elle tient les palmes glorieuses et « les foudres électriques ».

La réalisation de l’ensemble du monument en revient à l’architecte Charles Soubre (1846-1915) et au sculpteur Thomas Vinçotte (1850-1925). Très tôt intéressé par la sculpture, le jeune Vinçotte a déjà eu la chance de fréquenter l’atelier d’Alexandre et Guillaume Geefs, quand il est admis à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Élève brillant auprès de Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, second au Prix de Rome 1872, il part se perfectionner dans plusieurs ateliers parisiens et les bustes (l’un de P. Orts, l’autre de Giotto) qu’il présente au Salon de Bruxelles en 1875 lui assurent une notoriété définitive. Après deux années en Italie (1877-1879), il répond à de multiples commandes publiques et du Palais royal, tout en poursuivant une œuvre personnelle. En marbre ou en bronze, avec des bustes, des statues, des monuments ou des bas-reliefs, réaliste ou introduisant de la fantaisie, Vinçotte s’impose comme une valeur sûre de son temps, se spécialisant, à partir des années 1880 dans la représentation des chevaux. Originaire de Borgerhout et décédé à Schaerbeek, il a été professeur de sculpture à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts d’Anvers de 1886 à 1921. Quant à Charles (Étienne) Soubre, second fils du compositeur Étienne Soubre, et neveu du peintre Charles Soubre, il est professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Liège depuis 1885. Il a signé les plans de quelques villas bourgeoises essentiellement en région liégeoise (château Peltzer à Verviers, maisons sur les grands boulevards de Liège, etc.) quand il se voit confier la réalisation du monument Gramme avec Vinçotte.

 

Sources

Wallonia, 1902, p. 123-129 ; Wallonia, 1903, p. 261-283 ; Wallonia, 1905, p. 488-492
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 206
Si Liège m’était conté, n°36, automne 1970, p. 11
Suzy PASLEAU, dans Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 205-206
Revue du Conseil économique wallon, n° 42, janvier 1960, p. 78
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 605-609
Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, 2003, p. 515-516
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_%C3%89tienne_Soubre (sv. janvier 2014)

 

Monument Zénobe Gramme

Square Gramme
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue saint LAMBERT

Statue de Lambert, saint patron du diocèse et de la principauté de Liège, réalisée par Mathieu de Tombay, c. 15 octobre 1880.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. 

Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Celle de Lambert figure parmi les 27 premières statues achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif dès la mi-octobre 1880.

Personnalité incontournable de l’histoire liégeoise, saint patron du diocèse et de la principauté, l’évêque Lambert (636-705) dispose d’une statue de la même taille que les autres, mais placée bien en évidence, à la gauche de la façade principale, sur le retour du péristyle, sur la partie inférieure de la colonne de gauche. Lambert tient un livre ouvert devant lui ; il est coiffé d’une mitre ; le drapé de ses vêtements est particulièrement soigné, tout en restant sobre. C’est le sculpteur Mathieu de Tombay qui signe cette statue. Il est le frère d’Alphonse qui est le plus connu de cette famille liégeoise de sculpteurs, et qui travaille aussi sur le chantier du palais provincial. Sur les 121 sculptures du palais liégeois, Mathieu de Tombay en signe cinq à titre personnel, dont celle de la personne la plus importante de l’histoire du diocèse de Liège. Ce Mathieu de Tombay est souvent confondu avec son grand-père, son parfait homonyme.

Nommé évêque vers 666, suite à l’assassinat de Théodard, Lambert est devenu l’un des conseillers du roi Childéric II. Mais l’époque est riche en intrigues et, à son tour, Childéric est assassiné (673), tandis que ses partisans sont persécutés. Contraint de quitter sa fonction épiscopale, Lambert s’exile au monastère de Stavelot, avant de revenir, vers 681, quand les événements politiques le permettent à nouveau. Dans ses fonctions d’évêque de Maastricht, il contribue à l’approfondissement de la christianisation des populations rurales. Mais son implication dans les affaires de l’État semble être l’une des hypothèses avancées pour expliquer son assassinat en 705. Quand Hubert, son successeur, transfère ses reliques à Liège et édifie une chapelle à l’endroit où il a été assassiné, le culte rendu à Lambert contribue au développement de Liège. 

Sources 


Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 100
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Statue de Lambert

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue MASSON Arthur

À quelques centaines de mètres de sa maison natale, Arthur Masson a fait l’objet d’un monument, dans la rue Maubert, à deux pas de l’église de Rièzes, village adossé à la frontière française et qui fait partie de l’entité de Chimay. 

Après les célébrations en grandes pompes du centième anniversaire de la naissance du père de Toine Culot (1996), un regain d’intérêt se porte sur l’écrivain wallon : en septembre 1997, Namur inaugure un square ; en 1998, Treignes lui dédie une statue installée devant un espace culturel qui porte le nom d’Arthur Masson. En 1999, Robert Bronchart publie, aux éditions de l’Institut Destrée, un livre intitulé Arthur Masson ou le partage du plaisir (1896-1970) et multiplie les conférences. En 2000, Gérald Frydman réalise un documentaire sur l’homme qui écrivait des livres. Dans son village natal, depuis les années 1960, une plaque rappelle l’endroit où il est né et, en 1970, une rue porte son nom, mais il faut attendre les fêtes de Wallonie 2003 pour que soit inaugurée une œuvre originale, créée à l’initiative du groupement Animations Rièzoises présidé par José Fontenelle. 

Lors d’une exposition présentée à Rièzes, en 2001, par Robert Bronchart, celui qui est aussi sculpteur s’est étonné de l’absence d’un monument emblématique dans son village natal. Le défi était lancé, Bronchart proposant d’ailleurs un projet représentant Arthur Masson debout, entouré de cinq personnages de son œuvre. Assurant le financement et la coordination du projet, Animations Rièzoises confie la statue de Bronchart à Chaba Tulok qui moule les éléments d’après la sculpture, à Hugues Van Vlordop qui se charge de les couler, tandis qu’Angelo Monte Forte les assemble et le personnel communal chimacien se charge de réaliser le socle. 

Une plaque identifie clairement l’initiative :

Arthur Masson 
Auteur de Toine Culot 
Né à Rièzes le 22 février 1896 
Décédé à Namur le 28 juillet 1970 

Don de l’Animation Rièzoise 
Sculpteur Robert Bronchart             Rièzes le 13/09/2003

Monument Arthur Masson (Rièzes)Cette œuvre collective est inaugurée dans le cadre des fêtes de Wallonie et surtout de la ducasse de Saint-Gorgon, en présence de plusieurs dizaines de personnes, dont les autorités communales de Chimay et les deux nièces de l’écrivain. Par ailleurs, Chimay accueille une exposition et une pièce de théâtre sur Arthur Masson mise en scène par les élèves de l’école de Rièzes. 

Né en 1896, d’un père douanier, Arthur Masson (1896-1970) n’imaginait pas atteindre la célébrité par ses écrits et ses personnages. Professeur à l’Athénée puis à l’École normale de Nivelles, il avait imaginé avant-guerre le personnage truculent de Toine Culot. Apparu sous un titre peu flatteur – obèse ardennais –, ses aventures dans « la tourmente » confortent l’impression du lecteur de partager un morceau de l’existence de ce personnage qui lui ressemble. Dans un récit en français, l’écrivain recourt volontiers à des expressions wallonnes au suc intraduisible. Pleine d’une drôlerie populaire, piquante et de bon goût, la saga de Toine Culot se poursuit après la Libération. Il devient alors le maire de Trignolles (Treignes) et gravite autour de lui tout un petit monde qui est à la Wallonie ce que sont à Marseille Fanny, César, Marius ou Topaze : Tchouf-Tchouf, le médecin, Adhémar Pestiaux, le droguiste, l’Abbé Hautecoeur ou encore T. Déome. 

Élève d’Alexandre Daoust, le Dinantais Robert Bronchart s’est notamment formé à Bruxelles auprès de Roger Somville, avant de se lancer tant dans la peinture que dans la sculpture ; sa maîtrise du dessin lui procure une réelle aisance artistique. Il alterne huiles, pastels, dessins, lithogravures et sculptures. Dans sa jeunesse, la lecture des aventures de Toine Culot lui avait inspiré de nombreux dessins où il se plaisait à représenter tout le petit monde de Trignoles. L’écriture d’un livre et la sculpture complètent sur le tard l’exploration de l’univers sorti de l’imagination d’Arthur Masson. 

En effet, c’est au moment où, étudiant à l’Université libre de Bruxelles, il s’était retrouvé loin de Dinant, « exilé à Bruxelles » que Bronchart avait trouvé refuge dans le monde de Masson et réalisé ses premiers dessins. Quelques années plus tard, le chercheur, ingénieur chimiste, profite de sa mise à la retraite pour retourner « au pays », à Hastière au début des années 1990. En bord de Meuse, Bronchart redécouvre Masson et réalise dans un premier temps des dizaines de petites statues en terre représentant les personnages de la saga de Toine Culot. Il part à la découverte d’archives inédites et entre en contact avec ceux qui ont croisé la route de l’écrivain, donnant ainsi naissance à un livre, à des conférences et au projet de statue Masson à Rièzes.

Sources

- Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse dont Nouvelle Gazette, 15/09/2003 
- André LÉPINE, 80 monuments insolites d’Entre-Sambre-et-Meuse, Cerfontaine, 1989, p. 70 
-  Robert BRONCHART, Arthur Masson ou le plaisir du partage (1896-1970), Charleroi, Institut Destrée, 1999 
- Paul DELFORGE, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995 
- A. DULIÈRE, Biographie nationale, 1977-1978, t. 40, col. 627-632 
- Marcel LOBET, Arthur Masson ou la richesse du cœur, Charleroi, Institut Destrée, 1971 
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 333 
- http://bioul-notre-village-natal.eklablog.com/falaen-expo-du-peintre-robert-bronchart-ex-eleve-d-alexandre-daoust-a101731955

Rue de Maubert 
6464 Rièzes

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Inaugurée le 13 septembre 2003

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Père Damien

À l’initiative de la VRT, les téléspectateurs flamands avaient considéré, en 2005, que le Père Damien était « la personnalité belge la plus marquante de l’histoire de Belgique ». Né en 1840 à Tremelo, dans le Brabant (flamand), sous le nom de Joseph de Veuster, il avait achevé sa formation scolaire à Braine-le-Comte pour y perfectionner ses connaissances en langue française (1858), avant d’entrer, à Louvain, chez les Pères des Sacrés-Cœurs de Picpus (1859). 

Ayant entamé des études en philosophie et théologie, le jeune novice, connu désormais sous le nom de Damien, devait partir en mission, dès 1863, pour Honolulu où il est ordonné prêtre en 1864. C’est là que le père-missionnaire va vivre, aidant les lépreux de Molokai, tout en menant son œuvre évangélique. Atteint par la maladie fin 1884, il poursuit ses activités jusqu’à son décès, en 1889. Dès 1886, l’histoire du « soldat héroïque blessé à mort sur le champ de bataille de la lèpre » fait rapidement le tour du monde, si bien que des dons importants, ainsi que des volontaires, viennent aider ceux de Molokai. 

Quand Hawaï devient le cinquantième État des États-Unis d’Amérique (1959), la statue du Père Damien est choisie pour entrer au Capitole de Washington. Son souvenir est aussi entretenu en Belgique, notamment par l’Église catholique. 

En 1964 est lancé le projet « Action Damien » pour lutter contre la lèpre et la tuberculose. En 1995, le Père Damien est béatifié par le pape Jean-Paul II et, en 2009, canonisé par le pape Benoît XVI.

Les autorités de Braine-le-Comte avaient, depuis longtemps, pris l’initiative de rappeler le court séjour du jeune de Veuster dans la commune (entre mai 1858 et janvier 1859). Place de la Culée, un buste a été réalisé par le sculpteur et architecte Hector Brognon (1888-1977). 

Monument Père Damien

Professeur à l’École industrielle et commerciale d’Écaussinnes, Hector Brognon y jouit d’une solide réputation, en raison notamment de ses nombreuses réalisations comme ses bustes et statues, ainsi que pour les monuments aux morts sur les places publiques (comme celui d’Écaussinnes-d’Enghien, sur la Grand-Place) ou dans les cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926, ou Ernest Martel en 1933). La pierre bleue d’Écaussinnes n’a plus de secret pour celui qui a été surnommé récemment « le Rodin de Bois d’Haine », qui a signé le monument dit de Marguerite Bervoets à La Louvière et qui a participé à la décoration des frontons et panneaux de l’hôtel de ville de Charleroi (côté rue de Turenne et rue Dauphin). 

Quand le buste du Père Damien a été achevé, à Braine-le-Comte, l’espace était alors totalement dégagé. Depuis, la végétation a pris possession de l’espace où se situe aussi le buste de l’explorateur Adolphe Gillis.





Bernard COURONNE, Petite vie du Père Damien, Paris, Desclée De Brouwer, 1994, Collection « Petite vie »
http://www.eic-ecaussinnes.be/historique_suite.html (sv. décembre 2013)
Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d'Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56

 

 

 

Place de la Culée
7090 Braine-le-Comte

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Cantoria à la mémoire de Roland de LASSUS

Monument « Cantoria » à la mémoire de Roland de Lassus, réalisé par Christian Leroy, 12 septembre 1970.

Le premier monument élevé dans l’espace public montois remonte à 1853 et était une statue de Roland de Lattre, ainsi qu’on le nommait à l’époque. Œuvre du jeune sculpteur tournaisien Barthélemy Frison (1816-1877), elle fut controversée, suscitant railleries et ricanements. Certains ne reconnaissaient pas de qualités particulières au musicien, d’autres s’amusaient à ne retenir que quelques événements peu flatteurs dans la vie du personnage, alors que l’on se moquait aussi de l’orthographe « Roland Delattre » gravée sur le socle de la statue, car l’école favorable à « Roland de Lassus » avait déjà démontré la justesse de ses arguments. Les railleries cessèrent au moment de la Grande Guerre : la statue disparaît en effet, durant l’année 1918, ayant été fondue par l’occupant allemand.

Il faut attendre 1970 pour que Mons érige à nouveau un monument en l’honneur de Roland de Lassus, dont un certain nombre d’études avaient établi à la fois l’importance dans l’histoire de la musique et ses origines hennuyères. Ce natif de Mons est en effet considéré comme la plus grande figure de la musique de la deuxième moitié du XVIe siècle. Enfant de chœur à l’église Saint-Nicolas de Mons, sa voix a enchanté plusieurs grandes cours d’Europe. Parti très tôt pour l’Italie, il s’est ensuite rendu en Angleterre, s’est fixé un moment à Anvers, avant d’être engagé comme ténor par le duc de Bavière (1556) et d’être nommé maître de chapelle à Munich (1563-1594), ville où il devait décéder. Compositeur prolifique, peut-être l’un des plus prolifiques de son temps, Roland de Lassus n’a cessé d’alimenter les plus importants éditeurs d’Europe, à l’heure où l’imprimerie en est à ses débuts. Son répertoire est nourri d’une soixantaine de messes, de passions, de Magnificat, ainsi que de diverses pièces liturgiques, de motets et de chansons françaises, de madrigaux italiens et de lieder allemands. En étant le premier à « commercialiser » ses « chansons » et sa musique religieuse, de Lassus sort des sentiers battus et, partout, il est accueilli comme « le prince des musiciens ».

Très éloigné du style de Barthélemy Frison, le « nouveau » monument situé au pied de la collégiale Sainte-Waudru est d’une toute autre facture. Inauguré à Mons le 12 septembre 1970, dans le cadre des Fêtes de Wallonie, il s’intitule « Cantoria ». Pour le découvrir, une manifestation officielle rassembla les hommes politiques locaux Abel Dubois et Léo Collard, mais aussi l’évêque de Tournai, le recteur du Centre universitaire montois et un représentant de la ville de Munich. L’hommage explicite au musicien wallon est gravé dans la tranche du socle de quelques centimètres qui soutient le bronze de trois choristes réunis pour interpréter une partition de Roland de Lassus. L’œuvre est due au sculpteur Christian Leroy (1931-2007).

Monument « Cantoria » à la mémoire de Roland de Lassus (Mons)

Né à Charleroi, Leroy a bénéficié rapidement des conseils artistiques de sa mère, la peintre Simone Leroy, et a suivi des cours de sculptures à Bruxelles, à l’Institut supérieur Saint-Luc d’abord (où il croise la route de Harry Esltröm), à l’Académie des Beaux-Arts ensuite (1955-1956), avant de fréquenter l’Institut supérieur d’Anvers. Prix Godecharle 1955, prix de la province du Hainaut 1957, lauréat du Prix de Rome 1957, Ch. Leroy voyage au Congo (1958), avant de s’installer à Binche quand il

 entame une carrière de près de 35 ans comme professeur à l’École technique de Saint Ghislain et à l’Académie de Mons (qui deviendra par la suite l’École supérieure des Arts plastiques et Visuels). Membre fondateur des groupes Sextant, Maka (1971-1976) et Art Cru (1976-1979), il est aussi membre du groupe Polyptyque (1980-1983). Dessinateur et céramiste, il travaille le verre aussi bien que la terre, et réalise principalement des formes humaines qu’il singularise dans un style qui lui est propre. Outre plusieurs expositions personnelles en Wallonie comme en Europe, Christian Leroy a répondu à plusieurs commandes publiques comme à Marche (Le Gand Georges), à Binche (Les Mineurs), à Battignies (Le Paysan), ou à Mons où il livre ce trio de petits chanteurs en bronze, en mémoire du célèbre musicien wallon Roland de Lassus, dont chacun s’accorde, désormais, à reconnaître unanimement le talent.

Sources

Yvon VANDYCKE, Christian Leroy. Sculpteur, s.l., 1977
http://www.sinaforchi.be/v2/nafraiture_patrimoine_christianleroy.php 
http://users.skynet.be/philippe.mathy/page11.html (s.v. mars 2015)
Combat, 23 mai 1974, n°21, p. 3
Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 244-245
La Vie wallonne, III-IV, 1970, n°331-332, p. 546-547
Jean WUILBAUT, Mons 1853-1868. Controverses autour de la statue de Baudouin de Constantinople, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, Mons, 1988, t. 73, p. 1-45
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 402-403
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 68

Au pied de la Collégiale Sainte-Waudru
Rue du Chapitre
7000 Mons

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Paul Delforge

Sofam

Monument Johannes TINCTORIS

Statue à la mémoire de Johannes Tinctoris,réalisée par Louis Samain, 17 octobre 1875.

Si l’on hésite encore entre Braine-l’Alleud et Nivelles comme lieu de naissance de Johannes Tinctoris, c’est à Nivelles qu’a été érigé, en 1875, un impressionnant monument en bronze, juste à côté de la collégiale, sur le haut de la rue Bléval, à l’entrée de la rue de Soignies. Comme la plupart des monuments de cette époque, des barrières en fer forgé ceinture le socle en pierre de granit. Très large à la base, celui élevé à Nivelles est particulièrement travaillé, donnant l’impression de se réduire progressivement, après cinq niveaux de rétrécissement présentant chacun des rainures longitudinales gravées vers l’extérieur ou vers l’intérieur. Plus étroit et plus haut, le dernier niveau est encore surmonté d’un léger surhaussement avant que ne vienne prendre place la statue en bronze. Ce dernier niveau est coupé aux angles et décoré d’effets végétaux. Les quatre panneaux, quant à eux, comprennent deux par deux une tête de lion dépassant fortement, d’une part, et une discrète, d’autre part. Le nom du musicien apparaît sur le panneau central. Quant à la sculpture de Tinctoris, elle donne davantage l’impression de représenter un moine, avec sa chasuble à longues manches dont les plis sont bien marqués par le sculpteur. Tinctoris tient dans sa main gauche un livre qui illustre la contribution de Tinctoris à l’élaboration de la théorie musicale, tandis que sa droite tient son habit en créant les plis souhaités par le sculpteur.

Originaire du roman païs de Brabant, Tinctoris a fait des études de Droit à Orléans, mais c’est vers la musique qu’il s’oriente : on le retrouve maître de musique et des enfants de chœur de la cathédrale Sainte-Croix (1460-1465), puis à la cathédrale Saint-Lambert à Liège (1474-1476). Chantre et chapelain auprès du roi Ferdinand d’Aragon, à Naples, de 1476 à 1481, il voyage ensuite entre Liège et Naples, recrutant des chanteurs pour son maître ou pour la cour de Bourgogne et celle du roi de France. On le retrouve un temps à Nivelles (comme chanoine du chapitre) et il semble achever sa vie à Rome, où il chante encore comme membre de la chapelle papale jusqu’en 1500. Mais c’est le théoricien de la musique que le monument de Nivelles honore. On doit en effet à Tinctoris d’importants ouvrages de « musique pratique » et une douzaine de traités où ce théoricien de premier plan décrit tous les stades de l’apprentissage des musiciens à la polyphonie. Son Terminorum musicae definitiorum est considéré comme le premier dictionnaire des termes musicaux. C’est sans doute ce document que Louis Samain (1834-1901) a représenté dans la main gauche de sa statue.

Monument Johannes Tinctoris

Originaire de Nivelles, Samain se mêle aux sculpteurs déjà établis, comme Jehotte, les frères Jaquet et Van den Kerkhove, dans les années 1860. En 1864, il est l’un des lauréats du Prix de Rome et parfait sa formation à l’étranger. Appartenant à la génération de Cattier et de Sopers, Samain tente d’échapper au conformisme ambiant, en livrant des œuvres aux traits plus dynamiques et en retenant des sujets en lien avec l’Afrique et la conquête coloniale. Son marbre Esclaves marrons surpris par des chiens fait sensation au Salon de Bruxelles de 1869, de même que son Esclave repris par les chiens (1897), inspiré par la lecture de La case de l’oncle Tom (actuellement avenue Louise). Pour vivre, il participe aussi au chantier de la décoration de la Bourse de Bruxelles dans les années 1870 (allégorie de l’Amérique) et répond à la demande Nivelles en réalisant le Johannes Tinctoris (1875). En 1880, pour la gare du Midi, il achève un « groupe colossal en fer de fonte » (Les progrès des chemins de fer) qui couronne la façade principale, avant de participer au chantier du Musée d’Art ancien, où il exécute l’une des quatre statues symbolisant les Beaux-Arts, en l’occurrence l’architecture (1881-1884).

Si nombre des œuvres de Samain sont encore visibles, celle qu’il a réalisé pour Nivelles n’existe plus. L’impressionnant Tinctoris n’a pas résisté aux bombardements allemands de mai 1940, pas davantage que la collégiale. Si celle-ci fut reconstruite, aucune initiative n’a été entreprise pour remettre Tinctoris dans l’espace public de Wallonie.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Robert WANGERMÉE, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Léopold GENICOT, Racines d’espérance. Vingt siècles en Wallonie, par les textes, les images et les cartes, Bruxelles, Didier-Hatier, 1984 p. 136
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1, Bruxelles, CGER, 1990, p. 74, 75, 87, 88, 162, 163, 165, 166, 248, 267, 338

Place Bléval 
1400 Nivelles

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Charles de Gaulle

Statue à la mémoire du caporal Charles de Gaulle, réalisée par Guido Clabots, 15 août 2014.
 

Le 15 août 1914, le jeune lieutenant français Charles de Gaulle est blessé à Dinant lors de combats qui précèdent de quelques jours le terrible massacre de plus de 600 civils dinantais, le 23 août 1914. 

À l’occasion des multiples commémorations du centenaire de la Grande Guerre, les autorités locales de Dinant ont décidé, notamment, de rendre hommage à celui qui deviendra par la suite l’homme du 18 Juin, incarnera la France libre, avant d’être, à deux reprises, président de la République. C’est à quelques mètres de l’endroit où il a été blessé en 1914 que la statue est inaugurée le 15 août 2014, en présence de Bernard de Gaulle (91 ans), le neveu du Général, ainsi que du petit-fils de Konrad Adenauer, le premier chancelier de l’Allemagne devenue république et fédérale. Au-delà de la blessure d’un jeune lieutenant français, c’est la réconciliation et le rapprochement entre les peuples que doit avant tout symboliser le monument.


Avant ce projet, Dinant avait déjà honoré la mémoire de Charles de Gaulle (1890-1970) par l’apposition d’une plaque commémorative sur le pont, deux fois reconstruit, qui porte aussi son nom. Le projet de 2014 a été encadré par les autorités communales, le Comité 14-18 et a bénéficié du soutien officiel de la Fondation Charles de Gaulle à Paris et du Cercle d’études Charles de Gaulle de Belgique, tandis qu’une souscription internationale avait été lancée. Depuis de longues années, l’idée avait germé dans l’esprit de Christian Ferrier, vice-président du Centre d’études Charles de Gaulle de Belgique, et ancien directeur des écoles communales. Un premier projet fut abandonné en raison du montant demandé par un artiste français préempté pour réaliser l’œuvre en cuivre. Par contre, l’offre de Guido Clabots (1949-) fut jugée réalisable et ce sont par conséquent des artisans locaux qui ont représenté de Gaulle en uniforme de lieutenant, mettant en évidence, par la même occasion, un savoir-faire ancestral, puisque l’atelier Clabots est le dernier à produire de la dinanderie dans la cité mosane. Haute de 2,5 mètres, la statue présente dès lors la double singularité de représenter de Gaulle à l’âge de 24 ans et d’être réalisée en cuivre.


Tombé dans cet art particulier quand il était tout petit, Guido Clabots a vu pendant des années son père diriger un atelier de dinanderie à Uccle, avant de se lancer lui-même dans le métier et d’assurer ainsi une tradition familiale qui en est à sa 3e génération. Ajusteur-monteur en 1967 chez Mecap à Bruxelles, Guido Clabots devient ensuite batteur, polisseur et repousseur ; passé maître, il est chargé de diriger l’atelier de Dinant à partir de 1976 et, vingt ans plus tard, quand Mecap décide de se séparer de son atelier mosan, Guido Clabots reprend les activités sous la forme d’une nouvelle société, « Dinanderie G. Clabots ». Aux articles « traditionnels » s’ajoute une activité de fabrication de garnitures de toiture. Le monument de Gaulle est une production exceptionnelle qui témoigne du savoir-faire de l’entreprise et de son patron.

 

Sources


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 122

 

Statue Charles de Gaulle (Dinant)

Pont Charles de Gaulle

5500 Dinant

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Jules DESTRÉE

Statue dédiée à Jules Destrée, réalisée par Alphonse Darville, 23 juin 1957

Située boulevard Audent, au cœur de Charleroi, une imposante statue rend hommage à Jules Destrée (1869-1936). Avocat, juriste, homme politique socialiste, préoccupé par la question sociale, orateur brillant, militant wallon, esthète, écrivain, critique d’art, Jules Destrée a été élu député le 14 octobre 1894 dans l’arrondissement de Charleroi : il figure ainsi parmi les tout premiers parlementaires du jeune Parti ouvrier belge. Rapidement, il s’impose comme l’un des leaders de ce parti, présent sur le plan national, régional et local. En 1910-1911, il prend une part active au succès de l’Exposition internationale organisée à Charleroi. Durant la Grande Guerre, il représente la Belgique en Italie et en Russie. 

Devenu Ministre des Sciences et des Arts en 1919, et l’un des tout premiers ministres socialistes wallons, il crée notamment l’Académie de Langue et de Littérature française et établit la loi sur les Bibliothèques publiques. En 1922, il devient le délégué de la Belgique à la Commission internationale de Coopération intellectuelle de la SDN, mandat qu’il exerce jusqu’au début des années trente... Son engagement wallon se manifeste à de multiples reprises dont les plus marquantes sont la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre(août 1912), la création de l’Assemblée wallonne dont il reste le secrétaire général d’octobre 1912 à décembre 1919, et sa contribution au Compromis des Socialistes belges en 1929. Ami des arts et des artistes, responsable de la Société des Amis de l’Art wallon, Jules Destrée a été pris comme modèle par plusieurs peintres, médailleurs ou sculpteurs, d’initiative ou sur commande.

Monument Jules Destrée

La monumentale statue du boulevard Audent est l’œuvre d’Alphonse Darville (1910-1990). Né à Mont-sur-Marchienne en 1910, il étudie à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, reçoit le Prix Godecharle 1931 et le Premier Grand Prix de Rome 1935. Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, il participe aux travaux clandestins de la section culturelle du Conseil économique wallon de Charleroi et figure parmi les fondateurs de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945). Co-fondateur de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, il la dirige de 1946 à 1972. Réali

sant des œuvres d’inspiration, Darville réalise également des commandes comme sa participation à la décoration du Pont des Arches, à Liège, après la guerre, aux bâtiments du gouvernement provincial à Mons, voire à l’hôtel de ville ou au Palais des Expositions à Charleroi. 

Quand René Thône – député provincial du Hainaut – lance l’idée d’élever un monument en l’honneur de Jules Destrée, relayé par les autorités de la ville de Charleroi, tous se tournent naturellement vers Alphonse Darville pour la réalisation. Sur un socle de pierre bleue où est gravé l’hommage « À Jules Destrée », s’élève une haute statue d’un Destrée debout, la main droite en poche, la main gauche ouverte légèrement en avant, tendue dans un dialogue auquel invitent les traits de son visage. Ce sont toutes les facettes de l’activité de Destrée que les autorités carolorégiennes et hennuyères ont souhaité mettre en évidence. Il s’agit du second monument dédié à Destrée inscrit dans l’espace public wallon, après le buste de Bonnetain installé, en 1936, à Marcinelle.

L’inauguration du boulevard Audent qui s’est déroulée le 23 juin 1957 a été solennelle. Les plus hautes autorités du pays ont fait le déplacement à Charleroi. Les plus hautes autorités du pays ont fait le déplacement à Charleroi. Chacun a pu admirer l’œuvre de Darville, même si plus tard, Jean Place – alias Pierre-Jean Schaeffer – se permettra cette critique : 
« Sauf le respect que j'ai pour Alphonse Darville, c'est un Destrée salonnard, qui pérore... Face au Palais du Peuple, il aurait fallu plutôt un tribun haranguant la foule... ».Lieu de rassemblement pour le Mouvement wallon, et étape indispensable lors des Fêtes de Wallonie, la statue de Jules Destrée fait l’objet d’un réaménagement au cours de l’année 2013 ; la végétation d’où le tribun semblait parfois sortir a été éliminée au profit d’une mise en évidence totale, au centre d’un lieu de grand passage urbain. 

 

Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie »
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977
Philippe DESTATTE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 483-490
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 290

Boulevard Audent 
6000 Charleroi

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle Paul FRANKINET

Pendant plusieurs années, l’architecte Paul Frankinet (1919 – 1999) a mené campagne contre la présence de campings installés de manière illégale sur le site de Frahan. Alors que le méandre formé par la Semois avait été relativement épargné par la présence humaine au cours du temps, l’implantation de deux campings au tournant des années 1960 et 1970 crée une situation nouvelle : le paysage naturel remarquable se trouve désormais envahi par des tentes, des voitures et des caravanes multicolores, sans oublier les baraques à frites, tandis que la vie traditionnelle du village est chamboulée par la présence massive et saisonnière des campeurs. Faisant valoir à la fois l’intérêt paysager, la préservation de la nature et le caractère illégal des exploitations, les Amis de la Terre se mobilisent autour de Paul Frankinet, leur représentant sur le terrain.

Architecte de formation et de profession, Frankinet a fait l’essentiel de sa carrière en Afrique ; s’il s’y est occupé de construire des maisons, il s’est surtout préoccupé de l’alphabétisation des populations. À la suite de l’indépendance du Congo en 1960, il est forcé de rentrer en Europe et choisit de s’installer à Rochehaut, en raison du cadre exceptionnel que lui offre le méandre de la Semois, à hauteur de Frahan. S’opposant au développement du tourisme de masse, Frankinet va, de manière plus générale, se préoccuper de conservation du patrimoine. Il était d’ailleurs membre de la Commission des Monuments et des Sites avant la régionalisation, il se préoccupe de la sauvegarde de la Lyresse et il contribue activement à la préservation du Couvent des Sépulcrines, au cœur de Bouillon, y rencontrant de vives oppositions, comme à Frahan.

En dépit des dispositions légales – des arrêtés d’interdiction de camping sont adoptés en 1972 ; le plan de secteur approuvé par la Région wallonne en 1984 classe le site en zone verte d’intérêt paysager ; le Conseil d’État valide le plan de secteur en 1987 contre le recours introduit par les propriétaires de camping –, la situation ne change pas sur le terrain ; avec l’aide des Amis de la Terre, Frankinet porte l’affaire en justice et, en juin 1989, le tribunal de Neufchâteau ordonne la cessation des activités et la remise du site dans son état d’origine, endéans une année. Ce succès fait l’objet d’un article dans le tout premier numéro (n°0) de la revue des ami(e)s de la Terre (août 1989). Alors que de nouvelles caravanes résidentielles sont installées, un véritable bras de fer oppose les parties en présence, créant l’agitation dans toute la région. Finalement, en septembre 1990, les campings illégaux sont définitivement fermés. Paul Frankinet a fini par remporter une vraie guerre d’usure, non sans que l’atelier de céramique de son épouse ne pâtisse de sa détermination. En janvier 1992, en effet, une intrusion nocturne se solde par la mise à sac de la poterie de la rue des Moissons, à Rochehaut. En février 1991, Frankinet avait été distingué par Inter-Environnement Wallonie qui, en lui décernant sa palme 1990 de l’environnement, entendait renforcer sa lutte contre l’installation des campings industriels dans les fonds de vallée et favoriser, sur les hauteurs, un tourisme respectueux de la nature et de ceux qui vivent en permanence à la campagne. Quant aux épicéas plantés dans les vallées, ils étaient aussi dans la ligne de mire de Frankinet d’IEW : dans les années 2000 plusieurs projets, soutenus par l’Europe et l’OWDR, rencontrent cette préoccupation. En 1997, à l’initiative du ministre-président Robert Collignon, le site de Frahan fait l’objet d’un arrêté de classement au Patrimoine majeur de Wallonie.

Quelques mois après le décès de Paul Frankinet est lancée l’idée d’élever un monument en mémoire de ce défenseur de l’environnement. Mais aucune autorisation n’est accordée par les autorités locales pour élever un monument privé sur une propriété communale (2000). Finalement, c’est en bord de trottoir, sur un terrain privé que, le 31 octobre 2004, en présence des responsables des Amis de la Terre-Belgique et du voisinage, une stèle est inaugurée,


A la  mémoire
de
PAUL FRANKINET
1919 – 1999
Avec le soutien des AMIS de la TERRE
IL A SAUVEGARDÉ LE SITE DE
FRAHAN


Cette plaque en céramique est fixée sur la face avant d’une stèle rectangulaire formée de pierres de schiste de la région. Au sommet du monument qui ne dépasse pas le mètre de hauteur, se trouve un cadran solaire en bronze. Le cadran est l’œuvre de Laure Frankinet, la fille de Paul et de Denise Frankinet, cette dernière étant à l’initiative du monument et la créatrice tant de la stèle que de la céramique. Sculpteur, dessinatrice et pastelliste, Laure Frankinet (Stanleyville 1955 – Rochehaut 1998) s’est formée à La Cambre (auprès de Rik Poot) en choisissant la sculpture monumentale. Installée à Oisy, elle réalise, à partir du métal, des œuvres inspirées des femmes, des enfants ou des chevaux, pleines de fantaisie. Son travail s’apparente en quelque sorte à celui d’un artiste-forgeron ; en 1998, elle participe activement aux Eurofêtes, à Viroinval, au Trou du Diable et l’année suivante, ses œuvres font l’objet d’une exposition d’hommage. Denise Frankinet, pour sa part, elle aussi diplômée de La Cambre, est avant tout céramiste, même si elle signe de nombreuses aquarelles représentant… des paysages. En 2012, il fait paraître un roman, Le Requiem de Carlsbad qui porte aussi la signature de Paul Frankinet.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Soir (1989-1991 et 12 février 1991)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 588
http://www.molignee-ecologie.be/hommages/renee_christine_bequet/renee_christine_bequet.htm 
http://www.molignee-ecologie.be/hommages/renee_christine_bequet/contenu.htm (s.v. avril 2015)

 

 

Stèle Paul Frankinet (Frahan/Rochehaut)

Rue des Moissons 17
6830 Frahan (Rochehaut)

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Paul Delforge

Paul Delforge

Plaque Richard HEINTZ

Plaque commémorative Richard Heintz, réalisée à l’initiative du Comité des amis de Richard Heintz, 22 septembre 1935

C’est au bord de l’Ourthe, en mai 1929, que la mort vient surprendre Richard Heintz (1871-1929) alors qu’il recherche la meilleure lumière pour son prochain tableau. A-t-il glissé ? A-t-il été victime d’un malaise ou d’une congestion ? Il semble en tout cas que l’artiste est tombé dans la rivière, où il a été retrouvé sans vie. Au lendemain de sa brutale disparition, ses amis décident de former un comité pour mieux faire connaître son œuvre et lui rendre durablement hommage (1930). Une grande rétrospective est organisée à Liège à la fin du printemps 1931, avant que le comité n’inaugure, le 22 septembre 1935, dans le cadre des Fêtes de Wallonie, une série de lieux de mémoire dont un monument dans le village de Sy-sur-l’Ourthe et une plaque commémorative apposée au bord de la rivière où il aimait se rendre et qui l’inspira dans nombre de ses tableaux.

Natif de Herstal, Richard Heintz avait fait ses premiers pas artistiques à l’Académie de Gand (1887), avant de parfaire sa formation à l’Académie de Liège (1888-1892). La Mer du Nord, l’Ardenne et l’Italie (où il séjourne de 1906 à 1912 grâce à une bourse de la Fondation Darchis) sont ses premiers modèles. Ses explorations lui permettent de découvrir les secrets des jeux de la lumière et il commence à créer ses propres couleurs. Considéré comme « impressionniste par sa recherche de la sensation du moment, il se distingue cependant des principaux représentants français par sa technique plus large et sa palette plus grasse et souvent plus sombre, ses bleus profonds notamment » (Parisse). Sa manière de peindre est aussi plus impulsive. S’il ne professe pas à l’Académie de Liège, Heintz est considéré comme un maître à peindre, et ses disciples sont nombreux. De tempérament solitaire, il trouve à Sy son paradis. Il y revient régulièrement et, pour s’en rapprocher encore davantage, décide d’habiter à Nassogne à partir de 1926.

Dans un premier temps, le Comité Richard Heintz (que préside Olympe Gilbart, aidé d’Armand Rassenfosse comme vice-président de Jules Bosmant comme secrétaire) envisage d’ériger un mémorial sur la Roche Noire. Pour des raisons techniques, le Comité décide que le monument sera installé dans le hameau de Sy, à hauteur de la route de Filot. Par contre, le « rocher du Sabot » est retenu pour qu’y soit apposée une plaque commémorative où sont gravés les mots suivants :


AU PIED DE CE ROCHER
RICHARD HEINTZ
LE MAÎTRE DE SY ET LE PEINTRE DE L’ARDENNE
EST MORT SUBITEMENT
– LE 26 MAI 1926 –
DANS SA CINQUANTE HUITIEME ANNÉE

Peut-être est-ce Adelin Salle, déjà sollicité pour réaliser la stèle en pierre bleue et le médaillon de la route Filot, qui a réalisé cette plaque. Les sources sont muettes sur la question.

Pour trouver le « rocher du Sabot », l’endroit où se situe la plaque, il faut emprunter la rive droite de l’Ourthe, en suivant le chemin de Sy. En venant de la gare de Sy, il faut traverser la rivière grâce à la passerelle métallique, passer sous la dite passerelle et marcher quelques dizaines de mètres avant d’apercevoir la plaque commémorative le long du chemin, sur le côté droit. C’est ce chemin qu’empruntèrent notamment en 1954 les nombreux invités au 25e anniversaire de sa disparition : un comité local avait donné rendez-vous pour des discours devant les deux monuments de Sy et organisé une exposition rétrospective dans un des hôtels de Sy.

Plaque Richard Heintz (Sy – au lieu-dit le Rocher du Sabot)


Sources


La Vie wallonne, août 1929, CVII, p. 294-296 ; octobre 1931, CXXXV, p. 62-67 ; octobre 1935, CLXXXII, p. 59-62 ; IV, n°260, 1952, p. 305
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 148
Jacques PARISSE, Richard Heintz 1871-1929. L’Ardenne et l’Italie, Liège, éd. Mardaga, 2005
Liliane SABATINI, Le Musée de l’Art wallon, Bruxelles, 1988, collection Musea Nostra
W. LEMOINE, dans Biographie nationale, t. 35, col. 370-373
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe et de ses affluents, avril-juin 1954, n° 159, p. 67-70

Lieu-dit le Rocher du Sabot, 
Au bord de l’Ourthe sur le chemin de Sy
4190 Sy

carte

Paul Delforge