Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Mémorial Marcellin LAGARDE

Né à Sougné, en décembre 1818, dans une famille originaire du Midi, Marcellin-François La Garde doit toute son instruction au curé de Dieupart. Quand il arrive à Liège, en 1837, il suit des cours de Droit à l’Université de Liège et travaille dans un bureau de rédaction au journal liégeois L’Espoir. En 1843, il parvient à être nommé au poste d’historiographe au Ministère de l’Intérieur. Installé à Bruxelles, il est chargé de travaux historiques pour le gouvernement belge. En 1848, il se retrouve professeur d’histoire à l’Athénée d’Arlon, puis il est désigné à l’Athénée d’Hasselt, titulaire de la charge de rhétorique, de 1851 à 1879, année de son admission à la retraite. 

Après ses premières études à caractère historique, La Garde (ou Lagarde) s’essaie au roman historique (Les derniers jours de Clairefontaine, 1850 et Le dernier sire de Seymerich, 1851), avant de publier ses premiers contes, genre dans lequel il conquiert ses lettres de noblesse, principalement avec Le Val d’Amblève. Histoire et légendes ardennaises (1858) puis Histoire et légendes du Val de Salm (1865). Ses histoires sont le plus souvent inventées ou inspirées de chroniques ayant marqué les esprits. Évoquant le bien et le mal souvent représenté par le diable, elles deviendront progressivement récits du folklore ardennais.

La longue présence de La Garde en pays flamand influence le professeur wallon : ses tentatives pour maîtriser la langue flamande sont vaines ; il ne se sent pas chez lui ; il a le mal du pays ; ses heures de loisir, il les occupe dès lors tantôt à la promenade dans la vallée du Geer, tantôt à l’écriture, sa plume s’évadant vers sa chère Wallonie ou dans la relation de ses ballades solitaires. D’autres ouvrages – Le Tresseur de Roclenge, Les Templiers de Visé, Faux Patacon, Récits des bords du Geer – sont inspirés par cette atmosphère. Sans difficultés, les écrits de Lagarde – poète ou prosateur – le classent parmi les romantiques de son temps. En 1870, il fonde une revue qu’il appelle L’Illustration européenne. Il sera le directeur et le rédacteur en chef de cette revue hebdomadaire publiée à Bruxelles jusqu’à son décès, à Saint-Gilles, en 1889. C’est à titre posthume que sera publié en 1929, Le Val de l’Ourthe. Histoire et légendes ardennaises et, après quelques années de purgatoire, l’écrivain wallon reviendra séduire nombre de lecteurs à la fin du XXe siècle. 

Cette longévité, les irréductibles sympathisants de Marcellin La Garde l’avaient bien pressentie, eux qui se mobilisèrent pour ériger un mémorial en son honneur. Inauguré en septembre 1932, dans l’atmosphère des fêtes de Wallonie, le mémorial dû au sculpteur Georges Petit (1879-1958) présente les traits du conteur et le sujet d’une de ses légendes : Le passeur d’eau de Sougné. Il est d’ailleurs installé à l’endroit où – « avant » – on pouvait traverser l’Amblève et, singulièrement, là où s’est déroulé le drame raconté par celui qui en fut le témoin. Les pierres du monument « tirées toutes vives du vieux sol ardennais, sont le symbole des aspirations populaires (…) du poète ; elles présentent la variété de couleur et de structure qui font le chatoiement de notre antique terroir » (Lepage).

Le  mémorial Marcellin Lagarde a été réalisé par Georges Petit (25 septembre 1932).

Né à Lille, de parents liégeois, Georges Petit a grandi à Liège et peut-être ses parents lui ont-ils lu ou raconté les histoires écrites par La Garde. Nul ne le saura jamais. Mais au début des années 1930, celui qui a reçu une formation artistique à l’Académie des Beaux-Arts se voit confier la réalisation du mémorial de l’écrivain. Depuis 1901, date de ses premières œuvres, Georges Petit occupe avec autorité la scène artistique liégeoise (Jacques Stiennon). Il doit cette position aux multiples commandes officielles reçues autant qu’à sa maîtrise précoce de son art. Sa sensibilité et sa capacité à transformer une anecdote en symbole universel ont influencé durablement ses élèves, parmi lesquels Oscar et Jules Berchmans, Robert Massart, Louis Dupont et Adelin Salle. 

D’abord attiré par les portraits, Petit a livré plusieurs bustes de grande facture, tout en s’intéressant à la condition humaine. Marqué par la Grande Guerre, l’artiste y puise une force qui se retrouve dans ses réalisations des années 1917 à 1927, période qui précède de peu la réalisation du Mémorial La Garde. Ce dernier correspond à une période où, comme épuisé par tant de souffrances, Georges Petit choisit la peinture de chevalet et devient plus léger, sans tomber dans la facilité. Les visages humains tendent à disparaître et tant les paysages que les traditions wallonnes l’inspirent, peut-être influencé par ses lectures des ouvrages de La Garde, en peinture, comme dans ses médailles (qui sont très nombreuses et d’excellente facture), voire dans les quelques sculptures qu’il exécute encore. 

Mémorial Marcellin Lagarde

Ainsi, incrusté sur un rocher placé verticalement sur d’autres, le bas-relief Marcellin La Garde a une forme et une taille assez particulière, avec son médaillon débordant et arrondi où l’écrivain est représenté quasiment de face. La surface principale, à la limite supérieure légèrement arrondie aussi, illustre l’Amblève et le passeur d’eau. Le nom de Marcellin La Garde entoure la tête dans le médaillon, avec la mention inhabituelle des lieux et dates de naissance et de décès. Quant à la dédicace qui borde la partie inférieure, elle présente la particularité de se lire d’abord sur les trois lignes de gauche, avant de poursuivre à droite :

CONTEUR DU VAL         DE LA NATURE
DE L’AMBLEVE        À L’HISTOIRE DE
ALLIA L’AMOUR        L’ARDENNE.

Très vite, le monument devient un passage obligé lors de diverses manifestations, principalement celles organisées par les amis de la nature. Ainsi, en 1936, tous les participants à la 10e Journée de l’Amblève viennent rendre hommage à l’auteur des légendes du Val d’Amblève. 

 

La Vie wallonne, septembre 1930, p. 31-32
La Vie wallonne, décembre 1933, CXLIX, p. 191-194
La Vie wallonne, 1984, n°394-395, p. 183-185
Jacques STIENNON (introduction), Georges Petit, catalogue de l’exposition organisée à Liège du 9 janvier au 2 février 1980, Verviers, 1980
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 282
Discours de P. LEPAGE, dans Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, n°84, juin 1936, p. 193-196

Parc public
4920 Sougné-Remouchamps

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Paul Delforge

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Buste Godefroid KURTH

Buste à la mémoire de Godefroid Kurth, réalisé par Jenny Lorrain, 28 septembre 1947.


Dans la cour du Musée archéologique luxembourgeois, à Arlon, se dresse un buste dédié à Godefroid Kurth (1847-1916). Il a été inauguré le 28 septembre 1947 pour marquer le centième anniversaire de la naissance de l’historien originaire du sud de la Wallonie. L’événement est aussi destiné à témoigner le soutien de l’ensemble des autorités, politiques et scientifique, à la démarche entreprise de longue date par l’Institut archéologique du Luxembourg qui fête alors les cent ans de la création de ce qui s’appelait alors la Société archéologique de la province de Luxembourg.


Constitué en société privée depuis 1862 moment où la Société devient Institut…, devenu asbl en 1928, l’Institut s’est installé, à partir de 1934, dans les bâtiments de l’ancienne maison communale, mis à sa disposition par la ville. Grâce au dévouement de ses membres, un Musée est ouvert en 1936. Deux ans plus tard, sous le patronage de l’Académie luxembourgeoise, se constitue un Comité destiné à honorer Godefroid Kurth dans sa ville natale. La direction de ce comité est confiée à A. Bertrangs, par ailleurs président de l’Institut archéologique d’Arlon : la souscription publique et les projets de monument sont cependant interrompus par la Seconde Guerre mondiale.


Après la Libération, le Comité Godefroid Kurth et l’Institut archéologique unissent leurs efforts pour monter un projet commun en dépit de la violente polémique qui opposa l’historien à l’Institut en 1900, le professeur liégeois donnant d’ailleurs à l’époque sa démission de la société luxembourgeoise. Prenant le prétexte de commémorer le centième anniversaire de la naissance de Godefroid Kurth à Arlon (11 mai 1847) et les cent ans de l’Institut, la cérémonie qui se déroule conjointement autour de G. Kurth et du Musée est l’occasion de réaffirmer la dynamique culturelle menée dans le sud de la province du Luxembourg. C’est le « Comité Godefroid Kurth » qui a pris l’initiative du buste.


Pour l’occasion, une cinquantaine de représentants des grandes institutions scientifiques et des sociétés savantes du pays se sont réunis à Arlon, autour des ministres belge et grand-ducal de l’Instruction publique ; les discours furent l’occasion de rappeler la part importante prise aux travaux de l’Académie royale de Belgique et de la Commission royale d’Histoire par le savant, le biographe de Clovis, le chroniqueur de la Cité de Liège au moyen âge, l’érudit des Chartes de l’abbaye de Saint-Hubert, le critique pénétrant des Études franques et le toponymiste des Origines de la frontière linguistique. Hommage est aussi rendu au Luxembourgeois si attaché à sa terre natale et si fier d’elle ; il fut rappelé aussi l’engagement politico-religieux de Godefroid Kurth, chrétien engagé dans la cité, auteur des Origines de la civilisation moderne et apôtre hardi du mouvement ouvrier. Professeur à l’Université de Liège, créateur des premiers séminaires d’histoire et maître d’Henri Pirenne, G. Kurth a laissé une œuvre considérable, appliquant strictement la critique historique à l’égard des écrits de ses prédécesseurs.
Le buste en bronze est une reproduction de celui qu’avait réalisé dans le marbre le sculpteur Jenny Lorrain (1867-1943) à la demande de l’Université de Liège, dans l’Entre-deux-Guerres. Rien ne prédestinait l’artiste à la sculpture. En effet, à ses débuts, la jeune fille s’était orientée vers la musique, recevant une forte formation de violoniste. Mais un buste exposé à Verviers (1885) est remarqué par Hippolyte Leroy qui se charge de sa formation dans son atelier à Gand (1891). Rare femme à exercer dans l’art des sculpteurs et des médailleurs, Jenny Lorrain poursuit sa formation à Paris, à l’Académie Jullian (1891-1896), tout en fréquentant de nombreux ateliers et en suivant des cours de médecine afin de mieux appréhender l’anatomie humaine. Présente dans de nombreux Salons, elle se spécialise dans les médailles et les bustes.

 

Sources

Léopold GENICOT, Commémoration Godefroid Kurth à Arlon, dans Revue belge de philologie et d’histoire, Bruxelles, 1946, t. 25, 3-4, p. 946-947
La Vie wallonne, 15 décembre 1938, CCXX, p. 100
La Vie wallonne, 1948, II, n°242, p. 135-137
Paul GÉRIN, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 8, p. 212-219
Louis LEFEBVRE, Le musée luxembourgeois, Bruxelles, Crédit communal, 1990, coll. Musea Nostra
L. HISETTE, Jenny Lorrain, dans Le Pays gaumais, 1945-46, p. 80-88
Gaston HEUX, Le Sculpteur Jenny Lorrain, Bruxelles, éd. Savoir et Beauté, 1927, p. 3-10
Hélène VAN HOVE, Le sculpteur Jenny Lorrain, dans Scarabée, revue mensuelle Littéraire - artistique - Scientifique - Mondaine, Bruxelles, 6e année, mai 1937
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 94
Marjan STERCKX, Parcours de sculptrices entre Belgique et France. Présence et réception, p. 18, dans Journée d’études, Lille, IRHIS, Lille III

 

Rue des Martyrs 13
6700 Arlon
Cour du Musée archéologique luxembourgeois

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Plaque Georges KRINS

Plaque commémorative Georges Krins, réalisée à l’initiative de Philippe Delaunoy, 14 septembre 2002. 


Depuis son naufrage dans l’Atlantique Nord, au large de Terre Neuve, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, le Titanic ne cesse de susciter la curiosité, l’intérêt et des hommages aussi variés que les approches de l’événement. Que n’a-t-on écrit à propos de cet insubmersible transatlantique qui emporta par le fond près de 1.500 personnes ! Parmi d’autres aspects du naufrage, on s’intéressa à l’identité des passagers et, au-delà de grandes fortunes célèbres, ils furent nombreux, en Europe comme en Amérique, à connaître, directement ou indirectement, quelqu’un qui connaissait quelqu’un qui était sur le Titanic. Certains rescapés sont alors auréolés d’une gloire éphémère, tandis qu’ailleurs, on pleure les morts par des cérémonies immédiates ou des hommages plus durables : plaques et mémoriaux fleurissent dès l’automne 1912 ; le souvenir est ardemment entretenu par des associations très actives, d’autant que l’événement paraît une source inépuisable. À sa petite échelle, la Wallonie n’échappe pas à ce phénomène. Certes, aucun survivant n’a pu être glorifié, mais, parmi les victimes, la ville de Spa a retrouvé « l’un de ses enfants ».
En effet, parmi les musiciens présents sur le Titanic se trouvait Georges Krins, né à Paris en 1889, mais qui avait des liens étroits avec la ville thermale. En effet, sa mère parisienne (née Petit) a épousé un commerçant spadois et, dès 1895, la famille Krins s’installe au cœur de la cité thermale, où elle tient une mercerie. Formé à la musique à l’Académie de Spa, le jeune Krins s’inscrit ensuite au Conservatoire de Liège (1902), où il achève brillamment sa formation en 1908. Sa famille s’est alors installée à Liège. Faisant valoir son talent dans un orchestre local à la mode, il entame ensuite seul un tour d’Europe, jouant un an à Paris (Trianon lyrique), puis à Londres. Quand il lui est proposé de travailler comme musicien à bord du Titanic, le Spadois n’hésite pas. La Black Talent Agency n’engage que les meilleurs : il sera premier violon et responsable d’un trio. Avec le français Roger Bricoux, il est le seul non britannique de l’orchestre de 8 personnes dirigé par Wallace Hartley ; le « Café parisien » et le grand escalier arrière seront les deux principaux lieux de représentation de Georges Krins. Le 10 avril 1912, dans une atmosphère de fête et de démesure, il entame, à Southampton, le voyage inaugural du Titanic qui va s’avérer funeste. Au moment du naufrage, les huit musiciens du Titanic se rassemblent et reçoivent une mission inattendue : jouer, toujours jouer afin de calmer l’effet de panique. Controversé, le rôle de l’orchestre entre dans l’histoire et alimente les légendes. La dernière note de musique accompagne l’orchestre dans les eaux glacées de l’océan. Comme ses sept compagnons d’infortune, Georges Krins disparaît. Son corps à lui ne sera jamais retrouvé.
Jusqu’en 2002, seule la stèle de la famille Krins, au cimetière de Spa évoque « la mémoire de Georges Krins, né en 1889, mort sur le Titanic en 1912 ». Avant la Grande Guerre, un comité de patronage – soutenu par le journal Le Cri de Liège – avait lancé le projet d’un monument Krins à Liège (près de l’église Saint-Jacques) et une souscription publique, mais les événements le font tomber dans l’oubli. Certes, le nom de Krins est associé à celui des autres musiciens, notamment sur le Titanic Musician’s Memorial à Southampton. Mais aucun hommage public particulier ne lui a été rendu quand survient, en 1997, la sortie du film de James Cameron, interprété par Leonardo Di Caprio et Kate Winslet. Le succès cinématographique de Titanic est planétaire. L’intérêt pour « le plus grand naufrage de tous les temps » est revivifié. Le succès de la bande originale du film (la plus vendue, la plus connue notamment avec une interprétation de Céline Dion qui reçoit un Oscar) reporte aussi la curiosité et l’attention sur l’orchestre du Titanic. Des passionnés du Titanic (Jean-François Germain, Philippe Delaunoy et Olivier Cesaretti) identifient les passagers un à un, et les deux derniers cités attirent l’attention des autorités publiques sur le pedigree de Georges Krins. À l’instar de la municipalité française de Cosne-sur-Loire pour Roger Bricoux en 2000, les autorités de Spa ne pouvaient manquer l’occasion d’apposer une plaque commémorative à « leur » héroïque musicien :

Ici vécut Georges Krins
(1889-1912)
Premier violon à bord du
RMS Titanic

Installée le 14 septembre 2002 sur la façade de l’hôtel Cardinal, au 21 de la place Royale, cette plaque à la sobriété d’une plaque professionnelle pour activités libérales est heureusement accompagnée et rehaussée par la présence d’une peinture naïve et colorée du premier violon (initiative du patron de l’hôtel).

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (notamment La Libre du 13 décembre 2000 et Le Soir du 16 septembre 2002)
http://titanic.superforum.fr/t456-memorial-george-krins-spa-en-belgique 
Pol JEHIN, http://www.sparealites.be/georges-krins-le-musicien-spadois-du-titanic (s.v. mars 2014)
Appel à témoins, dans Histoire et Archéologie spadoises, juin 1998, n°94, p. 82
Philippe DELAUNOY, Georges Krins : le musicien oublié du Titanic, dans Histoire et Archéologie spadoises, décembre 2003, n°116, p. 162-171
Monique CARO-HARION, À propos de Georges Krins, dans Histoire et Archéologie spadoises, mars 2004, n° 117, p. 38-39

Plaque commémorative Georges Krins

Place Royale 21
4900 Spa

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 © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Hubert KRAINS

Plaque commémorative sur la maison natale d’Hubert Krains, réalisée à l’initiative de l’Association des Écrivains belges, 10 mai 1936.

En 1926, les autorités locales des Waleffes, ses habitants, ainsi que les amis de l’écrivain Hubert Krains s’étaient fortement mobilisés pour rendre hommage à l’auteur du Pain noir. Un bas-relief réalisé par Jules Brouns fut inauguré en présence du jubilaire qui reçut, à cette occasion, une véritable ovation. Dix ans plus tard, l’événement est encore dans toutes les mémoires, mais Hubert Krains n’est plus. Le 10 mai 1934, il a connu une fin tragique en étant happé sous les roues d’un train qui entrait en gare de Bruxelles. Afin de témoigner que son souvenir reste vivace, l’Association des Écrivains belges dont il était le président décide d’apposer sur le mur « aveugle » de sa maison natale une plaque commémorative en pierre bleue où sont gravés les mots suivants :

Plaque Hubert Krains (Les Waleffes)

DANS CETTE MAISON EST NÉ
HUBERT KRAINS
ROMANCIER DE LA HESBAYE
30 NOVEMBRE 1862 - 10 MAI 1934


 

 

 

 

 

Pour la circonstance, le mur de la maison a été chaulé et un portrait d’Hubert Krains y a été accroché. Comme en 1926, les autorités locales se chargent d’accueillir les délégations de l’Académie de Belgique et de l’Association des Écrivains belges. Un peu plus d’un mois plus tard, la même AEB inaugurera un buste de Krains au parc Josaphat, à Schaerbeek. Auguste Vierset et Alix Pasquier prennent la parole aux Waleffes, au nom de l’AEB, tandis qu’Hubert Stiernet s’exprime au nom de l’Académie et Poussart au nom du comité organisateur.
 

L’écrivain Hubert Krains (1862-1934) a déjà publié quelques contes et nouvelles quand il achève Pain noir, en 1904, l’œuvre qui fera sa réputation : écrit en Suisse où ce fonctionnaire à l’administration des postes occupe le secrétariat de l’Union postale universelle (1895-1911), ce roman qui évoque la question sociale et le machinisme est un hymne à sa terre natale hesbignonne. Devenu directeur général des Postes de Belgique (1925-1928), Hubert Krains devra attendre l’après Première Guerre mondiale pour obtenir une reconnaissance officielle comme écrivain et conteur. Son roman Mes Amis reçoit le prix quinquennal de littérature (1921). Depuis 1920, il est aussi l’un des tout premiers membres de l’Académie de Langue et de Littérature françaises (1920-1934), institution fondée à l’initiative du ministre Jules Destrée.

 

Sources

Le Thyrse, 1er mai 1936, n°5, p. 176 ; 1er juin  1936, n°6, p. 200-202 ; 1er juillet-1er août 1936, n°7-8, p. 225
Charles DELCHEVALERIE, dans L’Action wallonne, 15 mai 1936, p. 3
Paul ARON, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VI, p. 257-259
Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 41-44
Olympe GILBART, Hubert Krains, écrivain classique dans La Vie wallonne, t. XIV. 1933-1934, p. 330-331
Charles BERNARD, Discours de réception à l’Académie ravale de langue et de littérature françaises, Bruxelles, 1935
Arsène SOREIL, Hubert Krains dans Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique, p. 495-499
Jules DECHAMPS, Hubert Krains, Bruxelles, s.d., ‘Collection anthologique belge’
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 898-899

Rue du Bec 3
4317 Les Waleffes

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Bas-relief Hubert KRAINS

Bas-relief « Pain noir » Hubert Krains, Réalisé par Jules Brouns, 18 juillet 1926.


L’écrivain Hubert Krains (1862-1934) a déjà publié quelques contes et nouvelles quand il achève Pain noir, en 1904, l’œuvre qui fera sa réputation : écrit en Suisse où ce fonctionnaire à l’administration des postes occupe le secrétariat de l’Union postale universelle (1895-1911), ce roman qui évoque la question sociale et le machinisme est un hymne à sa terre natale hesbignonne. Devenu directeur général des Postes de Belgique (1925-1928), Hubert Krains devra attendre l’après Première Guerre mondiale pour obtenir une reconnaissance officielle comme écrivain et conteur. Son roman Mes Amis reçoit le prix quinquennal de littérature (1921). Depuis 1920, il est aussi l’un des tout premiers membres de l’Académie de Langue et de Littérature françaises (1920-1934), institution fondée à l’initiative du ministre Jules Destrée.


L’inauguration d’une plaque commémorative « Hubert Krains », à Waleffes, en juillet 1926, va donner lieu à d’importantes réjouissances. Venant de Bruxelles et de Liège, des délégations officielles se joignent aux Hesbignons qui veulent rendre un vibrant hommage à l’écrivain du pays : on évoque l’âge de l’écrivain (près de 65 ans) comme prétexte à la manifestation. En fait, il n’y a aucun prétexte objectif aux démonstrations d’amitié réciproque qui se déroulent alors : les gens de Hesbaye ne veulent pour rien au monde manquer l’occasion d’exprimer leurs sentiments à l’endroit de celui qui a si bien réussi à parler d’eux-mêmes. Après une matinée relativement protocolaire, le reste de la journée du 18 juillet 1926 prend un caractère résolument populaire, même si d’autres discours sont prononcés, annonçant notamment le promotion de Hubert Krains au grade de chevalier de la Légion d’honneur. Accompagné par les musiques interprétées par les fanfares locales, le jubilaire parcourt les rues de son village à la tête d’un imposant cortège où se mêlent agriculteurs, académiciens, hommes politiques locaux, parlementaires, représentants ministériels, hauts responsables de la Poste, écrivains, représentants de la Section liégeoise des Amis de l’Art wallon, membres de l’Association des Écrivains belges (que Krains préside depuis 1919), et bien d’autres. Ils sont nombreux ceux qui ont fait le déplacement pour saluer l’auteur de Mes Amis. Une séance littéraire et dramatique clôture la manifestation, l’occasion pour Charles Delchevalerie d’analyser l’œuvre de l’écrivain et aux organisateurs de remettre le Livre d’or des souscripteurs. Un drame lyrique en 3 actes est interprété, adaptation scénique du célèbre Pain noir. Et même si Hubert Krains n’est pas l’auteur de ce seul roman, le succès de Pain noir est tel que même le bas-relief en bronze réalisé par Jules Brouns y fait référence.


Présidé par M. Fossoul aidé de Wood de Trixhe et surtout de Céleste Bada, un Comité d’organisation s’était entouré d’un Comité d’honneur, d’un Comité de patronage et de Comités régionaux, pour réussir « la Manifestation Hubert Krains aux Waleffes » et la rendre plus mémorable encore par la réalisation d’un « monument ». La souscription fut l’occasion pour plusieurs centaines de personnes d’exprimer leur admiration à Hubert Krains. Remis officiellement au bourgmestre des Waleffes, le mémorial représente une jeune femme assise offrant à deux enfants un livre ouvert où s’inscrit ostensiblement le titre Pain noir. Le nom de l’écrivain est gravé dans la partie inférieure du bas-relief scellé dans le mur du cimetière, devant l’église du village. « Visant à la finesse et à l’élégance, [la plaque] est, à ce point de vue, une œuvre bien wallonne, où la distinction s’unit à une grâce sensible » (cité par S. Alexandre).
Auteur du bas-relief officiellement intitulé « L’adolescence hesbignonne offrant le Pain noir à l’Immortalité qui trône dans son sanctuaire de laurier et de chêne », Jules Brouns (Ivoz-Ramet 1885 - Herstal 1971) est un sculpteur surtout actif en région liégeoise. Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où Joseph Rulot est l’un de ses professeurs, récompensé par plusieurs prix, le jeune Brouns est d’abord tailleur de pierre dans l’entreprise paternelle, avant de devenir professeur de modelage et de dessin à l’École technique de Huy, ensuite à Seraing. Après la Grande Guerre, il reprend l’atelier de Rulot dont il est le légataire universel. Poursuivant tous les projets entamés par son prédécesseur, il s’attache à défendre la mémoire de son maître. Brouns ne parviendra cependant pas à achever le monument Defrecheux, dit aussi de l’âme wallonne. Comme ses collègues, il reçoit plusieurs commandes pour des monuments aux victimes de la guerre, essentiellement dans la région liégeoise, dans des cimetières comme sur la place publique. Souvent avec une allégorie féminine, debout regardant vers le ciel et de grande dimension, les monuments commémoratifs constituent l’essentiel de l’œuvre de celui qui est aussi un excellent portraitiste. Intervenant sur plusieurs édifices publics (école technique de Seraing, orphelinat du Vertbois, Lycée de Waha), il signe aussi, en 1952, la statue du mémorial Walthère Dewé.

 

Sources

La Vie wallonne, septembre 1926, LXXIII, p. 12-16
La Vie wallonne, novembre 1926, LXXV, p. 172-174 
La Vie wallonne, 1994, n°425-428, p. 209-201
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 157
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 898-899
Paul ARON, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VI, p. 257-259
Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 41-44
Olympe GILBART, Hubert Krains, écrivain classique dans La Vie wallonne, t. XIV. 1933-1934, p. 330-331
Charles BERNARD, Discours de réception à l’Académie ravale de langue et de littérature françaises, Bruxelles, 1935
Arsène SOREIL, Hubert Krains dans Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique, p. 495-499
Jules DECHAMPS, Hubert Krains, Bruxelles, s.d., ‘Collection anthologique belge’
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d’Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l’Université de l’Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996, p. 137-148

 

 

 

Bas-relief « Pain noir » Hubert Krains


 

 

 

Rue Hubert Krains
4317 Les Waleffes - Faimes

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Buste Henri KOCH

Buste à la mémoire de Henri Koch, réalisé par Jacques de Biolley, 14 septembre 1972.
 
Virtuose, chambriste et professeur, Henri Koch a perpétué à un haut niveau l’école liégeoise du violon. 

Déjà honoré de son vivant, il ne tarda pas à voir son buste prendre place dans l’espace public de Wallonie. 

Trois ans après sa disparition, les autorités de la ville de Liège inaugurent en effet le travail réalisé par le sculpteur Jacques de Biolley et installé au cœur du boulevard Piercot, à deux pas du Conservatoire de Liège et d’autres bustes de musiciens célèbres : Ysaÿe, Thomson, Clokers.


Natif de Liège, Henri Koch (1903-1969) y a fait toute sa carrière et a contribué à son rayonnement musical. Il y a d’abord fait de brillantes études au Conservatoire, en dépit de l’occupation allemande, avant de les poursuivre à Paris auprès du professeur M-E. Hayot. Lauréat de nombreux prix, notamment « médaille vermeil de violon » dans la classe d’Oscar Dossin (1923), il devient 1er violon dans le Quatuor de Liège créé en 1924 par Jean Rogister et, à ce titre, est régulièrement en tournées en Europe comme aux États-Unis. Prix Kreisler 1928, nommé professeur de violon au Conservatoire de Liège (1932-1968), 1er violon du Quatuor Reine Elisabeth (1939-1943), professeur à la Chapelle musicale, il fonde, en 1947, le Quatuor municipal de Liège dont il est le 1er violon, avant de devenir celui de l’Orchestre symphonique de Liège. Fidèle participant aux Concerts d’été de Stavelot, il est aussi le fondateur des Solistes de Liège. Proche des Amis de l’Art wallon, Koch est le premier à enregistrer la Sonate et le Quatuor de Lekeu. Fondateur de l’Association pour la Musique de Chambre (1932), il contribue au renouveau de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment, à partir d’instruments anciens.

Buste Henri Koch (Liège)


Le monument qui est inauguré en septembre 1972, dans le cadre des Fêtes de Wallonie en présence notamment de l’échevin Jean Lejeune, se trouve par conséquent à deux pas de l’endroit où Henri Koch passa une partie importante de son existence. 

C’est à Jacques de Biolley (Bruxelles 1911 – Uccle 1990) que fut confié le soin de réaliser son buste et le socle qui le porte. Jacques de Biolley était un ami du musicien. Lointain descendant des industriels verviétois faisant commerce de la laine depuis le début du XVIIIe siècle, arrière-petit-fils du vicomte Raymond de Biolley (1789-1846), il est à la fois créateur de monnaies, dessinateur, et sculpteur. Autodidacte, il signe ses principaux bas-reliefs dans la région de Stavelot et Malmedy. Là, il réalise surtout le médaillon carré, en bronze, de la botaniste Marie-Anne Libert (1964).

 

 

Sources

José QUITIN et Martine KOCH, dans Nouvelle Biographie nationale, t. I, p. 212-216
Musica et Memoria, http://www.musimem.com/koch_henri.htm (s.v. octobre 2014)
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, Liège, 1995, p. 180
La Vie wallonne, II, 1969, n°326, p. 135-136
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 302

 

 

 

Boulevard Piercot 
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Luc JAVAUX

Plaque Luc Javaux, 18 septembre 2003.



Après la Première Guerre mondiale, François Bovesse a donné ses lettres de noblesse au décret de l’Assemblée wallonne instaurant une fête de la Wallonie. Avec la création en 1923 du Comité de Wallonie, l’organisation des fêtes à Namur est désormais structurée et pérennisée : désormais, des manifestations rendent hommage aux volontaires wallons qui ont contribué aux Journées de Septembre 1830. Mêlant discours politique, folklore wallon et namurois, le rendez-vous annuel de septembre prend plusieurs déclinaisons dont l’inauguration de plaques commémoratives en souvenir de « grands Namurois ». 

Depuis 1925 et la plaque apposée sur la « maison natale » de Félicien Rops, d’autres plaques sont régulièrement inaugurées. 

Ainsi en est-il en septembre 2003, rue Fumal, avec la plaque honorant Luc Javaux. L’avocat, militant wallon et pilote de la Royal Air Force ainsi « statufié » dans l’espace public bénéficie depuis lors d’un arrêt lors du « parcours des plaques », manifestation devenue traditionnelle dans le programme des fêtes de Wallonie, à Namur.
 

Élève de l’historien wallon Fernand Danhaive, Luc Javaux s’est engagé dans la défense de la Wallonie dès l’Athénée de Namur : président de la Fédération des Élèves du dudit Athénée, cofondateur de la Fédération des Universitaires wallons quand il étudie le Droit à l’Université, fondateur de la première Bibliothèque publique de Wallonie, il participe aux congrès wallons des années 1930, rédige des articles et donne des conférences : son combat pour la Wallonie s’accompagne d’un engagement contre la montée des dictatures, et en faveur d’une politique de solidarité avec les puissances démocratiques d’Europe. Docteur en Droit de l’Université libre de Bruxelles (1935), avocat inscrit au barreau de Namur (1937), animateur des Amitiés françaises (1938), responsable de la section namuroise de la Ligue des Intellectuels wallons (1938), il est proche de François Bovesse dont il partage les idées wallonnes et libérales, tout en se prononçant davantage en faveur du fédéralisme.


En 1939-1940, cet intellectuel tire les conclusions pratiques de son engagement. 

Ayant choisi d’effectuer son service militaire dans l’aviation (1935), il avait poursuivi à ses frais sa formation professionnelle de pilote. Dès août 1939, il est rappelé au 3e régiment d’aéronautique et, quelques mois plus tard, il participe activement à la Campagne des Dix-huit Jours. Incapable d’accepter la capitulation du 28 mai 1940, l’aviateur s’engage dans la Royal Air Force (RAF) et est l’un des premiers volontaires belges à participer en vol à la Bataille d’Angleterre.
 

Promu Flight Lieutenant (capitaine) en 1943 en raison de ses nombreux faits d’armes, Croix de Guerre cité à l’ordre du jour, il est chargé à sa demande d’une mission aérienne jusqu’en Chine. 

Aux manettes de son Mosquito, Luc Javaux se tue le 18 octobre 1943 à Ranchi, aux Indes britanniques, lorsque son avion est pris dans un violent typhon. 

Le texte de ses dernières volontés précise : je désire être incinéré. Pas de participation religieuse quelconque. Sur les simples choses qui pourraient rappeler ma mémoire, indiquer uniquement :
                                                            Luc Javaux / Namur 16 août 1911 : Tombé le…/ Mort pour la Wallonie française.
Toute inscription modifiant la dernière ligne du texte ci-dessus constituerait une véritable trahison de mes volontés les plus chères.
 

Ce sera chose faite en 1961, lorsque les cendres de Luc Javaux sont rapatriées au cimetière de Fleurus : il s’agissait alors du tout premier hommage public rendu tout à la fois au pionnier, au militant de la cause wallonne et au héros du ciel pour la défense des libertés. 

Après la monographie que lui consacra Laurent Lévêque sur base d’archives familiales inédites (1993), Luc Javaux fut mieux connu des Namurois et la plaque apposée en 2003, au 8 de la rue Fumal, contribue à entretenir son souvenir en évoquant ses engagements passés. Aux couleurs de la Wallonie, les lettres rouges sur fond jaune rappelle :

Plaque Luc Javaux (Namur)


 

 

ICI VECUT              1911 - 1943

LUC        JAVAUX
Militant universitaire wallon. Avocat.
Volontaire à la Royal Air Force
durant la « Bataille d’Angleterre ».
Il a dédié sa vie et ses combats
à la liberté et l’avenir de
LA  WALLONIE

 

 

 

 

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Laurent LÉVÊQUE, Luc Javaux. Combats pour la Wallonie, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1993
Laurent LÉVÊQUE, Luc Javaux, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 232-234
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 866-867
http://www.canaris1790.be/fr/index.php?id=13&viebat=2003 (s.v. juillet 2015)

 

 
 

 

 

Rue Fumal 8 
5000 Namur

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste Jacques JACQUES de Dixmude né Jules JACQUES

Buste à la mémoire de Jacques de Dixmude, réalisé par Paul Van de Kerkhove (ou Vande Kerkhove), date inconnue.

Au cœur de Stavelot, à l’entrée de la rue du Châtelet, entre le monument aux morts et l’accès à l’Abbaye, se dresse un buste dédié

Au Général
Baron Jacques de Dixmude
enfant de Stavelot
et héros de 1914-1918


L’inscription gravée sur une plaquette est accrochée sur le mur en béton aménagé pour porter le buste de Jules Jacques de Dixmude (Stavelot 02/1858-Ixelles 11/1928), cet « enfant du pays » qui est honoré comme un héros de la Grande Guerre.
 

Bourgeois actifs dans l’industrie, les parents de Jules Jacques sont originaires de Vielsalm, mais c’est à Stavelot qu’il voit le jour en février 1858, qu’il y passe son enfance et son adolescence avant de partir vers d’autres horizons (Louvain et Bruxelles). 

Diplômé de l’École royale militaire (1878 ou 1882), puis de l’École de guerre (1886), le 4e des 9 enfants Jacques se met au service de Léopold II et embarque pour le Congo (mai 1887) où il va séjourner pendant vingt ans et se distinguer de diverses manières. Tantôt fonctionnaire, tantôt explorateur et meneur d’hommes, il contribue à la mise en place des structures de l’État indépendant du Congo. Plusieurs biographes soulignent l’action anti-esclavagiste menée par ce fervent catholique dans l’Est du Congo, son côté missionnaire, ou bien le choix, par ce fidèle de Léopold II, d’Albertville comme nom pour l’agglomération portuaire dans le bassin de la Lukuga. 

À diverses reprises, « l’Africain » déposera ses armes pour prendre la plume et défendre, dans un style ferme et incisif, la politique coloniale de Léopold II contre les critiques de la presse anglaise qui avait bien identifié en Jules Jacques l’un des principaux dirigeants de plantations d’arbres à caoutchouc, dont l’exploitation se déroulait selon les règles fixées par les occidentaux. Ignorant cette facette de l’Africain, le buste érigé à Stavelot met l’accent sur le rôle joué par le militaire durant la Première Guerre mondiale.

Ayant quitté les bords du Tanganyika en 1904, Jules Jacques retrouve l’Europe en pleine ébullition ; nommé commandant en second de l’École royale militaire (1908), il n’entretient pas de bonnes relations avec son chef, le général Leman ; c’est un euphémisme. Promu lieutenant-colonel en 1913, il est affecté au 12e de ligne comme adjoint au chef de corps. 

En mars 1914, il passe chef de corps et, cinq mois plus tard, se trouve en plein cœur de l’offensive allemande qui déclenche la Première Guerre mondiale. 

Pendant plusieurs jours, il prend part aux combats de Liège qui prennent un caractère héroïque. Jacques est particulièrement impliqué dans la bataille dite du Sart Tilman. 

Conformément aux plans élaborés avant-guerre, il conduit les troupes belges vers le réduit d’Anvers et, en octobre, s’attèle à la défense de la position fortifiée, avant de se retrouver sur le front de l’Yser. 

C’est durant la défense de Dixmude qu’il se distingue particulièrement. L’engagement dont il fait preuve lui vaudra de recevoir le titre de baron (1919) et le droit d’ajouter à son patronyme le nom « de Dixmude » (1924). 

Général-major en avril 1915 puis lieutenant-général en mars 1916, il devient commandant de la 3e division d’armée. 

Après la signature de l’Armistice, il est envoyé à Washington pour représenter le gouvernement belge à la cérémonie d’inhumation du corps du Soldat inconnu (11 novembre 1921). 
 

Salué et récompensé de son vivant, Jacques de Dixmude fait l’objet de nouveaux hommages après son décès, en novembre 1928, survenu à Ixelles, et son inhumation à Vielsalm. 

Des rues et des places portent son nom, tandis que plusieurs initiatives sont prises pour élever une statue ou apposer une plaque commémorative soit à l’un des artisans de la colonisation, soit à l’un des héros de 14-18, en Flandre comme en Wallonie.
 

À Stavelot, le buste que l’on voit en 2015 rue du Châtelet était initialement installé sur un haut socle évasé sur lequel était gravée, sur la face avant, la mention : AU GÉNÉRAL BARON JACQUES de DIXMUDE. L’ensemble se trouvait sur l’un des parterres dans la partie haute (vers le centre-ville) du parc de l’abbaye. Il était non loin dans son endroit actuel, à savoir un espace mémoriel où se trouvent côte à côte une pierre provenant du premier perron de la cité, un monument dédié aux victimes de 14-18, un autre à celles de 1940-1945, une plaque évoquant la libération des camps et une stèle de la route des Droits de l’Homme.
 

Le buste « stavelotain » est une copie de celui inauguré à Vielsalm, en 1930, rue de l’Hôtel de ville. Même si aucune signature n’apparaît, il est dû au sculpteur Paul Van de Kerkhove, sculpteur, statuaire dont on connaît principalement l’imposante statue d’André Dumont, inaugurée sur la place de l’Université à Louvain, en 1922. Reconnu juste avant la Grande Guerre comme un statuaire prometteur, Vande Kerkhove avait alors participé à plusieurs salons de beaux-arts et les œuvres exposées témoignaient d’une recherche évidente destinée à faire apparaître la personnalité figée dans la pierre. Avant-guerre encore, il s’était vu confier une Notre-Dame de Bon Secours pour remplacer celle de Duquesnoy au-dessus du portail de l’église du Bon Secours à Bruxelles.

Sources

http://www.vanderkrogt.net/statues/land.php?land=BE&webpage=ST&page=6 
http://www.ftlb.be/pdf/WAR14-18.pdf
http://www.televesdre.eu/www/stavelot_quand_le_colonel_jacques_de_dixmude_entre_dans_l_histoire-84697-999-89.html 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_J._de_Bremaecker (s.v. mars 2015)
R.P. J-M. BUCK, Jacques de Dixmude, Bruxelles, Durendal, 1933
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 196
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 310
Fernand HESSEL, Le général baron Alphonse Jacques de Dixmude pionnier au Congo, héros en Belgique, dans Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi, mars 2014, n°29, p. 11-19
A. ENGELS, dans Biographie coloniale belge, t. II, 1951, col. 497-504
Adam HOCHSCHILD, Les fantômes du roi Léopold. La terreur coloniale dans l’État du Congo. 1884-1908, Paris, 2007
La Vie intellectuelle, 15 juillet 1914, n°1, p. 41 (dirigée par Georges Rency)
M. VOORDECKERS, Resultaten van het onderzoek over hel standbeeld van Justus Lipsius, ontworpen door Jules Jourdain, en over het standbeeld van André Dumont door de beeldhouwer Paul Van de Kerkhove, beide opgericht te Leuven in het begin van de Twintigste eeuw, jaaroefening tweede kandidatuur B, Louvain, 1981-1982, (inédit)
Philippe LEJEUNE, Vielsalm est-elle, oui ou non, la patrie du général Jacques baron de Dixmude ?, dans Glain et Salm Haute Ardenne, août 1988, n°28, p. 7-8

 

Buste Jacques de Dixmude (Stavelot)

 
 

 

rue du Châtelet – 4970 Stavelot

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Georges ISTA

Plaque commémorative Georges Ista, réalisée à l’initiative des amis de l’écrivain, date inconnue.


Se confondant quasiment avec les matériaux utilisés pour réaliser la façade du rez-de-chaussée de la maison sise au 25 de la rue du Pâquier, dans le quartier d’Outremeuse, à Liège, une plaque commémorative est dédiée à Georges Ista. Gravée dans la pierre, avec un ornement floral discret sur le bord supérieur, la mention précise :


ICI A ŒUVRE
GEORGES ISTA
ECRIVAIN WALLON
1874-1939


Artiste touche-à-tout avec un égal talent, Georges Ista a animé la vie culturelle wallonne sur les scènes liégeoises durant les années précédant la Grande Guerre. 

Amoureux de la langue française, défenseur de la langue wallonne, pionnier de la bande dessinée, dessinateur, aquafortiste, peintre, graveur sur armes, Ista a hérité de ses ancêtres tapissiers-garnisseurs d’une grande sensibilité artistique, à laquelle il ajoute un grand souci d’exactitude et un esprit certain de fantaisie. 

Entre 1905 et 1912, il écrit et fait jouer huit comédies qui sont autant d’études de mœurs, de portraits ciselés de « types locaux ». 

Celui qui fait alors les beaux jours du Pavillon de Flore et du « nouveau » théâtre communal wallon séjourne dans la maison du quartier d’Outremeuse où est apposée la plaque commémorative. 

C’est aussi là qu’il rédige les chroniques qu’il destine à la presse liégeoise (Journal de Liège, de 1906-1912). 

Tout en restant en contact régulier avec ses amis wallons, Ista prend cependant la route de Paris, où il s’établit à partir de 1909 et où il parvient à vivre de sa plume. Pendant trente ans, il fréquente avec bonheur les milieux artistiques parisiens. Celui qui accueillit Georges Simenon lorsque le jeune Liégeois arriva à Paris a aussi donné son nom à une place de sa ville natale.

Sources

Paul DELFORGE, Georges Ista, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 854-855
Frédéric PAQUES, http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_40738/la-bd-belge-des-premiers-temps?part=4 (s.v. septembre 2014)
Daniel DROIXHE, La Vie wallonne, IV, 1975, n°352, p. 204-207
Maurice WILMOTTE, Mes Mémoires, Bruxelles, 1919, p. 120 et ssv.

 

Plaque Georges Ista (Liège)

 
 

 

Rue du Pâquier 25
4020 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Hugues de PIERREPONT

Statue de Hugues de Pierrepont, réalisée par Léopold Noppius, c. 15 octobre 1880.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». En l’occurrence, elle privilégiera les acteurs du Moyen Âge. Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. La statue d’Hugues de Pierrepont est parmi celles-ci.

À titre personnel, Léopold Noppius (1834-1906), le frère de l’architecte liégeois, signe onze décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège. Avec sa crosse à la main, Hugues de Pierrepont (Reims ? – Huy 1229) est bien visible depuis la rue du Palais. Successeur d’Albert de Cuyck, élu non sans difficultés, ce 60e prince-évêque est rapidement mêlé aux conflits impériaux et appelé à faire face à l’appétit du duc de Brabant. À la tête de Liège entre 1200 et 1229, cet ecclésiastique originaire du diocèse de Laon a marqué l’histoire liégeoise durant son long règne. S’il se distingue par sa bataille victorieuse face au duc de Brabant (Steppes, 1213), il doit aussi effacer les traces de la mise à sac de Liège en 1212 et rétablir l’ordre contesté par « les petits » séduits par les avantages de la charte d’Albert de Cuyck. Outre les travaux de fortifications et d’embellissement de la cité, le prince-évêque contribue à l’agrandissement de la principauté, étant suzerain de Moha et de Looz, avant d’acquérir la ville de Saint-Trond (1227) et de renforcer sa position à Waremme, Hoegaerden et Tongres. Fondateur de plusieurs monastères, dont celui du Val-Saint-Lambert et l’abbaye de Neufmoustier, il participe au concile de Latran de 1215 et choisit de finir ses jours dans la principauté de Liège en dépit d’une proposition qui lui est faite de devenir archevêque de Reims, sa ville natale. Sans doute Léopold Noppius a-t-il été influencé par cette image du prince et de l’évêque réunissant dans la même personne le pouvoir spirituel et le pouvoir temporal, car sa statue montre un de Pierrepont portant la mitre, et tenant entre ses mains à la fois un glaive, une crosse et un livre qui pourrait bien être la Bible. Entre les statues de Lambert le Bègue et de Jacques de Hemricourt dont Noppius est aussi l’auteur, la statue de Hugues de Pierrepont se situe sur la façade occidentale, dans la partie inférieure, à l’extrême gauche. Assurément, ce trio de statues témoigne d’un souci d’art et de différenciation, caractéristique de l’excellence de l’école liégeoise de sculpture.

Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des cinquante ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial. En 1905, pour l’Exposition universelle de Liège, il avait signé une statue de Cockerill qui est sa dernière œuvre majeure.

 

Sources
 

Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 79
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Alphonse LE ROY, Hugues de Pierrepont, dans Biographie nationale, t. 9, col. 668-685
La Meuse, 2 octobre 1880

 

 

Statue de Hugues de Pierrepont

Façade latérale du Palais provincial, face à la place Notger
4000 Liège

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Paul Delforge