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Statue Baudouin de Constantinople

Statue équestre de Baudouin de Constantinople, réalisée par le statuaire Jean-Joseph Jaquet et l’architecte communal Charles Vincent, 19 mai 1868.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, aucune statue n’a encore été érigée sur le sol de la ville de Mons. Les autorités locales nourrissent certes quelques projets, mais ne semblent pas pressées. En 1850, les noms de Roland de Lassus et de Baudouin de Constantinople sont en concurrence, y compris pour l’emplacement. Chronologiquement, c’est le musicien qui va l’emporter, bénéficiant du soutien actif d’une société locale. Sa statue est inaugurée en 1853, en dehors de la Grand Place, lieu qui doit accueillir la statue équestre de Baudouin de Constantinople. Ce personnage a les faveurs des autorités belges. En effet, il est l’une des six « gloires nationales » qui bénéficie d’une statue pour décorer le péristyle du grand vestibule du Parlement. La décision a été prise par le ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Nothomb en 1845. 

Deux ans plus tard, le peintre Louis Gallait en fait aussi le personnage principal de l’une de ses œuvres majeures. Jeune État né d’une révolution en 1830, la Belgique incite les peintres et les sculpteurs à « honorer la mémoire des grands hommes belges » dans l’espace public. Chef de Cabinet, en charge de l’Intérieur (1847-1852), Charles Rogier invite chaque province à élever un monument dans son chef-lieu. Soutenu par son successeur, Joseph Piercot, le projet se concrétise lorsque Rogier redevient ministre, entre 1858 et 1868. Aux quatre coins du pays, les édiles municipaux se mobilisent bon gré mal gré (en raison des coûts) dans un projet qui se veut collectif, mais qui révèle à la fois des particularismes locaux et des interrogations sur la définition de «belge».

Ainsi, à Mons, tant le choix de Baudouin de Constantinople que le lieu d’implantation du monument ne font pas l’unanimité. De longues discussions et controverses mobilisent les esprits pendant près de quinze ans. En quoi ce personnage du XIIIe siècle, né à Valenciennes et comte de Flandre, représente-t-il le Hainaut belge ? Est-il vraiment le père des importantes chartes hennuyères de 1200 ? En retenant ce « croisé », ne va-t-on pas honorer un guerrier, parti à la Croisade pour sauver la foi chrétienne, en imposant sa vision du monde aux autochtones ? Prenant l’initiative, la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut met le choix de Baudouin au concours, mais personne ne réponde, ni en 1853, ni en 1854. Président de la Société, Camille Wins fait alors l’éloge de la gloire nationale attachée au Hainaut (1855), tout en réclamant de la ville qu’elle se détermine rapidement.

Statue équestre de Baudouin de Constantinople

Parce qu’il était comte de Flandre sous le nom de Baudouin IX (1194-1205) et comte de Hainaut sous le nom de Baudouin VI (1195-1205) avant de partir pour la croisade, où il devint empereur de Constantinople, pendant quelques mois seulement, sous le nom de Baudouin Ier, le personnage paraît être porteur des valeurs nationales que l’on souhaite développer. De surcroît, le gouvernement belge attache une importance toute particulière au choix de ce personnage ayant acquis la notoriété la plus grande sur le plan international par son élection comme empereur de Constantinople, car le titre de « comte de Hainaut » vient de faire l’objet d’un arrêté royal (12 juin 1859). Ce titre est créé à côté de titres honorifiques déjà existants, portés par la famille royale. Avec les trois titres « comte de Hainaut, « comte de Flandre » et « duc de Brabant », « Nos populations wallonnes et flamandes, confondues dans l’unité monarchique et constitutionnelle fondée en 1830, auraient de la sorte (…) leur personnification historique près du Trône », précise le rapport qui motive l’Arrêté royal… Poussé dans le dos par le ministre Rogier qui assure le financement du projet à raison de 30 à 40% de son coût, la ville sollicite la générosité de l’institution provinciale, si bien que la présence d’une statue de Baudouin de Constantinople à Mons devient une affaire qui regarde tout le monde, les politiques à tous les niveaux de pouvoir, ainsi que les journalistes qui alimentent une polémique. Arrivant sur la place publique le débat est aussi alimenté par les historiens appelés à la rescousse, tandis que l’appréciation de l’emplacement – Mons est en train de démanteler son ancienne forteresse – interpelle tous les citoyens. Le conseil communal de Mons retient « Baudouin » lors de sa séance du 16 juin 1860 ; il est rejoint par le conseil provincial du Hainaut le 21 juin 1863.

Quant au choix du statuaire chargé de l’exécution du monument, il ne fait pas débat, car il est imposé par l’arrêté royal du 23 janvier 1864 qui entérine le choix de Baudouin de Constantinople. Né à Anvers, formé à l’Académie de Bruxelles par le Liégeois Louis Jehotte, 

(Jean)-Joseph Jaquet (1822-1898) se perfectionne auprès de Guillaume Geefs avant de voler de ses propres ailes. Dès 1845 et son modèle pour le Monument Froissart à Chimay, il est sollicité par le gouvernement qui multiple les commandes. Sa collection atteint les 300 statues et groupes, et une trentaine de bustes, souvent réalisés avec son frère Jacques. À titre personnel, il s’inspire de l’antiquité et de la Bible pour les plâtres et les marbres qu’il imagine. Nommé en 1863 professeur de sculpture d’après la figure antique à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, il y devient aussi titulaire du cours de sculpture d’ornement, à partir de 1888. Parmi ses élèves figurent Thomas Vinçotte, Rombaux, Lagae ou Dubois.

Précédé par sa réputation, J-J. Jaquet commence à travailler sur le projet montois en novembre 1864. Interrogé sur le meilleur emplacement parmi trois qui lui sont propos

és, l’artiste opte spontanément pour le rond-point de l’avenue d’Havré et son choix devient parole d’Évangile, mettant presque un terme aux discussions qui déchirent toujours les Montois (186

5).
Alors que l’inauguration officielle est annoncée pour septembre 1867 (dans le cadre des commémorations officielles des « Journées de Septembre 1830 »), le statuaire demande et obtient l’autorisation de présenter son œuvre dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris. Voyant l’opportunité de magnifier l’œuvre de leur ville, voire de couper court aux critiques négatives, les autorités doivent rapidement déchanter tant leur Baudouin fait pâle figure à côté des immenses statues présentées par la Prusse, à l’exposition de Paris. C’est finalement dans la plus totale discrétion que l’architecte communal, Charles Vincent, réalise le socle/piédestal en pierre de Soignies (fin 1867) et que la statue équestre prend place au printemps 1868. Il est vrai qu’une nouvelle polémique a surgi au sujet des deux bas-reliefs à installer sur les faces latérales du socle. Il était prévu une représentation de « L’Assemblée des États à Mons » quand Baudouin octroie et fait approuver les chartes de 1200, ainsi qu’une scène de « Couronnement », 

inspiré du tableau peint par Louis Gallait en 1847. Finalement, le Couronnement est remplacé par « l’Institution de la Haute Cour du Hainaut sous les chênes de Hornu ». Mais, à la suite de divers articles de presse, la contribution que Charles de Bettignies publie, dès juin 1868, dans les Annales du Cercle archéologique, dénonce des erreurs historiques et, notamment, pointe du doigt la présence de représentants de l’Église (évêques et abbés mitrés). Entre les anachronismes et les imprécisions historiques se glisse un débat éminemment politique auquel s’ajoutent des blagues potaches ou des surnoms moqueurs (« Baudouin le Turc, dit le Vagabond », « le coupeur d’oreilles », « l’inventeur de la tarte au fromage », etc.) qui décrédibiliseraient toute inauguration en grandes pompes. Le 19 mai 1868, la statue équestre est installée, sur le rond-point d’Havré – place de Flandre, sans aucun cérémonial.

Bien plus tard, quand cet espace de la cité du Doudou est réaménagé, la statue 

équestre de Baudouin de Constantinople (1171-1204/1205) est déplacée, fait l’objet d’une rénovation et s’inscrit dans le prolongement de l’une des grandes avenues menant au centre de Mons. Proche du parc du Waux-hall, le lieu porte désormais le même nom que le chevalier en question.

Statue équestre en bronze, le monument de Baudouin de Constantinople que Jules Destrée trouvait beau et ridicule comme un ténor d’opéra est porté par un nouveau socle où l’on a maintenu les explications initiales :

« BEAUDOUIN, EMPEREUR DE CONSTANTINOPLE
COMTE DE FLANDRE ET DE HAINAUT
AUTEUR DES CHARTES DE L’AN 1200 »

Les deux bas-reliefs explicatifs ont aussi été réinstallés. L’ancien socle reste visible dans le square entre le boulevard Kennedy et l’école des Ursulines.

 

Charles DE BETTIGNIES, La statue équestre de Baudouin de Constantinople, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, Mons, 1867, t. VII, p. 417-431, suivi d’une biographie, p. 432-446
Jean WUILBAUT, Mons 1853-1868. Controverses autour de la statue de Baudouin de Constantinople, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, Mons, 1988, t. 73, p. 1-45
Richard KERREMANS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 458-459
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 762
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L'architecture, la sculpture et l'art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Jules DESTRÉE, Mons et les Montois, 1933, p. 17-18

avenue Baudouin de Constantinople (anciennement place de Flandre)
7000 Mons

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Paul Delforge

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Mémorial Jules BARY

Mémorial Jules Bary
Réalisé par Vincent Strebelle ; 1982.


Situé à l’intérieur du zoning industriel de Nivelles, dans la zone I, sur un square à droite lorsque l’on vient de la chaussée de Namur, au carrefour de la rue de l’Industrie et de la rue du Progrès, un monument rend hommage à l’activité déployée par Jules Bary (1912-1977) en faveur de la Wallonie et du Brabant wallon en général, de Nivelles en particulier. Chimiste spécialisé dans l’industrie sucrière, syndicaliste et homme politique, militant wallon actif, secrétaire national du PSB, Jules Bary a représenté l’arrondissement de Nivelles à la Chambre de 1961 à 1971 et, après avoir été échevin des Travaux pendant près de dix ans dans les années 1950, accède au maïorat de 1962 à 1969.

Défenseur affirmé de l’appartenance du roman Païs à la Wallonie, il démissionne de tous ses mandats en guise de protestations à l’égard de son parti. Durant son mandat de bourgmestre, il donne naissance au zoning industriel de Nivelles qui s’avère être le tout premier de Wallonie.
En hommage à l’action décidée de son prédécesseur qui n’appartenait pas à son parti politique, Marcel Plasman fait voter par le collège communal la décision d’ériger un monument « Bary » qui prend place à l’entrée du parc industriel de Nivelles. 

La réalisation en est confiée à un jeune artiste, Vincent Strebelle (1946-) qui signe là l’une de ses premières commandes. Petit-fils du tournaisien Rodolphe Strebelle, il s’est formé à l’Académie de Liège (1966) et de Bruxelles (1968) et acquiert progressivement la maîtrise de nombreuses techniques (céramique, bois, fonte, etc.).
Le monument Bary est inauguré en 1982. La végétation s’est développée autour de lui. Avec ses principaux traits creusés dans le béton, le grand portrait de Jules Bary fixe le caractère décidé du personnage ; une petite plaque rappelle :

                                                                   Jules Bary
                                                                   1912-1977
                                                           Député - bourgmestre
                                                    Fondateur du Zoning de Nivelles
                                                          1er zoning de Wallonie

 

Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 478
Paul DELFORGE, Jules Bary, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I, p. 121-122
Joseph DUMONT, Rita BUCHET, Jacques DAVOINE, Entreprises d’aujourd’hui à Nivelles, monument Jules Bary, Nivelles, 2003
Georges LECOCQ, Pierre HUART, Dis, dessine-moi un monument… Nivelles. Petite histoire d’une entité au passé bien présent, Nivelles, Rif tout dju, mars 1995, p. 9-10

Zoning industriel, zone I, rue de l’Industrie 8
1400 Nivelles

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Paul Delforge

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Monument Théodore BARON

 
Monument Théodore Baron, réalisé par Charles Van der Stappen, 12 juillet 1903 ; 2 juillet 1911. 

C’est le dimanche 12 juillet 1903 qu’a été inauguré le monument dédié au peintre paysagiste namurois Théodore Baron. L’œuvre réalisée par le sculpteur Charles Van der Stappen était alors située près du Casino. Quelques années plus tard, en juillet 1911 précisément, un nouvel emplacement est choisi pour accueillir le monument : le parc de la Plante devient son lieu définitif et le 75e anniversaire de l’Académie des Beaux-Arts de Namur sert de prétexte officiel. Figé dans le bronze pour l’éternité, le peintre statufié est entouré d’arbres et de végétation et a la compagnie proche et permanente de la Meuse, l’une de ses principales sources d’inspiration.

Né à Ixelles en 1840, Théodore Baron a fait de la vallée de la Meuse et des sommets de l’Ardenne son espace de travail pendant plusieurs années. Après des études à l’atelier Saint-Luc à Bruxelles (1854-1858), Théodore Baron avait d’abord peint des paysages de Campine et c’est de cette époque que remonte une prédilection pour le gris qui en fait l’un des fondateurs de l’école du gris. Secrétaire et organisateur des expositions de la Société libre des Beaux-Arts (1868), il plaide en faveur d’une totale liberté dans l’expression artistique. Découvrant Anseremme puis les environs de Profondeville où Camille Lemonnier l’a invité dans sa maison de campagne, Baron tombe amoureux des paysages forgés par les multiples cours d’eaux de la vallée mosane. Quand il voyage en Europe, il est surtout attiré par la vallée de la Moselle et par l’Eifel. Tournant le dos au romantisme, il s’inscrit dans un courant résolument réaliste quand il représente la nature ; son grand intérêt pour la science qu’est la géologie se ressent dans son œuvre ; son observation méticuleuse exclut l’improvisation, voire parfois une certaine spontanéité. 

Ayant opté pour des dominantes ocres et brunes tout en continuant à privilégier les gris, il s’arrête sur toutes les particularités des paysages – rochers, schistes, ruisseaux, taillis, ciel, etc. – et il s’efforce d’en rendre tous les aspects réels, n’hésitant pas à utiliser abondamment la pâte pour faire ressentir la lourdeur des pierres ou la pesanteur des nuages. Il excelle aussi dans les paysages hivernaux. Quand il devient professeur à l’Académie de peinture de Namur, il se laisse séduire par le courant impressionniste. En 1893, il succède à Marinus à la tête de l’Académie de Namur. À l’annonce de son décès, à Saint-Servais, en 1899, ses amis et ses proches décident d’honorer sa mémoire par un monument dont la conception et la réalisation sont confiées à Charles Van der Stappen.

Contemporain de Baron, né lui aussi à Bruxelles (Saint-Josse-ten-Noode précisément) en 1843, Van der Stappen n’était pas issu d’un milieu aisé. Muni des fondamentaux de l’école primaire, il contribue aux revenus de la famille en travaillant comme plâtrier pendant la journée, avant d’entreprendre des cours, en soirée, à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, dans les années 1860. Il y bénéficie des conseils avisés des Liégeois Jéhotte et Simonis. Il fréquente aussi l’atelier de Portaels où le hasard lui fait rencontrer Meunier et Lemonnier. Tentant sa chance lors de salons et de concours, il travaille sur divers chantiers de décoration, dont un à Paris qui lui permet de fréquenter l’École des Beaux-Arts. C’est à partir des années 1870 que ses œuvres commencent à être véritablement remarquées, après sa médaille d’or au Salon de Bruxelles (1869). La commande par l’État du monument Gendebien à Bruxelles, ainsi que l’aide de mécènes lui procurent les moyens de mener des voyages d’étude en Italie (Rome, Florence, Naples), tout en repassant par Paris où les œuvres de Jean-Baptiste Carpeaux et d’Auguste Rodin l’influencent encore.

Monument Théodore Baron

Mais son séjour en Italie le conduit plutôt à adopter le style néo-Renaissance version Michel-Ange et Donatello. Ayant redécouvert la technique oubliée de la cire perdue, il la remet au goût du jour et ne va pas manquer dans l’enseigner à Bruxelles lorsqu’il est chargé de cours à l’Académie de 1883 à 1910. Il dirige aussi l’institution de 1898 à 1901 et de 1907 à 1910, manifestant clairement ses goûts en faveur de l’usage de toutes les techniques, anciennes comme nouvelles (la photographie notamment). Lui-même n’avait pas hésité à renouveler son style et ses techniques, innovant sans cesse. Les commandes publiques qu’il remporta dès les années 1870 n’ont pas monopolisé le travail de Van der Stappen ; il offre dès lors régulièrement à la vue des œuvres originales lors de Salons et d’Expositions, signe des bustes pour des particuliers et réalise des objets de décoration tant pour les jardins que pour les tables ou les intérieurs. 

Les critiques et les polémiques seront nombreuses tant son style et ses sujets d’inspiration apparurent singuliers, voire déroutants. C’est à un artiste dans la pleine maturité de son art qu’est confiée, en 1902, la statue de Théodore Baron. À l’époque, Van der Stappen travaille sur des projets ambitieux, de très grande dimension, qu’il n’aura jamais l’occasion d’achever, la mort l’emportant en 1910. Ainsi ne verront jamais le jour le Monument à l’infinie bonté – initiative personnelle – et le Monument au Travail – pour la province de Brabant. Par contre, présentée sous forme d’esquisse au Salon de la Libre esthétique en 1902, la statue de Théodore Baron est bien achevée et inaugurée le 12 juillet 1903. À cette occasion, Edmond Picard rend hommage à Baron, « l’un des maîtres du paysage belge ».

Avec son allure de marcheur infatigable muni de grandes bottes, à la recherche d’un angle de vue pour un nouveau paysage, elle présente le peintre en mouvement, tenant son chapeau dans la main droite, tandis que son matériel de travail apparaît sous le coude de son bras gauche. Dans l’épaisseur du socle rond, en bronze, qui soutient la statue, apparaissent la signature du sculpteur et la mention de la « Fonderie nationale des bronzes/Ane Firme Petermann/ St Gilles-Bruxelles ». Le piédestal a lui aussi une forme arrondie. Sur la partie avant apparaît la mention :


«A
Théodore Baron
Ses amis . Ses admirateurs».


Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012, p. 21
Notice de Georges Mayer, http://balat.kikirpa.be/peintres/Detail_notice.php?id=173 (s.v. avril 2014)
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. 2, p. 542-543
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 574-582


http://www.sculpturepublique.be/5000/VanDerStappen-TheodoreBaron.htm 
http://namur-cent-detours.skynetblogs.be/archives/category/des-statues/index-3.html (s.v. juillet 2013)
S. HOUBART-WILKIN, dans Biographie nationale, t. 31, col. 43-48
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 603
L’Art moderne, 5 juillet 1903, n°27, p. 241 ; 9 août 1903, n°32, p. 278-279

parc de la Plante, rue Théodore Baron – 5000 Namur

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Statue Jules BARA

Statue à la mémoire de Jules Bara
Réalisée par Guillaume Charlier et Victor Horta, inaugurée le 20 septembre 1903.

Située place Crombez, à Tournai, un imposant ensemble statuaire figuratif rend hommage à l’action politique de Jules Bara (1835-1900), particulièrement à son rôle en tant que ministre de la Justice. Juriste, ministre de la Justice durant plus de dix ans dans des gouvernements dirigés par Frère-Orban entre 1865 et 1885, il a représenté l’arrondissement de Tournai au Parlement, en tant que mandataire libéral, de 1862 à 1900, comme député d’abord (jusqu’en 1894), comme sénateur provincial ensuite.

La stature nationale de l’homme politique libéral a conduit la ville de Tournai à ériger un monument imposant en son honneur. Sur base d’un projet du célèbre architecte Victor Horta (1861-1947), les socles sont en pierre taillée, tandis que les statues en bronze sont l’œuvre de Guillaume Charlier (1854-1925), artiste apprécié dans la cité des cinq clochers où il s’est occupé du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique).

Formé auprès des frères Geefs puis praticien chez Eugène Simonis, le jeune bruxellois Guillaume Charlier a séduit un riche collecteur avec un plâtre intitulé Le déluge. Cette œuvre de 1879 place le jeune orphelin sous la généreuse protection du mécène ; il peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880) puis chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. 

Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter des travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Portraitiste reconnu, il répond à de nombreuses commandes officielles ou privées, à Bruxelles comme à Tournai. Dans la cité wallonne, il dépose l’impressionnante scène Les Aveugles (1906), après avoir livré un Louis Gallait, ainsi que le tout aussi monumental Jules Bara, où se mêlent le bronze et la pierre. C’est à la suite d’un concours organisé en 1901 que Guillaume Charlier est retenu par les autorités tournaisiennes.

Le monument Bara est composé de quatre parties ; de part et d’autre de la statue centrale montrant Jules Bara debout, le bras gauche plié et orienté légèrement vers l’avant, se trouvent, à gauche un homme et son fils en train de lire, et à droite, une femme dont on ne sait si elle est en train d’écrire ou de dessiner le portrait de Bara. À l’arrière, sur un très haut socle entouré de quatre colonnes, la Justice couronne l’ensemble du monument situé sur une large place donnant sur la gare. Un seul mot est gravé dans la pierre, le nom de BARA. On peut lire sur le socle du bronze de l’homme politique la signature de Guillaume Charlier, celle de la société « H. Verbyst. Fondeur. Bruxelles » et la mention du nom « Victor Horta » sur la pierre, à l’avant du monument.

L’ensemble a été inauguré en très grandes pompes le 20 septembre 1903, l’inscrivant dans la tradition – maintenue en Wallonie – de la célébration des Journées de Septembre de 1830. Une foule nombreuse eut l’occasion d’entendre le discours prononcé par Paul Hymans, d’assister au défilé de plusieurs centaines de gymnastes, de prendre part à un concert ou d’admirer, le soir, la statue illuminée. C’est à une véritable glorification de la figure de Jules Bara que procède la ville de Tournai, trois ans à peine après sa disparition.


Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L'architecture, la sculpture et l'art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Paul HYMANS, Jules Bara. Discours prononcé à la cérémonie d'inauguration de la statue de Jules Bara à Tournai le 20 septembre 1903, Bruxelles, Vanbuggenhoudt, 1903
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 321-325
Elia KETELS, dans Biographie nationale, t. 41, col. 110-114.

Place Crombez
7500 Tournai

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Statue Arnould de Binche

Statue d’Arnould de Binche, réalisée par Frantz Vermeylen, septembre 1911.

Face à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910, s’étend une imposante esplanade, au centre de laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance ; autour de ce monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue, sculptée, de style néo-gothique d’où émergent 8 colonnes de pierre, elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze. Destiné à mettre la gare davantage en évidence tout en atténuant harmonieusement le dénivelé du terrain, le square a été aménagé en respectant les indications très précises de la Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises, ses représentants pour veiller à la bonne exécution des travaux (adjugés à 60.000 francs de l’époque). Soutenu par les autorités locales, et en particulier par le bourgmestre Eugène Derbaix, le projet de square s’inspire de celui du Petit Sablon, à Bruxelles, avec ses colonnettes gothiques et ses statuettes évoquant « l’histoire nationale ». Il est inauguré en septembre 1911.

Oeuvres des sculpteurs Vermeylen et Valériola, désignés en mai 1911, les 8 statues représentent « des personnages illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). Quatre sont dues au ciseau d’Edmond de Valériola : Baudouin le Bâtisseur, Gilles Binchois (statue disparue en 2014), Yolande de Gueldre et Marie de Hongrie (statue volée en 1993) ; il s’agit en fait de toutes les statues de gauche quand on fait face à la gare. Les quatre autres ont été réalisées par Frantz Vermeylen (1857-1922) : Charles-Quint, Guillaume de Bavière, Marguerite d’York et Arnould de Binche qui nous occupe ici. Il s’agit de la statue la plus à droite (par rapport à la gare) et la plus éloignée de celle-ci.

Natif de Louvain, où son père (Jan Frans) exerçait déjà le métier, Fr. Vermeylen a appris la sculpture dans l’atelier familial, avant de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Louvain (1869-1878) où son père enseigne, et de se perfectionner à Paris (chez A-A. Dumont). Ayant certainement travaillé sur les chantiers de décoration de l’hôtel de ville de Louvain, de la gare d’Amsterdam et au Rijksmuseum dans les années 1880, il devient l’expert attitré des autorités louvanistes, avant de répondre aussi à des commandes de décoration pour la ville d’Audenarde, l’abbaye Saint-Gertrude, la Volksbank, etc. Spécialisé dans les intérieurs d’église (par ex. Saint-Martin à Sambreville), il reste un artiste demandé tant pour ses médailles que pour ses bustes et ses statues, comme celle du gouverneur Orban de Givry à Arlon (1903), que pour les quatre statues qu’il réalise pour Binche.

 

Statue d’Arnould de Binche

Concernant les 8 statues qui composent l’ensemble face à la gare, tous les personnages ont vécu avant le XVIIe siècle, six représentent des « princes ou princesses », et les deux autres sont des artistes : Gilles Binchois et Arnould de Binche. Représenté tenant un plan et un compas dans ses mains, ce dernier est un architecte né à Binche au XIIIe siècle et auquel on attribue la construction de l’église de Pamele près d’Audenaerde, édifice datant de 1235 et remarquable en raison de son style curieux, typique de la transition entre le roman et l’ogival. Les connaissances dont l’architecte fait preuve dans la construction de Pamele témoignent de sa grande maîtrise des techniques nouvelles de son temps. Au XIXe siècle, Arnould de Binche apparaît comme l’architecte le plus ancien d’un monument belge. Une recherche menée par Félix Hachez au milieu du XIXe siècle apporte quelques renseignements sur le parcours d’un Arnould de Binche qui reste néanmoins un personnage fort mystérieux.




 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Le Journal de Charleroi, 31 octobre 1910 et 16 mai 1911, Journal de Bruxelles, 3 octobre 1911
Ludo BETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 602-604
Eugène DERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie, 192

0, p. 38-39
Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche, Libraire de la Reine, 1999
Victor DE MUNTER, Frantz Vermeylen et son œuvre, dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, Société royale de Numismatique, 1925, n°1, p. 57-68
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 739
Baron de SAINT-GENOIS, dans Biographie nationale, t. 1, col. 464-465
Félix HACHEZ, Notice sur maître Arnould de Binche, architecte au XIIIe siècle, Mons, 1859

place et square Eugène Derbaix
7130 Binche

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Paul Delforge

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Statue saint ARNOULD

Statue de saint Arnould, réalisée par Victor Demanet, sur le pont de Liège 25 juin 1939 puis au bout du quai de la Tannerie après la Libération de 1945.

Sculpteur des rois et des reines, des soldats et des résistants, des personnages historiques lointains comme de personnalités contemporaines, Victor Demanet a fait de l’espace public, notamment de Wallonie, sa galerie d’exposition. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’est rapidement imposé comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Il a déjà participé à plusieurs expositions internationales et reçu d’importants prix et distinctions lorsque lui est confiée la réalisation de deux statues, l’une de saint Arnould et l’autre de Godefroid de Bouillon, destinées à la ville de Bouillon. 

Dans la deuxième moitié des années 1930, la cité achève en effet d’importants travaux de voirie : dédoublement de la rue de la Maladrerie et création d’un nouveau quai qui dégage de nouvelles perspectives (circa 1937). S’inspirant du Pont Saint-Ange à Rome, les autorités locales ont par conséquent décidé de garnir les deux accès du pont de Liège des statues en question. Chargé de cette importante commande publique, Victor Demanet doit inscrire les deux statues sur un socle imposant (2,5 m de haut, sur 0,9 m de large) où viendront s’inscrire des bas-reliefs en bronze à motifs héraldiques.

Dès 1938, les statues d’Arnould et de Godefroid sont achevées par le sculpteur et peuvent être installées aux accès du Pont de Liège. La cérémonie d’inauguration, le 25 juin 1939, se déroule en grandes pompes. La duchesse de Vendôme (la sœur de feu le roi Albert Ier) a fait le déplacement. Mais quelques mois plus tard, lors de l’invasion allemande de mai 1940, aucune chance n’est laissée au Pont de Liège. Miraculeusement, le bombardement épargne les deux statues. À la Libération, il n’est plus question de les réinstaller sur le pont reconstruit. Elles sont séparées et le Godefroid de Bouillon escalade le contrefort pour trouver place à quelques mètres de l’entrée du château, tandis que le saint Arnould est relégué en bord de Semois, au bout du quai de la Tannerie. On l’aperçoit tant bien que mal depuis l’autre rive, en scrutant bien depuis le boulevard Vauban. Saint Arnould aura moins de visibilité que son homologue Godefroid.

Moins célèbre en dehors de Bouillon que l’homme des croisades, Arnould (ou Arnoul) n’en est pas moins considéré comme le premier dans la généalogie des ducs de Bouillon, descendant des comtes d’Ardenne. Né vers 582 à Lay-Saint-Christophe, près de Nancy, Arnoul serait le fils de Bodogisel et de Chrodoara (celle qui deviendra l’abbesse d’Amay). Ayant grandi au sein d’une noble famille franque, il est considéré comme le fondateur de la dynastie des Arnulfiens, famille alliée aux Pépinides. Aussi appelé Arnoul de Metz, il a gouverné l’Austrasie avec Pépin de Landen à l’époque des Mérovingiens (en l’occurrence Thibert II, la régente Brunehilde, puis Clotaire II). Fils d’Arnoul, Ansegisel épouse d’ailleurs Begge, la fille de Pépin, contribuant ainsi au développement de la dynastie carolingienne. Mais lassé par la vie de cour, Arnoul accepte d’être désigné évêque de Metz, alliant alors fonctions administratives et religieuses (613-628) ; il est à ce moment aussi précepteur du jeune Dagobert Ier. Mais il aspire à consacrer exclusivement sa vie à Dieu ; il renonce définitivement aux affaires de la cité et vit désormais en ermite solitaire jusqu’à son décès en 640. Godefroid en serait un lointain descendant. Décédé un 18 juillet de l’année 640 ou 641, Arnoul est fêté localement à cette date. Patron des brasseurs, il n’est pas le saint patron de Bouillon car c’est saint Eloi qui a ce titre.

 

Statue de saint Arnould (Bouillon)

Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964) était appelé à leur succéder si ses études à l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919), ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. Élève de Désiré Hubin, Demanet eut la révélation en voyant des œuvres de Constantin Meunier et surtout celles traitant de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin avaient fini de convaincre Demanet que sa voie était dans la sculpture. Comme d’autres artistes de son temps, il va réaliser plusieurs monuments aux victimes des deux guerres ; auteur de plusieurs dizaines de médailles, il poursuit aussi une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail.

 

 


Les sculptures en pierre de Victor Demanet à Bouillon, Les jalons d’une ville n°3, dans http://bouillon.communesplone.be/shared/revue-communale/2008.09.pdf
http://www.sculpturepublique.be/6830/Demanet-GodefroidDeBouillon.htm
http://www.osotatarl.com/monument_chapuis.86.html#Ch%C3%A2teau%20Bouillon%2001 (s.v. novembre 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Les médailles du sculpteur-médailleur Victor Demanet (1895-1964), dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, 1984, n°130, p. 141-204 + planches
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147
M-J-F. OZERAY, Histoire des pays, château et ville de Bouillon, depuis l’origine du Duché jusqu’à la révolution de 1789…, Luxembourg, 1827, p. 313
Le Guetteur wallon, 1961, n°3, p. 65

sur le pont de Liège puis au bout du quai de la Tannerie après la Libération de 1945
6830 Bouillon

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Statue Arlette de Huy

Statue Arlette de Huy, réalisée par André (Fanneau) de la Horie, 1986.

À deux pas de la Grand Place de Huy, une place ouverte vers l’avenue des Ardennes accueille, dans un décor de bandes dessinées, un groupe monumental composé d’un ancien bassin-abreuvoir, d’un bloc de pierre en forme de stèle évoquant une sortie de fontaine, lui-même surmonté d’une statuette. Sur le bloc, une plaque en cuivre contient l’inscription suivante en lettres d’or :

ARLETTE de HUY
MERE DE GUILLAUME
LE CONQUERANT
DON DU ROTARY CLUB
DE HUY

À l’avant du bassin, une autre plaque noire aux lettres blanches identifie tous les éléments de cet ensemble composite :

Arlette de Huy
André de la Horie, 1986. Don du Rotary.
Autrefois fontaine, il n’est reste que la
sculpture évoquant la mère supposée de
Guillaume le Conquérant (1066).


Offerte à la ville de Huy par le Rotary Club local en 1986, la statue est du Hutois André Fanneau de la Horie, qui en tira la forme en travaillant de la terre d’Andenne, avant que la fonderie Peeters n’en fasse un bronze, solidement arrimé dans une pierre de Vinalmont.

Habituellement l’année 1066 fait référence, à Huy, à la charte de franchises accordée, un 27 août, par le prince-évêque de Liège, Théoduin, qui reconnaissait ainsi des libertés aux bourgeois de la cité mosane : il s’agissait là de la première charte d’Europe du Nord. La même année, après la bataille d’Hastings, Guillaume le Conquérant prenait la couronne d’Angleterre et si un lien doit réunir Huy à l’Angleterre, en dehors de la date de 1066, c’est par l’intermédiaire d’Arlette. Ainsi que l’a bien montré Chantal du Ry, la perplexité se mêle à la complexité lorsque l’on essaye d’identifier les ancêtres de Guillaume le Conquérant, en particulier lorsqu’il s’agit de dresser la biographie d’Arlette. 

Personnage historique ou légendaire, Arlette (dite aussi Herlève, Arlot, Arleite, etc.) serait, selon une des traditions qui remonte au XIIIe siècle, la fille de Fulbert (ou Herbert ou Robert) et de Doda (ou Duwa), couple qui se maria à Huy en 1004. Tanneur de son état, Fulbert aurait épousé une princesse d’Écosse qui se serait échappée du couvent sainte Begge d’Andenne. Ayant décidé de quitter Huy pour la France, le couple se serait trouvé en Normandie, à Falaise, un jour de 1027 où le jeune Robert le Libéral (dit aussi Robert le Magnifique), duc de Normandie, croisa la route de la jeune Arlette et en tomba amoureux. 

Statue Arlette de Huy

De leur union illégitime serait né Guillaume II, dit le Bâtard, futur Guillaume le Conquérant et roi d’Angleterre… Si l’histoire est belle, bien fol qui s’y fie, tant les versions varient. En Normandie, Arlette est surnommée Arlette de Falaise, tandis qu’une autre tradition fait partir les parents d’Arlette de Florennes. Néanmoins, les Hutois ont adopté depuis longtemps la version de Maurice de Neufmoustier, « le plus ancien historien de Huy » (du Ry) et le Rotary local n’a fait que s’inscrire dans cette tradition en invitant le sculpteur André de la Horie à en réaliser la statue.

C’est au hasard des activités professionnelles de son père qu’André Fanneau de la Horie naît à Louvain en 1923. Enracinée en Normandie depuis des générations, la famille des Fanneau de la Horie compte quelques ancêtres qui s’illustrèrent dans l’histoire de France, comme le fameux général qui tenta un coup d’état contre Napoléon. Mais, loin de la Normandie, c’est d’abord à Maredsous qu’André suit des humanités artistiques, avant de s’orienter vers des études d’ingénieur à l’Université catholique de Louvain. Ingénieur industriel, il séjourne notamment au Congo (1955-1958) et en Algérie (1975-1981). 

À l’heure de la retraite, André Fanneau de la Horie s’établit à Couthuin-Surlemez, dans une ancienne bâtisse qu’il rénove et où il se consacre désormais à la sculpture : il s’était passionné pour cet art quand il était adolescent, avait fréquenté l’Académie de Louvain et Saint-Luc, mais sans jamais trouver le temps de s’adonner pleinement à sa passion. Le modèle féminin l’inspire constamment, qu’il s’agisse de travailler le bois, la pierre, la terre cuite ou le bronze. Professeur de sculpture aux ateliers du Cercle Li Cwerneu, il y donne pendant plus de dix ans des cours qui influencent durablement le style de ses élèves, de même que celui de ses deux filles, Barbara et Brigitte, toutes deux artistes. En acceptant l’invitation du Rotary de sculpter Arlette de Huy, André de la Horie renoue aussi avec les racines familiales normandes. Il exposera à Huy à deux reprises, avant son décès, en novembre 1998.

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse dont l’article de Jacques Henrard, dans Vers l’Avenir, Huy-Waremme, 13 novembre 1998
Chantal DU RY, Huy : histoire d’une ville à travers ses légendes et des monuments, Liège, Cefal, 2000, p. 63-69
Freddy VAN DAELE, Arlette de Huy, Hosdent, 2007
François BAIX, La légende d’Arlette de Huy, dans Namurcum, bulletin de la Société archéologique de Namur, 1954, t. XXVIII, p. 1-12
http://www.pays-de-huy.be/statues_de_huy.htm 
http://www.standbeelden.be/standbeeld/2045 (s.v. juin 2014)

en Mounie, avenue des Ardennes
4500 Huy

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Paul Delforge

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Monument Guillaume APOLLINAIRE

Monument érigé à la mémoire du poète Wilhelm Apploniars de Kostrowisky - alias Guillaume Apollinaire, œuvre réalisée par Fernand Heuze sur un dessin d’Oscar Lejeune, 23 juin 1935.

Le court séjour de Guillaume Apollinaire dans la région de Stavelot-Malmedy a fait l’objet de nombreux écrits auxquels se sont ajoutés des commémorations diverses et variées, allant d’une référence commerciale à des colloques, en passant par l’ouverture d’un musée et l’inauguration de monuments. Le plus spectaculaire est assurément celui de Bernister qui commémore le séjour du poète dans la région durant l’année 1899. Il faut pénétrer de quelques dizaines de mètres dans le bois pour apercevoir un ensemble de sept blocs de pierre, géométriques, en calcaire bouchardés, l’ensemble formant une sorte de cromlech « dans un esprit apollinarien ». Au centre, se trouve la plus haute stèle – elle mesure 4 mètres de haut – sur laquelle ont été gravés les mots Guillaume Apollinaire et la fameuse date de 1899 en cette disposition « parallélépipédique » :


GUIL    L    AUM    E
APOL    I    NAIR    E
1899           


Formant le cercle autour de la stèle centrale, six autres blocs de plus petites tailles (permettant de s’asseoir) portent une série d’inscriptions gravées formant une seule phrase, en l’occurrence trois vers de La jolie rousse, texte écrit entre 1912 et 1916 et publié en 1917, le dernier poème des « Calligrammes » :

« Soyez indulgents quand / vous nous comparez à
ceux qui furent la / perfection de l’ordre,
nous qui quêtons / partout l’aventure. »


Cette ronde de bornes n’est pas sans évoquer des bornes frontières en cet endroit situé à la limite des anciens pays de Stavelot et de Malmedy ; cette dernière cité, faut-il le rappeler, venait d’être « annexée » à la Belgique à la suite des récents Traités de Versailles quand le monument est inauguré ; Apollinaire, quant à lui, avait connu la situation ancienne où Stavelot était belge et Malmedy prussienne.


Né à Rome en août 1880, officiellement de père inconnu (en fait le comte Francesco Flugi d’Aspremont), le futur poète reçut de sa mère, la « baronne » Olga-Angélica de Kostrowitzky, plusieurs prénoms, dont Guillaume et Apollinaire qui deviendront sa signature littéraire. Après avoir séjourné à Bologne, Monaco, puis à Paris, la baronne franchit la frontière franco-belge avec son nouvel amant, Jules Weil, suivi par les conséquences de quelques revers financiers. Alors âgé de presque 19 ans, Wilhem ou William, ainsi que son frère Albert les accompagnent (juin 1899). La mère s’installe à Spa, tandis que les deux jeunes gens vont rejoindre le « beau-père » à Stavelot, où il a pris pension chez Constant-Lekeux, « charcutier - restaurateur, 12 rue Neuve ». Laissés seuls dès la fin du mois de juillet, les deux adolescents multiplient les promenades durant l’été, font des rencontres et partagent leur temps avec certains locaux ; mais sans le sou, ils finissent par s’enfuir le 5 octobre : leur mère et son ami ont quitté Spa et son casino depuis longtemps ; depuis le mois d’août, ils sont rentrés à Paris, et personne n’a l’argent pour payer la pension de Stavelot. Ce n’est qu’en 1934 que Christian Fettweis découvre dans un vieil album l’identité des deux frères et publie Apollinaire en Ardenne.


Avant lui, André Billy, Robert Vivier, Marcel Thiry notamment avaient déjà eu l’attention attirée par la familiarité d’Apollinaire tant avec la langue wallonne de Malmedy qu’avec certains lieux, voire des us et coutumes propres à l’est wallon ; le poète n’avait-il pas aussi ressenti la vive opposition qui animaient les Prussiens de Malmedy aux Wallons malmédiens ? Emporté par la grippe espagnole à la fin de la Grande Guerre, il ne pouvait plus répondre aux interrogations de ses contemporains. Indiscutablement, le bref séjour wallon avait marqué l’œuvre du poète maudit qui choisit, à Stavelot, d’abandonner définitivement la version germanique de son prénom, Wilhem, pour adopter celui de Guillaume. Comme l’écrit Maurice Piron, en 1975, grande est « l’influence du séjour à Stavelot sur la sensibilité de celui qui, entre les lignes d’un cahier au nom de Wilhelm Kostrowitzky, essayait les premières signatures de Guillaume Apollinaire. (…) l’expérience des trois mois et demi passés en Wallonie fut féconde pour la genèse elle-même de l’œuvre qui allait naître, puisqu’elle coïncide avec la gestation des premiers thèmes apollinariens et qu’elle l’a, jusqu’à un certain point, conditionnée » (PIRON, p. 73-74).


C’est grâce à Fettweis qu’il n’y a dorénavant plus aucun doute sur le bref séjour d’Apollinaire en Wallonie. Très vite, la volonté de faire connaître « cet épisode historique » va prendre plusieurs formes à l’initiative de la Société des Écrivains ardennais et de la Société des Beaux-Arts de Verviers. Éditrice de l’ouvrage de Fettweis, cette dernière propose d’élever un mémorial le long de la vieille route de Malmedy, à Francorchamps. Unissant leurs efforts, les deux sociétés inaugurent d’abord à Stavelot, le 23 juin 1935, le médaillon et la plaque commémorative dans l’entrée de l’Hôtel Constant ; ensuite, elles inaugurent le Mémorial de Malmedy.


Leur initiative malmédienne a reçu les adhésions officielles de Paul Valéry, Henri de Régnier, Lucien Descaves, André Gide, Gaston Rageot, Francis Jammes,  Francis Carco, Paul Léautaud, André Billy, André Rouveyre, Jules Romains, Tristan Derême, Émile Zavie, André Salmon, Henri Duvernois, Joseph Delteil, Luc Durtain, Jacques Boulenger, Max Jacob, Valéry Larbaud, Ivan Goll, Marius Ary Leblond, ainsi que de Jean Cocteau. Tous ne sont pas présents le jour de l’inauguration, mais tant les autorités de Stavelot que celles de Malmedy ont mobilisé leur population pour accueillir les délégations et représentants officiels (comme le consul général de France, Fernand Sarrien, ou le gouverneur de la province de Liège, voire Lucien Christophe, représentant officiel du ministre belge de l’Instruction publique, ainsi que Charles Delchevalerie, André Billy, Olympe Gilbart ou Marcel Thiry), en présence de Jacqueline Apollinaire, la veuve du poète. La seule absence remarquée est celle de Paul Claudel, ambassadeur de France à Bruxelles qui a refusé d’inaugurer le monument. Une fois tout ce beau monde rassemblé, un fort cortège quitte à pied l’hôtel de ville de Malmedy pour gravir le chemin conduisant au sommet de la butte de Bernister culminant à 500 mètres d’altitude.

 

Monument Guillaume Apollinaire

Le Mémorial Apollinaire a été dessiné par Oscar Lejeune et exécuté par le sculpteur verviétois Fernand Heuze (1883-1955), plusieurs fois sollicité dans l’Entre-deux-Guerres pour réaliser des monuments dans les Hautes Fagnes (par exemple, les monuments Legras et Frédéricq). Artiste discret, Heuze est comme ses collègues l’auteur de plusieurs monuments aux victimes de la Grande Guerre (par exemple celui d’Aubel avec son joueur de clairon du 12e de ligne en 1921, ou celui de Charneux). Par ailleurs, il enseigne à l’Académie de Liège. Dans son atelier, il initie son fils – parfait homonyme, né en 1914 – à la sculpture, mais c’est vers la peinture que celui-ci se dirigera, tout en étant un membre actif du comité de Verviers des Amis de la Fagne. Quant à Oscar Lejeune (Verviers 1904-1970), s’il dirige le théâtre du Parc de 1947 à 1969, il était aussi « un ami de la Fagne » et l’un des accompagnateurs de Christian Fettweis lorsque les promeneurs firent une courte halte, en 1934, dans l’hôtel-pension des Constant-Lekeux, à Stavelot, et y découvrirent qu’Apollinaire y avait séjourné en 1899. Docteur en Droit, catholique, cet amateur de théâtre se plie d’abord à la gestion des affaires commerciales familiales (de 1926 à 1943, le Verviétois est dans le « textile »), avant de se consacrer entièrement à sa passion, en tant que directeur d’un théâtre professionnel. Fondateur et responsable de la Société des Beaux-Arts de Verviers (1929-1940), Oscar Lejeune organise de grandes expositions et des concerts, et soutient des initiatives telles que celles qui honorent Apollinaire à Stavelot et Bernister.



http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:2vduF-JT0EEJ:www.wiu.edu/Apollinaire/Archives_Que_Vlo_Ve/1_13_5-11_Quelques_articles_sur_le_monument_de_Bernister.doc+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=be
Guy PEETERS, sur http://www.spa-entouteslettres.be/apollinaire.html (s.v. mars 2015)
La Vie wallonne, 15 juin 1925, LVIII, p. 409-412 
La Vie wallonne, 1950, IV, n°252, p. 299
La Vie wallonne, 1974, I, n°345, p. 41-42
L’Intransigeant, 6 janvier 1935
Victor MOREMANS, dans La Gazette de Liège, 24 juin 1935
André PAYER, dans Comédia, 3 juillet 1935
L’Œuvre, 11 décembre 1935
Maurice PIRON, Guillaume Apollinaire et l’Ardenne, Paris, Jacques Antoine, 1975
Postface de Marcel THIRY, dans Maurice PIRON, Guillaume Apollinaire et l’Ardenne, Paris, Jacques Antoine, 1975, p. 118-119
Christian FETTWEIS, Apollinaire en Ardenne, Bruxelles, Librairie Henriquez, 19

34
Cor ENGELEN, Mieke MARX, Dictionnaire de la sculpture en Belgique à partir de 1830, Bruxelles, août 2006, t. III, p. 809
Lettre de Guillaume Apollinaire à James Onimus, juillet 1902, dans Œuvres complètes de Guillaume Apollinaire, Balland-Lecat, II, p. 714
Guy ZELIS, Les intellectuels catholiques en Belgique francophone aux 19e et 20e siècles, p. 262-278
Pascal KUTA, Grande Guerre : l’image du souvenir en Wallonie, photos de Guy Focant, Namur, IPW, 2014
R. COLLARD et V. BRONOWSKI, Guide du plateau des Hautes Fagnes, Verviers, éd. des Amis de la Fagne, 1977, p. 302

 

lieu-dit Thier de Liège
4960 Malmedy-Bernister

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Paul Delforge

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Plaque et médaillon Guillaume APOLLINAIRE

Plaque commémorative et médaillon Guillaume Apollinaire, 23 juin 1935 ; médaillon refait en 1950.
Médaillon refait par Léon Remy.

Le court séjour de Guillaume Apollinaire dans la région de Stavelot-Malmedy a fait l’objet de nombreux écrits auxquels se sont ajoutés des commémorations diverses et variées, allant d’une référence commerciale à des colloques, en passant par l’ouverture d’un musée et l’inauguration de monuments. C’est ainsi que le 23 juin 1935 furent notamment inaugurés un médaillon et une plaque commémorative dans l’entrée de l’hôtel du… Mal-Aimé, à Stavelot.
Pourtant, dans un premier temps, les Stavelotains eurent motivation à se montrer mécontents du passage dans leur ville du poète et de son frère. En quittant l’hôtel où ils avaient passé toute la saison 1899, Guillaume et Albert laissèrent quelques effets personnels qui n’auraient pas suffi à rembourser l’ardoise de 600 francs de l’époque qu’ils laissèrent à l’hôtelier. En découvrant par la suite l’identité de leur hôte, les autorités locales s’empressèrent de ne retenir que la partie la plus positive des événements. Sous le médaillon, on trouve une inscription somme toute sibylline, une phrase que comprenne qui pourra :


« A L’AUBE DU 5 OCTOBRE
1899, LE POÈTE GUILLAUME
APOLLINAIRE QUITTA CETTE
MAISON OÙ IL VÉCUT UNE
SAISON DE SA JEUNESSE. »


Ce serait une erreur d’y apercevoir du reproche. Le temps a passé. L’honneur d’avoir accueilli l’illustre Apollinaire efface toutes les dettes.


Né à Rome en août 1880, officiellement de père inconnu (en fait le comte Francesco Flugi d’Aspremont), le futur poète reçut de sa mère, la « baronne » Olga-Angélica de Kostrowitzky, plusieurs prénoms, dont Guillaume et Apollinaire qui deviendront sa signature littéraire. Après avoir séjourné à Bologne, Monaco, puis à Paris, la baronne franchit la frontière franco-belge avec son nouvel amant, Jules Weil, suivi par les conséquences de quelques revers financiers. Alors âgé de presque 19 ans, Wilhem ou William, ainsi que son frère Albert les accompagnent (juin 1899). La mère s’installe à Spa, tandis que les deux jeunes gens vont rejoindre le « beau-père » à Stavelot, où il a pris pension chez Constant-Lekeux, « charcutier - restaurateur, 12 rue Neuve ». Laissés seuls dès la fin du mois de juillet, les deux adolescents multiplient les promenades durant l’été, font des rencontres et partagent leur temps avec certains locaux ; mais sans le sou, ils finissent par s’enfuir le 5 octobre : leur mère et son ami ont quitté Spa depuis longtemps ; depuis le mois d’août, ils sont rentrés à Paris, et personne n’a l’argent pour payer la pension stavelotaine.

 

Plaque commémorative Guillaume Apollinaire

Rendu enragé par ce coup fourré, l’hôtelier qui sera contraint de retarder le mariage de sa fille déposera plainte auprès du procureur du roi de Verviers et brûlera tous les papiers abandonnés dans la chambre par ces « étrangers escrocs ». La justice prononcera un non-lieu et ce n’est qu’en 1934 que Christian Fettweis va découvrir dans un album de cartes et de photos de la pension Constant, une carte illustrée adressée à Willem Kostrowitzy, le 31 août 1899 par un certain Auguste. Racontant avec force détails le bref séjour ardennais des deux frères en cette fin de XIXe siècle, il dénoue un mystère en publiant Apollinaire en Ardenne. Avant lui, André Billy, Robert Vivier, Marcel Thiry notamment avaient déjà eu l’attention attirée par la familiarité d’Apollinaire tant avec la langue wallonne de Malmedy qu’avec certains lieux, voire des us et coutumes propres à l’est wallon ; n’avait-il pas aussi ressenti la vive opposition qui animaient les Prussiens de Malmedy aux Wallons malmédiens ? Indiscutablement, le bref séjour wallon avait marqué l’œuvre du poète maudit qui choisit, à Stavelot, d’abandonner définitivement la version germanique de son prénom, Wilhem, pour Guillaume. 

Emporté par la grippe espagnole à la fin de la Grande Guerre, il ne pouvait plus répondre aux questions de ses contemporains. Pendant plusieurs années, on émit des hypothèses sur l’itinéraire d’Apollinaire en Wallonie et la date de 1902 était souvent avancée, sans preuve. Une fois le double mystère levé (l’identité des logeurs indélicats et le séjour d’Apollinaire en Wallonie), la Société des Écrivains ardennais s’empresse de faire connaître son intention de marquer l’événement à Malmedy (18 mars 1934), tandis que la Société royale des Beaux-Arts de Verviers (qui a édité l’ouvrage de Fettweis) propose d’élever un mémorial le long de la vieille route de Malmedy, à Francorchamps. Unissant leurs efforts, et avant le Mémorial de Malmedy, les deux sociétés inaugurent à Stavelot, le 23 juin 1935, le médaillon et la plaque commé

morative dans l’entrée de l’Hôtel Constant, qui deviendra l’hôtel du Luxembourg, avant d’adopter définitivement le nom d’hôtel du Mal Aimé. Devant un public averti, les discours se clôturent par une interprétation de la Brabançonne et de la Marseillaise.


Durant l’offensive Von Rundstedt de décembre 1944, un éclat d’obus endommage le « souvenir Apollinaire ». Lors d’un passage à Stavelot en 1949, Carlo Bronne et Marcel Thiry interrogèrent les Stavelotains sur leurs intentions de restaurer la plaque ; on les envoya vers « le tombier », le tailleur de pierres tombales local qui tenait aussi café sur la grand place : c’était le même qui avait gravé la première plaque. Ayant déjà reçu un billet d’un « apollinariste » inconditionnel, il remit son prix au duo d’écrivains et l’affaire fut faite. Le médaillon dû à Léon Remy fut remis sur une nouvelle plaque gravée et une inauguration officielle se déroula le 22 octobre 1950, tandis que se tenait dans le même temps une exposition. Professeur à l’Athénée de Stavelot, Léon Remy était membre associé de l’Institut archéologique liégeois (1949). Dans les mois qui ont suivi s’est constituée l’asbl « les Amis de Guillaume Apollinaire » (novembre 1953), puis s’est ouvert un Musée Apollinaire grâce à l’activité du journaliste Camille Deleclos et du peintre Armand Huysmans. À partir de 1958, des biennales se déroulent à Stavelot, véritables journées d’études apollinariennes.


http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:2vduF-JT0EEJ:www.wiu.edu/Apollinaire/Archives_Que_Vlo_Ve/1_13_5-11_Quelques_articles_sur_le_monument_de_Bernister.doc+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=be
Guy PEETERS, sur http://www.spa-entouteslettres.be/apollinaire.html (

s.v. juin 2014)
La Vie wallonne, 15 juin 1925, LVIII, p. 409-412 
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 299
La Vie wallonne, I, 1974, n°345, p. 41-42
Christian FETTWEISS, Apollinaire en Ardenne, Bruxelles, Librairie Henriquez, 1934
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 344
Postface de Marcel THIRY, dans Maurice PIRON, Guillaume Apollinaire et l’Ardenne, Paris, Jacques Antoine, 1975, p. 117-118

rue de l’Hôtel de ville 34
4960 Stavelot

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Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Stèle et plaque Georges ANTOINE

Stèle et plaque à la mémoire d’un musicien et d’un combattant de 1914 victime de la grippe espagnole, réalisées par Louis Dupont, 20 novembre 1938.


Dans le prolongement du Jardin d’Acclimatation, le parc public de la Boverie, à Liège, accueille, dans un décor d’arbres et de fleurs, plusieurs sculptures rendant hommage à des personnalités marquantes du monde culturel. Située face aux anciens bureaux de la RTBf-Liège, une stèle surmontée d’une plaque a été installée à la mémoire de Georges Antoine (1892-1918). Compositeur, musicien, cet artiste liégeois était promis à un bel avenir quand éclate la Première Guerre mondiale. Engagé volontaire en 1914, il combat du côté de l’Yser lorsque sa santé se détériore. Éloigné de sa terre natale, le soldat-musicien-compositeur est finalement emporté par la fièvre de la grippe espagnole, en novembre 1918.


Afin de rendre hommage au musicien trop tôt disparu, une première initiative est prise en 1929. Présidé par Sylvain Dupuis, puis par Ch. Radoux-Rogier, un Comité inaugure un médaillon au Conservatoire de Liège. Quelques années plus tard, une autre initiative est prise par une Association pour l’étude de la musique de Chambre, présidée par le professeur Bohet et soutenue par la Section de Liège des Amis de l’Art wallon, ainsi que par la ville de Liège. Le sculpteur Louis Dupont (1896-1967) se voit confier la réalisation du petit monument.


Natif de Waremme, élève d’Adrien de Witte, il reçoit une bourse du gouvernement au sortir de la Grande Guerre et ouvre son atelier. D’emblée, il reçoit quelques commandes pour des bustes et des bas-reliefs, tels le bas-relief Hubert Stiernet (1925), le buste Jean Varin (1927), le médaillon Georges Antoine (1929) ou le buste Eugène Ysaÿe (1936). Prix Trianon (1928), il obtient une nouvelle bourse de voyage du gouvernement en 1937. La même année, avec Adelin Salle et Robert Massart, il travaille sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha, avant de réaliser Le Métallurgiste du monument Albert Ier à l’île Monsin. De nombreuses autres commandes parviennent à l’artiste après la Seconde Guerre mondiale, principalement des bas-reliefs, avant que ne lui soient confiés le monument national de la Résistance (1955), puis les reliefs sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). 

Dessinateur, médailliste et statuaire, Louis Dupont reçoit en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble de son œuvre. Celle-ci comprend de multiples réalisations d’inspiration personnelle : après s’être acharné à faire du très joli, l’artiste n’a pas hésité à volontairement tomber dans l’excès inverse. Cherchant sa voie dans l’Entre-deux-Guerres, il aspire sereinement à la beauté dans les statues féminines qu’il affectionne, passant de l’esprit de Maillol à un symbolisme plus marqué avec la maturité.


En pierre calcaire, la stèle rectangulaire, pourvue de deux colonnettes engagées, est actuellement placée devant l’entrée des anciens bureaux de la RTBf-Liège. Elle porte une plaque carrée, en bronze, qui présente le profil droit de Georges Antoine. Sur la stèle figurent les mentions :

A G. ANTOINE
AU COMPOSITEUR
AU SOLDAT
1892-1918

Sur la stèle en pierre a été gravé le nom du commanditaire, l’« Association pour l’étude de la musique de Chambre. 1938 ». Saluée par les mouvements wallons de l’époque, l’inauguration a lieu le 20 novembre en présence des autorités locales et de personnalités du monde artistique et militaire. Échevin des Beaux-Arts, Auguste Buisseret accepte, au nom de la ville de Liège, d’assurer la pérennité du monument.

 

Sylvie DELLOUE, Nathalie DE HARLEZ, Pierre FRANKIGNOULLE, Bénédicte MERLAND, Étude historique sur sept parcs liégeois, projet réalisé par l’asbl Homme et Ville pour l’échevinat de l’Urbanisme de la Ville de Liège, Liège, 2006
Paul DELFORGE, G. Antoine, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 58
Paul DELFORGE, Société des Amis de l’Art wallon, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1484-1486
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 11
Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
La Wallonie nouvelle, n°49, 27 novembre 1938, p. 3
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
La Vie wallonne, 15 janvier 1939, CCXXI, p. 101-103
Marcel PAQUOT, Georges Antoine, l’homme et l’œuvre, mémoire couronné par l’Académie, Bruxelles, 1935
Pierre-Yves DESAIVE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Jardin d’Acclimatation du Parc de la Boverie
4020 Liège

carte

Paul Delforge