Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Henri VIEUXTEMPS

Statue Henri Vieuxtemps, réalisée par Égide Rombaux, 1898.

À l’heure de la prospérité de la ville et de la construction de nouveaux quartiers sur les hauteurs, au-delà du chemin de fer, les autorités verviétoises ne lésinent pas sur l’architecture des bâtiments publics et l’aménagement urbain. Les nouvelles avenues sont larges et agrémentées de plusieurs places. C’est sur la place du Congrès qu’en 1898 est inauguré un imposant monument dédié au musicien Henri Vieuxtemps. Les proportions de l’œuvre d’Égide Rombaux sont à la mesure du talent de l’artiste et des espoirs de développements futurs de l’économie locale.

Natif de Verviers (1820), Henri Vieuxtemps s’était révélé un jeune prodige qui maniait le violon à la perfection alors qu’il n’avait pas atteint ses quatorze ans. « L'archet faisait le tour du corps, ça n'en finissait plus ! » dira plus tard de Vieuxtemps Nicolas Ysaye, le père d'Eugène. Une carrière internationale était promise au jeune virtuose, invité vedette des grandes cours d’Europe et des grandes salles américaines. Il « chantait du violon » affirmera Eugène Ysaÿe qui sera son élève. Musicien et aussi  compositeur, « écrivant non pour mais par le violon », Vieuxtemps a exercé son talent jusqu’au début des années 1870, moment un problème de santé l’empêche définitivement de pratiquer son instrument. Même s’il prend sa retraite en Algérie où il décède en 1881, il est resté attaché à sa ville natale, dont les habitants étaient reconnus pour leur grande connaissance et leur esprit critique aiguisé en matière de spectacles culturels (musique, opéra, théâtre, etc.).

Après l’escalier de la Paix, la statue Chapuis et les fontaines David et Ortmans-Hauzeur, la statue Vieuxtemps est le dernier grand monument érigé au XIXe siècle, voire avant la Grande Guerre. Après celle-ci, la rue Vieuxtemps (près de la Tourelle) sera d’ailleurs rebaptisée rue de Louvain, si bien que Vieuxtemps donnera son nom à la place verdoyante qui accueille son monument. Le musicien est présenté debout, la jambe droite légèrement en avant ; son coude droit est posé sur un pupitre, laissant choir la main tenant l’archet orienté vers le bas ; il tient son violon sous son avant-bras droit. Le socle en pierre est aussi haut que la statue en bronze. Sur la face avant, décorée avec délicatesse, ont été gravées une palme (à droite) et la mention légèrement décentrée :
 

Monument Henri Vieuxtemps


« A
Vieuxtemps
1820-1881 ».

Quant au socle de la statue en bronze, il laisse apparaître, à gauche, dans son épaisseur, le nom gravé du sculpteur Egide Rombaux (1865-1942).

Fils du sculpteur Félix Rombaux, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, sa ville natale, Rombaux fréquente Charles Van der Stappen en cours du soir, avant de participer à plusieurs chantiers de décoration de monuments civils en Europe. Praticien dans l’atelier de Jef Lambeaux à la fin des années 1880, Prix Godecharle 1887, il séjourne à Florence où se déploie sa créativité. Prix de Rome 1891, il prolonge son imprégnation dans la culture romaine jusqu’en 1894. Créant des œuvres originales fort appréciées, il concourt aussi pour obtenir des commandes publiques : face à une forte concurrence, il décroche le monument Vieuxtemps à Verviers. Chef d’atelier chez Devreese, il reste influencé par Jef Lambeaux tant dans ses portraits, que dans les divers sujets traités ou dans l’art décoratif qu’il pratique aussi. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1929-1935), il travaille à la restauration de nombreux monuments abîmés par les années de guerre et réalise plusieurs monuments publics comme le mémorial Gabrielle Petit à Bruxelles, Les Vendéens à Tournai ou les Solvay et Cardinal Mercier à Bruxelles. C’est à un artiste talentueux que les Verviétois ont confié la réalisation de « leur » Vieuxtemps.

 

Bruno FORNARI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 531-534
Suzanne CLERCX, Vieuxtemps, dans Biographie nationale, t. XXVI, col. 722-729
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 389-395

Place Henri Vieuxtemps 
4800 Verviers

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Paul delforge

Sculpture Yvonne VIESLET

Monument Yvonne Vieslet, réalisé par le sculpteur Patris de Marchienne, 29 juillet 1956 – 16 juillet 2010.

Le nom d’Yvonne Vieslet (Monceau-sur-Sambre 1908 – Marchienne-au-Pont 1918) est associé à un épisode dramatique de la Grande Guerre dans le pays de Charleroi. Après avoir survécu aux privations et aux souffrances des quatre années de guerre, Yvonne Vieslet est une petite fille de dix ans qui, en toute innocence, est victime de la folie meurtrière des « grands ». En octobre 1918, les soldats allemands sont en pleine débandade. Dans leur repli, ils maintiennent prisonniers des soldats français et un camp de passage a été aménagé à Marchienne-au-Pont. Après la distribution de couques et de pains aux élèves de l’entité grâce à l’intervention du Comité de Secours local, la petite fille passe à proximité du camp et est émue par l’état des prisonniers. En dépit d’une interdiction, elle propose sa couque à un détenu et la sentinelle allemande de faction tire dans sa direction, la touchant mortellement.

Le récit de ce drame fait rapidement le tour du pays de Charleroi, confortant l’animosité et l’exaspération à l’égard de ceux qui occupent le territoire depuis quatre ans. Alors que l’Armistice approche, l’événement prend une dimension internationale. À titre posthume, le président français Raymond Poincaré décerne la médaille de la Reconnaissance française en argent (1919). Les écrits se multiplient (poèmes ou récits), apportant toujours davantage de précisions... Une médaille commémorative est frappée ; des milliers de photographies de la petite victime sont vendues ; les autorités communales de Marchienne-au-Pont et de Monceau-sur-Sambre attribuent à une rue le nom d’Yvonne Vieslet et une souscription publique contribue à l’élévation d’un premier monument, rue de Châtelet, à Marchienne-au-Pont, à l’endroit même où la petite fille a été tuée. Dès 1919, une plaque commémorative a été apposée dans la cour de l’école de Monceau-sur-Sambre. En 1956, un second monument voit le jour, à Monceau, devant l’école fréquentée par la petite Vieslet, rue Ferrer. Il est inauguré une semaine à peine avant que ne survienne la catastrophe de Marcinelle.

L’émotion provoquée par la mort violente de la petite Yvonne a-t-elle masqué la réalité des événements ? Dans un ouvrage publié en 1984, Claude Daubanton s’appuie sur le témoignage d’un témoin pour donner une version différente des faits qui se sont déroulés le 12 octobre 1918. Il y avait bien des soldats français retenus prisonniers dans la cour du Cercle Saint-Édouard, à Marchienne. Depuis la rue, les passants observaient la tension manifeste qui opposait les prisonniers épuisés et les Allemands en déroute, chacun éprouvant les mêmes difficultés pour se nourrir. Un quignon de pain jeté depuis la rue atterrit dans la cour et sème le trouble entre détenus et geôliers. La sentinelle allemande qui repousse violemment un prisonnier français est prise à partie verbalement par les Carolorégiens. Sentant la tension monter, un soldat tire pour disperser la foule et la balle atteint mortellement la jeune Vieslet. Il n’y avait par conséquent pas intention manifeste de la part du soldat allemand.

Quoi qu’il en soit, la population reste attachée à la mémoire de l’événement, quelle qu’en soit la version. On en veut pour preuve une mobilisation de citoyens pour remplacer la statue de Monceau dérobée en 2007, probablement en raison de la valeur de son métal… Œuvre d’Ernest Patris (1909-1981), l’originale pesant plusieurs dizaines de kilos ne sera jamais retrouvée. En 2010, une œuvre similaire est réalisée par Fabrice Ortogni en polyester. Elle est inaugurée le 16 juillet 2010.
Sculpteur et céramiste, le Gembloutois Ernest Patris venait de créer un atelier de poterie à Marchienne-au-Pont (1952), où il commençait aussi à couler le bronze et l’étain (1955), lorsqu’il est sollicité pour réaliser la statue d’Yvonne Vieslet. Diplômé de l’Université du Travail où il a suivi des cours de dessin technique, de modelage et de fonderie, Patris avait appris seul à modeler la terre glaise dans l’Entre-deux-Guerres, période où il était ouvrier aux ACEC. Des cours d’anatomie qu’il avait suivis à l’Académie de Gand et de fonderie à l’École professionnelle de Gilly, il avait retenu les principes qui lui permettraient de réaliser des bustes et des portraits d’autant plus appréciés que son amitié avec James Ensor lui apporta un savoir-faire supplémentaire. Ses modèles étaient autant les enfants que les ouvriers mineurs et même si, comme nombre de statuaires de sa génération, les monuments aux victimes des deux guerres constituent une partie de son activité, il réalise une œuvre personnelle originelle qui s’enrichit aussi de tableaux. Fin observateur de la société et de scènes de vie, Ernest Patris s’essaya à diverses techniques tant en peinture qu’en sculpture. Sa réputation ayant dépassé les frontières du pays de Charleroi, il expose à de nombreuses reprises à l’étranger, où il est maintes fois récompensé. En Suisse, il signe le monument Interflora et on lui doit encore un buste de l’abbé Pierre et de Roberto Benzi.

Ayant appris le métier dans la fonderie familiale Walcast à Gosselies, Fabrice Ortogni a étudié le design industriel à La Cambre, avant de se lancer dans une activité qui allie technique et créativité. Designer industriel, « jonglant avec la coulée des aciers inoxydables et les alliages spéciaux pour réaliser des moules » qui lui sont commandés sur le marché international, le directeur de Corsair s’est porté candidat quand les autorités carolorégiennes ont sollicité une entreprise capable de reproduire presqu’à l’identique la statue en bronze de Vieslet réalisée par  Patris et dérobée un demi-siècle après son inauguration. Avec un procédé de fabrication innovant, Ortogni a ainsi mis les nouvelles technologies (polyester imitation bronze) au service du passé, et rendu au quartier de Monceau son monument Vieslet.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont L’Avenir, 30 mai 2009 et 17 juillet 2010)
Louis GOFFIN, Yvonne Vieslet, Monceau-sur-Sambre, Collet, 1956
http://www.bel-memorial.org/cities/hainaut/marchienne-au-pont/marchienne-au-pont_monument_yvonne_vieslet.htm (s.v. juillet 2015)
http://www.galeriedupistoletdor.com/gdpo/sculpture/Patris.htm
http://www.charleroi-decouverte.be/index.php?id=113 (s.v. juin 2015)
Claude DAUBANTON, Royale Feuille d’Etain de Marchienne-au-Pont, Marchienne-au-Pont, 1984
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 260

 

Monument Yvonne Vieslet (Monceau)

Rue Ferrer 
6031 Monceau

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Paul Delforge

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Monument Yvonne VIESLET

Monument Yvonne Vieslet, 1er juillet 1928.
Réalisé par Hector Brognon avec l’aide de Joseph Roger et de l’architecte René Anthoine.

Le nom d’Yvonne Vieslet (Monceau-sur-Sambre 1908 – Marchienne-au-Pont 1918) est associé à un épisode dramatique de la Grande Guerre dans le pays de Charleroi. Après avoir survécu aux privations et aux souffrances des quatre années de guerre, Yvonne Vieslet est une petite fille de dix ans qui, en toute innocence, est victime de la folie meurtrière des « grands ». En octobre 1918, les soldats allemands sont en pleine débandade. Dans leur repli, ils maintiennent prisonniers des soldats français et un camp de passage a été aménagé à Marchienne-au-Pont. Après la distribution de couques et de pains aux élèves de l’entité grâce à l’intervention du Comité de Secours local, la petite fille passe à proximité du camp et est émue par l’état des prisonniers. En dépit d’une interdiction, elle propose sa couque à un détenu et la sentinelle allemande de faction tire dans sa direction, la touchant mortellement. Le récit de ce drame fait rapidement le tour du pays de Charleroi, confortant l’animosité et l’exaspération à l’égard de ceux qui occupent le territoire depuis quatre ans.

Alors que l’Armistice approche, l’événement prend une dimension internationale. À titre posthume, le président français Raymond Poincaré décerne la médaille de la Reconnaissance française en argent (1919). Les écrits se multiplient (poèmes ou récits), apportant toujours davantage de précisions... Une médaille commémorative est frappée ; des milliers de photographies de la petite victime sont vendues ; les autorités communales de Marchienne-au-Pont et de Monceau-sur-Sambre attribuent à une rue le nom d’Yvonne Vieslet et une souscription publique contribue à l’élévation d’un premier monument, rue de Châtelet, à Marchienne-au-Pont, à l’endroit même où la petite fille a été tuée. Dès 1919, une plaque commémorative a été apposée dans la cour de l’école de Monceau-sur-Sambre. En 1956, un second monument verra le jour, à Monceau, devant l’école fréquentée par la petite Vieslet.

Témoignage de l’importance que conserve l’événement dix ans après la fin de la Grande Guerre, la princesse Marie-José est présente le 1er juillet 1928 lors de l’inauguration du monument de Marchienne-au-Pont, devant le Cercle Saint-Édouard. La stèle placée le long de la grand-route est de la même inspiration que la pierre tombale du cimetière de Monceau. Dans un cercle (dans un rectangle au cimetière), la jeune fille est représentée de profil tendant sa couque vers la main du prisonnier français (on ne voit que le bout des doigts de ce dernier). Il n’y a forcément pas de dédicace publique sur la tombe de la jeune fille, c’est une couronne de fleurs qui orne le bas de la stèle. Sur le monument public, outre des effets de taille de pierre et autres légères ornementations, la jeune fille est aussi représentée tenant son cartable dans la main gauche. Quant au texte, il indique sur la face avant :

À
YVONNE VIESLET

FUSILLÉE A L’AGE DE 10 ANS
PAR UN SOLDAT ALLEMAND
POUR AVOIR DONNÉ SA
COUQUE SCOLAIRE À UN
SOLDAT FRANCAIS PRISONNIER

LE 12 OCTOBRE 1918

La symbolique traverse le temps et n’échappe pas aux rexistes ni aux nazis. Sous l’occupation allemande, un tel monument est considéré comme une provocation pour les sympathisants d’Hitler. Fin 1940, les partisans de l’Ordre nouveau démolissent le monument Vieslet et évacuent les décombres (certaines sources indiquent qu’il fut enlevé, à l’instar de la plaque commémorative apposée dans la cour de l’École de Monceau). En dépit de l’absence d’un élément matériel, le lieu du monument est régulièrement fleuri les 12 octobre des années de guerre en dépit des interdictions. Dès 1946, le monument est restauré à sa place d’avant-guerre, grâce à une souscription publique lancée par les habitants de Marchienne et de Monceau. Le texte de la face avant gravé dans une nouvelle pierre, tandis que la pierre « avec le texte original » est placée à l’arrière du monument. À l’arrière encore, les circonstances du « nouveau » monument sont explicitées :

CE MONUMENT A DU ÊTRE ENLEVÉ EN
1940 PAR ORDRE DE L’AUTORITÉ ALLEMANDE
PARCE QUE JUGÉ INJURIEUX POUR
L’ALLEMAGNE

Enfin, sur la face avant, sur la plinthe inférieure du bac de fleur, la mention suivante a été gravée :

ERIGE
PAR SOUSCRIPTION PUBLIQUE
A L’INITIATIVE DE LA F.N.C.
SECTION DE MARCHIENNES

L’émotion provoquée par la mort violente de la petite Yvonne a-t-elle masqué la réalité des événements ? Dans un ouvrage publié en 1984, Claude Daubanton s’appuie sur le témoignage d’un témoin pour donner une version différente des faits qui se sont déroulés le 12 octobre 1918. Il y avait bien des soldats français retenus prisonniers dans la cour du Cercle Saint-Édouard, à Marchienne. Depuis la rue, les passants observaient la tension manifeste qui opposait les prisonniers épuisés et les Allemands en déroute, chacun éprouvant les mêmes difficultés pour se nourrir. Un quignon de pain jeté depuis la rue atterrit dans la cour et sème le trouble entre détenus et geôliers. La sentinelle allemande qui repousse violemment un prisonnier français est prise à partie verbalement par les Carolorégiens. Sentant la tension monter, un soldat tire pour disperser la foule et la balle atteint mortellement la jeune Vieslet.
La réalisation du monument a été confiée au sculpteur et architecte Hector Brognon (Bois d’Haine 1888 – Bois d’Haine 1977), qui s’est entouré de René Anthoine, architecte à Marchienne-au-Pont, et de Joseph Roger, « spécialiste en monuments » à Marchienne-au-Pont qui ont exécuté le monument et dont la signature figure sur la partie basse (côté droit). Celle de Brognon n’apparaît pas, ce qui ne doit pas étonner : Brognon a l’habitude de travailler avec des « monumentistes » qui ne sculptent pas les figures. Brognon intervient alors et laisse à ses mandants (parfois d’anciens élèves, ou des amis) le soin de signer le monument entier (Baguet).
Professeur à l’École industrielle et commerciale d’Écaussinnes, Hector Brognon a été surnommé récemment « le Rodin de Bois d’Haine » ; au sortir de la Grande Guerre, il jouit d’une solide réputation dans le Hainaut en raison de sa parfaite connaissance de la pierre bleue d’Écaussinnes. Plusieurs commandes de bustes et de statues lui parviennent, ainsi que des monuments aux morts et aux héros des deux guerres destinés aux places publiques (Écaussinnes-d’Enghien) ou aux cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926, ou le bas-relief Ernest Martel en 1939). Brognon a aussi signé le monument dit de Marguerite Bervoets à La Louvière et a participé à la décoration des frontons et panneaux de l’hôtel de ville de Charleroi (côté rue de Turenne et rue Dauphin).

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Louis GOFFIN, Yvonne Vieslet, Monceau-sur-Sambre, Collet, 1956
http://www.bel-memorial.org/cities/hainaut/marchienne-au-pont/marchienne-au-pont_monument_yvonne_vieslet.htm  (s.v. juillet 2013)
http://www.charleroi-decouverte.be/index.php?id=113 (s.v. juin 2014)
Claude DAUBANTON, Royale Feuille d’Etain de Marchienne-au-Pont, Marchienne-au-Pont, 1984
Philippe VERHEYEN, Ernest Duray, une vie consacrée à l'industrie et à la politique belge, dans Le Val Vert. Bulletin trimestriel édité par le Cercle d'Information et d'Histoire Locale des Ecaussinnes et Henripont, Ecaussinnes-Lalaing, 1989, n°65-68
Claude BRISMÉ, Histoire des Écaussinnes, recueil n°15 du Cercle d’information et d’histoire locale, 2010
Léon BAGUET, dans Le Val Vert, 1990, n°69, p. 12
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 155
Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d’Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56

Monument Yvonne Vieslet – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Rue de Châtelet 19
6030 Marchienne

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Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Achille VIEHARD

Monument à la littérature et à la chanson wallonnes, 15 août 1931.
Réalisé par Paul Du Bois avec l’aide de l’architecte Jules Wilbaux

Inauguré à Tournai, rue des Jésuites, dans le quartier populaire Saint-Piat, le 15 août 1931, en présence de nombreux cercles et sociétés (de littérature) wallonnes, ce monument présente plusieurs particularités. D’abord, il est installé à l’endroit même où se trouvait auparavant la fontaine du « pichou saint Piat » dans un état de délabrement évident depuis plus d’un demi-siècle ; ensuite, le monument est une fontaine, ce qui devient relativement rare au fur et à mesure que l’on avance dans le XXe siècle ; il est aussi dédié à la fois à une personne, Achille Viehard, et à une thématique « À la littérature et à la chanson wallonnes ». Outre le fait que le monument soit coloré (du rouge et du doré), on observera enfin que si le monument honore une personnalité historique, celle-ci n’apparaît que par l’intermédiaire de son nom inscrit sur la pierre et par l’évocation de son activité secondaire, de son hobby, la littérature wallonne.

En effet, Achille Viehard (Tournai 1850 – Tournai 1926) a d’abord travaillé comme ouvrier typographe, avant d’exercer des fonctions administratives dans sa ville natale, et d’être nommé à la direction de l’hospice des vieillards de la rue Sainte-Catherine. Or, c’est le souvenir de ses activités de loisir que ses amis décident de figer dans la pierre quelque temps après son décès. Dans les « sociétés démocratiques » qu’il fréquente vers 1880, il se révèle un rimailleur apprécié pour ses traits d’humour et ses analyses psychologiques fines. Publiés dans Les Étrennes tournaisiennes, ses chansons et monologues en picard vont frapper les esprits. Ensuite, il est le premier à mettre en scène des comédies et tableaux de mœurs populaires tournaisiennes : dès 1888, on se précipite dans les salons de l’hôtel des Neuf Provinces pour assister à ses spectacles. À partir de 1891, le théâtre communal accueille les représentations. En 1907, celui qui utilise le pseudonyme d’A. Viart figure parmi les fondateurs du Cabaret wallon tournaisien. Les jurys des Concours de littérature wallonne ne s’y étaient pas trompés quand ils accordèrent les premiers prix à ce jeune fonctionnaire communal qui était avant tout écrivain. Le monument/fontaine ne parle que de cet aspect. En témoigne la stèle en petit granit de Soignies qui accueille, de haut en bas, sept macarons disposés en arrondi, les armoiries de Tournai dans un cercle coloré en rouge et rehaussé en or, puis l’inscription

A LA LITTÉRATURE
ET À 
LA CHANSON
WALLONNES

Ensuite vient un faune (doré) qui crache l’eau par sa bouche ; des grappes de raisins sont mêlés à sa chevelure. La stèle principale se termine par l’identification des dédicants :
ERIGE PAR LA VILLE LA
PROVINCE ET LES AMIS
D’ACHILLE VIEHARD

L’architecte Jules Wilbaux (Tournai 1884 – Tournai 1955) a conçu cet ensemble que relève une sculpture signée Paul Dubois représentant le « titi » tournaisien, assis en déséquilibre sur le bord inférieur de la fontaine. La générosité des Tournaisiens sollicités par une souscription publique a permis au « comité Viehard » présidé par Walter Ravez d’installer un monument dans l’espace public du centre de Tournai plutôt qu’un seul médaillon dans le cimetière. Dans le même temps, le monument dépassait la seule personne d’Achille Viehard pour associer tous les écrivains patoisants tournaisiens : Leray et Delmée, Auguste Mestdag, Auguste Vasseur, Adolphe Wattiez, Auguste Leroy, Arthur Hespel et bien d’autres auxquels le discours inaugural rendra hommage.

Confier l’essentiel du monument à Jules Wibaux était une évidence. Formé à la toute nouvelle École Saint-Luc de Tournai, il en est l’un de ses tout premiers diplômés en architecture, en 1919. Sa carrière, il la réalise essentiellement à Tournai et aux alentours, restaurant des châteaux, construisant des maisons comme des maisons de maître, voire s’occupant de l’aménagement de la Maison tournaisienne. Aquarelliste, Wibaux prend aussi Tournai comme principal sujet de ses toiles. Historien amateur, c’est encore Tournai, avec sa cathédrale et ses quartiers qui constitue le centre de sa curiosité. 

Quant à Paul Dubois (Aywaille 1859 – Uccle 1938), il n’est pas du Tournaisis, mais il avait accepté dès le début du projet de réaliser le médaillon pour le cimetière, avant de se voir confier le « titi tournaisien dans son geste goguenard et libéré, symbole immuable de la gaité et de l’ironie wallonne ». Né au bord de l’Amblève, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, élève de Charles Van der Stappen, Dubois a remporté le prix Godecharle 1884 et, dès ce moment, il a choisi de signer « Du Bois », pour éviter toute confusion avec son parfait homonyme français, voire avec  Fernand Dubois. Après trois années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. 

Monument à la littérature et à la chanson wallonnes – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie : déjà en 1924, Tournai lui avait confié la réalisation du monument Gabrielle Petit. Son œuvre variée et abondante (près de 200 sculptures) est faite aussi de bijoux et de médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905). C’est par conséquent un artiste en pleine maîtrise de son art qui réalise le monument Viehard.

 

La Vie wallonne, septembre 1931, CXXXIV, p. 36-41
Gaston LEFEBVRE, Biographies tournaisiennes des XIXe et XXe siècles, Tournai, Archéologie industrielle de Tournai, 1990, p. 269 ; p. 279-180
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 92-93
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518

Rue des Jésuites
7500 Tournai

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Paul VERLAINE

Plaque commémorative Paul Verlaine, dessinée par l’architecte Jules Ghobert, 26 juin 1932.


« Paliseul ou Jéhonville », Belgique, par Sedan et Bouillon (Verlaine).
Entre Paliseul, Bertrix, Bouillon, Corbion, Sedan et Jéhonville, les références à Paul Verlaine sont nombreuses dans l’espace public, presque autant que les allusions à cette région dans l’œuvre de l’écrivain. « Car (…) Verlaine restait foncièrement attaché au pays de ses aïeux, et l’atmosphère ardennaise est constamment présente au fil de ses écrits, en un jeu continu de miroirs » (CHANTEUX-VAN GOTTOM, p. 10). Les relations entre Paul Verlaine et l’Ardenne wallonne sont intimes. En 1924, Paul Dresse avait été l’un des premiers à établir dans le détail « l’ascendance paternelle ardennaise » de l’écrivain et à mettre en évidence les affinités ardennaises du poète dans son œuvre. Le père Verlaine, Nicolas, est originaire de Bertrix (1798-1865) ; d’autres membres de sa famille résidaient dans la région, dont une de ses tantes (Henriette, épouse Grandjean, 1796-1869) qui avait offert son château de Carlsbourg aux frères des Écoles chrétiennes. Pendant plusieurs étés, entre 1849 et 1873, Paul Verlaine séjourne régulièrement entre la Lesse et la Semois, dans un pays et auprès de gens qui marqueront durablement son imaginaire :

« L’endroit où demeurait ma tante est, à trois lieues de Bouillon, un tout petit chef-lieu de canton, Paliseul […] Un joli site perché, qui corrige l’âpreté un peu des toits trop uniformément en ardoises… » (Croquis de Belgique, 1895).
Né à Metz au hasard des affectations professionnelles de son père, c’est à Paris que Paul Verlaine (1844-1896) grandit ; sa famille s’est installée dans la capitale française après la démission du père Verlaine de la carrière militaire (1851). Mis en pension durant sa scolarité, l’adolescent exprime déjà son mal-être et ne s’attardera pas dans les études. Employé municipal, le jeune Verlaine est surtout attiré par l’écriture : son premier recueil de poésies paraît en 1866, mais un premier amour impossible le tourmente ; alcool et violence altèrent définitivement le comportement de celui qui, coup sur coup, voit son mariage éclater et sa situation professionnelle perdue : il est renvoyé de la mairie parisienne pour avoir soutenu les Communards (1871). Sa relation tumultueuse avec Arthur Rimbaud s’achève à Bruxelles : pour avoir blessé son ami au poignet au cours d’une bagarre violente, il est condamné et privé de liberté dans la prison de Bruxelles puis à celle de Mons jusqu’en 1875. Au terme de sa peine réduite, il a retrouvé la foi catholique et il devient professeur. Après avoir donné des cours en Grande-Bretagne, il atterrit à Rethel où il entretient une relation singulière avec l’un de ses élèves (1877-1883) qui se termine à nouveau tragiquement. Bien que reconnu comme un maître, voire comme un précurseur par les défenseurs du symbolisme, Verlaine ne s’en remettra jamais, décédant à Paris d’une congestion pulmonaire à l’âge de 51 ans. Désigné « Prince des Poètes » en 1894, le poète maudit, auteur en 1895 de Croquis de Belgique, laisse une œuvre majeure et son souvenir fait l’objet d’une attention toute particulière dans le pays où il vécut une partie de sa jeunesse.
Sur un côté de la future « Maison Paul Verlaine », qui appartenait alors à Paul Poncelet, notaire et bourgmestre de Saint-Hubert, à l’angle de la rue Paul Verlaine et de la petite ruelle qui revient vers la Grand Place de Paliseul, une plaque rappelle une période importante de la vie de l’entité :


ICI
JOUA
PAUL
VERLAINE


PLACÉ PAR LES ÉCRIVAINS ARDENNAIS
LE 26 JUIN 1932


L’initiative de cette plaque sobrement décorée en revient aux Écrivains ardennais, coutumiers de ce genre de démarches. Lors de l’inauguration, de nombreuses personnalités officielles avaient fait le déplacement, dont Jules Poncelet, député du Luxembourg et président de la Chambre en exercice, Jules Destrée en tant que représentant officiel de l’Académie de Langue et de Littérature françaises de Belgique, et le Consul de France Fernand Sarrien. Autour de Thomas Braun et de très nombreux écrivains ardennais et d’ailleurs (comme Marcel Thiry ou Olympe Gilbart), les autorités locales représentées par le bourgmestre Poncelet avaient également réussi à faire venir différentes personnalités françaises (dont l’éditeur des œuvres de Verlaine). Outre la lecture de poèmes, Thomas Braun, J-P. Vaillant et Henri d’Acremont avaient préparé chacun un discours, tandis que Jules Destrée s’adressa au nombreux public en une brève improvisation.

Dessinée par l’architecte Jules Ghobert, la plaque fournie par les Ardoisières de Martelange est une allusion à la proximité de l’endroit où le jeune Paul Verlaine venait jouer avec Hector Perot (de 12 ans son aîné), dont le père Joseph, percepteur des postes, fut bourgmestre de Paliseul : les Perot habitaient la maison aujourd’hui appelée Paul Verlaine. Elle évoque aussi l’amitié de Verlaine avec le jeune Jean-Baptiste Dewez (1841-1899) qui deviendra le directeur du collège Juste Lipse à Louvain (1871). Quant à la matière de la plaque commémorative, il s’agit de schiste d’Ardenne, évocation à la fois des ardoises d’écriture des écoliers de cette époque et des ardoises de couverture des toits typiques de la région. Au milieu des années 1970, quand est inauguré un complexe culturel avec salles polyvalentes, une inscription est placée au-dessus de la porte d’entrée principale. Il s’agit de cette phrase de Verlaine :


au pays de mon père
on voit
des bois sans nombre…


Si Paul Verlaine est définitivement attaché à la littérature de la France et si l’Ardenne occupe une place indéniable dans son œuvre, il est une hypothèse formulée par Guy Gilquin sur l’influence qu’a pu avoir Verlaine sur l’émergence d’un milieu artistique dans cette partie de la Wallonie, et pas seulement sur Albert Raty : « Avec ses vers fameux, Paul Verlaine n’a-t-il pas été l’élément qui fit prendre conscience aux artistes et poètes wallons de leur existence et du potentiel inspirateur que constituait cette région éloignée des centres urbains ? » (GILQUIN, cité par CHANTEUX-VAN GOTTOM, p. 13).
Quant à Jules Ghobert (Wéris 1881-Bruxelles 1971), après sa formation en architecture à Saint-Luc Liège, il s’adonne tant à la peinture, à la lithographie qu’à l’architecture, cette dernière étant son activité professionnelle principale. Auteur d’un inventaire des constructions rurales et traditionnelles (1914), il signe les plans de nombreuses habitations privées, tant à Bruxelles qu’à Louvain pour l’essentiel, au lendemain de la Grande Guerre. Cet ami de Charles Counhaye partage avec le Verviétois le goût du monumental et du luminisme et, comme lui, est rattaché à l’école du fauvisme brabançon. Ensemble, il contribue à l’aménagement intérieur de l’abbaye de Tongerlo (1920-1935), tandis que Ghobert réalise aussi des commandes de monuments commémoratifs, comme à Paliseul, ou funéraires. Ayant participé sans succès à plusieurs concours internationaux d’architecture, il remporte, en 1937, celui de l’aménagement du complexe du Mont-des-Arts, à Bruxelles. Après moults péripéties dues à l’indécision des autorités, il collabore avec Maurice Houyoux pour établir les plans définitifs d’un projet qui évolue sans cesse et qui occupera trente années de sa carrière : les travaux sont exécutés entre 1954 et 1969. L’ensemble comprendra finalement bibliothèque, palais des congrès, cabinet des Estampes et archives et marquera durablement le cœur de Bruxelles.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
La Vie wallonne, décembre 1922, n°28
Paul DRESSE, dans Les Cahiers mosains, 15 février 1924, n°1, p. 9-11
Danielle CHANTEUX, Paul Verlaine et l’Ardenne : regard singulier d’enfance, Neufchâteau, Weyrich, 2011
Jean ISTACE, Les séjours de Paul Verlaine à Paliseul, dans Terres d’Herbeumont à Orchimont, bulletin n°39, 2013, p. 16-28
La Grive, octobre 1932, cité par Jean ISTACE
Exposition « Verlaine, Ardennais de souche et de cœur », et vidéo du Gsara, cfr http://gsara.tv/outils/verlaine-adrennais-de-souche-et-de-coeur/ 
http://www.tvlux.be/video/paliseul-paul-verlaine-et-l-ardenne_10040.html
http://balat.kikirpa.be/peintres/Detail_notice.php?id=2526 (s.v. juillet 2015)
Exposition Verlaine, cellule n° 252. Turbulences poétiques, Mons, capitale culturelle 2015, musée des beaux-arts 2015-2016
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 622

 

Plaque Paul Verlaine (Paliseul)

Rue Paul Verlaine
6850 Paliseul

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Émile Verhaeren

Buste à la mémoire d’Émile Verhaeren, réalisé par Angelo Hecq, Roisin – 17 mai 1937 et Autreppe – 9 juin 2010.


Nà Saint-Amand-lez-Puers, au bord de l’Escaut, le poète flamand Émile Verhaeren (1855-1916) s’est imposé comme un des grands écrivains de langue française, au tournant des XIXe et XXe siècles. Issu d’une famille bourgeoise anversoise où le français était d’évidence la langue véhiculaire, il fréquente des établissements scolaires francophones et, quand il étudie le Droit à l’Université de Louvain (1875-1881), il fait la rencontre de jeunes écrivains qui animent La Jeune Belgique dans le sillage d’Edmond Picard dont Verhaeren sera un éphémère stagiaire dans son bureau d’avocats bruxellois. C’est de cette époque que remontent ses premiers écrits publiés. Attentif à la question sociale, touché par le mouvement symboliste dont il devient l’un des éminents représentants, il se fait un nom dès 1883 en publiant un provoquant recueil de poèmes intitulé Les Flamandes. Par la suite, son œuvre est traversée par une courte période caractérisée par sa « trilogie noire », avant de s’apaiser et de traiter de sujets de société : en particulier le poète est frappé par la transformation de son environnement, singulièrement de l’opposition entre le monde des villes et celui des campagnes. Publiant notamment dans La Wallonie d’Albert Mockel, auteur de pièces de théâtre, critique, Verhaeren est en contact avec nombre d’écrivains, poètes et artistes de son temps. Réfugié en Grande-Bretagne au moment de l’invasion allemande d’août 1914, il y publie des poèmes pacifiques et mène campagne en faveur des alliés. Après avoir visité un champ de bataille, il donne d’ailleurs une conférence à Rouen, en novembre 1916 et c’est là, dans la gare, qu’il décède tragiquement. En divers endroits (Rouen dès 1918, Paris, Bruxelles…), le souvenir d’Émile Verhaeren est entretenu par un monument implanté dans l’espace public. C’est aussi le cas en Hainaut où le poète et son épouse, l’aquarelliste Marthe Massin, ont disposé d’une maison pendant plusieurs années.

Parmi les auteurs qui évoquent son séjour en Hainaut, les uns attribuent à la peintre Cécile Douard, les autres à la veuve de Georges Rodenbach (Verhaeren avait connu Rodenbach au collège à Gand) l’honneur d’avoir fait découvrir au couple le Caillou-qui-Bique, à Roisin, au cœur des paysages de Honnelles. À partir de 1899, Émile Verhaeren et Marthe Massin – installés officiellement aux portes de Paris – vont progressivement résider régulièrement à la ferme Laurent, dans une partie de l’habitation aménagée spécialement pour eux. C’est là, entre l’étable et les communs, qu’ils recevront à leur table les Jules Destrée, Charles Bernier, Louis Piérard, James Ensor, Constant Montald, Théo Van Rysselberghe, Stephan Zweig, Camille Lemonnier, Maeterlinck et autres personnalités marquantes séduites par le charme du « vert Haut-Pays » et attirées par la conversation du poète. Se promenant régulièrement dans les alentours, conversant avec les gens du pays, Verhaeren composera une partie de son œuvre dans ce petit coin de Wallonie qui était pour lui comme un havre de paix.

Buste Émile Verhaeren (Roisin – Caillou qui bique, Autreppe)

Au lendemain de la Grande Guerre, en plus de la perte de son mari, Marthe Massin constate que leur « maison » de Roisin a été détruite dans la tourmente. En mémoire du poète, sa veuve la fait reconstruire à l’identique (1928) et y reconstitue son cabinet d’écriture et le salon. Au tournant des XXe et XXIe siècles, le site devenu propriété de l’Office du tourisme du Hainaut se transforme profondément, tout en conservant plusieurs traces de son illustre prédécesseur. Outre l’espace muséal Verhaeren ouvert dans l’écurie (2010) et un circuit de promenade, l’asbl « Mémoire d’Émile Verhaeren à Roisin » veille notamment à la conservation et à l’entretien de plusieurs monuments.Alors que le nom de Verhaeren figure parmi les victimes civiles du monument aux morts de Roisin, le premier mémorial dédié au poète remonte à mai 1937, sans que la date corresponde à un quelconque anniversaire. À l’initiative des Jeunes Auteurs du Hainaut et sous le patronage d’un Comité Verhaeren composé de Louis Piérard, du chanoine Desmedt, de Constant Montald et de l’avocat Joye, un buste en pierre, sculpté par Angelo Hecq (Piéton 1901-1991), est inauguré dans la clairière du Caillou qui Bique, à la lisière du bois d’Angre. Une souscription publique a été lancée et le Ministère des Sciences et des Arts a accordé son « haut patronage » à l’initiative. Le buste de Verhaeren surmonte alors un piédestal composé de sept niveaux de blocs de pierre ; l’inscription « À Verhaeren » le complète.

À la fois sculpteur et architecte, Angelo Hecq est sollicité à diverses reprises durant sa carrière, comme de nombreux artistes de sa génération, pour réaliser des monuments aux victimes des deux guerres ou en faveur de la paix (Tamines, Andenne, Pâturages, etc.). Même pour de telles commandes officielles, celui qui signe parfois Angelo ne renoncera pas à son style d’inspiration cubiste. Professeur de sculpture à Saint-Luc Mons, il signera des réalisations originales pour la manufacture Boch frères Kéramis, peu avant la Seconde Guerre mondiale, et il travaillera aussi pour les céramistes d’Andenne. Auteur de bustes en terre cuite, de céramiques et de portraits, Angelo Hecq venait d’achever le monument Simonon, réalisé conjointement avec Cécile Douard, quand il est sollicité pour le buste en pierre dédié à Émile Verhaeren. Son œuvre va reposer sur un socle constitué de six niveaux de pierres assemblées ; sur la face avant une plaque indique sobrement : « A Verhaeren ».

Après la Seconde Guerre mondiale (en 1955, à l’occasion du centième anniversaire de la naissance du poète), un autre monument Verhaeren, dû à Charles Van der Stappen, est inauguré dans la clairière du Caillou-qui-Bique, près de là où se trouvait le buste d’Angelo Hecq. Celui-ci avait été déplacé à Saint-Ghislain aux Écoles techniques féminines du Hainaut. Procédant à d’importants travaux de rénovation, cet établissement provincial s’interrogera plus tard sur la présence en son sein d’un tel buste et les autorités communales de Honnelles organisèrent son retour en l’installant devant la maison communale d’Autreppe en juin 2010. Le nez cassé du buste fut réparé bénévolement par le marbrier Michel Ovart qui s’occupa aussi de l’aménagement du socle, beaucoup moins haut que l’original. Sur une base en briques correspondant au mur du bâtiment communal, une pierre carrée soutien une autre pierre en forme de cube où ont été gravées plusieurs inscriptions.

Sur la face avant, la même inscription qu’en 1937 :


A
VERHAEREN


Sur le côté gauche :


ERIGÉ LE 17 MAI 1937
SOUS LES AUSPICES
DES JEUNES ÉCRIVAINS
DU HAINAUT ET DES
AMIS DU POÈTE


Désormais, l’inclinaison de la tête de Verhaeren vers l’avant prend une nouvelle signification ; elle donne l’impression que l’écrivain lit la citation gravée au pied de la statue sur une pierre bleue :


LE TRAVAIL LARGE ET CLAIR QU’ONT ILLUSTRÉ NOS MAINS
QU’IL TENTE ET MAGNIFIE ET UNISSE SOUDAIN
LES VÔTRES !
AYEZ DES CŒURS PLUS HAUTS, DES GESTES PLUS PARFAITS
ET FAITES MIEUX QUE NOUS CE QUE NOUS AVONS FAIT.
                                                                A CEUX QUI VIENNENT


Il s’agit des 5 derniers vers du 13e paragraphe du poème À ceux qui viennent, œuvre inédite de Verhaeren, imprimée pour la première fois en décembre 1920, pour l’hommage rendu au poète par Les Amitiés françaises, à l’occasion du quatrième anniversaire de sa mort.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont Le Soir, 14 juillet 2011)
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Fonds Collet
Informations communiquées par René Legrand, président de l’asbl Mémoire d’Émile Verhaeren à Roisin (juillet 2015)
Bulletin de l’Académie de Langue et Littérature françaises, Bruxelles, 1955, t. XXXIII, n°3, p. 179-204
Georges DOUTREPONT, Verhaeren, dans Biographie nationale, t. 26, col. 623-633
Roland MORTIER, Verhaeren, dans Biographie nationale, t. 32, col. 
Christiane PIÉRARD, dans Biographie nationale, t. 31, col. 260-269
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 688
Norbert POULAIN, Angelo Hecq, dans Interbellum, bulletin…, 2005, n°25-3, p. 7-15

 

Buste Émile Verhaeren (Roisin – Caillou qui bique) – Carte postale du buste original

Caillou qui bique (1937) 
7387 Roisin  
Rue Grande 10 (2010)
7387 Autreppe

carte

Paul Delforge

Statue François-Charles de VELBRÜCK

Statue du prince-évêque Fr-Ch. de Velbrück, réalisée par Léon Mignon, c. 15 octobre 1880.


Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs qui racontent l’histoire de la principauté de Liège. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Velbrück est parmi celles-ci.

Membre de cette équipe, Léon Mignon (Liège 1847 – Schaerbeek 1898) va réaliser quatre des 42 statues et représenter deux scènes historiques (La bataille de Steppes et L’institution de la Fête-Dieu). De retour d’un séjour de plusieurs mois à Rome, Léon Mignon s’est installé à Paris ; rentrant à Liège de temps à autre, il apporte sa contribution au chantier de décoration du Palais provincial. C’est aussi durant cette période qui va de 1876 à 1884 que l’artiste réalise ses œuvres majeures, celles qui lui assurent en tout cas une réelle notoriété : Li Toré et son vis-à-vis Le Bœuf de labour au repos.
Réalisée en pierre durant la même période, sa statue du prince-évêque Velbrück (Düsseldorf 1719 – Tongres 1784). Située juste à côté de la statue de Saint-Hubert, celle de Velbrück est à l’extrême-droite du péristyle, sur la partie inférieure, dans l’angle de retrait. Initialement réservée à des personnalités du Moyen Âge (pour éviter des polémiques), la façade du Palais provincial réserve quelques exceptions : décédé moins d’un siècle avant le chantier de décoration, François-Charles Velbrück est le plus « récent » d’entre tous et son règne est considéré unanimement comme l’un des plus remarquables de l’histoire de la principauté. Cette unanimité n’était guère rencontrée pour un personnage comme Sébastien Laruelle, dont la statue était initialement prévue à l’endroit où se trouve désormais Velbrück Contrairement au projet de décoration initial, aucune statue ne sera d’ailleurs consacrée à Laruelle, mais un bas-relief – placé juste à côté de Velbrück – évoque l’assassinat du bourgmestre de Liège.

Chanoine de la Cathédrale Saint-Lambert dès les années 1730, François-Charles de Velbrück est venu habiter Liège à partir de 1745 ; il entre alors dans le Conseil privé du prince-évêque. En l’absence de Jean-Théodore de Bavière, il s’occupe de la direction des affaires liégeoises et, jouissant de l’appui des « Français », est même pressenti à sa succession en 1763. Fin diplomate et ecclésiastique apprécié, Velbrück devra patienter : ce n’est qu’en 1772 qu’à l’unanimité du chapitre, il est élu prince-évêque de Liège (1772-1784). Chacun s’accorde à reconnaître que son règne a été remarquable et profitable à l’évolution des idées, du commerce et de l’industrie, ainsi que de la santé et de l’instruction. Le contraste avec son successeur accentue encore l’image positive de ce grand protecteur des artistes, ouvert aux idées nouvelles, qui permit la création de la Société d’Émulation, de la Société littéraire, des Académies et des Écoles. Mis à part le mausolée Velbrück, œuvre de François-Joseph Dewandre, il n’existe aucune sculpture de l’ancien prince-évêque à Liège quand Léon Mignon entreprend de le représenter.

L’éloignement ne permet pas d’apprécier à sa juste valeur le travail de précision réalisé par le sculpteur : outre le portrait très ressemblant, les plis, les effets des vêtements du prince-évêque et surtout les broderies et dentelles de sa chasuble sont d’une qualité exceptionnelle. Cette statue de Velbrück témoigne aussi que Léon Mignon n’est pas qu’un sculpteur animalier, même si son œuvre la plus connue à Liège reste Li Toré. Bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Darchis, cet élève studieux de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, qui fréquentait depuis son plus jeune âge l’atelier de Léopold Noppius, avait trouvé l’inspiration en Italie (1872-1876). Médaille d’or au salon de Paris en 1880 pour son taureau, il s’était installé dans la capitale française (1876-1884), avant d’être contraint à habiter Bruxelles pour pouvoir  exécuter des commandes officielles du gouvernement : c’est l’époque de ses bustes, mais aussi de la statue équestre de Léopold II particulièrement remarquable, d’une série de bas-reliefs pour le Musée d’Art moderne de Bruxelles et le Musée des Beaux-Arts d’Anvers, ainsi que d’une Lady Godiva, sa dernière œuvre.

Sources

Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 96
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Michel Péters sur http://fr.slideshare.net/guest78f5a/petit-historique-de-la-sainttor-des-tudiants-ligeois (s.v. août 2013)
Hugo LETTENS, Léon Mignon, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 504-508
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Georges DE FROIDCOURT, Velbrück, dans Biographie nationale, t. 26, col. 523-531 
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Statue du prince-évêque Fr-Ch. de Velbrück – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Université de Gand

Buste Jean Varin

Buste Jean Varin, réalisé par Louis Dupont, 6 février 1928.

Au lendemain de l’Exposition universelle de 1905, le parc de la Boverie, à Liège, devient progressivement le lieu privilégié pour accueillir des monuments dédiés principalement à des artistes liégeois. Dès 1907, est inauguré un buste dédié au peintre Léon Philippet ; en juillet 1923, Gilles Demarteau est honoré à son tour, avant que ne les rejoignent, sans être exhaustif, Louis Boumal (1925), Jean Varin (1928), Jean-Barthélémy Renoz (1930), Armand Rassenfosse (1935), Adrien de Witte (1938), Georges Antoine (1938), Auguste Donnay (1956 ?) et Richard Heintz (1956). Une galerie des bustes prend ainsi place dans la pergola du parc de la Boverie ; elle permet au public de croiser une palette d’artistes de renom, du moins jusqu’au début du XXIe siècle. On assiste en effet alors à une série de disparitions et d’actes de vandalisme (vols, dégradation, lancer de buste dans la Meuse…) contraignant les autorités liégeoises à mettre à l’abri certains bustes restants. Si quelques monuments restent intacts, d’autres ont entièrement disparu, comme en témoignent certains socles nus.

Inauguré le 6 février 1928, le buste de Jean Varin n’a pas échappé à ce phénomène de vandalisme urbain. Le socle est toujours présent, mais le buste a disparu. Réalisé en bronze coulé, d’une dimension de 83 centimètres de haut sur 91 de large et 53 de profondeur, il n’en reste que le plâtre qui est précieusement conservé par le BAL. Comme d’autres bustes, il était dû à l’initiative de l’Œuvre des Artistes qui en avait confié la réalisation au sculpteur liégeois Louis Dupont (1896-1967). Natif de Waremme, élève d’Adrien de Witte, il n’a pas encore une grande expérience quand lui est confié le buste de Jean Varin, mais ceux qui l’ont choisi sont sûrs de son talent. N’a-t-il pas reçu une bourse du gouvernement en 1921 et, en 1928, le Prix Trianon lui est décerné. Par la suite, au bas-relief Hubert Stiernet (1925), au buste Jean Varin (1928), au médaillon Georges Antoine (1929) et surtout au buste Ysaÿe (1936) puis à celui de César Thompson (1939) s’ajouteront d’autres expériences concluantes comme sa collaboration avec Adelin Salle et Robert Massart sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha (1937), ou son Métallurgiste pour le monument Albert Ier à l’île Monsin (1939). De nombreuses autres commandes parviendront à l’artiste après la Seconde Guerre mondiale, principalement des bas-reliefs, avant que ne lui soient confiés le monument national de la Résistance (1955), puis les reliefs sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). Dessinateur, médailliste et statuaire, professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1967), Louis Dupont recevra en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble de son œuvre. Le buste Jean Varin est quasiment une œuvre de jeunesse ; elle a dû constituer une sorte de défi pour Louis Dupont car il lui était demandé de représenter une personnalité qui s’était particulièrement illustrée en tant que graveur et médailleur à la cour du roi de France.

Natif de Liège en 1607, Jean Varin a fait une carrière prestigieuse à Paris (où il est décédé en 1672) ; il y est aussi sculpteur et ses bustes de Richelieu, de Louis XIII et de Louis XIV adolescent contribuent à sa renommée artistique. Redécouvert à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, il est l’un des meilleurs représentants de l’excellence du pays wallon du XVIIe siècle. Tailleur général des monnaies et réformateur du système monétaire du royaume de France, réalisateur du sceau de la toute nouvelle Académie française, « contrôleur général des poinçons et effigies » (1647), ce Wallon avait obtenu, en 1650, « ses lettres de naturalisation française ». « Conseiller et secrétaire du Roy, intendant et ordonnateur des bâtiments royaux, jardins, tapisseries et manufactures » (1656), Varin n’en finira pas d’être honoré sous Louis XIV qui le nommera « Conseiller du Roy en ses Conseils d’État et privé » (1660). En 1665, il est encore reçu comme membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture et c’est là que ses contemporains saluent son talent et ses efforts pour rendre ses lettres de noblesse à l’art de la médaille de la France. Plus de 250 médailles, pièces de monnaie et jetons portent les coins et poinçons gravés par Jean Varin.

Sources

Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 15
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Vie wallonne, janvier 1930, CXIII, p. 165-173
Georges de FROIDCOURT, dans Biographie nationale, t. 26, col. 497-501
Georges de FROIDCOURT, Les origines liégeoises de Jean Varin, graveur général des monnaies de France, Bruxelles, 1934
Edmond GLESENER, dans La Vie wallonne, janvier 1930, CXIII, p. 165-173
Nicole DARDING, Jean Varin, de Liège à Paris, dans Mélanges Pierre Colman, Art&Fact, Liège, 1996, n°15, p. 128-130
Marie-Georges NICOLAS-GOLDENBERG, La Vie wallonne, IV, 1975, n°352, p. 193-203
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 259, 302
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 289-290
Jules HELBIG, La Sculpture et les Arts plastiques au Pays de Liège et sur les bords de la Meuse, Liège, 1890, p. 16

 

Buste Jean Varin (Liège) – inauguration du buste

Parc de la Boverie
4020 Liège

carte

Paul Delforge

Plaque et banc Edmond VANDERCAMMEN

Plaque commémorative et banc Edmond Vandercammen, 1981 et 8 mars 1997.
Réalisés à l’initiative des autorités communales.

Depuis 1981, dans l’écrin exceptionnel que constitue le parc communal, espace arboré niché au centre du village et entouré de petites maisons du passé, un des bancs installés autour du kiosque à musique rend explicitement hommage à Edmond Vandercamen (Ohain 1901 – Uccle 1980). Son nom est gravé sur l’un des larges bords du siège, tandis que, de l’autre côté, on peut lire :

« Engrange les clartés du ciel ».

C’est la même place communale qui accueille aussi la fontaine dite des frères Mascart, un monument Goffin et d’autres bancs dédiés à des écrivains qui ont séjourné ou habité dans ce village désormais fusionné (depuis 1976) au sein de l’entité de Lasne. Quelques années plus tard, une seconde initiative conduit à apposer une plaque commémorative sur la façade de la maison où a résidé le poète. Deux vers évoquent son œuvre :

Laissez venir vers moi les arbres
Si telle est leur force de m’apporter l’horizon

L’inauguration de cette plaque s’est déroulée le 8 mars 1997, en présence des autorités locales qui poursuivent ainsi une politique résolue visant à honorer tous les écrivains et artistes qui choisirent Ohain comme lieu de résidence à l’un ou l’autre moment de leur existence. La veille, une salle Edmond Vandercammen avait été inaugurée au château du domaine provincial d’Hélécine, où sa veuve a légué toutes ses œuvres littéraires et picturales.

Né à Ohain, Edmond Vandercammen a conservé de son enfance un souvenir émerveillé de la campagne brabançonne qui inspire sans conteste son œuvre. Les témoins sont nombreux à rapporter avoir un jour croisé Vandercammen sur un chemin, dans un bois ou dans la campagne, s’inspirant de la nature pour son écriture ou sa peinture, car il était aussi peintre (entre 1925 et 1932). De sa petite maison blanche du chemin de l’Alouette, au hameau de La Marache, il était en effet souvent sur les chemins, du moins avant que l’instituteur, diplômé de l’École normale de Nivelles, ne s’installe à Bruxelles où il a été désigné en 1920. « Poète de la beauté du monde », cet ami de Plisnier a d’abord connu la tentation surréaliste, mais il a préféré la métrique pour exprimer le bonheur de l'homme et de la terre, ainsi que l’inquiétude. Membre, élu en 1952, de l'Académie de Langue et de Littérature françaises, dite Académie Destrée, cosignataire de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin 1976), destinée à dénoncer l'extrême lenteur mise dans l'application de l'article 107 quater de la Constitution et à réclamer un fédéralisme fondé sur trois Régions (Bruxelles, Flandre et Wallonie), le poète a vu son œuvre couronnée en 1979 par le Grand Prix des Biennales internationales de la poésie.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Informations communiquées par les services administratifs d’Ohain, dont le fascicule Balade à la découverte du Patrimoine d’Ohain, s.d.
Jean-Luc WAUTHIER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VIII, p. 368-370
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 53, 104 ; t. IV, p. 238

Plaque commémorative et banc Edmond Vandercammen – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Place communale et 
Carrefour du chemin de l’Alouette et du chemin de la Sablonnière
1380 Ohain

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Charles VAN LERBERGHE

Monument à la mémoire de Charles Van Lerberghe, 14 juin 1936
À l’initiative de la Société des Écrivains ardennais

À l’initiative de la revue Le Thyrse et spécialement de la Société des Écrivains ardennais, un hommage est rendu à Charles Van Lerberghe (Gand 1861 – Bruxelles 1907), à Bouillon, avec l’érection d’un bloc de granit avec inscription, à hauteur de la Vieille route de France. La cérémonie se déroule le 14 juin 1936. C’est en bénéficiant d’une vue exceptionnelle sur la Semois, en séjournant « à la Ramonette », que le poète gantois a composé sa Chanson d’Eve. L’inauguration est l’occasion pour la Société de céder officiellement le mémorial aux autorités locales. Plusieurs discours sont prononcés rendant hommage à Charles Van Lerberghe et le moment est aussi choisi pour remettre l’ordre de commandeur de la Légion d’honneur à Albert Mockel. Consul général de France à Liège, Fernand Sarrien a fait expressément le déplacement à Bouillon pour honorer le fondateur de La Wallonie – le mot comme la revue – ainsi que le poète qui assure des responsabilités au sein de l’association Les Amis de Charles Van Lerberghe. La date du 14 juin 1936 est celle du cinquantième anniversaire du symbolisme et de la revue qui illustra le mieux ce mouvement. Et comme il était écrit que cette journée du 14 juin 1936 serait exceptionnelle à plus d’un titre, le représentant des Écrivains de Belgique fait observer que, parallèlement, on inaugure à Bruxelles un monument en l’honneur de l’écrivain Hubert Krains qui, dans les Portraits d’Écrivains belges, avait consacré une analyse particulièrement fine à l’œuvre de Van Lerberghe.

Dans les milieux littéraires, en effet, la qualité de la poésie écrite en français par ce Gantois n’a échappé à personne. On loue sa liberté d’expression, l’absence d’influences sur son style et sur une production qui a réussi à éviter les modes. L’indépendance du poète lui a vraisemblablement coûté une audience plus grande de son vivant, mais il ne la recherchait pas. L’isolement dont il bénéficia lors de ses nombreux séjours aux portes de Bouillon correspondait parfaitement à son état d’esprit. Orphelin à ses 10 ans et de santé fragile, Van Lerberghe est élevé par un tuteur, oncle de Maurice Maeterlinck ; à ce duo d’adolescents se joint Grégoire Le Roy durant leurs humanités à Gand et l’on comprend aisément comment Van Lerberghe va cultiver la langue française avec délectation. S’il s’essaye à la philosophie à l’Université de Gand, la poésie devient son quotidien. Moins connu que ses anciens condisciples, il se fait plus rare : Les Flaireurs paraît en 1889, Entrevisions en 1898, avant qu’il ne parvienne pas enfin à achever La Chanson d’Ève (1904) qu’il portait en lui depuis longtemps. Mockel rapporte avoir partagé la lente maturation de la dernière œuvre de « son frère en poésie ». Les premiers vers sont écrits avant un voyage en Italie (vers 1900) ; une brève idylle avec une jeune Américaine inspire le poète qui découvre le paradis d’Eve dans un joli coin de Toscane (1901). Pourtant, c’est revenu à Bouillon que le poète laisse courir sa plume sur le papier, produisant d’un seul coup plusieurs milliers de vers sans contrainte. « Ici naquit le chef d’œuvre qui nous rassemble et dont l’esprit est parmi nous, dira Albert Mockel lors de son discours à Bouillon, le 14 juin 1936. Ce lieu nous est sacré. Que notre admiration y dépose les plus nobles palmes ». S’il ne pouvait « travailler que dans un beau trou comme Bouillon » comme il le disait lui-même, le poète gantois ne laisse jamais identifier les sources de son inspiration : aucune allusion directe à Bouillon, à la Semois ou à l’Ardenne ne figure dans son œuvre. Dans sa quête amoureuse, c’est aussi sous la forme de la rêverie que l’écriture évite la narration pour suggérer et exprimer une certaine souffrance.

Face au refus du propriétaire de la maison où avait logé le poète, le bloc de granit ne fut installé ni devant ni dans le petit espace latéral de la pension où fut composée La Chanson d’Eve. Certes, le titre de l’ouvrage figure aujourd’hui, bien visible, sur la façade du n°17, mais le monument a été installé cent mètres plus haut, le long de la chaussée devant les rochers. En 2007, à l’occasion du centenaire de la disparition du poète, la pierre de la Vieille route de France a été nettoyée à l’initiative des autorités locales de Bouillon. Sur le bloc en granit de 1936, l’inscription indique :

LE POETE 
CHARLES VAN LERBERGHE

Monument à la mémoire de Charles Van Lerberghe – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam


COMPOSA ICI
LA CHANSON D’EVE

SOCIETE DES 
ECRIVAINS ARDENNAIS
1936.

Par ailleurs, une autre mention du séjour de Charles Van Lerberghe se retrouve dans le nom donné à un square situé en bord de Semois, sur le quai Vauban. Pendant de nombreuses années, la plaque en l’honneur du poète resta quelque peu perdue, à quatre mètres du sol, le temps faisant son œuvre au point de la rendre à peine lisible. En 2008, le lettrage a été redoré et la plaque en schiste du square Van Lerberghe a été replacée sur un rocher de l’ancienne plaine de jeux, entre le tunnel et le pont de Cordemois. Son inauguration a eu lieu le 14 septembre :

SQUARE
CHARLES VAN LERBERGHE
POETE AYANT SEJOURNE
A BOUILLON
DE 1899 A 1906

 

Informations collectées auprès de la propriétaire de la maison « Chanson d’Eve » (juin 2014)
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Le Thyrse, 1er juillet-1er août 1936, n°7-8, p. 225
La Vie wallonne, juin 1936, CXC, p. 342-344
Hubert JUIN, Charles Van Lerberghe, Paris, Seghers, 1969, coll. Poètes d’aujourd’hui
http://www.arllfb.be/bulletin/bulletinsnumerises/bulletin_1936_xv_03.pdf (s.v. juillet 2013)
http://www.servicedulivre.be/sll/fiches_auteurs/v/van-lerberghe-charles.html (s.v. juin 2014)

Vieille Route de France
6830 Bouillon

carte

Paul Delforge