Photo Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Begge

Professeur à l’Académie de Bruxelles, le sculpteur liégeois Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services à sa ville natale, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne. S’inscrivant dans un mouvement typique du XIXe siècle visant à honorer les « gloires nationales belges », cette proposition a embarrassé les autorités liégeoises tant en raison de la question non résolue à l’époque du lieu de naissance de Charlemagne, que par l’insistance du sculpteur d’installer son œuvre sur la place Saint-Lambert. Au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? Elle reste d’ailleurs discutée encore aujourd’hui. Cependant, en dépit des protestations de Jehotte, l’emplacement qui est finalement choisi est le boulevard d’Avroy. C’est là que le monument est inauguré le 26 juillet 1868.

Contrairement à l’impression que pourrait donner une vision lointaine de l’impressionnante statue équestre, Charlemagne n’est pas le seul à être honoré. Toute « sa famille » – du moins six de ses ascendants les plus illustres – est associée par Jehotte, par une représentation en bas-relief sur le large socle de style romano-byzantin, par ailleurs ornés de motifs végétaux et de médaillons historiés alternant avec des têtes de lion. Dans les six niches à arcades en plein cintre, que séparent des colonnes ornées de l’aigle impérial, on rencontre Charles Martel, Pépin de Landen, Pépin le Bref, Pépin de Herstal, ainsi que deux femmes, Bertrade et Begge.
 

Statue de Begge sur le monument Charlemagne

Sans que l’on connaisse son lieu de naissance ni d’ailleurs la date, Begge est la fille de Pépin l’Ancien et d’Itte, la fondatrice de l’abbaye de Nivelles. Begge est aussi la sœur de Gertrude de Nivelles. Vers 644, Begge épouse Anségisel, intendant des domaines royaux en Austrasie, avec qui elle a un fils, Pépin le Jeune (dit Pépin II de Herstal) qui deviendra maire des palais d’Austrasie et de Neustrie. Rédigée dans le courant du XIe siècle, la Vita Beggae raconte que son mari fut assassiné à la chasse par un certain Gondouin. Devenue veuve, Begge se réfugie en Hesbaye, vers 673, avant de partir pour l’Italie où elle décide d’entrer en religion comme sa sœur. À son retour de Rome, elle développe un monastère à Andenne qui devient rapidement l’un des plus florissants de nos régions. Surnommée Begge d’Andenne, elle en devient la première abbesse (691). Elle contribue à l’expansion du pouvoir que les Pippinides détiennent alors principalement autour de Liège et en Ardenne. Son fils, Pépin II de Herstal (circa 645 – Jupille 714) n’aura de cesse de consolider la domination de sa famille sur les rois mérovingiens. C’est par conséquent l’arrière-arrière-grand-mère de Charlemagne, que Jehotte représente sur le piédestal de l’empereur.

Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est comme lui élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). Nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de vingt ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco) et c’est là qu’il exécute la fonte de cette œuvre colossale, pesant dix tonnes. En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.


Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71 Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
Pierre COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques d’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
http://www.sculpturepublique.be/4000/Jehotte-Charlemagne.htm 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Eugène COEMANS, Begghe, dans Biographie nationale, t. II, col. 107-110
Alain COLIGNON, Dictionnaire des saints et des cultes de Wallonie. Histoire et folklore, Liège, éd. du Musée de la Vie wallonne, 2003

boulevard d’Avroy
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Begge

Eglises, Saint

Lieu et date de naissance inconnus, Andenne ( ?) 17/12/693


Fille de Pépin l’Ancien et d’Itte, la fondatrice de l’abbaye de Nivelles, Begge est encore la sœur de Gertrude de Nivelles. Vers 644, Begge épouse Anségisel, intendant des domaines royaux en Austrasie, avec qui elle a un fils, Pépin le Jeune (dit Pépin II de Herstal) qui deviendra maire des palais d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne. Rédigée dans le courant du XIe siècle, la Vita Beggae raconte que son mari fut assassiné à la chasse par un certain Gondouin. Devenue veuve, Begge se réfugie en Hesbaye, vers 673, avant de partir pour l’Italie où elle décide d’entrer en religion comme l’avait fait sa sœur avant elle. À son retour de Rome, pour tenir la promesse faite au pape Adéodat, elle bâtit à Andenne sept églises, en souvenir des sept basiliques principales romaines qu’elle visitait souvent durant son pèlerinage. Sur l’exemple de l’abbaye de Nivelles fondée par sa mère (Itte), elle développe un monastère à Andenne qui devient rapidement l’un des plus florissants de nos régions. Elle en devient la première abbesse (691). La collégiale Sainte-Begge actuelle remonte au XVIIIe siècle. Une fête liturgique a lieu chaque 7 juillet, date de la translation de ses reliques.
 


Sources

Eugène COEMANS, Begghe, dans Biographie nationale, t. II, col. 107-110
Alain COLIGNON, Dictionnaire des saints et des cultes de Wallonie. Histoire et folklore, Liège, éd. du Musée de la Vie wallonne, 2003