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Plaque Édouard REMOUCHAMPS

Plaque à la mémoire d’Édouard Remouchamps, réalisée par Georges Petit, 4 février 1913.

Sur la façade de la maison natale d’Édouard Remouchamps (1836-1900), une plaque en bronze a été apposée le 4 février 1913 à l’initiative de l’association des Amis de l’Art wallon. Le sculpteur Georges Petit y a représenté deux personnages, dans un certain relief, celui de Tâti (à droite) recevant d’un air bravade les remontrances de sa sœur Tonton (à gauche) (incarnés par T. Quintin et J. Lambremont) ; il a ensuite inscrit la mention suivante :

« Le 14 mai 1836
est né dans cette maison
Édouard Remouchamps
auteur de la célèbre comédie
Tâti l’Pérriqui
dont le succès détermina
le réveil du Sentiment wallon ».

La plaque est signée, à gauche, les Amis de l’Art wallon, à droite, Georges Petit.

La date de l’inauguration n’a pas été choisie au hasard. Le 4 février 1913 marque le 25e anniversaire de la centième représentation de Tâti, ce qui est un succès sans précédent pour les lettres wallonnes. Il s’agit d’une initiative privée.
Lors de sa séance du 12 mars 1912, la société des Amis de l’Art wallon a répondu favorablement à la suggestion d’Oscar Colson de rendre hommage à Édouard Remouchamps par un monument public ; la discussion s’est ouverte à un projet plus vaste. Le mémorial en bronze ou en pierre dédié à Remouchamps serait installé dans la cour de l’hôtel d’Ansembourg où d’autres monuments prendraient place ; l’endroit deviendrait une sorte de panthéon « de nos gloires wallonnes, mot bien gros pour la modestie des nôtres ». Chargée d’étudier concrètement la question, la section liégeoise fait rapport lors de l’assemblée du 13 octobre. Finalement, l’initiative se limitera à apposer une plaque commémorative sur la maison natale de Remouchamps, rue du Palais 44. Une souscription publique et l’appui des autorités provinciales liégeoises permettent de réunir les moyens financiers nécessaires d’autant qu’une représentation de Tati l’Periqui procure la recette des entrées à ce projet confié au sculpteur Georges Petit (1879-1958).

Né à Lille, de parents liégeois, Georges Petit grandit à Liège et reçoit une formation artistique à l’Académie des Beaux-Arts où il est l’élève de Prosper Drion, Jean Herman et Frans Vermeylen. Il deviendra plus tard professeur de cette Académie. « Depuis 1901, date de ses premières œuvres, jusqu’à la guerre de 1940, Georges Petit a occupé avec autorité la scène artistique liégeoise », affirme Jacques Stiennon qui explique qu’il devait sa position aux multiples commandes officielles reçues autant qu’à sa maîtrise précoce de son art. Sa sensibilité et sa capacité à transformer une anecdote en symbole universel ont influencé durablement ses élèves, parmi lesquels Oscar et Jules Berchmans, Robert Massart, Louis Dupont et Adelin Salle. D’abord attiré par les portraits, Petit a livré plusieurs bustes de grande facture, tout en s’intéressant à la condition humaine. Marqué par la Grande Guerre, l’artiste y puise une force qui se retrouve dans ses réalisations des années 1917 à 1927. Comme épuisé par tant de souffrances, il choisit la peinture de chevalet et devient plus léger, sans tomber dans la facilité. Les visages humains tendent à disparaître et tant les paysages que les traditions wallonnes l’inspirent : en peinture, comme dans ses médailles (qui sont très nombreuses et d’excellente facture), voire dans les quelques sculptures qu’il exécute encore, comme la Tradition commandée par le Musée de la Vie wallonne.

Georges Petit avait vingt-et-un ans lorsqu’Édouard Remouchamps est décédé. En raison du retentissement de la pièce Tâti l’periqui, il ne pouvait ignorer le nom de son auteur ; mais au-delà du nom, le personnage restait quelqu’un de discret. Bourgeois prospère en raison des activités de meunerie développées en Hesbaye, libéral et philanthrope, homme cultivé aimant la poésie, française d’abord, wallonne ensuite, Édouard Remouchamps a peu écrit, mais sa troisième pièce de théâtre connaît la consécration à partir de 1884, quand tout le pays wallon découvre progressivement cette comédie-vaudeville en trois actes et en vers qui interpelle, sans avoir l’air d’y toucher, le public sur des sujets politiques d’actualité. De surcroît, elle contribue à la renaissance du théâtre wallon, tout en alimentant la prise de conscience politique wallonne. Il n’est donc pas étonnant que les Amis de l’Art wallon aient souhaité marqué son souvenir sur la maison familiale, celle aussi de leur ami Joseph-Maurice Remouchamps, l’un des fondateurs du Musée de la Vie wallonne.

Sources

Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°36, automne 1970, p. 23
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 214-218
Jacques STIENNON (introduction), Georges Petit, catalogue de l’exposition organisée à Liège du 9 janvier au 2 février 1980, Verviers, 1980
Wallonia, 1912, p. 559-560

 

Maison natale
Rue du Palais  44
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Monseur Eugène

Académique, Philologie, Humanisme-Egalité, Militantisme wallon

Liège 17/09/1860, Bruxelles 6/12/1912

À la fin du XIXe siècle, l’intérêt pour les traditions wallonnes connaît un renouveau. Langue, folklore, traditions figurent parmi les préoccupations d’Eugène Monseur, brillant philologue classique qui va être notamment à l’origine de réalisations aussi diverses que la Société du Folklore wallon, la revue Wallonia ou la Ligue belge des Droits de l’Homme.

Docteur en Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1884), Eugène Monseur ajoute un doctorat en Droit à sa formation (1885), afin de rencontrer la volonté paternelle de voir son fils devenir avocat, comme d’autres membres de la famille. L’histoire des religions, celles de l’Inde en particulier, l’attire cependant davantage que le Barreau de Liège. Formé au sanscrit, lauréat du concours des bourses de voyage, élève de l’École des Hautes Études de Paris (1886-1887), puis de l’Université de Berlin (1888), il est chargé d’une série de cours à l’Université libre de Bruxelles à partir de 1888. Professeur extraordinaire (1890-1900), professeur ordinaire (1900-1912), il mène de front de solides recherches dans des domaines variés (sa bibliographie scientifique en témoigne), tout en s’investissant dans des questions de société. De manière un peu étonnante, c’est son intérêt pour l’histoire des origines indo-européennes qui le conduit à plaider en faveur de mesures urgentes pour la conservation des traditions et croyances du peuple wallon.

En décembre 1889, Eugène Monseur est parmi les principaux fondateurs de la Société du Folklore wallon, à côté de Maurice Wilmotte et d’Auguste Stécher. Dès 1891, il édite un Questionnaire du folklore wallon qui, à la suite des nombreuses réponses reçues, sera refondu par lui en 1892 sous le titre Le folklore wallon pour la Bibliothèque belge des connaissances modernes. Curieux des superstitions et des mœurs du pays wallon, il contribue presque entièrement à la parution du Bulletin de Folklore (1891). Partisan d’en faire une revue scientifique, il n’est pas suivi par les membres de la Société qui préfèrent mettre l’accent sur la vulgarisation et disposer d’une publication paraissant à un rythme plus rapide. C’est ainsi que naît Wallonia, en décembre 1892, Recueil mensuel de littérature orale, croyance et usages traditionnels, à l’initiative d’Oscar Colson, collaborateur de Monseur, ainsi que de Georges Willame et Joseph Defrecheux. Wallonia n’empêche pas Monseur de poursuivre le Bulletin de Folklore, dont les 13 fascicules sont les seuls, à cette époque, à s’intéresser de manière rigoureuse au folklore.

Auteur d’articles de réflexion critique sur la question de l’enseignement supérieur, Eugène Monseur anime le débat idéologique sur la chahutée question scolaire. Favorable à une réforme profonde de l’orthographe française, Eugène Monseur prend aussi parti dans la question de l’orthographe wallonne (L’orthographe walone (sic), Liège, 1896) et s’intéresse à l’idée d’adopter une langue internationale artificielle qui ne serait pas l’espéranto. Membre du Comité Francisco Ferrer (1909), Monseur est présenté par Georges Lorand « comme le véritable créateur de la Ligue des droits de l’homme, (…) il en a été l’âme, même s’il n’a voulu en être que le vice-président » (Despy). Dans la foulée de la ligue française née de l’Affaire Dreyfus, cette « Ligue belge des Droits de l’Homme » est en effet née en mai 1901, à l’initiative d’un homme aussi discret que déterminé.

 

Sources

Andrée DESPY-MEYER, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1114-1115
Andrée DESPY-MEYER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 1, p. 274-277
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 340
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 240 ; t. IV, p. 386-388

La réorganisation administrative de la Belgique imposée par l’occupant (1917-1918)

Appelés à administrer la Belgique, les Allemands en viennent rapidement à réorganiser profondément l’État. Bras droit de l’empereur, un gouverneur général dirige le pays : von Bissing d’abord, von Falkenhausen ensuite. Rencontrant dans un premier temps des revendications exprimées par le Mouvement flamand, l’occupant va plus loin et décide d’une séparation administrative de la Belgique. « Il est formé en Belgique deux régions administratives dont l’une comprend les provinces d’Anvers, de Limbourg, de Flandre orientale et de Flandre occidentale, ainsi que les arrondissements de Bruxelles et de Lou¬vain ; l’autre (comprend) les provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur. L’administration de la première de ces deux régions sera dirigée de Bruxelles ; celle de la deuxième, de Namur » (décret du 21 mars 1917). Pour la première fois de manière aussi claire, sont définies officiellement les limites d’un territoire administratif appelé la Flandre et d’un autre appelé la Wallonie. Bruxelles est considérée comme ville flamande. La partie romane du Brabant est répartie entre les provinces de Hainaut et de Namur. Au printemps 1918, l’occupant envisagera sérieusement de constituer une « Union de la Flandre et de la Wallonie sous une couronne unique ».

Référence
WPgM_Carte_8


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

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Colson Oscar

Culture, Lettres wallonnes, Littérature, Militantisme wallon

Vottem 10/05/1866, Berlin 14/11/1933


Plongé dans la littérature dialectale dès son plus jeune âge, Oscar Colson (comme ses frères Arthur et Lucien) se lance rapidement dans l’écriture, tant en français qu’en wallon. Instituteur diplômé de l’École normale de Liège, il exerce dans l’enseignement communal liégeois et développe une grande activité dans les milieux culturels. Journaliste, critique, auteur, il concrétise son rêve en créant une revue, en 1892, dont la réputation est considérable lorsque la Grande Guerre est déclarée. En douze ans, Wallonia s’est imposée par la qualité de la ligne éditoriale imposée par Oscar Colson. Elle devient progressivement aussi le point de rencontre obligé de tous ceux qui aspirent à plus d’autonomie pour leur région. Représentant de Liège à l’Assemblée wallonne depuis sa création (1912), Colson est une personnalité respectable et respectée dans tous les milieux wallons quand éclate la guerre. Sa réputation n’y survivra pas.
En acceptant des Allemands la direction générale de l’Enseignement primaire et des Beaux-Arts au ministère wallon des Sciences et des Arts, à Namur (janvier 1918), celui qui se qualifiait lui-même de « plus influent des publicistes wallonisants après Destrée » se discrédite totalement. Après-guerre, Oscar Colson se justifiera, sans convaincre, en disant que « la Wallonie avait à choisir entre deux alternatives : ou s’abandonner aux mains des Allemands ou s’administrer elle-même ». D’avoir accepté de mettre ses pieds dans les traces des Allemands sera toujours considéré comme une trahison par ses amis qui ne lui pardonneront jamais de n’avoir pas respecté le mot d’ordre imposé : mutisme. Conscient de la situation, Oscar Colson finit sa vie en Allemagne. Condamné par contumace, il se trouve un emploi de professeur à Berlin où il meurt en 1933.

COLIGNON Alain, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I
DELFORGE Paul, La Wallonie et la Première Guerre mondiale.Pour une histoire de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008, coll. Notre Histoire
POTELLE Jean-François (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Histoire de la Wallonie, (dir. L. Genicot), Toulouse, Privat, 1973, p. 342, 346
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Economie, Société), Bruxelles, t. II, p. 194
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV, p. 332