Le comté de Namur aux IXe et Xe siècles

Héritier du pagus Lomm(ac)ensis, le comté de Namur est attribué par l’empereur à Gislebert, comte de Masau. La fille de ce dernier épouse un nommé Bérenger déjà propriétaire de larges possessions dans le Condroz (début du Xe siècle). À partir de 974, s’appuyant sur sa forteresse, Namur s’impose comme le chef-lieu du comté.

Références
Er-Cover ; HHWH24 ; MoDic2a ; MoDic2z


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Espace mosello-mosan confié à Sigefroid (959)

Dès le début de la période carolingienne, au cœur de l’espace entre Meuse et Moselle, propriété des Pépinides, Arlon a perdu l’importance qu’elle avait sous l’empire romain. D’autres centres se sont créés. Rayonnent surtout deux grandes abbayes (saint-Willibrord à Echternach et saint-Maximim à Trèves) qui disposent elles-mêmes d’importantes propriétés dans l’Ardenne et l’Eifel et qui s’étendent jusque dans l’espace wallon actuel. Lieu de chasse et de résidence des Carolingiens (Thionville), cette zone comprise entre Meuse, Moselle et Rhin, entre les cités épiscopales de Verdun, Liège, Cologne, Trèves et Metz comprend encore l’abbaye impériale de Prüm et celles de Stavelot-Malmedy, Mouzon et Saint-Hubert.
Ayant subi les dévastations normandes (IXe siècle), cette région située à cheval sur les deux Lotharingie (Xe siècle) voit émerger Gislebert, de la famille des Régnier, qui est le propriétaire des principaux biens et domaines, abbayes comprises. Il est cependant éliminé par le roi de Germanie, Otton Ier (939). Émerge alors un autre clan, les d’Ardenne, fondateurs de l’abbaye d’Hastière et petits propriétaires de terres éparses entre Meuse inférieure et Moselle. Les ramifications des d’Ardenne sont multiples et conduisent même parfois à des confrontations intrafamiliales. Mais la présence de ce nom parmi les évêques voire archevêque, les comtes et les ducs en dit long sur l’importance prise progressivement par le clan d’Ardenne, dont l’influence dépasse l’espace géographique désigné par ce nom. Bénéficiant de la confiance de celui qui est désormais empereur, Sigefroid est un membre du clan qui se voit confier des charges comtales et d’avoué sur les deux grandes abbayes d’Echternach et de Trèves. Il prend la place de Gislebert.
En 963, il devient le propriétaire d’un éperon rocheux, le « Lucilinburhuc », où il fait construire un château. Situé sur le plateau de l’Alzette, le château de Luxembourg est sa seule réelle propriété quand il fait construire trois églises et délimite ainsi un espace protégé où peut se développer une vie religieuse, économique et administrative. Il inaugure un lignage qui va faire souche, avec la bénédiction de l’empereur germanique. La maison d’Ardenne devient la maison de Luxembourg.

Références
AzKG-94 ; DHGe14 ; ErCover ; TrauLxb86 ; TrauLxb92


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Les comtés féodaux (959)

Le traité de Meerssen ne fige pas le processus de décomposition de l’État carolingien. Plusieurs partages marquent encore la fin du IXe siècle et le début du Xe siècle, rendant cependant un statut à ce que l’on appelle la Lotharingie, qui, depuis 925, est un duché constitutif du royaume de Germanie. Les difficultés rencontrées pour gouverner cette contrée conduisent à sa division en deux parties, selon un axe est-ouest : dès 959, on parle de Basse et de Haute-Lotharingie, la première étant bientôt renommée Lothier et la seconde Lorraine. Sous cette appellation, les divisions ou les regroupements de comtés se poursuivent.
« C'est seulement au XIe siècle qu'en Wallonie le principe de l'hérédité de la charge comtale se généralise et que les comtés carolingiens sont purement et simplement appropriés par ceux, membres de la classe aristocratique, à qui le roi avait confié une mission publique. Les comtes vont donc tenter d'accumuler un grand nombre de charges, fiscs, avoueries, tonlieux, taxes, etc. pour se constituer un domaine personnel et une puissance territoriale ».
En fait, l’État carolingien « (…) donne naissance aux multiples entités territoriales, (et) ne s’arrête pas à ce niveau géopolitique. Les comtés ou pseudo-duchés, à leur tour, sont atteints par le même phénomène de contestation et de fractionnement. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, des seigneuries dites banales (ban signifie le pouvoir de commander et de punir) s’imposeront autour d’un château nouvellement construit, ou lorsqu’un membre de l’aristocratie, détenteur d’un domaine, usurpera les pouvoirs du roi, voire du comte. Incapable de réduire ces seigneurs, les princes – qui parfois l’étaient devenus quand leurs ancêtres s’étaient arrogés les pouvoirs d’un roi – établiront des rapports de féodalité, les biens des vassaux étant protégés en contrepartie du service militaire à cheval ».
Concernant la précision des frontières, elle reste relative, même si elle tend à s’améliorer ; on ne passera de la « frontière-zone » à la « frontière-ligne » qu’au XIIIe siècle.


Références
Ar69 ; GuerB ; Haspinga ; MoDic ; Nonn ; PhDHW ; RolCha ; VDKR ; www_cm0999_ard ; www_cm0999_cz ; www_cm0999_MA


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Le comté de Hainaut placé sous suzeraineté germanique pour plusieurs siècles (Xe siècle)

Lors des multiples traités partageant l’empire carolingien qui marquent les IXe et Xe siècles, le comté de Hainaut est balloté entre Lotharingie et France. En 925, la frontière occidentale du royaume de Germanie se fixe sur l’Escaut pour quelques siècles et place durablement le comté de Hainaut sous la suzeraineté des rois et empereurs germaniques, alors que Tournai et le comté de Flandre sont placés sous celle des rois de France. Les Régnier ont contribué au rattachement de la Lotharingie dont ils étaient les vassaux au royaume allemand plutôt qu’à la France. En perdant Chimay puis Couvin, le comté de Namur est le premier à faire les frais des visées expansionnistes des Régnier qui s’emparent aussi d’une partie de l’ancien pagus du Brabant.
À la différence des autres dynasties germaniques, les familles situées à l’ouest du Rhin manifestent leur hostilité à toute soumission à l’empereur qui prend des sanctions en raison des troubles provoqués par les Régnier. Le roi de Germanie Otton Ier impose un exil en Bohême au comte Régnier III (958), où il meurt en 973. Avec le soutien du roi de France, les Régnier continuent cependant à contester violemment le pouvoir impérial. En 977, l’empereur Otton II est forcé de rendre aux fils de Régnier III les terres qui lui avaient été confisquées ; Régnier IV reçoit le comté de Hainaut ; il devra attendre 998 pour recevoir la ville de Mons. Par ailleurs, pour protéger cette partie de la frontière occidentale, Otton II forme des marches militaires dans trois villes le long de l’Escaut : Anvers, Éname et Valenciennes (977). Créations originales, ces marches sont destinées à se défendre contre le roi de France, mais surtout contre les velléités expansionnistes des comtes de Flandre.

Références
ANA ; Bo ; DCM17; DCM20; Er35c; WPH01-219


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Le pagus Bracbantiensis et le pagus Hasbania (IXe siècle)

Issu des cités romaines des Tongres (pour l’essentiel) mais aussi des Nerviens (pour la partie sud-ouest), héritier du pagus Bracbantiensis et du pagus Hasbania, un vaste espace s’étend sur des terres très limoneuses. Les deux pagi apparaissent comme divisés chacun en quatre parties lors du Traité de Meerssen (IXe siècle), moment où l’ensemble fait partie de la Francie orientale. De nouvelles subdivisions naîtront progressivement.
Le Brabant sera convoité par les comtes de Flandre (à l’ouest), de Hainaut (au sud) et de Louvain (à l’est). Aux limites tout aussi incertaines, la Hesbaye est subdivisée en quatre dès le IXe siècle avant de se diluer totalement. Les entités qui en sortiront resteront solidement accrochées à la Lotharingie et au royaume de Germanie.

Références
ErCoverBbt ; VuBrbt69


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Les comtés au temps du traité de Meerssen (870)

Le traité de Meerssen (870) est un moment important dans les luttes d’influence entre Carolingiens, puisqu’il conduit à scinder la Lotharingie en deux, selon un axe nord-sud, qui suit quasiment la Meuse, l’Ourthe et la Moselle. Mais parce qu’il tente de respecter une répartition équitable dans la distribution des comtés, villes épiscopales et abbayes entre Louis le Germanique et Charles le Chauve, il s’avère aussi un document particulièrement intéressant pour appréhender les structures politico-administratives du moment. Ainsi le traité se montre-t-il moins imprécis que d’habitude dans l’énumération quasi exhaustive des comtés existants. Cela permet de figer leur situation à la date de 870. Néanmoins, la précision reste très relative lorsqu’il s’agit de dresser une carte selon les indications de l’époque. On ne passera de la « frontière-zone » à la « frontière-ligne » qu’au XIIIe siècle.

Références
Ar69 ; GuerB ; Haspinga ; MoDic ; Nonn ; RolCha ; VDKR ; www_cm0999_ard


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Le comté de Hainaut : de ses origines à son expansion maximale

À partir de la fin du IXe siècle, le pagus Hainoensis est confié à la famille des Régnier. Les Carolingiens désignent ainsi une des plus puissantes familles aristocratiques d’Ardennes (avant 870). Propriétaires de biens relativement dispersés, les Régnier font souche en Hainaut, se concentrent dans l’Entre-Sambre-et-Meuse et, profitant de la faiblesse du suzerain, imposent non seulement leur nom mais surtout leur pouvoir dès le début du Xe siècle, à partir de leur résidence fortifiée établie à Mons. Pendant plusieurs décennies, le territoire du comté va s’accroître surtout vers le nord et l’Escaut et atteindre les limites maximales représentées en pointillé.

Références
ANA ; Bo ; DCM17 ; WPH01-219


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Émergence du comté de Hainaut : le pagus confié aux Régnier (IXe siècle)

Fragment de l’antique cité des Nerviens, héritier du pagus Famars, le comté carolingien du Hainaut doit son nom à la Haine, quand le centre militaire et politico-administratif se déplace vers Mons. À partir de la fin du IXe siècle et du règne des Régnier, le pagus Hainoensis se substitue en effet à Famars. Progressivement, le comté va s’accroître et atteindre les limites représentées sur la carte 0855_0101A2.

Références
ANA ; Bo ; DCM17 ; WPH01-219


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La principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy (IXe siècle)

Au VIIe siècle, une active campagne de christianisation est menée en Austrasie ; elle se manifeste notamment par l’établissement de communautés de moines. Dans le pays mosan (vers 650), Remacle (aquitain formé à Luxeuil) contribue à la conversion des habitants de Stavelot, en bord de Warche, et de Malmédy, en bord d’Amblève, où il crée deux abbayes qui donneront naissance à des localités d’une certaine importance. Grâce aux donations des princes mérovingiens et carolingiens, les successeurs de saint-Remacle se retrouvent à la tête de territoires défrichés étendus. Après une période difficile (IXe siècle), les abbés de Stavelot rétablissent une discipline morale, résistent à la pression des princes laïcs (Xe et XIe siècles) et conservent leur relation directe, exclusive et immédiate avec l’empereur. Strictement impérial, le domaine abbatial se mue en principauté ecclésiastique sur le modèle, mais en plus modeste, de la principauté de Liège (à l’origine créée aussi par saint-Remacle).
En dehors des grandes voies de circulation, la principauté abbatiale vit en paix durant plusieurs siècles. Élus par les moines des deux abbayes, 77 princes-abbés se succèdent jusqu’en 1795. Si certains d’entre eux partagèrent leur titre (prince-abbé des monastères de Stavelot-Malmédy, prince du Saint-Empire et comte de Logne) avec d’autres fonctions (parfois celle de prince-évêque de Liège), la coutume s’impose, au XVIIIe siècle, de choisir le chef parmi les membres des deux monastères. Le 1er octobre 1795, la petite principauté disparaît et se fond à l’intérieur du département de l’Ourthe.

Références
Baix ; Brict-69-70 ; HPLg-41 ; HHWH59 ; HW04-113-114 ; LgBV ; LJGdLg-48


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