Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque Zénobe GRAMME

En raison du succès très important remporté par la souscription publique lancée dès 1903 pour honorer Zénobe Gramme à Liège, le « Comité du Monument Gramme » s’est trouvé pourvu de moyens dépassant ses espérances et lui permettant de faire davantage que l’érection de l’impressionnant monument inauguré à Liège, à hauteur du pont de Fragnée, dans le cadre de l’Exposition universelle. Par conséquent, le Comité s’est tourné vers le village natal de l’inventeur, à savoir Jehay. Ravies de pouvoir honorer leur illustre citoyen né dans le village en 1826, les autorités communales lui consacrent une fontaine et décident aussi d’apposer une plaque commémorative sur sa maison natale. Mais autant était facile de choisir un lieu bien situé pour la fontaine, autant il fut difficile d’identifier la maison de famille où Zénobe-Théophile Gramme était né le 4 avril 1826.

Très précis sur la date, l’acte de naissance ne mentionnait rien de l’adresse de la famille Gramme qui quitta le pays au moment où le jeune garçon avait douze ans. Entre 1838 et 1907, beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts et, en l’absence de sources écrites, rarissimes étaient les témoins susceptibles d’avoir connu les « Gramme ». Seul Olivier Gervalle, un vieillard de la localité, affirma avoir fréquenté l’école en même temps que Zénobe et se souvenir que la maison de famille se situait au n°2 du chemin de la Conterie. Malgré le millésime « 1850 »… qui apparaissait nettement au-dessus du linteau de la porte d’entrée de ladite maison, on fit confiance au souvenir du vieil homme et on inaugura, le 4 août 1907, c’est-à-dire le même jour que la fontaine, une plaque indiquant :

DANS CETTE MAISON EST NÉ
LE 4 AVRIL 1826
ZÉNOBE GRAMME
INVENTEUR
DE LA DYNAMO INDUSTRIELLE

Invitée à la cérémonie, la sœur de Zénobe Gramme (Zoé Gramme fut directrice de l’École normale d’Arlon) fait alors discrètement savoir aux organisateurs de la cérémonie que son frère n’est pas né à cet endroit ; l’endroit où est apposée la plaque était précédemment occupée par une autre maison, plus petite, où vint habiter la famille Gramme en 1833… Cinq ans auparavant, Zénobe était né dans une maison située au coin de la drève du Saule Gaillard (au n°39) et de la ruelle Halain (ou Hallin)… moins d’un kilomètre à vol d’oiseau sépare les deux maisons. Plusieurs fois restaurée et réaménagée, la maison de la rue Saule Gaillard date de 1758.

En dépit des informations acquises lors de l’inauguration de la plaque en août 1907 et après l’événement, l’erreur ne fut jamais corrigée et la plaque commémorative demeura au n°2 du chemin de la Conterie, lui-même rebaptisé – par erreur – rue Zénobe Gramme. Si certaines incertitudes entouraient la naissance du génial inventeur, nul n’ignorait cependant que ce menuisier bricoleur et curieux avait réussi à transformer les lois de la physique en un simple instrument fiable. Après plusieurs brevets divers, Gramme déposait en 1869 celui de son innovation majeure pour une machine dynamoélectrique. Il faisait franchir une étape décisive à l’énergie électrique. À la tête de sa propre société, il parviendra à vendre son « produit » de plus en plus perfectionné à l’industrie et à être reconnu de son vivant pour son invention extraordinaire.

La plaque apposée sur la supposée maison natale est toute de sobriété. Il semble qu’elle soit due, elle aussi, au sculpteur liégeois Émile David (Liège 1871 - ), déjà auteur de la fontaine de la place du Tambour. Formé à l’Académie de sa ville natale avant de prendre la route de Paris pour s’y perfectionner, David était l’un des deux « Liégeois » candidats au Prix de Rome de sculpture 1894, mais ce fut un autre Wallon, Victor Rousseau, formé par des professeurs liégeois de l’Académie de Bruxelles qui fut lauréat. Sculpteur et statuaire, David réalise de nombreux portraits-bustes et médaillons, où l’élément féminin prend une place importante. Son expérience et ses qualités étaient déjà suffisamment établies sur la place de Liège pour que lui soit confié le projet du monument Gramme de Jehay en 1907. Il signe d’autres monuments du même type, essentiellement dans la région liégeoise et sa renommée est grande avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Son nom est cité parmi les artistes susceptibles d’attirer les visiteurs aux Salons d’art de l’époque. On perd totalement sa trace durant la Grande Guerre.

 

Sources

Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 21
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 191
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 292
La Vie wallonne, novembre 1930, CXXIII, p. 82-83

 

Plaque Zénobe Gramme (Jehay)

Chemin de la Conterie 2
Rue Zénobe Gramme 
4540 Jehay

carte

Paul Delforge

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Buste de Joseph Foidart

À l’origine, le buste en bronze de Joseph Foidart (1852-1911) surmontait une spectaculaire fontaine publique, érigée à la mémoire du bourgmestre de Bressoux, à l’angle des rues (Louis) Foidart et du Champ de Manœuvre. Avec le temps, la fontaine s’est abîmée et a perdu son utilité publique ; le buste Foidart s’est, par conséquent, retrouvé orphelin et a été réaménagé au sommet d’une colonne, tout en demeurant sur la place communale.

Conseiller communal élu en 1876, successivement échevin de l’Instruction et des Finances à partir de 1880, bourgmestre faisant fonction de 1884 à 1886 et finalement bourgmestre de Bressoux à partir du 30 mars 1886, Joseph Foidart a consacré l’essentiel de son activité à sa commune, y développant d’importants travaux d’aménagement, tant pour en améliorer l’hygiène (eau, égouts) que le confort des habitants et la circulation (la voirie et notamment l’établissement du chemin de fer vicinal Liège-Barchon). Président suppléant du Conseil de milice, vice-président du Comité de l’Association libérale et progressiste de Bressoux au début du XXe siècle, cette personnalité libérale liégeoise – qui contribua à la réunification de sa famille politique – était aussi conseiller provincial, élu dans le canton de Grivegnée de 1898 à 1904 et de 1906 jusqu’à son décès le 18 février 1911.

Au lendemain des imposantes funérailles du deuxième bourgmestre de Bressoux depuis 1830, un Comité se constitue en dehors de toutes préoccupations politiques pour lui élever un monument ; une souscription publique est lancée dès le début du mois de mai 1911 et un comité d’honneur est placé sous la présidence de Loumaye, président du conseil provincial, et comprend notamment Eugène Raskin, bourgmestre qui a succédé à Foidart. En dépit de certaines réticences au sein du conseil communal, les autorités de Bressoux allouent également un subside pour ledit monument et prennent surtout en charge les travaux d’aménagement du monument/fontaine : expropriation, construction d’un trottoir circulaire en mosaïque de marbre, pose d’un grillage en fer forgé pour délimiter un jardinet, fourniture et pose des canalisations nécessaires. L’érection du monument se déroule en parallèle avec l’agrandissement de la place publique, qui crée au centre de l’entité un vaste espace. Grâce à ce parrainage actif, le Comité qui a rassemblé plus de 6.000 francs en souscription, peut mener à bien son projet, dont la réalisation artistique est confiée au sculpteur Émile David (Liège 1871 - ), sur le conseil et sous la supervision de l’Association des Élèves de l’Académie des Beaux-Arts de Liège.

Formé à l’Académie de sa ville natale avant de prendre la route de Paris pour s’y perfectionner, Émile David avait été l’un des deux « Liégeois » candidats au Prix de Rome de sculpture 1894, dont le lauréat fut un autre Wallon, Victor Rousseau, formé par des professeurs liégeois de l’Académie de Bruxelles. Sculpteur et statuaire wallon apprécié, Émile David réalise de nombreux portraits-bustes et médaillons, où l’élément féminin prend une place importante. Son expérience et ses qualités sont bien établies sur la place de Liège ; c’est à lui que furent notamment confiés les projets de monuments commémoratifs Zénobe Gramme de Jehay en 1907 (la fontaine de la place du Tambour et la plaque apposée sur la maison natale). Il signe d’autres monuments du même type, essentiellement dans la région liégeoise et sa renommée est grande avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Son nom est cité parmi les artistes susceptibles d’attirer les visiteurs aux Salons d’art de l’époque. On perd totalement sa trace durant la Grande Guerre.

Le buste en bronze Foidart que David signe en 1913 est fortement apprécié des autorités locales ; un hommage est rendu au sculpteur, ainsi qu’à son aidant, M. Thyse qui s’est lui occupé du monument, lors de la cérémonie officielle d’inauguration qui mobilisa toute la population locale, le dimanche 25 mai 1913, en présence aussi de diverses harmonies. Aujourd’hui disparue, le monument nous est connu par la description lyrique réalisée par un journaliste de l’époque : « tout en pierre de granit, le monument montre, au centre d’une large vasque de fontaine, un massif de roseaux duquel émergent, à mi-corps, trois femmes nues, aux formes élégamment ciselées. Cette poétique évocation symbolise les sources d’Evegnée qui alimentent en eau potable la commune de Bressoux. Les trois figures allégoriques lancent dans le bassin un jet d’eau qui scintille au soleil comme un fil d’argent aux mille reflets ».

 

Buste Joseph Foidart (Liège, Bressoux)

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, notamment La Meuse des 20 et 22 février, 3 mai, 18 juillet 1911, 31 mars et surtout du 26 mai 1913
Mémorial de la province de Liège. 1936-1986, Liège, 1986, p. 192
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 191
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 292
Yannick DELAIRESSE et Michel ELSDORF (dir.), Le livre des rues de Liège : Angleur, Bressoux, Chênée, Glain, Grivegnée, Jupille, Liège, Rocourt, Sclessin et Wandre, Liège, Noir Dessin, 2001, p. 184

 

Buste Joseph Foidart (Liège, Bressoux)

Place communale
Place de la Résistance
4020 Liège (Bressoux)

carte

Paul Delforge