Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Marie-Anne LIBERT

Afin de marquer le centième anniversaire de la disparition de la botaniste Marie-Anne Libert (1782-1865), le Cercle naturaliste de Malmedy organise toute une série d’activités entre janvier et juin 1965. Après une messe de Requiem et la pose d’une plaque commémorative sur sa maison natale (17 janvier), une exposition (5-19 avril), une soirée littéraire (26 mai) et une nouvelle exposition (5 juin), le Cercle naturaliste Marie-Anne Libert de la Région de Malmedy inaugure, le 6 juin, un monument en présence des édiles locaux et d’autorités académiques comme le professeur Marcel Florkin. Le lieu choisi est le parc des Tanneries récemment aménagé par les autorités communales. Le mémorial est dans un cadre arboré, avec un important parterre de fleurs sur l’avant. Après cette manifestation, le Cercle éditera encore un livre collectif retraçant le parcours de la botaniste.

Monument Marie-Anne-Libert

Née en 1782 dans un village faisant encore partie de la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy, Marie-Anne Libert ne prend pas aucune part active dans les révolutions politiques qui marquent les premières années de son existence. Dans les années qui précèdent son décès – le 13 janvier 1865, Malmedy était une localité prussienne – elle s’intéressera au passé de la principauté et écrira quelques articles d’histoire et d’archéologie ; mais là n’est pas l’essentiel des activités de celle qui s’exprime en français et étudie aussi les langues anciennes. Passionnée de botanique comme son mari, le médecin verviétois Simon Lejeune (1777-1838), elle le seconde dans une mission que le préfet du département de l’Ourthe lui a confiée : dresser le tableau méthodique du règne végétal de la circonscription. On retrouve ainsi la contribution de la jeune femme dans les différents ouvrages que publie Simon Lejeune. 

Auteur de la collection de Plantae Cryptogamicae quas in Arduenna collegit MA Libert, quatre fascicules parus dans les années 1830, elle donne ensuite une description détaillée du champignon responsable de la maladie de la pomme de terre. Elle est en effet l’une des premières à identifier la responsabilité du mildiou, dans un mémoire publié en 1845 ; en 1876, le mycologue allemand Anton de Bary en fera la démonstration. D’autres avancées sont encore à mettre à l’actif de la botaniste qui inspire le nom du Cercle naturaliste de la région de Malmedy créé en 1951.

Ce cercle confie à Jacques de Biolley (Bruxelles 1911 – Uccle 1990) le soin de réaliser le monument. Créateur de monnaies, dessinateur, le sculpteur est un autodidacte qui signe ses principaux bas-reliefs dans la région de Stavelot et Malmedy. Lointain descendant des industriels verviétois faisant commerce de la laine depuis le début du XVIIIe siècle, arrière-petit-fils du vicomte Raymond de Biolley (1789-1846), le sculpteur Jacques de Biolley est surtout connu pour son buste du violoniste Henri Koch (Liège, 1972). À Malmedy, il réalise surtout le médaillon carré, en bronze, où il représente le profil gauche de la botaniste. Daté de 1964, il est incrusté sur une imposante pierre sur laquelle trouve aussi place la dédicace :

MARIE-ANNE LIBERT
BOTANISTE
1782-1865

L’idée d’élever un monument à Marie-Anne Libert avait déjà été émise en 1913. Conseillers communaux, Alfred Brindels et Henri Bragard soutiennent en effet le projet d’élever un monument à Saint-Remacle auquel seraient associées des personnalités wallonnes marquantes : l’industriel papetier Jules Steinbach, l’historien Augustin-François Villers, le philanthrope Jean-Hubert Cavens et la botaniste Marie-Anne Libert sont explicitement cités. L’arrière-pensée politique d’un tel projet défendu notamment par Henri Bragard (du Cercle wallon de Malmedy) n’échappe pas au pouvoir de tutelle allemand : le landrat von Korff confisque l’idée du monument et le détourne en décidant de le dédier au prince François d’Arenberg (député de Malmedy au parlement prussien puis au Reichstag, entre 1882 et 1907), récemment décédé. Henri Bragard mène alors bataille – avec succès – pour faire échouer ce projet prussien que les années suivantes feront tomber dans l’oubli. 
 

 

La Vie wallonne, IV, 1964, n°308, p. 263-264
La Vie wallonne, III, 1965, n°311, p. 203-206
André LAWALRÉE, J. LAMBINON, F. DEMARET, Marie-Anne Libert (1782-1865). Biographie, généalogie, bibliographie, (préface de R. BOUILLENNE), Liège, 1965
Catherine JACQUES, dans Dictionnaire des femmes belges, Bruxelles, Racine, 2006, p. 375-376
François CRÉPIN, dans Biographie nationale, t. 11, col. 724-727
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 302
http://gw.geneanet.org/bengos?lang=fr;pz=benoit+philippe+paul+marie+ghislain;nz=gosuin;ocz=0;p=jacques+antoine+francois;n=de+biolley (s.v. mai 2014

parc des Tanneries
4960 Malmedy

carte

Paul Delforge

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Buste Henri KOCH

Buste à la mémoire de Henri Koch, réalisé par Jacques de Biolley, 14 septembre 1972.
 
Virtuose, chambriste et professeur, Henri Koch a perpétué à un haut niveau l’école liégeoise du violon. 

Déjà honoré de son vivant, il ne tarda pas à voir son buste prendre place dans l’espace public de Wallonie. 

Trois ans après sa disparition, les autorités de la ville de Liège inaugurent en effet le travail réalisé par le sculpteur Jacques de Biolley et installé au cœur du boulevard Piercot, à deux pas du Conservatoire de Liège et d’autres bustes de musiciens célèbres : Ysaÿe, Thomson, Clokers.


Natif de Liège, Henri Koch (1903-1969) y a fait toute sa carrière et a contribué à son rayonnement musical. Il y a d’abord fait de brillantes études au Conservatoire, en dépit de l’occupation allemande, avant de les poursuivre à Paris auprès du professeur M-E. Hayot. Lauréat de nombreux prix, notamment « médaille vermeil de violon » dans la classe d’Oscar Dossin (1923), il devient 1er violon dans le Quatuor de Liège créé en 1924 par Jean Rogister et, à ce titre, est régulièrement en tournées en Europe comme aux États-Unis. Prix Kreisler 1928, nommé professeur de violon au Conservatoire de Liège (1932-1968), 1er violon du Quatuor Reine Elisabeth (1939-1943), professeur à la Chapelle musicale, il fonde, en 1947, le Quatuor municipal de Liège dont il est le 1er violon, avant de devenir celui de l’Orchestre symphonique de Liège. Fidèle participant aux Concerts d’été de Stavelot, il est aussi le fondateur des Solistes de Liège. Proche des Amis de l’Art wallon, Koch est le premier à enregistrer la Sonate et le Quatuor de Lekeu. Fondateur de l’Association pour la Musique de Chambre (1932), il contribue au renouveau de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles, notamment, à partir d’instruments anciens.

Buste Henri Koch (Liège)


Le monument qui est inauguré en septembre 1972, dans le cadre des Fêtes de Wallonie en présence notamment de l’échevin Jean Lejeune, se trouve par conséquent à deux pas de l’endroit où Henri Koch passa une partie importante de son existence. 

C’est à Jacques de Biolley (Bruxelles 1911 – Uccle 1990) que fut confié le soin de réaliser son buste et le socle qui le porte. Jacques de Biolley était un ami du musicien. Lointain descendant des industriels verviétois faisant commerce de la laine depuis le début du XVIIIe siècle, arrière-petit-fils du vicomte Raymond de Biolley (1789-1846), il est à la fois créateur de monnaies, dessinateur, et sculpteur. Autodidacte, il signe ses principaux bas-reliefs dans la région de Stavelot et Malmedy. Là, il réalise surtout le médaillon carré, en bronze, de la botaniste Marie-Anne Libert (1964).

 

 

Sources

José QUITIN et Martine KOCH, dans Nouvelle Biographie nationale, t. I, p. 212-216
Musica et Memoria, http://www.musimem.com/koch_henri.htm (s.v. octobre 2014)
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, Liège, 1995, p. 180
La Vie wallonne, II, 1969, n°326, p. 135-136
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 302

 

 

 

Boulevard Piercot 
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Hodson Jacques

Socio-économique, Entreprise

Nottingham 4/12/1771, Verviers 10/06/1833

De parents peu fortunés, James Hodson quitte la maison familiale à l’âge de 15 ans pour se former à la mécanique dans divers ateliers anglais. Se fixant à Londres, cet ouvrier spécialisé tient un établissement qu’il s’empresse de quitter quand, en 1802, il est appelé en Europe par William Cockerill. Installé à Verviers depuis 1799, ce dernier est sous contrat d’exclusivité avec la fabrique Biolley-Simonis pour laquelle il construit avec beaucoup de succès des machines textiles. Pour se défaire des clauses de son contrat d’exclusivité avec les deux industriels verviétois, William Cockerill incite James Hodson à établir à Verviers son propre atelier en s’associant avec l’aîné des fils Cockerill : ainsi disposera-t-il des précieux secrets de fabrication et pourra vendre des machines identiques aux industriels verviétois concurrents des Ywan Simonis et Jean-François Biolley.

Si les Cockerill s’installent définitivement à Liège à partir de 1807, Hodson poursuit durablement ses affaires à Verviers ; il s’impose comme le fournisseur des principaux fabricants de draps de Verviers, Hodimont, Ensival et Dison, voire jusqu’à Montjoie. À Verviers, Hodson forme des dizaines d’ouvriers mécaniciens et ouvre de vastes établissements destinés à construire des machines et à la filature de la laine. Dès 1803, les filatures J-N. David, Godart, Leloup et Meunier s’arrachent pour 12.000 francs de l’époque les moulins et assortiments sortis des ateliers Hodson. Ensuite, les Dethier, Godin, Duesberg, Peltzer, Hauzeur et autre Sauvage se lancent dans la course, transformant radicalement la vie économique et sociale de Verviers. En 1810, Verviers est devenu le premier centre continental de la laine cardée.

À l’origine mécanicien habile, celui qui a épousé Nancy Cockerill (la fille de William et la sœur de James et John) en 1807, se retrouve à diriger une société qui prospère, bénéficiant d’une protection certaine des autorités qui sont alors françaises et favorisent toutes les initiatives qui permettent de renforcer le blocus continental et d’affaiblir les Anglais… Il ne faut dès lors pas perdre de vue que Hodson comme les Cockerill sont considérés comme des traîtres sur leur île natale. En 1816, avec le drapier Sauvage, James Hodson achète, chez Hague et Topham à Londres, les deux premières machines à vapeur de type Watt du royaume des Pays-Bas.

En 1817, au décès de son épouse, il se retrouve seul avec ses six enfants, auxquels il laissera une fortune considérable, tant le succès de ses initiatives industrielles fut grand. En 1830, à la veille de l’indépendance de la Belgique, Hodson est à la tête de trois fabriques de draps, d’une teinturerie et de deux jardins avec rames. Dans les événements qui conduisent à la séparation des provinces belges et « hollandaises », l’un de ses fils, John, se distingue à la tête de volontaires verviétois, lors du combat dit de Rocour, en fait à Sainte-Walburge. Pour cela, il recevra la Croix de Fer que son père ne verra cependant pas.

 

Sources

Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 234-241

Antoine Gabriel DE BECDELIÈVRE-HAMAL, Biographie contemporaine de la province de Liège, Liège, impr. Jeunehomme, 1839, p. 4-5

Anne-Catherine DELVAUX, Inventaire des archives de la Société Cockerill Sambre (Groupe Arcelor) Siège de Seraing (1806-2005), Bruxelles, AGR, 2011, Archives de l’État de Liège, n°113

Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995

Michel ORIS, dans POTELLE Jean-François (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 127

P.M. GASON, Histoire des sciences et des techniques. John Cockerill et le nouveau monde industriel, Seraing, 1995

Suzy PASLEAU, Itinéraire d’un géant industriel, Liège, 1992

Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328, 330, 338, 346

Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 351

Notice Cockerill, dans Biographie nationale, t. IV, col. 229

Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 145

Liste nominative de 1031 citoyens proposés pour la Croix de Fer par la Commission des récompenses honorifiques (p. 1-129) dans Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux de Belgique, n°807, 1835, t. XI, p. 56-57

https://www.geni.com/people/James-Hodson/6000000024752924388

De Biolley Raymond Jean-François

Socio-économique, Entreprise

Verviers 10/02/1789, Verviers 22/05/1846

En raison des troubles révolutionnaires de l’été 1789, les Biolley ont préféré trouver refuge dans le nord de l’Allemagne. Ils ne rentrent à Verviers, devenue municipalité française, qu’en 1795. Quatre ans plus tard, le mécanicien anglais William Cockerill procure aux entreprises des familles Biolley et Simonis un avantage incontestable sur tous leurs concurrents. C’est dans cet esprit de réception aux idées techniques nouvelles qu’est éduqué Raymond Biolley. Ses études sont brillantes et, très tôt, il est associé à la direction de la « Maison François Biolley et fils ». Comme son oncle, Jean-François Biolley (1755-1822) connaît de sérieux problèmes de santé, c’est son épouse, Marie-Anne Simonis, dite de Champlon, qui assume la responsabilité de l’entreprise familiale. C’est elle qui confie à Raymond la direction de la succursale que les lainiers verviétois possèdent à Cambrai. Cédant à l’insistance de sa tante, Raymond de Biolley épouse, en 1817, Marie-Isabelle Simonis (1799-1865) qui est la nièce de Marie-Anne, mais surtout la fille de Jean-François Dieudonné Simonis (1769-1829), dit Iwan Simonis, considéré comme l’homme le plus riche du pays wallon sous le régime français.

Disposant ainsi de solides réseaux, le jeune entrepreneur allait démontrer ses propres capacités après un long séjour en Angleterre où il étudie attentivement les raisons de la prospérité de l’industrie insulaire. De retour en bord de Vesdre, il y attire – comme ses prédécesseurs – des ingénieurs et mécaniciens anglais qui procurent à ses installations verviétoises un savoir-faire exceptionnel. Tout au long de sa carrière, il gardera l’habitude de voyages à l’étranger, certes pour présenter ses produits, mais surtout pour observer l’évolution de la concurrence. La perfection des draps verviétois est pourtant reconnue au niveau international et c’est un important commerce qui s’est établi de part et d’autre de l’Atlantique ; les activités du Verviétois sont fortement soutenues par le roi Guillaume d’Orange ; ce dernier n’hésite pas à le désigner comme délégué effectif de Verviers aux États provinciaux (1820) ; il accorde encore une distinction à l’industriel peu avant que ne se produise la révolution de 1830.

Dans un contexte politico-économique neuf, celui qui n’est plus directeur de la grande société commercial, l’Algemeen Handels Maatschappij (1824-1830), doit alors faire face à de nouvelles responsabilités, à Verviers, quand il devient le principal héritier de la « Maison François Biolley et fils », suite au décès de sa tante (1831). Le changement n’effraye nullement cet entrepreneur. À toutes difficultés, il trouve ou invente des solutions à son avantage. Quand Napoléon avait imposé le blocus continental et privé les « continentaux » des laines britanniques, Biolley avait lancé un élevage de 4.000 moutons mérinos sur les hauteurs de Verviers. Quand le blocus a été levé et que les coûts de transport ont été très bas, il a commandé ses laines dans l’hémisphère sud. Quand naît le royaume de Belgique, il plaide en faveur d’accords douaniers avec la France pour rouvrir le marché mosan, à la France certes, au monde si possible. Le Zollverein est un système dans lequel il verrait bien entrer la Belgique. Libre-échangiste, Raymond Biolley est un industriel qui a tôt fait de se sentir chez lui aux quatre coins du monde.

Principal pourvoyeur de travail dans la vallée de la Vesdre, Raymond de Biolley est reconnu par ses pairs comme le principal industriel de l’est wallon : son savoir-faire, sa fortune et ses investissements sans limites font de la Maison de Biolley à la fois une référence, un bailleur de fonds et un moteur d’innovations exceptionnelles. Depuis 1824, il siège au sein de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Verviers ; en 1830, il la préside. Dans le nouveau royaume de Belgique, les censitaires attribuent à ce chef d’entreprise le mandat de sénateur dès 1831, fonction qu’il exercera jusqu’à son décès. Refusant les distinctions, il acceptera le titre de vicomte que lui attribue Léopold Ier, en 1843, lorsqu’il inaugure la ligne de chemin de fer qui relie Anvers à Verviers. La famille royale avait d’ailleurs l’habitude de prendre ses quartiers dans l’hôtel de maître que l’industriel s’était fait construire au cœur de la cité lainière.

L’action sociale du couple Biolley-Simonis est souvent soulignée : une partie de la fortune de l’industriel a servi à alimenter des œuvres religieuses de secours, de soins et d’hygiène, à améliorer du logement ouvrier et des institutions scolaires et hospitalières, tant à Verviers, qu’à Augsbourg et à Sallanches, les trois cités que les Biolley marquèrent de leur empreinte. Là où s’étend aujourd’hui la rue Raymond, il a fait aménager plusieurs petites maisons destinées à la population ouvrière. Certains veulent y voir l’une des toutes premières cités ouvrières construites en Europe.

Cette générosité discrète ne doit pas dissimuler le tempérament décidé du patron face aux revendications ouvrières. Au moment de sa disparition, on estime qu’il était à la tête de 2.000 ouvriers, rassemblés dans quatre grosses usines. Propriétaire de biens de prestige, Raymond de Biolley avait encore investi dans des entreprises en Prusse rhénane et possédait des parts dans deux charbonnages proches de Verviers, investissements motivés par la nécessité de contrôler des sources d’énergie à l’heure du développement de la machine à vapeur. De 1842 à 1846, il avait également présidé le Comité industriel de Belgique.

 

Sources

G. DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. II, col. 436-440
Paul LÉON, dans Biographie nationale, t. XLI, 1979, col. 24-30
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 145-146
Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 207
Portraits verviétois (Série Α-K), dans Archives verviétoises, t. II, Verviers, 1944
P. GASON, Raymond de Biolley, Verviers, 1950
Remember, Nos Anciens. Biographies verviétoises 1800-1900, parues dans le journal verviétois L'Information de 1901 à 1905, Michel Bedeur (préf.), Verviers, éd. Vieux Temps, 2009, coll. Renaissance, p. 27-28

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De Biolley Jean François Joseph

Socio-économique, Entreprise

Verviers 21/08/1726, Verviers 05/02/1809

Le fils de Jean-François-Joseph de Biolley, dont il porte le parfait patronyme, est l’un des représentants de la 4e génération de cette famille originaire de Sallanches, en Haute-Savoie. Comme ses frères et sœurs dont il est l’aîné, J-F-J. Biolley junior est né à Verviers où son paternel a ouvert une manufacture de draps en 1725. La prospérité de l’entreprise facilite l’intégration des Biolley dans la société verviétoise. Comme son frère Pierre-Hubert désigné bourgmestre en 1768, J-F-J. Biolley accèdera à la plus haute fonction municipale de la Bonne ville de Verviers en 1760, puis en 1765, exerçant son mandat les deux fois en même temps que Jacques Joseph Simonis.

À partir de janvier 1769, le titre de chevalier du Saint-Empire romain de la Nation germanique lui est officiellement accordé. Marié à Catherine Pirons avec laquelle il partage une nombreuse descendance, J-F-J. de Biolley ouvre une branche de la famille qui ne sera pas directement impliquée dans les activités industrielles du textile verviétois. En 1791, lorsque le prince-évêque est remis sur son siège après la première révolution liégeoise, il est fait appel à Jean-François de Biolley pour reprendre la fonction de bourgmestre, entre septembre 1791 et octobre 1792.

 

Sources

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 145

Cockerill William

Conception-Invention, Socio-économique, Entreprise

Lancashire /1759, Behrensberg (Aix-la-Chapelle) 23/01/1832

Père de John et Charles-James Cockerill, William est un artisan qui cherche à faire fortune et n’hésite pas à quitter son Angleterre natale pour réussir. D’origine irlandaise, « jennymaker » de profession, William Cockerill est un mécanicien qui déborde d’inventivité. Il connaît les mécanismes de la machine à filer la laine qui procure aux Anglais un avantage sur tous leurs rivaux. Résolu à développer sur le continent les procédés mécaniques nouvellement découverts sur son île, il brave les interdits que son pays impose pour empêcher la concurrence, se rend en Russie en 1794, puis en Suède et en Allemagne. Personne n’est cependant disposé à entendre les moyens qu’il préconise pour améliorer les outils en filature lorsqu’il croise la route d’un agent commercial d’une firme verviétoise. À Hambourg, en 1798, William Cockerill s’entretient en effet avec Henri Mali : celui-ci finit par le convaincre de rejoindre les bords de la Vesdre où son patron, Ywan Simonis, est disposé à l’héberger après avoir payé ses frais de transports depuis Hambourg.

Saisissant ce qui paraît être sa dernière chance, William Cockerill vient s’établir à Verviers (en 1799 semble-t-il) ; il est installé dans une dépendance de l’usine « au Chat » et, en secret, met au point ses idées au profit exclusif du patron lainier verviétois. Dès le 29 décembre 1800, la filature Simonis dispose d’un moulin activé par trois personnes qui produisent 400 écheveaux  par jour, ce qui remplace le travail de 100 personnes ! Cockerill construit encore d’autres machines à carder et à filer la laine pour les fabriques Biolley et Simonis, en accordant à leur société l’exclusivité de ses inventions. Très vite, le succès est au rendez-vous : les innovations de W. Cockerill vont propulser l’industrie lainière verviétoise au premier rang mondial. « Le temps du rouet avait vécu, c’était le début de la mécanisation de l’industrie lainière ».

Pour se défaire du contrat d’exclusivité qui le lie aux Biolley-Simonis, William Cockerill fait venir d’Angleterre un ouvrier qualifié, James Hodson, qui deviendra son beau-fils. Celui-ci monte son propre atelier de construction de machines, qui trouve très rapidement des commandes auprès des industriels de la laine. Avec les fils Cockerill, Hodson fournit librement des moulins dès 1803 aux filatures J-N. David, Godart, Leloup et Meunier, puis dans une seconde vague aux Dethier, Godin, Duesberg, Peltzer, Hauzeur, Sauvage.

En dépit de l’hostilité qui règne entre Anglais et Français en cette période troublée (Verviers est l’une des villes de la République française puis de l’empire napoléonien depuis 1795), les mécaniciens anglais que sont William et ses enfants – en l’occurrence William (1783-1847), James (1787-1837) et John (1790-1840) – peuvent continuer à œuvrer en terres liégeoises. D’ailleurs, en 1807, ils s’installent dans la cité ardente, au pied du pont des Arches d’abord, au Pont des Jésuites (future place Cockerill), ensuite lorsque l’atelier devint trop petit. Les Cockerill y fabriquent de nombreuses machines et y développent ce qui deviendra la grande sidérurgie du bassin de Liège. S’ils contribuent ainsi au décollage de la révolution industrielle dans l’est wallon, les Cockerill sont considérés comme des traîtres en Angleterre… En 1810, William Cockerill reçoit la grande naturalisation française et, en 1812, se retire des affaires, fortune faite. Décédé près d’Aix-la-Chapelle, William Cockerill est enterré au cimetière de Spa.

 

Sources

Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 234-241
Michel ORIS, dans POTELLE Jean-François (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 127
P.M. GASON, Histoire des sciences et des techniques. John Cockerill et le nouveau monde industriel, Seraing, 1995
Suzy PASLEAU, Itinéraire d’un géant industriel, Liège, 1992
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Biographie nationale, t. IV, col. 229-230
Paul LÉON, Ywan Simonis, dans Biographie nationale, t. XLIII, col. 651-660
Anne-Catherine DELVAUX, Inventaire des archives de la Société Cockerill Sambre (Groupe Arcelor) Siège de Seraing (1806-2005), Bruxelles, AGR, 2011, Archives de l’État de Liège, n°113