Guy Focant (SPW)

Château des comtes de Marchin

Le château actuel est l’héritier d’une forteresse médiévale installée sur un piton rocheux dominant de 58 m la vallée du Hoyoux. Il est au centre d’un domaine de 450 ha, érigé en réserve naturelle, et d’un parc de 38 ha. 

Construit à partir de 1655 en brique et pierre calcaire  par Jean-Gaspard-Ferdinand, comte de Marchin, le château de Modave est constitué d’un corps central accosté de deux ailes en saillie. 

La salle des Gardes et le vestibule sont ornés de stucs représentant la généalogie des constructeurs. Les stucs du salon d’Hercule et du salon des Gobelins – du nom de ses trois tapisseries bruxelloises – ont pour thème les aventures d’Hercule. 

En 1706, le château est acquis par le baron Arnold de Ville qui a mis au point la machine de Marly, qui permettait d’élever les eaux de la Seine jusqu’à Versailles, en s’inspirant de la machine inventée par Renkin Sualem pour alimenter les fontaines de Modave.

Rue du Parc
4577 Modave

carte

Classé comme monument et site le 25 octobre 1946
Patrimoine exceptionnel de Wallonie

Institut du Patrimoine wallon

© Sofam

Sualem Rennekin

Conception-Invention

SUALEM RennekinJemeppe-sur-Meuse 29/01/1645, Bougival 29/07/1708

Rennekin (ou René ou Rennequin, voire Renkin) Sualem est certainement le charpentier le plus connu des Wallons. La notoriété des jardins de Versailles a en effet durablement rejailli sur sa personne, déjà de son vivant, le roi de France, Louis XIV, ayant très vite reconnu les mérites de l’ingénieux liégeois. C’est un autre Liégeois, le chevalier Arnold de Ville, docteur en Droit, qui introduisit Sualem à la Cour. Fils d’un maître de forge du pays de Liège, le hobereau de Ville avait repéré une machine étonnante qui élevait l’eau du Hoyoux à 50 mètres du sol, dans le domaine du château de Modave. Illettré mais technicien doué, Rennequin Sualem avait perfectionné des techniques utilisées dans les mines liégeoises pour l’exhaure de l’eau des galeries, et les avait adaptées aux besoins du propriétaire de Modave pour lui permettre d’alimenter les fontaines de ses jardins (circa 1668). Or, on cherchait à Versailles le moyen de disposer de quantités importantes d’eau pour l’entretien des jardins et la création de jeux d’eau ; plusieurs projets avaient été menés, mais aucun ne donnait satisfaction. De Ville parvient à convaincre Sualem de former une équipe déjà expérimentée et de tenter leur chance à Paris où un appel d’offres avait été lancé (1678).

Ayant convaincu le roi et sa Cour lors d’une expérience à échelle réduite à Saint-Germain, le duo Sualem - de Ville reçoit mission d’exécuter de semblables travaux, à partir de la Seine, pour le bon plaisir du roi Soleil. Entamé en 1681, le chantier de Marly s’achève sept ans plus tard. Près de 1800 hommes furent occupés et on forma une équipe de maintenance de 60 personnes. Au final, l’eau de la Seine est élevée à plus de 150 mètres au-dessus de son niveau ordinaire par la fameuse machine de Marly. Pour que l’ensemble soit opérationnel, il a fallu construire et installer des roues, des pompes, des tuyaux, des aqueducs, des réservoirs, etc. Et tout fonctionnait comme l’avait imaginé le technicien-charpentier wallon auquel le roi accorda une pension jusqu’à la fin de sa vie et de celle de son épouse. En dépit d’une rivalité – réelle ou supposée – entre De Ville et Sualem, c’est à ce dernier que les honneurs furent rendus par la Cour, les hommages soulignant que Sualem avait été l’unique inventeur de « la machine ». Quant à De Ville, il fut jusqu’à sa mort le gouverneur de la machine. Plus qu’un inventeur, Sualem fut un génial adaptateur des meilleures techniques connues à l’époque et De Ville un entrepreneur qui osa se lancer dans un projet qui aurait pu valoir sa ruine, en cas d’échec, et qui parvint à convaincre Louis XIV de ne pas trop regarder à la dépense... « Jusqu’à sa destruction, en 1817, elle passa pour la huitième merveille du monde ». Nul doute que le gigantisme de quatorze roues de douze mètres de diamètre, mues par une chute de la Seine créée artificiellement, et activant trois cents pompes avait de quoi impressionner les yeux et… les oreilles. Les réservoirs pouvaient contenir deux millions de mètres cubes d’eau, la quantité d’eau y envoyée était d’environ six mille mètres cubes par vingt-quatre heures, quand la force motrice permettait de faire tourner les roues suffisamment vite.

En fait, la « Machine » apparaît surtout « comme un cas typique de transfert de technologie. En effet, c’est un savoir-faire collectif inhérent au système technologique wallon au XVIIe siècle qui s’est exporté en changeant à la fois d’échelle et de contexte. Non seulement il a relevé le défi du gigantisme, mais il est passé de l’hydraulique industrielle à l’hydraulique somptuaire » (Halleux).

Après Marly, Sualem et son équipe mèneront d’autres projets en France, moins spectaculaires, mais où leur savoir-faire demeurait un atout primordial. Rennekin Sualem prit aussi des participations dans une compagnie du Nivernais d’exploitation minière où travaillèrent des houilleurs du pays de Liège.

Sources

Robert HALLEUX, dans Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Michel ORIS, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. IV
E. DE QUATREBARRES, La famille Sualem de Jemeppe-sur-Meuse à Bougival, dans La vie wallonne, t. 54, Liège, 1980, p. 50-91
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 300
BUFFET, EVRARD, L’eau potable à travers les âges, Liège, 1950
Henri MICHEELS-BAUPAIN, dans Biographie nationale, t. XXIV, 1926-9, col. 216-219
L.A. BARBET, Les grandes eaux de Versailles : installation, mécaniques et étangs artificiels, description des fontaines et de leurs origines, Paris, 1907

 

Carrefour de l'Europe ouvert à ses influences, la Wallonie a, de tout temps, été traversée par les grands courants scientifiques et technologiques. Les Wallons en ont assimilé les multiples apports et ont développé leurs propres techniques, participant ainsi, parfois de façon décisive, à l’évolution de la connaissance. Des parcours édifiants que vous pourrez retrouver dans cette leçon, au travers d’une synthèse et de documents éclairants.

de Ville Arnold

Conception-Invention

Huy 15/05/1653, Modave 22/02/1722

Entre Arnold de Ville et Rennekin Sualem, une querelle est alimentée portant sur la question de savoir lequel des deux a été l’inventeur de la Machine de Marly. Depuis plusieurs années, Louis XIV cherchait le moyen de disposer de quantités importantes d’eau pour l’entretien des jardins et la création de jeux d’eau à Versailles ; plusieurs projets avaient été menés, mais aucun ne donnait satisfaction quand fut lancé un appel d’offre international (1678) que remporta le duo de Ville – Sualem. Entamé en 1681, le chantier de Marly s’achèvera sept ans plus tard : l’eau de la Seine est élevée à plus de 150 mètres au-dessus de son niveau ordinaire par un mécanisme fameux qui passa, « jusqu’à sa destruction, en 1817, pour la huitième merveille du monde ». C’est à Sualem que les honneurs furent rendus par la Cour, les hommages soulignant qu’il avait été l’unique inventeur de « la machine ». Quant à De Ville, il fut jusqu’à sa mort le gouverneur de la machine. Plus qu’un inventeur, Sualem fut un génial adaptateur des meilleures techniques connues à l’époque et De Ville un entrepreneur qui osa se lancer dans un projet qui aurait pu valoir sa ruine, en cas d’échec, et parvint à convaincre Louis XIV de ne pas trop regarder à la dépense...

Disposant d’une bonne culture technique lors de sa formation au Collège des Jésuites à Paris, diplômé en Droit de l’Université de Louvain (1674), le fils de Winand de Ville (bourgmestre de Huy et maître de forges) avait remarqué l’entreprise menée par les Sualem à Modave et il sut les convaincre de participer avec lui à l’appel d’offre lancé par la Cour de France. Là, il bénéficia, semble-t-il, du soutien de Jean Ferdinand de Marchin, maréchal de France, qui l’introduisit auprès de Colbert. Après un essai grandeur nature concluant à Saint-Germain, le duo de Ville-Sualem obtint le marché et se mit à la tâche. Celle d’Arnold de Ville fut certainement de conserver la confiance du roi et ses investissements, d’une part, de trouver des fournisseurs très spécialisés, notamment au pays de Liège, d’autre part.

Après Marly, outre son titre de « gouverneur », Ar. de Ville devient un « agent de la diplomatie française en principauté de Liège », mais ne parvient pas à prendre rang au sein de la noblesse française. L’informateur de Louis XIV tombe en disgrâce sous le Régent et choisit de se retirer dans le château de Modave qu'il a acquis en 1706. Ayant obtenu le titre de baron libre du Saint-Empire en 1686, il consacre sa retraite « à rédiger son propre Théâtre de machines ».
 

Sources

Robert HALLEUX, La machine de Marly et les savoirs techniques en Wallonie au XVIIe siècle, dans Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Michel ORIS, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
M. YANS, Arnold de Ville le Penseur de la machine de Marly, dans Les Cahiers historiques, n°28, série III, 1963, p. 15-17.
R. VAN DEN HAUTE, L'inventeur de la machine de Marly ne fut pas celui qu'on pensait. Comment Renkin Sualem de Jemeppe-sur-Meuse fit venir l'eau de la Seine à Versailles, dans Les Cahiers historiques, série III, n° 25, 1963, p. 67 et ssv.
A. SPINEUX, Arnold de Ville, artisan du faste de Versailles, dans Revue du Conseil économique wallon, n°18-19, 1956, p. 85-86.
M. YANS, De Ville, dans Biographie nationale, t. 26, Bruxelles, 1936-8, col. 751-752
E. PONCELET, Lettres inédites et mémoire du baron de Ville touchant la machine de Marly, dans Bulletin de la Commission royale d'Histoire, t. 98, (1934), p. 274 et ssv.