Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Joseph Dejardin

Buste Joseph Dejardin, réalisé par Louis Gérardy, 1933.

Situé au bout de la rue Mattéoti, sur la place verdoyante de la cité ouvrière, un buste rend hommage à un leader syndical et homme politique socialiste, originaire du bassin sidérurgique de Liège. Comme le mentionne la plaque métallique située au bas du monument, il s’agit d’honorer ici :

JOSEPH DEJARDIN
FONDATEUR DE LA CENTRALE
SYNDICALE DES MINEURS
1873 – 1932

Il s’agit aussi, ce que ne précise pas le monument, mais que « tout le monde sait », d’honorer un enfant de la commune. C’est en effet à Grivegnée, le premier jour du printemps 1873, qu’est né Joseph Dejardin, dans une famille ouvrière déjà fort nombreuse qui comptera onze enfants. Son père comme sa mère travaillent à la mine ; à peine scolarisé, Joseph ira lui aussi à la mine, comme ses frères et sœurs. Décidé à changer sa misérable vie comme celle des autres mineurs qui partagent son sort, Joseph Dejardin va s’engager dans l’action syndicale et politique. En dépit des risques (en 1889, alors qu’il distribue le journal Le Populaire, il est arrêté et accusé de fomenter des troubles), il milite activement tant dans les organisations syndicales que politiques. 

Député socialiste de Liège (décembre 1909-1932), il figure parmi les membres-fondateurs de l’Assemblée wallonne créée à l’initiative de Jules Destrée. Échevin de Beyne-Heusay (1908), bourgmestre faisant fonction (janvier 1912), il est nommé par le gouvernement belge le 20 septembre 1914 en raison de la bravoure affichée lors de l’invasion allemande d’août 1914. Déporté en Allemagne (décembre 1916 – mars 1917), il exercera ses fonctions maïorales jusqu’à son décès. Par ailleurs et surtout, Joseph Dejardin déploie une intense activité syndicale. Président du syndicat des Mineurs avant 1914, il devient, en 1919, le leader national de la Centrale des Mineurs qu’il avait contribué à faire naître. Son expertise était appréciée et reconnue. Elle fut notamment saluée lors des Conférences internationales du Travail de 1930 et 1931 où ses interventions contribuèrent à l’élaboration des textes définitifs (durée du travail dans les mines). Vice-président de la Fédération internationale des Mineurs, il avait été désigné à la présidence lors du congrès de Londres, en septembre 1932. Ses funérailles furent quasiment nationales.

Son souvenir fut entretenu par ses camarades syndicaux. Bien que la démarche soit inhabituelle, un monument est élevé à sa mémoire et ce dès 1933. La réalisation de son buste est confiée au sculpteur Louis Gérardy (Liège 1887 – Liège 1959). Formé à l’Académie de Liège, il fréquente volontiers l’atelier d’Oscar Berchmans qui sera son maître. Proche des milieux wallons, Gérardy a été sollicité à plusieurs reprises lorsqu’il s’est agi de réaliser des médaillons destinés aux tombes des disparus (ainsi Henri Bekkers, Nicolas Defrêcheux, Louis Warroquiers au cimetière de Robermont). En 1919, il réalise le monument serbe sur la pelouse d’honneur de Robermont. Dans les années 1930, il travaille sur  le chantier de décoration du Lycée de Waha (bas-reliefs). Cependant, il s’est davantage spécialisé dans la représentation animalière (tête de chiens, d’oiseaux, etc.), signant des bas-reliefs, comme des statuettes décoratives. Lors du Salon de Liège en 1930, il présente une série consacrée aux chevaux de trait. Cela ne l’empêche pas de répondre à des commandes variées, comme celles de la statue du général Bertrand (1934) ou du buste du syndicaliste Joseph Dejardin quelques mois auparavant. Ce buste a été fondu par la société Dehin frères.

Sources

Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne 1912-1923. Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, janvier 2013, coll. Notre Histoire, p. 234
Paul VAN MOLLE, Le Parlement belge 1894-1972, Ledeberg-Gand, Erasme, 1972, p. 80
Le mouvement syndical belge, 20 novembre 1932, p. 259
À la mémoire de Joseph Dejardin, Député…, Cuesmes, imp. fédérale, s.d.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 615

Buste Joseph Dejardin

Square de la rue Mattéoti 
4030 Liège (Grivegnée)

carte

Paul Delforge

Defrecheux Nicolas

Culture, Lettres wallonnes

Liège 10/02/1825, Herstal 26/12/1874

C’est en dilettante que Nicolas Defrecheux propose, en 1854, la publication d’un texte dans le Journal de Liège. Sa complainte du Lèyîz-m’ plorer paraît dans l’édition du 23 juin et devient d’emblée un immense succès. Le quotidien ouvre alors ses colonnes au jeune auteur talentueux qui acquiert une célébrité immédiate. Sa complainte raconte son désespoir face à la mort de celle qu’il aimait. Popularisée grâce à un air en vogue de Monpou, la chanson se répand en feuilles volantes d’un tirage exceptionnel pour l’époque. Balayant les vieux préjugés qui perduraient à l’égard du wallon, Leyîz-m’plorer, tot mi veie est gâteie / Ji la pierdou…) bouleverse le peuple liégeois qui l’adopte séance tenante. Sa chanson est la première à exprimer en wallon une véritable poésie lyrique.

Rien ne prédisposait Nicolas Defrecheux à pareil succès. Élève certes très doué à l’école primaire, il avait entamé des humanités au collège Saint-Quirin à Huy et les avait achevées à Liège. Attiré par l’Université de Liège, il ne dépasse pas la deuxième année de l’École des Mines, suite au décès de son père. Sans fortune, il se met à exercer plusieurs métiers, avant de devenir boulanger. Après son mariage en 1851, il travaille en effet dans la boutique de son beau-père.

Loin d’être l’homme d’un seul succès, « le créateur de l’élégie wallonne » connaît, dès 1856, une autre réussite avec le cråmignon L’avez-v’vèyou passer ? qui est primé par la Société philanthropique des vrais Liégeois. Ce cråmignon inspirera de nombreux autres auteurs. Par la qualité de son écriture et du vocabulaire wallon qu’il utilise, Nicolas Defrecheux est considéré comme un des précurseurs de la littérature wallonne.

Abandonnant la boulangerie familiale pour devenir secrétaire du recteur de l’Université de Liège (1860), il obtient l’année suivante le poste d’appariteur à la faculté de Médecine. Il continue à composer et, inspiré par Remacle Maréchal, réalise de nombreuses œuvres en wallon, collabore à l’Almanach de Mathieu Laensbergh (1857-1874) et au Dictionnaire des spots et proverbes wallons publié par Joseph Dejardin. Soucieux de structurer les efforts d’écrivains en wallon de plus en plus nombreux, il contribue à l’émergence de la Société liégeoise de Littérature wallonne (1856). Intégrant la dimension sociale dans son œuvre, Defrecheux a été aussi visiteur des pauvres et secrétaire-trésorier du comité de charité de la paroisse Sainte-Foi.

Sources

Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 189-19
Alain COLIGNON, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 416
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 403
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. 2, p. 114, 468-469 ; t. III, p. 243
Charles et Joseph DEFRECHEUX, Anthologie des poètes wallons, Liège, 1895