Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée -  Sofam

Stèle Léonard LEGRAS

Stèle commémorative Léonard Legras, réalisé par Fernand Heuze, 18 septembre 1932


Dans la belle vallée de la Hoëgne, non loin de Hockai, une stèle en bronze a été apposée à même les rochers, près de la cascade Léopold II, juste avant un petit pont. Elle est dédiée à la mémoire de Léonard Legras, un pionnier des guides de la Fagne.


Au XIXe siècle, une série d’amoureux de la Fagne balisent une série de promenades destinées à occuper les loisirs de bourgeois aisés. Dans le même temps, on assiste à la publication, par le Spadois Jean Dommartin, dit Jean d’Ardenne, du premier Guide des Ardennes, offrant une série de circuits « certifiés » de courtes promenades. 

Originaire de Sart-lez-Spa, Léonard Legras, quant à lui, trace et balise le premier circuit récréatif de la vallée de la Hoëgne. Son circuit est officiellement inauguré en 1899 en présence de la reine Marie-Henriette. En quelque sorte, il a fait œuvre de pionnier. Mais il ne s’agit là que d’un loisir. Léonard Legras semble en effet avoir été occupé sur le site du barrage de La Gileppe dont la construction récente procure de nouveaux emplois : Legras semble avoir été le premier barragiste, fonction qu’il a exercée jusqu’en 1888. 

Mais cet amoureux de la nature semble avoir connu une fin tragique, en août 1914, au moment de l’invasion allemande : en effet, il serait tombé nez à nez avec des soldats entreprenant l’invasion de la Belgique en application du plan Schlieffen et, considéré comme dangereux, il aurait été exécuté sur place. Quelques villages de la région ont donné le nom de Legras à leur rue (Spa et Sart par exemple).


Initiative du syndicat d’initiative de la Vallée de la Hoëgne, la plaque commémorative qui est inaugurée en septembre 1932 est due au sculpteur verviétois Fernand Heuze. Artiste discret, il est comme ses collègues l’auteur de plusieurs monuments aux victimes de la Grande Guerre (par exemple celui d’Aubel avec son joueur de clairon du 12e de ligne en 1921, ou celui de Charneux). Il sera par la suite l’auteur des monuments Apollinaire à Malmedy et Frédéricq dans les Hautes Fagnes. 

Par ailleurs, il enseigne à l’Académie de Liège. Dans son atelier, il initie son fils – parfait homonyme, né en 1914 – à la sculpture, mais c’est vers la peinture que celui-ci se dirigera, tout en étant un membre actif du comité de Verviers des Amis de la Fagne : il en assure le secrétariat à partir de 1936. Le fils a-t-il assisté son père dans la réalisation de la « plaque Léonard Legras », ou le fils est-il le seul signataire ? La signature tend plutôt à attribuer le bronze au père qui réalise un portrait jovial de Legras en gravant la dédicace suivante :

A LEONARD LEGRAS
1839-1914 

PROMOTEUR  DES PROMENADES DE LA HOËGNE
SIVH

 


Sources


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jean DESHOUGNES, La petite histoire de La Gileppe et ses promenades, Verviers, Marabout, 1971, 2e éd., p. 51
Cor ENGELEN, Mieke MARX, Dictionnaire de la sculpture en Belgique à partir de 1830, Bruxelles, août 2006, t. III, p. 809

Stèle commémorative Léonard Legras

Val de Hoëgne (Solwaster-Hockai) 

Hautes Fagnes

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc Jean d'ARDENNE

Banc en hommage à Jean d’Ardenne, réalisé à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe (inférieure), 20 septembre 1925.

Durant ses études au Collège de Herve (1852-1858), Léon Dommartin (1839-1919) développe déjà à la fois le goût de l’écriture et celui de la nature. Devenu libraire à Spa, sa ville natale, il s’oriente ensuite vers le journalisme. Il fonde un journal satirique, Le Bilboquet qui ne vit que quelques mois (1864-1865) ; mais Dommartin est marqué durablement par la nature qui l’entoure, même quand il prend ses quartiers à Paris où il commence sa carrière dans un petit journal intitulé Gazette des étrangers. Avec le marquis Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, il fonde en 1867 une publication hebdomadaire, La Reine des Lettres et des Arts à l’existence éphémère. En 1868, il entre au Gaulois. C’est pour ce journal qu’il suit avec attention la Guerre franco-prussienne de 1870. Il accompagne l’armée de Mac Mahon jusqu’à la débâcle de Sedan et ses reportages en font l’un des tout premiers correspondants de guerre de l’histoire. Critique littéraire de Paris-Journal entre 1871 et 1874, il prend ensuite la direction de Bruxelles, s’installe à Ixelles et entre à la rédaction de la Chronique : il y devient rédacteur en chef en 1896. C’est après sa période parisienne qu’il prend le nom de plume Jean d’Ardenne qui lui survivra. Il sera aussi nommé bibliothécaire à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.

Ce surnom de Jean d’Ardenne lui vient de la publication, en 1881, d’un guide de L’Ardenne qui fera date et connaîtra plusieurs éditions afin de tenir compte de l’évolution des moyens de circulation et de l’évolution de l’offre touristique. Six ans plus tard, ses Notes d’un vagabond (1887) sont également fort appréciées. Le regard qu’il pose sur « son » Ardenne l’entraîne à prendre fait et cause pour sa préservation, plus particulièrement à s’investir dans la défense des arbres, des sites et des maisons présentant un intérêt patrimonial. Face au développement prodigieux de l’industrie en pays wallon au XIXe siècle, il est l’un des premiers à attirer l’attention sur la nécessité de préserver la qualité des paysages et peut être qualifié de pionnier de l’écologie. En décembre 1891, il fonde la Société nationale pour la Protection des Sites et des Monuments en Belgique. En 1895, Léon Dommartin est encore parmi les fondateurs du Touring Club de Belgique. 

Après sa mort survenue au lendemain de la Grande Guerre, Dommartin inspirera la création de nombreux cercles et associations de défense de la nature, comme l’Association pour la défense de l’Ourthe, Les Amis de l’Ardenne, le Comité de Défense de la Nature, etc. En 1905, il était lui-même membre de la Ligue des Amis des Arbres dont la présidence lui est confiée (juillet) et avait contribué à organiser la première « Fête des Arbres » en Wallonie, avec Léon Souguenet ; elle avait eu lieu à Esneux le 21 mai 1905. Encourageant les autorités publiques à installer des bancs rustiques le long des promenades comme dans les parcs publics des villes, Dommartin sera entendu dans l’Entre-deux-Guerres.

En 1925, à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe inférieure, le banc qui est inauguré dans le cadre des Fêtes de Wallonie est dédié explicitement à Jean d’Ardenne, comme l’indique la plaque en bronze incrustée dans le dossier, avec l’inscription suivante :

EN SOUVENIR DE JEAN D’ARDENNE
CE BANC
A ÉTÉ OFFERT À LA COMMUNE D’ESNEUX
LE 20 SEPTEMBRE 1925
PAR L’ASSOCIATION POUR LA DÉFENSE
DE L’OURTHE INFÉRIEURE

Le banc d’Esneux présente la singularité d’être circulaire, entourant le tronc de l’un des marronniers de la place séparant l’église de la maison communale. Outre le choix de s’inscrire au moment des fêtes wallonnes, l’inauguration de ce banc à Esneux a revêtu un caractère revendicatif affirmé. Depuis 1905 environ, un projet immobilier vise à construire de l’habitat sur le site de Beaumont, un haut plateau encerclé par l’Ourthe qui offre un panorama exceptionnel. Contre ce projet se sont mobilisés des citoyens locaux et des artistes ayant l’habitude de passer leur loisir dans la région d’Esneux-Tilff. Après une dizaine d’années de campagne de sauvegarde menée notamment par l’Association pour la Défense de l’Ourthe présidée par Louis Gavage, et au terme de longues procédures, une petite partie de Beaumont (5 ha sur 17) fait l’objet d’un classement en 1936. Il faut encore attendre 1944 et la fin d’un long procès, pour que le litige entre la Commission d’Aide publique de la ville de Liège, propriétaire de Beaumont, et l’État soit tranché en faveur du second ; les menaces de lotissement sont alors écartées et le site devient un sanctuaire dédié à la seule nature. Pendant quelques années encore, plusieurs classements partiels conduiront à protéger l’essentiel de la Boucle de l’Ourthe qui, en 1993, obtient le statut de « patrimoine exceptionnel de Wallonie ».

L’inauguration du banc, en septembre 1925, évoque Dommartin tout en rappelant la lutte menée par ses amis et disciples en faveur de la préservation de sites naturels exceptionnels de Wallonie. 

Sources 

La Vie wallonne, 15 octobre 1920, n°2, p. 86-88
La Vie wallonne, mars 1935, n°175, p. 179-185
Léon MARQUET, sur http://www.sparealites.be/jean-dardenne-1839-1919 (s.v. avril 2014)
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 84, 125

Banc Jean d’Ardenne (Esneux)

Place de l’Église (dite aussi place Jean d’Ardenne)
4130 Esneux

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée 

Médaillon Jean d'ARDENNE

Médaillon Jean d’Ardenne, réalisé par Marnix d’Haveloose (ou Max d’Havelouse), 9 septembre 1920.

C'est en 1758 que le Parc de Sept Heures est aménagé en promenade publique. Au cours du XXe siècle, il accueille de nombreux monuments dont celui dédié à Léon Dommartin (1839-1919). Il se présente sous la forme d’un portrait réalisé dans le bronze et incrusté dans une pierre du parc, le long de la promenade. Le bronze est signé Marnix d’Haveloose (1885-1973, ou 1882-1975). L’initiative du monument en revient au Comité de Spa-Attractions. En présence de membres de sa famille, d’amis et des autorités locales, l’inauguration s’est déroulée le 9 septembre 1920, soit l’année qui a suivi la disparition de Léon Dommartin, mieux connu sous son nom de plume « Jean d’Ardenne » (parfois écrit Dardenne). Il ne s’agissait pas là de la première démarche des « autorités » spadoises à l’égard de l’enfant du pays. En 1904, une promenade lui était dédiée (la Feuillée Jean d’Ardenne) et, le 24 septembre 1905, le Comité Spa Attractions avait organisé une journée de l’Arbre, en présence du Président de la Ligue des Amis des Arbres.

Durant ses études au Collège de Herve (1852-1858), Léon Dommartin développe déjà à la fois le goût de l’écriture et de la nature. Devenu libraire à Spa, sa ville natale, il s’oriente ensuite vers le journalisme. Il fonde un journal satirique, Le Bilboquet qui ne vit que quelques mois (1864-1865), et est marqué durablement par la nature qui l’entoure. Par la suite, il prend ses quartiers à Paris où il commence sa carrière dans un petit journal intitulé Gazette des étrangers. Avec le marquis Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, il fonde en 1867 une publication hebdomadaire, La Reine des Lettres et des Arts à l’existence éphémère. En 1868, il entre au Gaulois. C’est pour ce journal qu’il suit avec attention la Guerre franco-prussienne de 1870. Il accompagne l’armée de Mac Mahon jusqu’à la débâcle de Sedan et ses reportages en font l’un des tout premiers correspondants de guerre de l’histoire. Critique littéraire de Paris-Journal entre 1871 et 1874, il prend ensuite la direction de Bruxelles, s’installe à Ixelles et entre à la rédaction de la Chronique : il y devient rédacteur en chef en 1896. C’est après sa période parisienne qu’il prend le nom de plume Jean d’Ardenne qui lui survivra. Il sera aussi nommé bibliothécaire à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.

Médaillon Jean d’Ardenne

Amateur de voyages, il parcourt la Flandre, le nord de la France et le nord-ouest de l’Afrique, mais c’est l’Ardenne qui le marque le plus. En 1881, il publie un guide touristique, L’Ardenne, qui fera date et connaîtra plusieurs éditions. Six ans plus tard, ses Notes d’un vagabond (1887) sont également fort appréciées. Le regard qu’il pose sur « son » Ardenne l’entraîne à prendre fait et cause pour sa préservation, plus particulièrement à s’investir dans la défense des arbres, des sites et des maisons présentant un intérêt patrimonial. Face au développement prodigieux de l’industrie en pays wallon au XIXe siècle, il est l’un des premiers à attirer l’attention sur la nécessité de préserver la qualité des paysages et peut être qualifié de pionnier de l’écologie. En décembre 1891, il fonde la Société nationale pour la Protection des Sites et des Monuments en Belgique. En 1895, Léon Dommartin est encore parmi les fondateurs du Touring Club de Belgique. 

Après sa mort survenue au lendemain de la Grande Guerre, Dommartin inspirera la création de nombreux cercles et associations de défense de la nature, comme l’Association pour la défense de l’Ourthe, Les Amis de l’Ardenne, le Comité de Défense de la Nature, etc. En 1905, il était lui-même membre de la Ligue des Amis des Arbres dont la présidence lui est confiée (juillet) et avait contribué à organiser la première « Fête des Arbres » en Wallonie, avec Léon Souguenet ; elle avait eu lieu à Esneux le 21 mai 1905.Encourageant les autorités publiques à installer des bancs rustiques le long des promenades comme dans les parcs publics des villes, il sera entendu dans l’Entre-deux-Guerres, certains bancs prenant une forme plus artistique en étant dédié à Dommartin lui-même.

C’est le jeune le sculpteur d’Haveloose qui réalise le médaillon. Gendre de l’aquarelliste anversois H. Cassiers, d’Haveloose a fait ses premiers pas à Bruges, dans l’atelier de D’Hondt, avant de parfaire sa formation à l’Académie de Bruxelles avant la Grande Guerre. Prix Goderlache de sculpture en 1910, se réfugie en Angleterre pendant la guerre, puis il s’établit à Bruxelles où il accomplit toute sa carrière. Professeur à l’Académie de Bruxelles (1935-1955), il en assure la direction entre 1951 et 1955. Ne se contentant pas de bustes et de nus (comme La Toilette au cœur des Jardins du parc de la Boverie à Liège), il s’est lancé dans la peinture dès les années 1930. C’est donc à un jeune artiste prometteur que Spa-Attractions a confié la tâche de réaliser l’hommage à Dommartin. On dispose d’une photo du médaillon datant de 1920 ; il présente des différences par rapport à celui que l’on connaît aujourd’hui.
L’original mentionne en grandes lettres



A JEAN D’ARDENNE AMI DES ARBRES

tandis que l’actuel mentionne en tout petit

« A JEAN D’ARDENNE
(LÉON DOMMARTIN)
HOMME DE LETTRES
NE A SPA
SPA-ATTRACTIONS » 

Source

Léon MARQUET, sur http://www.sparealites.be/jean-dardenne-1839-1919 (s.v. avril 2014)
La Vie wallonne, 15 octobre 1920, n°2, p. 86-88
La Vie wallonne, mars 1935, n°175, p. 179-185
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 486
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 38

 

Parc des Sept Heures
4900 Spa

carte

Paul Delforge