© Alfred Sente - Musée de la Vie wallonne - Liège

Grandgagnage Charles

Académique, Philologie

Liège 09/06/1812, Liège 07/01/1878

Considéré comme le père de la philologie wallonne, Charles Grandgagnage consacre toute sa vie à ses recherches sur la langue et les antiquités wallonnes. Si ses premières préoccupations l’orientent vers l’histoire, il se rend compte que le dialecte wallon peut être un instrument idéal pour l’étude comparative des langues germaniques et romanes. Il étudie alors le wallon comme document historique et le considère comme un intermédiaire linguistique. 

Orientés tant vers l’onomastique que vers la toponymie, ses travaux s’échelonnent de 1845 à 1859. Son œuvre majeure est sans conteste le Dictionnaire étymologique de la langue wallonne dont un premier volume paraît en 1845. Ses recherches seront achevées par Auguste Scheler qui publie le second tome en 1880, peu après la disparition de Grandgagnage. Ses travaux ont permis un renouveau de la philologie romane en Europe et une meilleure vue d’ensemble de l’histoire de la littérature française. 

Chercheur solitaire, Grandgagnage n’exerça aucune charge universitaire et son moral semble avoir pâti de l’absence d’un noyau scientifique proche et dynamisant : seuls lui parvinrent les encouragements du bien connu Émile Littré ou de Friedrich Diez, philologue allemand, considéré comme l’un des fondateurs de la linguistique romane, et de ses collègues d’outre-Rhin.

Auteur d’un mémoire sur L’origine des Wallons (1852), Charles-Joseph Grandgagnage a aussi rédigé une Étude sur quelques anciens noms de lieux situés en Belgique (1855) qui le fait considérer comme le créateur de la toponymie en Belgique.

Membre de plusieurs sociétés savantes, en Belgique et à l’étranger, il participe, en 1850, à la naissance de l’Institut archéologique liégeois et, en décembre 1856, il est parmi les fondateurs de la Société liégeoise de Littérature wallonne. Il sera président de la Société liégeoise en 1857 et de l’Institut en 1866. Bibliothécaire de l’Institut archéologique liégeois, il est le neveu de François-Joseph. Engagé dans son temps, affichant des idées libérales, il a siégé à la Chambre de 1859 à 1864, moment où il est remplacé par Émile Dupont. Représentant de l’arrondissement de Liège élu selon le système du suffrage censitaire, il siégera encore à la Haute Assemblée de 1871 à 1878.

Sources

Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 237
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 327
Biographie nationale, Bruxelles, t. XXXII, col. 245-259
Nicole CAULIER-MATHY, Le monde des parlementaires liégeois 1831-1893. Essai de socio-biographies, dans Histoire quantitative et développement de la Belgique aux XIXe et XXe siècles, 1re série (XIXe siècle), tome VII, volume 1, Bruxelles, Palais des Académies, 1996, p. 376-384
Jean-Marie D’HEUR, Le père de la philologie romane au père de la philologie wallonne…, dans Studium et museum. Mélanges Edouard Remouchamps, vol. II, Liège (éd. Musée de la Vie wallonne), 1996, p. 644
Élisée LEGROS, Autour de Charles Grandgagnage, dans La Vie wallonne, t. XXXVI, 1962, p. 53-60 et 136-137
Wallonia, t. 17, 1909, p. 133-134

Œuvres principales

Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, 1845
Chaudfontaine, 1853
Mémoire sur les anciens noms de lieux dans la Belgique orientale, 1854
De l'origine des Wallons, 1854
Vocabulaire des noms wallons d'animaux, de plantes et de minéraux, 1857

Mandats politiques

Député (1859-1864)
Sénateur (1871-1878)

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Dupont Emile

Militantisme wallon, Politique

Liège 23/06/1834, Liège 12/03/1912

En poussant ce cri de Vive la séparation administrative ! en pleine réunion du Sénat, Émile Dupont étonne toute l’assemblée et jette le trouble dans la vie politique belge de l’époque. En l’occurrence, le 9 mars 1910, les sénateurs discutent d’un projet de loi dont l’incidence serait d’imposer la connaissance du néerlandais aux greffiers des Conseils de Prud’hommes, en Wallonie. Connu pour sa modération et sa sagesse, Émile Dupont exprime ainsi une profonde exaspération, personnelle et collective. Depuis 1897, il ne cesse de mener bataille contre les revendications du mouvement flamand qui sont amenées au Parlement par le Parti catholique. En 1898, Émile Dupont avait dû se plier à la majorité qui imposa la loi dite d’Égalité, et qui donnait au texte flamand des lois une valeur égale au texte français. D’autres revendications similaires étaient venues au Parlement et, en 1910, poussé par la Ligue wallonne de Liège dont il est le président d’honneur et où Julien Delaite défend depuis plusieurs années l’idée de la séparation administrative, le vénérable sénateur Dupont clame son ras-le-bol.

Docteur en Droit de l’Université de Liège (1858), protégé de Joseph Forgeur, membre-fondateur du Jeune barreau de Liège (1861), avocat-conseil pour la ville de Liège (1876) comme pour de nombreuses sociétés industrielles, notamment les armuriers liégeois, président de la Fédération des Avocats belges, et bâtonnier au Barreau liégeois à quatre reprises, il était entré en politique dès 1862 quand il avait été élu conseiller provincial. Deux ans plus tard, toujours comme représentant des libéraux de l’arrondissement de Liège, il passait à la Chambre des Représentants (11 août 1864-18 octobre 1890), avant d’entrer à la Haute Assemblée, le 18 novembre 1890, pour remplacer le comte de Looz-Corswarem. Président de la Commission de la Justice, vice-président du Sénat au nom des gauches libérales, ce libéral doctrinaire et catholique pratiquant se fit le défenseur du vote capacitaire, ne se ralliant qu’en 1911 au suffrage universel pur et simple, par discipline de parti. Ministre d’État (1907), membre des Amitiés françaises dès leur création, à Liège, Émile Dupont avait résolu, à la fin de sa vie, la question du devenir de la Belgique. Comme l’idéal des révolutionnaires de 1830 n’était plus respecté, il fallait en revenir à « la question des origines » et étudier les nouvelles conditions d’une séparation administrative.

Avant Jules Destrée, Émile Dupont faisait figure de leader du mouvement autonomiste wallon. En 1905, il avait été le président d’honneur du Congrès wallon organisé à Liège. Peut-être aurait-il été le premier président de l’Assemblée wallonne, le 20 octobre 1912, si une pneumonie ne l’avait emporté au printemps de la fameuse année.
 

 

Mandats politiques

Conseiller provincial de Liège (1862-1864)
Député (1864-1890)
sSnateur (1890-1912)
 

Sources

Alain COLIGNON, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 531
Francis COLLETTE, Nouvelle Biographie nationale, t. 5, p. 137-139
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 198
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 346, 419
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995

Destrée Jules

Militantisme wallon, Politique

Marcinelle 21/08/1863, Bruxelles 02/01/1936

Considéré comme l’éveilleur de la conscience wallonne en raison notamment de La Lettre au roi sur la séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre et de sa présidence de l’Assemblée wallonne (1912), Jules Destrée fut aussi l’un des tout premiers socialistes élus au Parlement (1894) et désignés comme ministre (1919).

Docteur en Droit de l’Université libre de Bruxelles (1883), stagiaire chez Edmond Picard, Jules Destrée fréquente les écrivains de la Jeune Belgique, ainsi que des peintres et sculpteurs (1885-1886), mais ce sont les événements de 1886 qui orientent à tout jamais la vie de l’esthète bourgeois. Touchant l’ensemble du bassin industriel wallon, les émeutes de la misère ouvrière sont réprimées avec violence et le jeune avocat est appelé à défendre l’un des syndicalistes de l’Union ouvrière ; sans succès. Par contre, il fait acquitter les suspects du pseudo « Grand Complot », traînés devant les Assises (1889). Il franchit un pas supplémentaire en s’engageant sur le terrain politique. 

Soutenant les ouvriers en lutte pour le suffrage universel, il crée la Fédération démocratique de Charleroi en 1892 et, en 1894, à l’occasion des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural, il figure parmi les 28 premiers parlementaires du POB, tous élus en Wallonie. Les électeurs de l’arrondissement de Charleroi lui feront régulièrement confiance jusqu’à son décès, en 1936. Auteur avec Émile Vandervelde – qu’il a connu à l’ULB – de l’ouvrage Le Socialisme en Belgique (1898), Jules Destrée s’affirme comme l’un des ténors du socialisme wallon, défenseur du suffrage universel, d’une législation sociale et de l’instruction obligatoire. Ses interventions parlementaires sont unanimement saluées. Son souci de lutter contre l’injustice l’amène à prendre position en faveur de l’égalité entre Flamands et Wallons.

L’affirmation du sentiment wallon chez Destrée apparaît comme une réponse à une dynamique belge et flamande, injuste et oppressante pour les Wallons. Il répétera de façon constante et incessante son souci de voir la Belgique se maintenir malgré l’originalité de ses composantes, mais il affirme son identité wallonne et son appartenance à la civilisation française. Faire prendre conscience d’elle-même à la Wallonie, s’appuyer sur la France et sa culture, rendre l’autonomie aux communes et aux provinces sont ses objectifs lorsqu’il accepte de patronner les manifestations culturelles et artistiques de l’Exposition de Charleroi (1911), lorsqu’il fonde et préside la Société des Amis de l’art wallon (1911-1936), et lorsqu’il écrit la Lettre au Roi (15 août 1912). Quand est créée l’Assemblée wallonne (1912), premier Parlement informel de la Wallonie, Jules Destrée est désigné à sa tête comme secrétaire général (1912-1914, 1919) : son objectif est d’étudier la meilleure formule de décentralisation, voire de fédéralisation de la Belgique afin de défendre les intérêts wallons.

Durant la Grande Guerre, chargé de mission par le gouvernement belge en exil, le socialiste contribue au ralliement de l’Italie dans le camp des alliés. À Pétrograd, le ministre plénipotentiaire établit un contact avec les forces socialistes antibolchéviques. Au lendemain de l’Armistice et des premières élections au suffrage universel, le POB est associé pour la première fois à un gouvernement. Jules Destrée est désigné comme Ministre des Sciences et des Arts (1919-1921) et, en peu de temps, fait adopter une série de mesures de protection des artistes et de leurs œuvres (rénovation du Prix de Rome, création de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises) et d’accompagnement à l’instruction obligatoire (loi sur les bibliothèques) en permettant l’accès gratuit à la culture pour le plus grand nombre.

Ayant quitté la tête de l’Assemblée wallonne quand il devient ministre, Jules Destrée reste attentif à la résolution de la question wallonne et se rallie à l’idée de l’homogénéité linguistique de la Flandre et de la Wallonie, refusant de se mêler des francophones de Flandre. Partisan de la formation d’États-Unis d’Europe, il tente d’apporter une solution au problème des nationalités par le Compromis des Belges - étape vers le fédéralisme - qu’il signe avec le socialiste flamand Camille Huysmans (1929). Ses actions en faveur de la Wallonie, de la culture et du monde ouvrier ne l’empêchent pas d’entretenir ses dons de littérateur. Critique d’art, il rend à de le Pastur ses racines tournaisiennes ou évoque le Maître de Flémalle (1930). Conteur (Les Chimères, 1889), il parle aussi de lui-même (Mons et les Montois, 1933). Politique, il alimente la pensée socialiste (Introduction à la Vie socialiste, 1929), relate ses expériences (Les fondeurs de neige, 1920) ou livre ses réflexions (Wallons et Flamands, 1923).

Sources

Philippe DESTATTE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. II, p. 483-490
Philippe DESTATTE, Destrée, Extrait de Hervé HASQUIN (dir.), Dictionnaire d’histoire de Belgique, Vingt siècles d’institutions, Les Hommes, les faits, Bruxelles, Didier Hatier, 1988, p. 157-158
Georges-H. DUMONT, dans Nouvelle Biographie nationale, Bruxelles, t. V, p. 117-123

Mandats politiques

Député (1894-1936)
Conseiller  communal de Marcinelle (1904-1910)
Échevin (1904-1910)
Ministre des Sciences et des Arts (1919-1921)

Delaite Julien

Militantisme wallon, Politique

Liège 30/01/1868, Liège 01/09/1928

Pharmacien et chimiste formé à l’Université de Liège (1894), directeur d’un laboratoire d’analyses chimiques agréé par l’État, Julien Delaite se passionne également pour l’étude du dialecte wallon. Membre titulaire de la Société liégeoise de Littérature wallonne dont il assume le secrétariat de 1889 à 1905, il participe au renouveau dialectal et, dans le prolongement, donne une dimension à son engagement politique dans les rangs du parti libéral. Président fondateur de la Ligue wallonne de Liège, le 9 mai 1897, président des congrès wallons de 1905, 1912 et 1913, il réfléchit très rapidement à une formule fédéraliste pour résoudre la question belge et l’adopte résolument à partir de 1912. Il est l’un des premiers militants wallons à rédiger un projet fédéraliste. 

En 1912, à la suite du Congrès wallon de juillet dont il est le principal organisateur et après la Lettre au roi, il relève le défi de Jules Destrée visant à créer le premier parlement pour la Wallonie. Membre fondateur de l’Assemblée wallonne, il est l’un des délégués de Liège (1912-1914, 1919-1921) Il est aussi conseiller communal de Liège et conseiller provincial (1904-1921). Durant la Première Guerre mondiale, respectant la trêve de l’Union sacrée, Julien Delaite n’exerce aucune fonction au sein du Mouvement wallon et ne prend aucune position publique. Rejoignant l’Action wallonne et son programme fédéraliste après la guerre, homme d’action et de réflexion, Julien Delaite doit incontestablement être considéré comme un des pères du mouvement wallon.

Sources

CARLIER Philippe, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I, p. 429-430
Un siècle de projets fédéralistes pour la Wallonie. 1905-2005, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 2005
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Économie, Société), Bruxelles, t. II, p. 194
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV, p. 482
PIRON Maurice, Biographie nationale, 1956-1957, t. 29, col. 530-533

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1904-1921)
Conseiller provincial (1904-1921)