Le Congrès national wallon des 20 et 21 octobre 1945

Durant la guerre, des mouvements wallons de résistance sont unanimes lorsqu’il s’agit de se défaire du joug nazi mais les notes sont discordantes quand il faut présenter un projet politique commun pour la Wallonie à l’heure de la Libération. Pour construire un consensus, le mouvement Wallonie libre, créé en juin 1940, propose d’organiser, dès la libération venue, un Congrès qui définirait ce projet. Les 20 et 21 octobre 1945, le Congrès national wallon organisé à Liège est le premier grand rendez-vous de toutes les forces vives de la Wallonie libérée et consciente de son identité. Il va permettre à toutes les opinions de s’exprimer, les plus radicales comme les plus modérées. Plus d’un millier de personnes sont présentes.
Quatre solutions seront proposées au vote des congressistes qui ont le loisir de les défendre, discuter et argumenter :
- le maintien de la structure unitaire de la Belgique avec des modifications plus ou moins importantes dans l’appareil constitutionnel ou légal ;
- l’autonomie de la Wallonie dans le cadre de la Belgique ;
- l’indépendance complète de la Wallonie ;
- la réunion de la Wallonie à la France.
Un double vote est officiellement prévu. Le premier qualifié de sentimental permettra aux congressistes de laisser parler leur cœur. En effet, sur 1048 votants, il y a :
- 17 voix en faveur de la première solution - le maintien de la structure unitaire de la Belgique avec des modifications plus ou moins importantes dans l’appareil constitutionnel ou légal ;
- 391 voix en faveur de l’autonomie de la Wallonie dans le cadre belge ;
- 154 voix en faveur de l’indépendance complète de la Wallonie ;
- 486 voix en faveur de la réunion de la Wallonie à la France.
Après de nouveaux débats, c’est à main levée qu’une proposition favorable au projet fédéraliste est approuvée (à l’unanimité moins 12 voix). Ce second vote sera présenté comme un vote de raison. Une commission sera créée au sein du Congrès national wallon afin d’étudier les modalités du fédéralisme ainsi retenu. Le Congrès national wallon s’entoure de juristes et rédige un projet de réforme institutionnelle visant à introduire le fédéralisme en Belgique. Une proposition de loi est déposée à la Chambre en 1947 mais elle est rejetée sous prétexte qu’aucune modification institutionnelle ne peut intervenir en période de Régence. Le combat pour l’instauration du fédéralisme sera encore long.

Références
Pôle Recherche et Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Confirmation de la frontière linguistique par la loi sur l’emploi des langues en matière administrative (1921)

Dès la signature de l’Armistice et le retour des gouvernement et parlement belges à Bruxelles, toutes les dispositions prises par les Allemands sont supprimées et le statu quo ante bellum est rétabli. Les questions liées à l’emploi des langues et les revendications régionales ne disparaissent cependant pas. À l’heure où plusieurs projets wallons de type fédéral retiennent la frontière linguistique comme ligne de partage entre des régions à créer, le député flamand Van Cauwelaert prend l’initiative d’une nouvelle proposition de loi destinée à régir l’emploi des langues en matière administrative. Abrogeant finalement la loi de 1878 dont elle maintient les principes pour leur donner davantage d’impact, la loi adoptée en juillet 1921 garde le critère des limites provinciales, réduit la zone bruxelloise à l’agglomération et non plus à l’arrondissement, et définit, cette fois, la région administrative où il devra être fait exclusivement usage de la langue française. Elle ajoute cependant un nouveau critère, lié aux résultats du volet linguistique du recensement.
Depuis 1910, en effet, deux nouvelles questions ont été introduites dans la rubrique des « langues parlées » du recensement décennal. Le « recensé » doit d’abord indiquer quelle(s) langue(s) nationale(s) il sait parler (français, flamand et allemand). Ensuite, s’il est « plurilingue », il doit préciser « la langue employée le plus fréquemment ». En dépit des multiples interprétations que l’on peut faire de cette expression, les statistiques linguistiques sont utilisées comme instrument par le législateur, pour la première fois, en 1921. En effet, s’il apparaît que la langue majoritairement parlée n’est pas celle du groupe linguistique auquel la (nouvelle) loi les rattache, le conseil communal concerné a le droit de décider du choix de la langue pour ses services extérieurs et la correspondance.
Contournant l’obstacle déjà rencontré par la loi de 1878 (les limites des provinces ne prennent pas en compte la dimension linguistique), la loi de 1921 introduit le principe du bilinguisme dans les provinces wallonnes, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Du côté wallon, le mécontentement sera considérable. Si elle contribue à définir « la région administrative de langue française » par référence aux limites des provinces et arrondissements wallons, la loi s’écarte des critères retenus depuis 1889 et de la définition de la Wallonie formulée par Albert Mockel.

Références
La loi est votée à la Chambre le 29 juillet janvier 1921 et au Sénat le 15 mai 1921, avant d’être promulguée le 31 juillet. Elle paraît au Moniteur belge, le 12 août 1921, n°224, p. 6566-6568.


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Première reconnaissance du principe de la séparation administrative (1878)

En 1876, à l’initiative du député catholique anversois Jan Delaet, une proposition de loi vise à faire du flamand la langue administrative des communes et des provinces de la région flamande, dans leurs relations entre elles, avec le public et l’État. La définition du territoire administratif concerné est l’objet de vives discussions au Parlement et l’on s’accorde finalement à reconnaître, dans la loi du 24 mai 1878, une région administrative flamande où prévaut désormais une forme de bilinguisme qui privilégie nettement le flamand. Elle est constituée par les provinces d’Anvers, de Flandre occidentale, de Flandre orientale et de Limbourg, ainsi que des arrondissements de Louvain et Bruxelles. Un statut particulier est instauré pour l’arrondissement de Bruxelles, où l’emploi du français reste privilégié, mais où particuliers et communes ont le droit de demander que leur correspondance soit en flamand.
Par soustraction apparaît dès lors une région administrative wallonne où seule la langue française est de rigueur. Ce « solde » n’est pas mentionné dans le texte de la loi et le territoire administratif n’apparaît que par défaut : l’espace wallon est constitué par les provinces de Hainaut, Liège, Luxembourg, Namur, ainsi que par l’arrondissement de Nivelles.
Dès ce moment surgit le problème des communes où domine le français mais située dans une province flamande, et des communes où une majorité de citoyens pratiquent le flamand mais situées dans une province qui n’est pas flamande. Ces situations ne sont pas prises en compte par le législateur à ce moment.

Référence
Votée à la Chambre le 8 mai 1878, au Sénat le 15 mai, la loi paraît au Moniteur belge du 24 mai 1878, n°144

 


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)