Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Jean FROISSART

Située sur la place principale de Chimay, une statue en pierre rend hommage à Froissart. Né à Valenciennes vers 1337, ce poète, historien et chroniqueur est en effet décédé à Chimay au début du XVe siècle (entre 1404 et 1410). Issu d’une famille de marchands installés dans le Hainaut depuis plusieurs générations, Jean ou Jehan Froissart a bénéficié d’une instruction sérieuse et dispose d’un don, celui de jouer aisément avec les mots, aussi bien dans l’écriture que dans l’expression orale. Fréquentant les milieux mondains de son temps, il ne tarde pas à en raconter les histoires, les anecdotes comme les faits plus sérieux. Voyageant d’une cour à l’autre, le trouvère wallon se fait conteur et chroniqueur, tout décrivant consciemment ou non une certaine décadence féodale. De 1370 jusqu’en 1400, il va rédiger en moyen français des Chroniques de France, d’Angleterre et des païs voisins, qu’il remaniera sans cesse. Entré en religion dans les années 1370, il trouve en Guy II de Châtillon, comte de Blois, un protecteur qui lui permet de devenir chanoine de Chimay et de bénéficier des avantages de la charge (1384-1391). La tradition place sa sépulture à l’intérieur de la chapelle Sainte-Anne dans l’église de Chimay. Prolixe chroniqueur de l’époque médiévale, Froissart a traversé les siècles en demeurant un personnage de référence par les qualités de ses multiples facettes.

Par conséquent, Froissart a été très rapidement considéré comme l’un des personnages historiques de référence du jeune État belge né en 1830, et intégré à son panthéon. Il figure parmi les premières personnalités à être statufiées. En 1845, en effet, l’artiste Jean-Joseph Jaquet (1822-1898) présente au Salon de Bruxelles le modèle du monument Froissart destiné à être implanté à Chimay. Formé à l’Académie d’Anvers, puis élève de Louis Jehotte à l’Académie de Bruxelles (1839-1840), Jaquet se perfectionne dans l’atelier de Guillaume Geefs. Présent au Salon de Bruxelles de 1842, il expose onze pièces à celui de 1845, dont son monument Froissart qui sera installé et inauguré en 1848 sur la grand place de Chimay. Reconnu comme statuaire officiel, Jaquet fera toute sa carrière en répondant aux multiples commandes des autorités publiques, du gouvernement comme des municipalités, en Belgique comme aux Pays-Bas. Plus de 300 statues et une trentaine de bustes sont à mettre à son actif, dont le Baudouin de Constantinople, à Mons. D’initiative, l’artiste se laissera inspirer par des sujets mythologiques ou multipliera les allégories, recourant au bronze, au marbre ou à la pierre. Professeur de sculpture d’après la figure antique, Jaquet succède à Jehotte comme professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1863-1898), et obtient aussi le cours de sculpture d’ornement (1888-1898).

La statue de Froissart est placée sur un très haut socle en pierre, constitué en plusieurs niveaux, entouré au sol par une petite barrière. À la fin des années 1990, le réaménagement de la Grand Place chimacienne, située sur l’importante N53, fait naître le projet d’un déplacement de la statue Froissart, mais finalement c’est la chaussée qui est aménagée pour tenir compte de la présence de l’imposant monument.

À Froissart, Valenciennes dédiera aussi un imposant monument ; dans la cité française, l’idée avait été suggérée en 1834, mais ce n’est qu’en 1846 qu’elle fait l’objet d’un suivi concret, l’inauguration de la statue en marbre se déroulant en 1856.

 

Sources

Richard Kerremans, dans Jacques Van Lennep (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 458-459

Jules Stécher, dans Biographie nationale, t. VII, col. 317-339

Maurice Wilmotte, Froissart, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1943, coll. Notre Passé

Place du Faubourg (dite Place Froissart)
6460 Chimay

carte

Paul Delforge

Froissart Jean

Académique, Histoire

ou Jehan

Valenciennes 1337, Chimay entre 1404 et 1410

Poète ou historien, chanoine ou amateur de la vie de cour, Jean Froissart présente cette singulière particularité d’être resté à travers les siècles un personnage de référence par les qualités de ses multiples facettes, dont la principale reste d’être le plus prolixe chroniqueur de l’époque médiévale.

Implantés depuis plusieurs générations à Beaumont en Hainaut où ils sont connus comme marchands et « changeurs »,  les Froissart comptent une branche de marchands installés à Valenciennes ; c’est là, dans le sud du Hainaut, que Jean Froissart passe sa jeunesse, vivant dans l’aisance et recevant une formation sérieuse. Très vite inspiré par les plaisirs de la vie, il excelle dans la poésie courtoise et la multiplication de ses écrits lui valent la protection de gens de cours, d’abord dans le comté de Hainaut. L’Espinette amoureuse, court roman en partie autobiographique, est particulièrement réussi.

Rimaillant avec aisance et légèreté, Froissart est aussi capable de narrer des sujets plus sérieux et devient ainsi davantage « historien » déjà à partir de 1357. Sa prose est imagée et rend compte de son époque grâce à une multitude de détails qui, sans être toujours très précis, sont généralement le fruit de ses propres « enquêtes ». Vers 1361, il semble avoir rejoint Philippa de Hainaut à Londres ; c’est en tout cas le moment où il présente un « poème » historique relatant la bataille de Crécy (de 1346), et où il célèbre ainsi l’héroïsme de Jean l’Aveugle, oncle de la reine… Attaché à la cour d’Angleterre, protégé de Philippa, le trouvère wallon se fait conteur et chroniqueur. De ses multiples participations à la vie fastueuse de l’époque, il nous donne des descriptions de faits, de lieux et de personnes de toute première main. À la fois historien, reporter, messager, explorateur et écrivain, il continue à composer des poèmes et des romans, et entame la rédaction de chroniques reflétant ses impressions de voyages. Après six années passées en Angleterre, il séjourne en France, revient dans sa province, repart en Italie, fréquentant durant toutes ces années la haute société de son temps, décrivant consciemment ou non une certaine décadence féodale.

Fatigué de sa vie mondaine et d’errance, Froissart est résolu, en 1372, à entrer en religion. Grâce à la maison de Brabant, il parvient à bénéficier de la jouissance de la riche cure de Lestines (aujourd'hui Estinnes-au-Mont et Estinnes-au-Val), entre Mons et Binche (1373-1383), sans pour autant diminuer son train de vie ni ses dépenses. Poursuivant ses écritures, il reste sollicité par les princes des environs qui souhaitent sa plaisante compagnie lors de leurs fêtes. Après avoir bénéficié du patronage du duc Wenceslas de Bohême à la cour de Brabant, Froissart trouve un nouveau protecteur auprès de Guy II de Châtillon, comte de Blois, qui lui permet de devenir chanoine de Chimay et de bénéficier des avantages de la charge (1384-1391). Tout en lui ouvrant de nouvelles portes de châteaux, en France comme dans les provinces du nord, le comte de Blois est encore celui qui encourage Froissart à mettre de l’ordre dans ses multiples écrits ; comme Gaston Fébus, Aubert de Bavière et Guillaume d’Ostrevant pourvoiront aussi à ses besoins matériels.

De nouveaux voyages attendent encore Froissart, dans les cours comme sur les champs de bataille, lors de mariages, de conférences diplomatiques ou du siège militaire de cités. Par ses récits, Froissart est une source incontournable pour appréhender les premières décennies de la Guerre de Cents Ans. De 1370 et jusqu'en 1400, il a en effet rédigé en moyen français des Chroniques de France, d'Angleterre et des païs voisins, qu'il remaniera sans cesse. Couvrant les années 1327 à 1400, elles relatent les événements depuis l'avènement d'Edouard III d'Angleterre jusqu'à la mort de son petit-fils Richard II.

Vers 1395, Froissart repart pour l’Angleterre, mais le « gentil trouvère de Windsor » des années 1360 est totalement dépaysé et s’en revient vite sur « ses » terres. Il semble passer ses dernières années au cloître de Sainte-Monegonde, dont il est chanoine-trésorier, toujours grâce à Guy de Blois : il y remanie et perfectionne son œuvre. La tradition place sa sépulture à l'intérieur de la chapelle Sainte-Anne dans l'église de Chimay.

Si ses chroniques émergent de son œuvre abondante, Froissart laisse aussi des poèmes et des romans, où émergent Meliador – dernier roman du cycle arthurien qui n’eut guère de succès à son époque –, Le joli Buisson de Juvence, La Prison amoureuse, autant de divertissements de rhétorique courtoise, à travers lesquels se décalquent les événements de son temps. Si certaines descriptions du pays wallon se retrouvent dans ses écrits, les spécialistes relèvent également des tournures langagières inspirées des parlers wallon et picard.

Sources

Jules STÉCHER, dans Biographie nationale, t. VII, col. 317-339
http://www.arlima.net/il/jean_froissart.html (s.v. mai 2013)
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 180
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. I, p. 146-148, 177, 179-183
Maurice WILMOTTE, Froissart, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1943, coll. Notre Passé

Œuvres principales

Courte énumération de l’œuvre de Froissart
Le paradys d'Amour, 1361-1362
Le débat du cheval et du lévrier, 1365
L'orloge amoureus, 1368
L'espinette amoureuse, 1369
La prison amoureuse, 1371-1373
Le joli buisson de jeunesse, 1373
Le dit don florin, 1389
Meliador, 1362-1369, revu en 1381-1382
Chroniques de France, d'Angleterre et des païs voisins

Sous l’Ancien Régime - et particulièrement durant les guerres de religion - nombreux sont les Wallons qui émigrent pour des raisons financières, culturelles ou spirituelles. D’Amérique en Chine, en passant par la France, la Suède et l’Égypte, plusieurs d’entre eux ont ainsi marqué de leur empreinte indélébile leur pays d’accueil. Retrouvez ici leurs parcours et leurs réalisations emblématiques qui, aujourd’hui encore, témoignent de leur savoir-faire.