Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Louis Rademecker

Buste à la mémoire du commissaire et résistant Louis Rademecker, réalisé par Marceau Gillard, 26 janvier 1974. 

Sur la façade du commissariat de police situé rue Hullos, à Liège, émerge un monument dédié à Louis Rademecker. Il s’agit d’un buste sculpté par Marceau Gillard, posé sur une longue pierre bleue rectangulaire et placé dans un aménagement spécifique de la façade ; sur le socle, une petite plaque en bronze indique :

LOUIS RADEMECKER
COMMISSAIRE DE POLICE
MORT EN HÉROS À LA CITADELLE DE LIÈGE
LE 14 MARS 1943

En dessous, sur le socle, les mots suivants sont gravés en relief dans le marbre noir :

MIEUX VAUT MOURIR
DEBOUT
QUE VIVRE A
GENOUX


Cette inscription a été gravée par le maître marbrier Delferrière.

Au sortir de la Grande Guerre, Louis Rademecker (Liège 1895–1943) était entré au service de la Sûreté de l’État ; envoyé en Allemagne, il a fait partie de l’armée belge d’occupation en tant qu’officier de la police judiciaire (1919-1925). Agent de liaison entre services secrets belge et français à Düsseldorf, il perd son emploi lorsque la Sûreté réduit ses cadres. Entré à la police de Liège en juillet 1926, l’agent de 3e classe est promu commissaire-adjoint de 2e classe (1927) et de 1ère classe en 1933. Secrétaire du Commissaire en chef (1931), il est une personnalité respectée sur la place de Liège, comme en témoigne sa désignation en tant que Directeur de l’École de police (1937). Renouant avec ses activités de renseignements lorsque la menace de guerre se précise, Rademecker crée l’Épingle noire, au service de la France. Tentant de contribuer à l’effort de résistance à l’invasion allemande (mai-juin 1940), il revient à Liège durant l’été et est attaché au Parquet de police, tout en étant le chef du secteur Liège-Limbourg du réseau Francis-Daniels. Sa désignation comme Commissaire de police de la 4e division par Joseph Bologne (1941) est rejetée par les autorités d’occupation : la police allemande a d’ailleurs déjà arrêté le policier liégeois pendant quelques jours en octobre 1940. Néanmoins, faisant fonction de commissaire, il dirige le bureau de la rue Hullos quand la Geheime Feldpolizei procède à nouveau à son arrestation. Cette fois, cependant, il est enfermé au secret, dans une cellule de la Citadelle. Il y est torturé et c’est plus que vraisemblablement des suites des sévices endurés qu’il décède le 14 mars 1943. Les Allemands affirmeront qu’il s’est pendu… Des photos souvenirs imprimées à l’époque indiquent qu’il fut abattu par la Gestapo. Les soupçons allemands portent sur les activités clandestines de Louis Rademecker, accusé d’espionnage. Ancien agent du Cinquième bureau français, il était resté en contact avec des officiers français au début de la Seconde Guerre mondiale et le réseau d’évasion qu’il a mis en place vers la France a permis le rapatriement de plusieurs dizaines de prisonniers de guerre français évadés, ainsi que des aviateurs anglais ; il travaillait aussi pour Luc-Marc. Par ailleurs, dès 1941, il avait contribué à la création d’une association d’aide et de solidarité à l’égard des familles des policiers ; à l’origine, il s’agissait d’aider les proches des policiers prisonniers, en fuite ou déportés ; elle étendra ses activités à d’autres catégories de patriotes résistants et les maintiendra en les diversifiant après la Libération.

En 1991, « L’œuvre Louis Rademecker » fêtait ses 50 années d’existence avec faste et elle reste active à l’approche de ses 75 ans. Chaque année, le monument Rademecker est fleuri à l’occasion de la journée commémorative organisée par les associations patriotiques et par le Comité des Fastes de la Police liégeoise.

Après la Libération, Louis Rademecker a droit à des funérailles officielles grandioses (19 juillet 1945). L’œuvre qui porte son nom inaugure un monument en 1946 en l’honneur des policiers liégeois décédés, mais il faut attendre janvier 1974 pour qu’un monument soit exclusivement consacré à Louis Rademecker ; il est l’œuvre de Marceau Gillard.

Né en France de parents wallons (Louvroil 1904 – Liège 1987), Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de dessin à l’Académie de Liège avant d’opter aussi pour la sculpture, où il devient l’élève d’Oscar Berchmans. Il se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 20), décorateur de théâtre, il devient professeur dans le réseau provincial liégeois (1931-1949) à Seraing, puis à Huy ; après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il devient professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond à des commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (« Naissance de Liège » – 6 mètres) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale. À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale.

Sources

Emmanuel DEBRUYNE, La guerre secrète des espions belges 1940-1944, Bruxelles, Racine, 2008, p. 24
Coeurs belges, avril 1951, n°4, p. 3-4 (reproduisant un article du 3 mai 1944)
http://www.bel-memorial.org/cities/liege/liege/liege_stele_rademecker.htm 
Cédric VRANKEN, La police communale de Liège pendant la Seconde Guerre mondiale, Université de Liège, département des sciences historiques, année académique 2013-2014, inédit, p. 179-193, 332-333
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 626-627
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 94-95

 

Buste Louis Rademecker (Liège)


 

 

Rue Saint-Laurent 79
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Mémorial Maurice DESTENAY

Mémorial Maurice Destenay, réalisé par Marceau Gillard, 29 septembre 1975 ; circa 1976.

Située place des Carmes, du côté du bâtiment de l’Athénée de Liège Ie un mémorial est dédié à Maurice Destenay (Tilleur 1900 – Liège 1973), personnalité libérale importante de la vie politique liégeoise puisqu’après avoir été député et échevin, il devient le bourgmestre de la plus grande ville de Wallonie de l’époque, en l’occurrence entre 1963 et 1973. Très vite après sa disparition, ses amis se réunissent pour lui ériger un monument qui prend place dans l’espace public. Avec un médaillon réalisé sobrement par Marceau Gillard (Louvroil 1904 – Liège 1987), le mémorial Destenay est inauguré en 1975 en même temps que son nom est attribué à l’un des grands boulevards de la cité.

Ayant connu la Grande Guerre durant son adolescence, Maurice Destenay mène une carrière d’instituteur durant tout l’Entre-deux-Guerres, tout en exerçant des responsabilités au sein du Parti libéral ; mobilisé en 1939-1940, ce lieutenant est fait prisonnier de guerre à la suite de la Campagne des 18 Jours et va connaître une captivité de 5 ans similaire à celle de près de 65.000 autres Wallons de sa génération. Actif dans l’action wallonne, il va mener une carrière politique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. 

Ancien président des Jeunesses libérales, opposant affirmé au retour de Léopold III, le député de Liège ne devient pas ministre, mais, désigné à la présidence nationale du Parti libéral (1954-1958), il se flatte d’avoir été l’un des auteurs du fameux Pacte scolaire. Sans doute est-ce la raison de sa désignation comme Ministre d’État en 1966. Conseiller communal (1952), échevin de l’Instruction publique et des Sports (1953-1964), il prend plusieurs initiatives depuis l’hôtel de ville de Liège pour défendre la Wallonie et la langue française. Fédéraliste affirmé, défenseur des Fourons au début des années 1960, il remplace Auguste Buisseret à la tête de la ville de Liège tout en continuant à affirmer des positions wallonnes. Il est le dernier maire libéral de la cité liégeoise, qui s’est largement agrandi après la fusion des communes de 1976.

Durant son maïorat, la ville de Liège était entrée dans une période de grands travaux, selon un plan directeur faisant la part belle aux grandes voies de pénétration vers le centre-ville. Dès lors, le nom de Destenay fut donné à la nouvelle avenue reliant le bord de Meuse au boulevard d’Avroy. Son mémorial y fut aussi inauguré à un endroit particulièrement visible, à l’heure des Fêtes de Wallonie. Cette visibilité s’est singulièrement restreinte quand d’importants travaux justifièrent son déplacement et son installation à hauteur de la place des Carmes, devenue zone piétonne en 1975. La stèle en pierre bleue originale n’a subi aucun changement au cours de ce transfert. Avec ses lignes droites et très simples, la stèle accueille un médaillon réalisé par Marceau Gillard et porte l’inscription suivante :

M. DESTENAY
BOURGMESTRE
           DE LIÈGE
MINISTRE  D’ETAT
  1900-1973

Mémorial Maurice Destenay

En 1974 déjà, Gillard avait reçu commande d’une médaille présentant le profil droit de Maurice Destenay ; Jean Lejeune l’avait jugée « digne des médailleurs liégeois du grand siècle » ; pour le mémorial, il adapte son œuvre et livre une stèle de facture très classique, répondant parfaitement au genre officiel que constitue l’exercice auquel il s’est déjà livré ou se livrera encore pour représenter ou honorer Hector Clockers, Edmond Cathenis, Jean Lejeune, Edgard Scauflaire, Constant Burniaux, Jules Jaumotte et d’autres encore, soit dans l’espace public, soit dans l’espace fermé de cimetières.

Né en France de parents wallons, Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de dessin à l’Académie de Liège avant d’opter aussi pour la sculpture, où il devient l’élève d’Oscar Berchmans. Il se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 20), décorateur de théâtre, il devient professeur dans le réseau provincial liégeois (1931-1949) à Seraing, puis à Huy ; après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il devient professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond surtout à des commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (« Naissance de Liège » – 6 mètres) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale. À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale. 

 

Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 482-483
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 193-196
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 626-627
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 125

Avenue Destenay
Place des Carmes
4000 Liège

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Paul Delforge

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Gillard Marceau

Culture, Sculpture

Louvroit (Nord-Pas de Calais) 4/12/1904, Liège 28/03/1987


Souvent considéré comme le disciple d’Oscar Berchmans, attiré en même temps par le portrait et la sculpture monumentale, Marceau Gillard occupe incontestablement les premiers rangs de la tendance réaliste en sculpture, la nature et la tradition ayant été constamment ses guides. Pour Joseph Philippe, Marceau Gillard est un des éminents représentants de l’École liégeoise de sculpture.

Né en France, Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, mais ne conserve pas le meilleur souvenir d’Oscar Berchmans auquel, pourtant, les critiques d’art le rattachent de manière immuable. En fait, au sortir de la guerre, il suit des cours de dessin, en soirée, à l’Académie de Liège, tandis qu’en journée, il est apprenti ouvrier auprès de Désiré Poissinger… son professeur de dessin. Optant ensuite pour la sculpture, il devient l’élève d’Oscar Berchmans et se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 1920), décorateur de théâtre, Marceau Gillard devient professeur dans le réseau d’enseignement provincial liégeois ; il enseigne la sculpture, en 1931, à l’Institut provincial d’enseignement technique de Seraing, puis à Huy. 

Après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il est nommé professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre actif de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin.

Trouvant ses pères spirituels auprès d’Antoine Bourdelle, Aristide Maillol, voire Henry Moore et Alberto Giacometti, Gillard s’attaque à toutes les matières, réalise des compositions d’inspirations et de styles variés, dont certaines témoignent de son engagement social. Auteur de nombreuses terres cuites, il participe à diverses expositions, le plus souvent avec des amis. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond surtout à de nombreuses commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. 

Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (naissance de Liège – 6 mètres, 1948) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale (début des années 1950). À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale. On lui doit aussi des médailles et des médaillons (Hector Clockers, Edmond Cathenis, Jean Lejeune, Edgard Scauflaire, Maurice Destenay, Constant Burniaux, Jules Jaumotte, Louis Radermecker, Freddy Terwagne, Grégoire Kayibanda, etc.).

 

Sources

Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 361
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995