Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Eugène GODIN

Dans le Parc de l'Avenue Delchambre, à Huy, non loin de l’imposante statue de Joseph Lebeau, un buste tout aussi important rend hommage à Eugène Godin (1823-1886), prospère industriel, protecteur des arts. C’est le même sculpteur qui a réalisé les deux monuments, à trois ans de distance, à savoir le réputé Guillaume Geefs (1805-1883), qui signe sa réalisation par la mention « Gme Geefs/statuaire du roi/Bruxelles » gravée dans le bronze. Formé à l’Académie d’Anvers, le jeune Geefs avait été très rapidement repéré par ses professeurs ; une bourse lui a permis de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il était nommé professeur de sculpture à l’Académie d’Anvers (1833-1840). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France. Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique venait de trouver l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre (ou le bronze) les personnes et les événements les plus illustres du pays. Répondant aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique, il livre à Anvers une statue de Rubens (1840) et à Liège, celle de Grétry (1842), avant de réaliser de nombreuses statues de Léopold Ier, et le Joseph Lebeau des Hutois, avant d’entreprendre le buste d’Eugène Godin (1824-1886).

Directeur et propriétaire principal des papeteries Eugène Godin (1869), ce patron d’industrie développe une importante activité près de la cité hutoise et possède d’importantes participations dans d’autres secteurs économiques et financiers. Avec d’autres familles locales, il fonde notamment le comptoir d’escompte de la Banque nationale à Huy (1855), la Banque populaire de Huy (1865), et est partie prenante lors de la création de la Banque de Bruxelles, dont il est administrateur (1871-1877) ; il est aussi le patron de La Gazette de Huy. Il prend aussi des participations dans les secteurs de la verrerie, de la construction du chemin de fer, de l’assurance, de la Société de Vezin-Aulnoye et dans l’Asturienne des Mines. Conseiller provincial de Liège (1861-1875) et échevin de Huy (1870-1879), il défend le programme du parti libéral ; attentif à la situation sociale de ses nombreux ouvriers, il crée plusieurs écoles, cercles caritatifs et groupes de loisirs. Il préside d’ailleurs une association musicale, la Société d'Amateurs de Huy. C’est cette association qui l'honore de son vivant en commandant, en 1872, un grand buste en bronze à Guillaume Geefs (un buste en marbre est aussi conservé à Huy). Eugène Godin assiste à l’inauguration de l’imposant monument qui lui est dédié.

Car le bronze qui présente un Godin au visage sévère n’est qu’une petite partie de l’ensemble monumental : le buste est en effet posé sur un haut socle (près de 3 mètres) élancé, décoré sobrement dans sa partie supérieure ; à sa base, le socle comprend plusieurs niveaux qui s’intègre, au centre, dans un très large banc précédé d’une esplanade de pierres, à laquelle on accède par trois marches agencées sur toute la superficie de cet sorte de podium. On devine que l’espace devait accueillir les membres de l’association de musique. Le monument est placé dans le parc de l’avenue Delchambre.

 

Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 430 et 434
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 318-319
Jean-Marie DOUCET (dir.), Hommes de fer et de fonte, Huy, 1994, coll. Histoire d’une ville
Michel LAFFUT, Le libéralisme à Huy (1846-1914), Bruxelles, 1968, p. XXVIII
Jacques VANDENBROUCKE, De Godin à Intermills. Histoire de l’industrie papetière à Andenne 1828-1983, Seilles, 1994
Le CLXXVe anniversaire de la fondation des papeteries Godin, Huy, 1932

Parc Delchambre
4500 Huy

carte

Paul Delforge

Godin Eugène

Socio-économique, Entreprise

Huy 18/08/1824, Marchin 03/06/1886

Élevé par ses oncles paternels Alexis et Léopold Godin, Eugène Godin est né dans une famille d’industriels hutois spécialisés dans la papeterie. Son père, Eugène, est décédé en 1830. Rapidement mis au courant des procédés et de la gestion des affaires, Eugène Godin se retrouve à la tête des Papeteries Godin avec son cousin germain Jules Preud’Homme Chaudoir et, ensemble, ils constituent une société en nom collectif, la E-L. Godin et fils, souvent appelée la société Eugène Godin (1869).

Les activités sont florissantes et l’industriel qui est à la tête de plusieurs centaines d’ouvriers est en contact étroit avec d’autres familles bourgeoises (les Delloye, Gillard, Errata) bien introduites dans la banque, la finance et l’industrie. Avec eux, il fonde notamment le comptoir d’escompte de la Banque nationale à Huy (1855), la Banque populaire de Huy (1865), et est partie prenante lors de la création de la Banque de Bruxelles, dont il est administrateur (1871-1877). Il prend aussi des participations dans les secteurs de la verrerie, de la construction du chemin de fer, de l’assurance. Depuis 1858, il est aussi à la tête de la Société de Vezin-Aulnoye et possède des participations dans l’Asturienne des Mines fondée en 1853. Eugène Godin incarne bien l’esprit des patrons wallons du XIXe siècle, dirigeants importants dans un secteur d’activité, investisseurs et financiers dans de nombreuses autres branches industrielles.

Comme ses ancêtres, Eugène Godin s’intéresse à l’aspect social de manière quelque peu paternaliste. Il contribue à l’ouverture d’une école officielle et d’une formation du soir pour adultes ; il soutient les œuvres caritatives et les activités de loisir. En 1863, la Société des Amateurs fait d’ailleurs ériger un monument en l’honneur de son président ; la statue est toujours visible à Huy dans le parc de l’avenue Delchambre.

En 1866, il achète La Gazette de Huy, journal qu’il avait contribué à créer en 1861, qu’il cède à Louis Degrâce et qui lui permet de diffuser davantage ses idées libérales. Conseiller provincial de Liège (1861-1875), conseiller communal de Marchin (1869-1879), Eugène Godin devient échevin de 1870 à 1879 dans cette commune où il avait déménagé en 1868 et où il fait construire un château (au Fourneau, 1875). En 1889, sa veuve fera ériger une chapelle en annexe du château. En 1988, le château a été dévasté par les flammes et a dû être rasé.

 

Sources

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 318-319
Michel ORIS, Une culture économique originale, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), Hommes de fer et de fonte, Huy, 1994, coll. Histoire d’une ville, p. 30-39
Jean-Marie DOUCET, Une dynastie traditionnelle de maîtres de forges, les Delloye, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), op. cit., p. 49-58
Jean-Marie DOUCET, Le temps des ingénieurs : les machines exquises de François Thiry, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), op. cit., p. 49-59
Jean-Marie DOUCET, L’imaginaire social, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), op. cit., p. 94-95
Michel ORIS, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Michel ORIS, dans Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 375
Michel LAFFUT, Le libéralisme à Huy (1846-1914), p. XXVIII, 1968
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jacques VANDENBROUCKE, De Godin à Intermills. Histoire de l’industrie papetière à Andenne 1828-1983, Seilles, 1994
Le CLXXVe anniversaire de la fondation des papeteries Godin, Huy, 1932
http://gw1.geneanet.org/geneahuy?lang=fr;p=eugene+lambert+joseph;n=godin

Godin Louise

Humanisme-Egalité

Namur 19/04/1845, Namur 12/02/1939

Apparentée à la famille des Godin de Huy, Louise Godin est l’arrière-petite-fille de Gilles-Barthélemy, la petite-fille de Joseph-Léonard, une nièce d’Alexis et une cousine d’Eugène Godin, les principaux patrons des papeteries hutoises. Quand elle épouse en 1868, Franz Kegeljan, le couple peut se permettre de vivre en rentiers ; son beau-père est un banquier bien connu sur la place de Namur et sa dote est bien fournie. Franz Kegeljan peut s’adonner à sa passion, la peinture. Déjà propriétaire du château Vailon à Profondeville, le couple se fait construire un hôtel particulier, en 1878-1880, rue de Fer, au centre de Namur. Henri Beyaert en est l’architecte. Mais la perte de leur seul enfant, Fernand, dans les années 1880, pousse Louise Godin à développer davantage ses activités caritatives.

Avec l’aide de son beau-père, elle fait construire un hospice à Salzinnes qui est inauguré en 1889. Il est destiné aux enfants rachitiques et atteints de tuberculose osseuse. Déjà active dans de nombreuses œuvres, Louise Godin s’occupera personnellement de cet établissement et souscrira au projet de son beau-père visant à construire l’hôpital Saint-Camille. Agissant dans l’intérêt des nécessiteux et dans la protection de l’enfance, elle se préoccupe particulièrement du sort des jeunes délinquantes, des prostituées et des prisonnières libérées.

Dame patronnesse, présidente de l’Association des Dames de la Miséricorde qu’elle avait contribué à créer en 1887, Prix Blondeau 1910, Louise Godin cède à la ville de Namur, pour un prix très peu élevé, son hôtel particulier de la rue de Fer, pour permettre aux autorités communales de retrouver un nouvel hôtel de ville et remplacer celui qui fut incendié par les Allemands en août 1914.

Si le nom de Fernand Kegeljan est attaché à des lieux de Namur, comme l’Espace qui abrite le siège fédéral du mouvement Écolo, il ne faut pas perdre de vue la part prise par Louise Godin, véritable philanthrope qui marqua son temps. D’ailleurs, une place de Namur porte son nom.

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Françoise JACQUET-LADRIER, Dictionnaire biographique namurois, Namur, Le Guetteur wallon, n° spécial 3-4, 1999, p. 107
Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, 2006, p. 278-279
Vincent BRUCH, Jean BAUDHUIN, Franz Kegeljan, Namur, Les Amis de la Citadelle de Namur, 1986

no picture

Thiry Léon

Ingénieur-inventeur, Socio-économique, Entreprise

Huy 25/08/1886, Huy 17/07/1971

Petit-fils de l’industriel François Thiry, patron d’une société fabriquant des machines destinées à l’imprimerie, Léon Thiry a inventé le silentbloc. Dans le bureau d’études spécialisés de la SA Thiry et Cie, une équipe se penche en permanence sur les moyens d’apporter des améliorations techniques de tout type. C’est en cherchant le moyen d’éliminer le bruit et les vibrations dans les machines à papier qu’un petit cylindre en caoutchouc est mis au point, breveté et commercialisé : ses applications sont encore multiples. À l’origine nom d’un produit, silentbloc a fini par devenir un nom commun.

Sources

Jean-Marie DOUCET, Le temps des ingénieurs : les machines exquises de François Thiry, dans Jean-Marie DOUCET (dir.), Hommes de fer et de fonte, Huy, 1994, coll. Histoire d'une ville, p. 54-55
Le CLXXVe anniversaire de la fondation des papeteries Godin, Huy, 1932
Jacques VANDENBROUCKE, De Godin à Intermills. Histoire de l’industrie papetière à Andenne 1828-1983, Seilles, 1994
http://gw1.geneanet.org/geneahuy?lang=fr;p=leon+marie+francois;n=thiry