Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque Zénobe GRAMME

En raison du succès très important remporté par la souscription publique lancée dès 1903 pour honorer Zénobe Gramme à Liège, le « Comité du Monument Gramme » s’est trouvé pourvu de moyens dépassant ses espérances et lui permettant de faire davantage que l’érection de l’impressionnant monument inauguré à Liège, à hauteur du pont de Fragnée, dans le cadre de l’Exposition universelle. Par conséquent, le Comité s’est tourné vers le village natal de l’inventeur, à savoir Jehay. Ravies de pouvoir honorer leur illustre citoyen né dans le village en 1826, les autorités communales lui consacrent une fontaine et décident aussi d’apposer une plaque commémorative sur sa maison natale. Mais autant était facile de choisir un lieu bien situé pour la fontaine, autant il fut difficile d’identifier la maison de famille où Zénobe-Théophile Gramme était né le 4 avril 1826.

Très précis sur la date, l’acte de naissance ne mentionnait rien de l’adresse de la famille Gramme qui quitta le pays au moment où le jeune garçon avait douze ans. Entre 1838 et 1907, beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts et, en l’absence de sources écrites, rarissimes étaient les témoins susceptibles d’avoir connu les « Gramme ». Seul Olivier Gervalle, un vieillard de la localité, affirma avoir fréquenté l’école en même temps que Zénobe et se souvenir que la maison de famille se situait au n°2 du chemin de la Conterie. Malgré le millésime « 1850 »… qui apparaissait nettement au-dessus du linteau de la porte d’entrée de ladite maison, on fit confiance au souvenir du vieil homme et on inaugura, le 4 août 1907, c’est-à-dire le même jour que la fontaine, une plaque indiquant :

DANS CETTE MAISON EST NÉ
LE 4 AVRIL 1826
ZÉNOBE GRAMME
INVENTEUR
DE LA DYNAMO INDUSTRIELLE

Invitée à la cérémonie, la sœur de Zénobe Gramme (Zoé Gramme fut directrice de l’École normale d’Arlon) fait alors discrètement savoir aux organisateurs de la cérémonie que son frère n’est pas né à cet endroit ; l’endroit où est apposée la plaque était précédemment occupée par une autre maison, plus petite, où vint habiter la famille Gramme en 1833… Cinq ans auparavant, Zénobe était né dans une maison située au coin de la drève du Saule Gaillard (au n°39) et de la ruelle Halain (ou Hallin)… moins d’un kilomètre à vol d’oiseau sépare les deux maisons. Plusieurs fois restaurée et réaménagée, la maison de la rue Saule Gaillard date de 1758.

En dépit des informations acquises lors de l’inauguration de la plaque en août 1907 et après l’événement, l’erreur ne fut jamais corrigée et la plaque commémorative demeura au n°2 du chemin de la Conterie, lui-même rebaptisé – par erreur – rue Zénobe Gramme. Si certaines incertitudes entouraient la naissance du génial inventeur, nul n’ignorait cependant que ce menuisier bricoleur et curieux avait réussi à transformer les lois de la physique en un simple instrument fiable. Après plusieurs brevets divers, Gramme déposait en 1869 celui de son innovation majeure pour une machine dynamoélectrique. Il faisait franchir une étape décisive à l’énergie électrique. À la tête de sa propre société, il parviendra à vendre son « produit » de plus en plus perfectionné à l’industrie et à être reconnu de son vivant pour son invention extraordinaire.

La plaque apposée sur la supposée maison natale est toute de sobriété. Il semble qu’elle soit due, elle aussi, au sculpteur liégeois Émile David (Liège 1871 - ), déjà auteur de la fontaine de la place du Tambour. Formé à l’Académie de sa ville natale avant de prendre la route de Paris pour s’y perfectionner, David était l’un des deux « Liégeois » candidats au Prix de Rome de sculpture 1894, mais ce fut un autre Wallon, Victor Rousseau, formé par des professeurs liégeois de l’Académie de Bruxelles qui fut lauréat. Sculpteur et statuaire, David réalise de nombreux portraits-bustes et médaillons, où l’élément féminin prend une place importante. Son expérience et ses qualités étaient déjà suffisamment établies sur la place de Liège pour que lui soit confié le projet du monument Gramme de Jehay en 1907. Il signe d’autres monuments du même type, essentiellement dans la région liégeoise et sa renommée est grande avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Son nom est cité parmi les artistes susceptibles d’attirer les visiteurs aux Salons d’art de l’époque. On perd totalement sa trace durant la Grande Guerre.

 

Sources

Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 21
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 191
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 292
La Vie wallonne, novembre 1930, CXXIII, p. 82-83

 

Plaque Zénobe Gramme (Jehay)

Chemin de la Conterie 2
Rue Zénobe Gramme 
4540 Jehay

carte

Paul Delforge

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Monument-buste Zénobe GRAMME

En Wallonie, nul n’ignore que Zénobe Gramme est un enfant du pays. Le génial inventeur de la dynamo a fait, très tôt, l’objet d’hommages appuyés. L’inauguration du monument spectaculaire du pont de Fragnée, à Liège, en 1905, dans le cadre de l’Exposition universelle, montrait au monde que celui qui était né à Jehay, avait grandi et appris son métier au pays de Liège avait des racines wallonnes profondes que personne ne pouvait contester. Si les localités ne manquent pas d’attribuer le nom de Gramme à l’une de leur rue, d’autres monuments, plus modestes, viennent encore rappeler les origines de Zénobe Gramme, avant son départ pour Paris où il a déposé, en 1869, le brevet de son innovation majeure, une machine dynamoélectrique. On scrute alors avec attention la biographie de Zénobe Gramme et l’on retient qu’il a appris son premier métier, celui de menuisier, tant à Hannut, qu’à Huy et à Liège.

C’est en mémoire de plusieurs passages du génial inventeur à Huy que les autorités locales prennent l’initiative d’ériger un monument supplémentaire en son honneur. Dans sa jeunesse (vers 1848), Gramme a en effet suivi des cours du soir à l’École industrielle de Huy tout en travaillant comme apprenti chez un menuisier de la région ; plus tard, après son invention, dans les années 1870, il a réalisé une expérience qui marque les esprits. Depuis la pointe de la forteresse, il allume une sorte de phare, projette un faisceau de lumière et balaye la vallée au grand émerveillement de la foule rassemblée. Saisissant l’occasion des cinquante ans de la disparition de l’inventeur et du 125e anniversaire de sa naissance, Huy inaugure un buste en bronze placé au bout de l’avenue Albert Ier, juste devant la gare, sur une place qui porte le nom de l’inventeur. Ce lieu est aussi symbolique car la place qui s’étend devant la gare du nord est l’un des tout premiers endroits de Huy à avoir bénéficié de l’éclairage électrique. Organisée le 19 août 1951 en présence du gouverneur de la province, des recteurs des universités et de nombreuses autres personnalités, l’inauguration donne lieu à d’importantes festivités.

Le monument qui est découvert ce jour-là se présente sous la forme d’un bronze soutenu par un socle en marbre rectangulaire. Sur la face avant ont été sobrement gravés puis dorés les mots suivants :

ZENOBE
GRAMME


1826-1901

Composée de trois blocs de pierre, une haute colonne en forme d’obélisque s’élève derrière le buste et s’achève en pointe. Sur la partie supérieure, tant à l’avant qu’à l’arrière, l’électricité a été stylisée. À l’arrière de la colonne, dans la partie inférieure, l’artiste a représenté de manière allégorique la révolution provoquée par l’invention de l’illustre Zénobe Gramme. Formé à l’Académie de Liège, Guillaume Gueury (Blegny 1910 - ) est professeur dans l’enseignement provincial ; à l’Institut provincial de Huy, Gueury succède à Marceau Gillard au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Professeur d’arts plastiques, il fait partie de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie ; il est membre du groupe des sculpteurs. S’il signe le buste en bronze de Zénobe Gramme (1951), Gueury est plutôt un adepte du grès et de la terre cuite.

 

Sources

Jean PELSENEER, dans Biographie nationale, t. 29, col. 627-634
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 666
Cor ENGELEN, Mieke MARX, Dictionnaire de la sculpture en Belgique à partir de 1830, Bruxelles, août 2006, t. III, p. 1753
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991, p. 3

Monument et buste de Zénobe Gramme

Place Zénobe Gramme
4500 Huy

carte

Paul Delforge

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Monument Zénobe GRAMME

Quelques mois à peine après le décès, à Paris, de Zénobe Gramme, l’association des anciens élèves de Polytechnique et de Centrale, à Paris, fait connaître son intention d’ériger un monument à la mémoire de l’illustre inventeur. Après son invention, le nom de Gramme s’était imposé comme celui d’une marque et l’on en avait fini par oublier que ce nom renvoyait à un génial inventeur qui, en se retirant discrètement, dans la banlieue parisienne n’avait pas facilité l’entretien de sa mémoire. L’idée des Parisiens fait cependant bondir les milieux belges ; plusieurs articles paraissent et Oscar Colson retrace, pour la revue Wallonia, une importante biographie qui insiste sur les racines wallonnes de l’inventeur de la dynamo. Plutôt qu’un comité bruxellois, ce sont des Liégeois qui prennent l’initiative : l’Association des Ingénieurs sortis de l’École de Liège formule, dès août 1903, le projet d’ériger un monument en l’honneur de son illustre membre. Un Comité présidé par Frédéric Nyst – par ailleurs président de l’AILg – lance une importante souscription publique qui parvient à sensibiliser plus d’un millier de communes, de sociétés et de particuliers : ce sont près de 75.000 francs qui sont rassemblées auxquels le gouvernement, la province et la ville de Liège ajoutent de plantureux subsides.

Pourvu de moyens importants, le « Comité du Monument Gramme » (au sein duquel on retrouve notamment le professeur George Montefiore-Levi) peut se permettre d’ériger un impressionnant monument à Liège, d’apposer une plaque commémorative à Jehay et de créer des bourses d’études pour les étudiants de l’École industrielle de Liège. Chacun s’accorde à considérer que l’inauguration du monument liégeois doit s’inscrire dans le cadre de l’Exposition universelle qui se tient alors dans la Cité Ardente. Le monument prend place dans le prolongement du pont de Fragnée lui aussi rénové et inauguré en 1905.

En présence du ministre Gustave Francotte – en charge du Travail –, le bourgmestre Gustave Kleyer exprime la satisfaction de « la Capitale wallonne » d’accueillir un tel monument. Il est à la mesure du génie attribué à Zénobe Gramme puisqu’il comprend trois groupes de sculpture en bronze s’appuyant sur un socle en pierre de très grande largeur : Gramme menuisier, Gramme méditant, vingt ans plus tard.

La partie évoquée ici s’intitule « la dynamo ». Menuisier bricoleur et persévérant, Zénobe Gramme (1826-1901) dépose en 1869 le brevet de son innovation majeure, une machine dynamoélectrique. À la tête de sa propre société, il parviendra à vendre son « produit » de plus en plus perfectionné à l’industrie. C’est à l’inventeur qui a révolutionné le monde que cette partie du monument rend hommage. Sur un socle plus élevé que les deux autres, occupant la position centrale, un autre socle en forme de colonne carrée est surmonté d’un large buste, réalisé en bronze, qui présente Zénobe Gramme en demi corps. Sa main repose sur une dynamo bien visible. Symbolisant une déesse personnifiant la science selon les uns, la porteuse d’électricité selon les autres, une femme se tient à la droite de l’inventeur ; elle tient les palmes glorieuses et « les foudres électriques ».

La réalisation de l’ensemble du monument en revient à l’architecte Charles Soubre (1846-1915) et au sculpteur Thomas Vinçotte (1850-1925). Très tôt intéressé par la sculpture, le jeune Vinçotte a déjà eu la chance de fréquenter l’atelier d’Alexandre et Guillaume Geefs, quand il est admis à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Élève brillant auprès de Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, second au Prix de Rome 1872, il part se perfectionner dans plusieurs ateliers parisiens et les bustes (l’un de P. Orts, l’autre de Giotto) qu’il présente au Salon de Bruxelles en 1875 lui assurent une notoriété définitive. Après deux années en Italie (1877-1879), il répond à de multiples commandes publiques et du Palais royal, tout en poursuivant une œuvre personnelle. En marbre ou en bronze, avec des bustes, des statues, des monuments ou des bas-reliefs, réaliste ou introduisant de la fantaisie, Vinçotte s’impose comme une valeur sûre de son temps, se spécialisant, à partir des années 1880 dans la représentation des chevaux. Originaire de Borgerhout et décédé à Schaerbeek, il a été professeur de sculpture à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts d’Anvers de 1886 à 1921. Quant à Charles (Étienne) Soubre, second fils du compositeur Étienne Soubre, et neveu du peintre Charles Soubre, il est professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Liège depuis 1885. Il a signé les plans de quelques villas bourgeoises essentiellement en région liégeoise (château Peltzer à Verviers, maisons sur les grands boulevards de Liège, etc.) quand il se voit confier la réalisation du monument Gramme avec Vinçotte.

 

Sources

Wallonia, 1902, p. 123-129 ; Wallonia, 1903, p. 261-283 ; Wallonia, 1905, p. 488-492
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 206
Si Liège m’était conté, n°36, automne 1970, p. 11
Suzy PASLEAU, dans Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 205-206
Revue du Conseil économique wallon, n° 42, janvier 1960, p. 78
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 605-609
Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, 2003, p. 515-516
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_%C3%89tienne_Soubre (sv. janvier 2014)

 

Monument Zénobe Gramme

Square Gramme
4000 Liège

carte

Paul Delforge

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Fontaine Zénobe Gramme

Afin d’honorer leur illustre citoyen né dans le village en 1826 et décédé à Paris en 1901, les autorités communales de Jehay n’ont pas tardé à inaugurer une fontaine publique. Dans un style inspiré du XVIIIe siècle, la fontaine en pierre calcaire comporte un médaillon en bronze figurant le profil gauche du célèbre inventeur de la dynamo qui vécut plusieurs années au n°2 d’une rue de Jehay désormais appelée… rue Zénobe Gramme. Sous le médaillon orné de couronnes et lauriers, ont été gravés dans la pierre les mots suivants :

Zénobe Gramme
Inventeur de la dynamo
industrielle
Né à Jehay-Bodegnée
Le 4 avril 1826

Sous l’inscription, un bec délivre de l’eau dans un bac arrondi. À l’arrière de la fontaine, deux plaques en bronze sont insérées dans la pierre. L’une est un bas-relief présentant Z. Gramme à son atelier en train de réfléchir à sa future invention qui apparaît dans la partie supérieure gauche ; en haut à droite, on peut lire sa devise LABOR. En dessous du bas-relief, une plaque donne l’historique du monument et identifie les généreux donateurs de la souscription publique lancée par un comité de particuliers :

« Ce monument élevé
par les habitants de la commune de Jeah-Boegnée
à la mémoire de leur illustre concitoyen
avec le généreux concours
du Comité de la manifestation Gramme-Liège 1905
et de la famille des comtes van den Steen de Jehay
a été inauguré le 4 août 1907 ».

Peut-être faut-il attribuer à Émile Dave, dont la signature apparaît sur le bas-relief arrière l’ensemble de la réalisation.
Quant à Zénobe Gramme, nul n’ignore que le menuisier bricoleur et curieux qu’il était a réussi à transformer les lois de la physique en un simple instrument fiable. Après plusieurs brevets divers, Gramme  dépose celui de son innovation majeure en 1869 pour une machine dynamoélectrique. À la tête de sa propre société, il parviendra à vendre son « produit » de plus en plus perfectionné à l’industrie. C’est à la fois à un patron d’industrie qui a réussi et à un inventeur qui a révolutionné le monde que le monument rend hommage.

 

Sources

Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 21

 

Fontaine Zénobe Gramme

Rue Petit Rivage
Jehay 4540

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Paul Delforge

Berceau de la Révolution industrielle sur le continent européen au XIXe siècle, la Wallonie s’est imposée comme la deuxième puissance économique mondiale, exportant son savoir-faire par-delà les frontières. (Re)découvrez à travers ces pages les grandes étapes de cet essor exceptionnel ainsi que les mutations auxquelles la Wallonie a dû faire face ensuite. Autant d’éléments indispensables pour comprendre la revendication fédéraliste régionale et la Wallonie d’aujourd’hui.

Lenoir Etienne

Conception-Invention

Mussy-la-Ville 12/01/1822, La Varenne Saint Hilaire 03/08/1900

Énoncer les multiples inventions d’Étienne Lenoir revient à lire les pages d’un bottin de téléphone. Le trait est certes exagéré mais, en tentant de cerner le personnage, Jean Pelseneer a réussi à identifier près d’une centaine de brevets déposés par cet autodidacte, né en Gaume et débarqué à Paris à l’âge de 16 ans sans aucune formation scolaire. Illettré, mais capable de percevoir le moyen d’améliorer et de perfectionner des techniques ou des objets, Étienne Lenoir fut bien sûr amené à exercer une multitude de petits métiers pour subsister, avant de trouver sa voie. 

Contrairement à ses illustres contemporains wallons (Gramme, Solvay ou Empain), ni la notoriété ni l’aisance ne vinrent récompenser l’imagination de l’inventeur : pourtant, au milieu du XIXe siècle et au cœur de la Révolution industrielle, Étienne Lenoir apporta une contribution majeure en déposant un brevet « Pour un moteur à air dilaté par la combustion du gaz de l’éclairage enflammé par l’électricité » (1860).

Après avoir été garçon de café, l’exilé parisien entre comme ouvrier dans une fabrique d’émaillage où il met au point un procédé permettant d’obtenir un émail blanc utilisé pour les cadrans de montre (1847). Il s’intéresse aussi à l’électrolyse et améliore la méthode électrolytique pour la fabrication de revêtements métalliques : la galvanoplastie. Ce procédé lui est racheté en 1851 par une firme parisienne chargée de la décoration de l’Opéra de Paris. Il soumet à des brevets d’autres inventions et améliorations de techniques existantes : amélioration du système de freinage électrique des wagons de chemin de fer (1855), système de signalisation pour le chemin de fer (1856), pétrin mécanique, régulateur pour moteur électrique, étamage du verre (1857). Mais il reste traversé par un objectif plus ambitieux : réaliser un moteur.

Ses visites fréquentes au Conservatoire des Arts et Métiers et les cours du soir gratuits qu’il suit en compagnie d’autres amis inventeurs lui permettent de passer à l’acte en 1859. Au sein de la Société des Moteurs Lenoir-Gautier et Cie à Paris qu’il vient de fonder avec un capital initial de deux millions de francs-or, il réunit toutes les données connues à l’époque et, en mécanicien ingénieux, parvient à mettre au point le premier moteur à combustion interne (23 janvier 1860). Détenteur d’un brevet d’exclusivité pour 15 ans, sa société produit plusieurs centaines de moteurs utilisés dans le bassin parisien. En août 1861, le premier bateau à moteur équipé d’un moteur Lenoir est présenté sur la Seine au roi Louis-Napoléon. « Il ne manquait que la compression à ce premier moteur à gaz industriel pour réaliser le cycle universellement adopté par la suite. En 1862, Lenoir remplace le gaz par le pétrole ». En septembre 1863, la première automobile Lenoir équipée d’un moteur à gaz de 1,5 CV effectue 18 kilomètres en 3 heures. Les moteurs ne cesseront d’être construits et améliorés jusqu’à la fin du siècle, sans assurer la prospérité de son inventeur qui continue à déposer des brevets dans divers domaines.

En 1878, le Prix Montyon de l’Académie des Sciences de l’Institut de France récompense ses travaux sur l’étamage du verre. Le Grand Prix d’Argenteuil de la Société d’Encouragement couronne ses recherches sur le tannage du cuir au moyen d’ozone (12.000 francs-or). En 1881, la IIIe République lui accorde la nationalité française et le distingue de la Légion d’Honneur pour services rendus lors du siège de Paris en 1870-1871 : l’appareil télégraphique qu’il a perfectionné a favorisé les communications internes. Qualifié d’ingénieur à la fin de sa vie, Étienne Lenoir est inhumé au cimetière du Père Lachaise et c’est surtout après sa disparition que l’on prit conscience de l’importance de son invention.
Les deux premiers moteurs construits par Lenoir sont exposés au Conservatoire national des Arts et Métiers à Paris, tandis que d’autres sont conservés dans des musées européens. 

Une plaque commémorative et un médaillon de bronze sont inaugurés au Conservatoire de Paris, et une plaque est apposée sur sa maison natale (1912) ; celle-ci est cependant détruite par les Allemands en août 1914 et un nouveau mémorial est inauguré le 18 août 1929, en même temps qu’un monument à Arlon. 

D’autres hommages sont régulièrement organisés pour célébrer le génie de celui qui contribua à la mise au point du tout premier moteur à explosion.

Sources

Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 191
Jean-Pierre MONHONVAL, Étienne Lenoir. Un moteur en héritage, Virton, Michel frères, 1985
Jean PELSENEER, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 355-364
Histoire de la Wallonie, (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 406

Gramme Zénobe

Conception-Invention

Jehay-Bodegnée 04/04/1826, Paris 20/01/1901

Le nom de Zénobe Gramme est définitivement associé à la dynamo et plus encore à la « génératrice dynamoélectrique ». Génial artisan, inventeur intuitif, touche à tout pragmatique, Zénobe Gramme n’a pourtant rien découvert : les lois de l’induction électromagnétique remontent à Ampère et Faraday, ses illustres prédécesseurs. Cependant, il manquait le sens pratique d’un bricoleur persévérant pour transformer les lois de la physique en un simple instrument fiable. Et c’est là que réside tout le mérite de Gramme.

Né à Jehay, ayant grandi à Verlaine, à Hannut puis à Liège, il est formé à la menuiserie, notamment à l’occasion de cours du soir à l'École industrielle communale de Liège (vers 1850). Il semble avoir été ouvrier itinérant ce qui expliquerait des séjours (non certifiés) aux quatre coins de la France (Lyon, Marseille, Angers, Paris). Engagé par la société L’Alliance, spécialisée dans la construction de machines magnétoélectriques (1860), il prend un premier brevet pour un mécanisme régulant l'usure des électrodes en charbon des lampes à arc (1861). La démarche reste étonnante dans le chef d’un simple ouvrier manuel, même s’il semble suivre à l’époque des cours pour adultes au Conservatoire des Arts et Métiers de Paris.

Spécialiste de l’histoire des techniques, l’historien Philippe Tomsin souligne qu’en 1863, Gramme « entre en contact avec Ruhmkorff, le célèbre constructeur d'instruments scientifiques. Ce fait, présenté souvent comme une anecdote, est de première importance. C'est par cette voie que Gramme est introduit dans un cénacle de scientifiques réputés, composé notamment de Louis Breguet, Beau de Rochas et Marcel Deprez. À la même époque, plusieurs physiciens allemands, anglais et italiens tentent chacun de leur côté de mettre au point des machines dynamoélectriques. S'il n'existe pas encore de revues de vulgarisation pour populariser ces travaux pointus, il est certain que Gramme suit attentivement ceux-ci par l'intermédiaire de Ruhmkorff ».

Au cours des années 1860, Zénobe Gramme dépose plusieurs autres brevets portant sur des améliorations des machines magnétoélectriques de L’Alliance. Petit à petit, il approche de son invention décisive. Le brevet qu’il dépose en 1869 pour une machine dynamoélectrique est le bon, mais les événements politiques sont plus préoccupants : engagée dans une guerre contre la Prusse, la France perd sa capitale, avant que n’éclate l’insurrection connue sous le nom de Commune de Paris (1870-1871). Réfugié à Arlon, l’inventeur autodidacte doit attendre la séance du 17 juillet 1871 pour faire partager son innovation technique devant l'Académie des Sciences. En dépit des soubresauts politiques du moment, chacun reconnaît l’importance de la dynamo, dont l’inventeur connaît alors la renommée et les récompenses. Ainsi, l’Académie des sciences lui décerne le prix Volta (1888), comme à Graham Bell avant lui et il est fait officier de la Légion d’Honneur.

Dès 1871, la Société d’Ivernois & Gramme voit le jour et livre sa première commande à la prestigieuse maison Christofle (1872). Alors que les physiciens parviennent à démontrer théoriquement l’innovation de Gramme, sa machine séduit immédiatement les industriels : la machine à vapeur est arrivée en fin de cycle, ses performances ne peuvent plus être améliorées ; la dynamo du type dit « atelier » – dont 10.000 exemplaires sont fabriqués avant la fin du siècle – contribue à un rebond technique et industriel. Mais d’autres modèles et applications sortent de la Société d'Ivernois & Gramme, dont celui d’une dynamo sur laquelle il est possible de collecter du courant alternatif.

Assuré d’une aisance matérielle, Zénobe Gramme achève son existence à Paris, la ville Lumière… Dès le dernier quart du XIXe siècle, son invention ouvre la voie au développement de nombreuses applications industrielles ou domestiques ; d’autre part, naissent tout aussi rapidement des entreprises concurrentes (Siemens par exemple) qui se lancent dans l’électrotechnique industrielle. Mais ce n’est plus le temps de Gramme.

Dès le début du XXe siècle, sous la plume de son premier biographe Oscar Colson, la figure de Zénobe Gramme incarne le modèle du Wallon inventif et entreprenant. Un certain mythe entoure celui qui aurait répondu un jour à un physicien qui avait mis la dynamo en équations : « s'il m'avait fallu savoir tout cela, je ne l'aurais jamais inventée ». En est-on si sûr ? Récemment, Philippe Tomsin a montré qu’une part de mystères continue d’entourer le père de la dynamo.

Sources

GRAMME Zénobe    RASIR Charles, MARAITE Louis, Zénobe Gramme, à contre-courant, Bruxelles, Luc Pire, 2001
PELSENEER Jean, Biographie nationale, t. 29, col. 627-634
TOMSIN Philippe, Zénobe Gramme, dans Wallons à l’étranger, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 183-186
CROUPETTE Jules, De Jehay à Bois Colombes, Saint-Georges, 1997
Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 25-29.
TOMSIN Philippe, Calling into question the current knowledge about Zénobe Gramme and his inventions, actes, XXe Congrès international d'Histoire des Sciences - XXth International Congress of History of Science, Liège, 20-26 juillet 1997
BRIEN P., Zénobe Gramme, dans Florilège des Sciences en Belgique pendant le XIXe siècle et le début du XXe, Académie Royale de Belgique, Classe des Sciences, s.l. [Bruxelles], 1967, p.227-241
COLSON Oscar, Zénobe Gramme, sa vie et ses œuvres, d’après des documents inédits, Liège, éd. Wallonia, 1913 

Carrefour de l'Europe ouvert à ses influences, la Wallonie a, de tout temps, été traversée par les grands courants scientifiques et technologiques. Les Wallons en ont assimilé les multiples apports et ont développé leurs propres techniques, participant ainsi, parfois de façon décisive, à l’évolution de la connaissance. Des parcours édifiants que vous pourrez retrouver dans cette leçon, au travers d’une synthèse et de documents éclairants.

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