Paul Laforge

Statue André-Modeste GRETRY

Statue André-Modeste Grétry, réalisée par Guillaume Geefs,29 juin 1866.

Alors que l’époque de la « statuomanie » officielle n’a pas encore vraiment commencé dans le nouvel État belge, le monument d’André-Modeste Grétry apparaît comme étant le tout premier, dédié à un personnage historique, à faire son apparition dans l’espace public du pays wallon. Figée dans le bronze par Guillaume Geefs, la représentation d’André-Modeste Grétry est alors située entre la salle académique de la « nouvelle » Université et la façade de la Société libre d’Émulation, sur ce que l’on appelle à l’époque la place de Liège et qui deviendra, après la Grande Guerre, la place du 20 Août. Entre-temps, cependant, le monument « Grétry » a été déplacé. Le 29 juin 1866, la statue est hissée sur son socle à son emplacement définitif, à savoir devant l’Opéra. Son ancienne situation est alors occupée par la statue d’André-Hubert Dumont : l’emplacement occupé par le monument Dumont au début du XXIe siècle est cependant distant d’une vingtaine de mètres de l’endroit où Grétry et Dumont se succédèrent. Quant à la statue Grétry, elle fut enlevée durant la période de la Seconde Guerre mondiale ; un blockhaus était installé à cet endroit. La statue fut remise en place en 1945.


En choisissant d’ériger un monument à Grétry (pour un coût global de 50.000 francs de l’époque, dont 20.000 accordés par le gouvernement) au moment où l’on célèbre le 100e anniversaire de sa naissance, les autorités liégeoises acceptent de contribuer à une démarche « nationale » qui vise à peupler l’espace public de monuments en l’honneur des « grandes gloires nationales belges ». Les peintures d’histoire ne suffisent pas. Il faut toucher le plus grand nombre et lui inspirer un sentiment national, au sein du jeune État. À Anvers, au même moment, on a choisi d’ériger une statue à Rubens. Dès le début des années 1840, les gouvernements belges ne manquent pas d’inciter les pouvoirs locaux et provinciaux à faire preuve d’initiative. En honorant Grétry (1842) puis A-H. Dumont (1866), « ses enfants », Liège participe à ce mouvement qui se poursuivra avec le monument « Charlemagne » (1868), les statues de la façade du Palais provincial (1884) puis de la Grand Poste (1901), ainsi qu’avec les monuments Zénobe Gramme et Charles Rogier en 1905, notamment.


En présence d’un important public, l’inauguration du monument Grétry se déroule finalement le 18 juillet 1842, en même temps que celle de l’arrivée à Liège du chemin de fer, en l’occurrence l’ouverture des plans inclinés de la ligne Ans-Liège. De nombreuses manifestations sont organisées pour l’occasion et le jeune écrivain Van Hasselt y rencontre un franc succès au cours d’une séance littéraire publique à la Société libre d’Émulation. L’idée de rendre un hommage appuyé à Grétry avait déjà été émise sous le régime hollandais. Depuis Bruxelles, le compositeur Roucourt fut l’un des tout premiers à réclamer une statue en l’honneur de Grétry, en ouvrant une souscription (Le monde musical, 25 février 1821). À Liège, se constitua une « Société Grétry » et, en 1828, le retour dans sa ville natale de l’urne funéraire de Grétry est marqué par des débordements d’enthousiasme populaire : trois jours de fêtes publiques sont alors organisés (discours, cérémonies, réjouissances, concerts). « Partout où la civilisation a fait des progrès, les rares talents sont comme une sorte de propriété publique ; et la nation dont ils étaient les délices et la gloire se charge de leurs funérailles » déclarait alors le gouverneur de Gerlache. Mais pour certains (dont le jeune Charles Rogier) ce n’est pas suffisant. Avant le retour de l’urne, des projets de monument ont été élaborés, des pétitions lancées, des souscriptions ouvertes, des finances rassemblées ; en 1828, de nouveaux projets fleurissent et même le célèbre Meyerbeer en appelle à la mobilisation des Liégeois. En septembre 1829, le journal Le Politique souligne que « l’absence prolongée du monument (…) [provoque] la risée de nos voisins (…) ». Une fois la Révolution de 1830 passée, une fois le Traité des XXIV articles signé, l’attention des autorités liégeoises se concentrera sur ce projet de monument et le concrétisera en 1842. Il n’est pas inutile de mentionner que, depuis septembre 1780, un buste de Grétry – fait par ailleurs « citoyen d’honneur » – a été installé à l’avant-scène du théâtre de Liège à la demande du « Conseil de la cité ».


Formé à l’Académie d’Anvers, sa ville natale, le sculpteur Guillaume Geefs (Anvers 1805 – Bruxelles 1883) est convié à laisser sa signature sur le premier monument marquant de « la capitale de la Wallonie » de l’époque. Ayant très rapidement fait preuve de son talent, le jeune Geefs a été repéré par ses professeurs. Une bourse lui permet de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il est nommé professeur de sculpture à l’Académie d’Anvers (1833-1840). Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique vient de trouver en Guillaume Geefs un propagandiste de talent, l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre les personnes et les événements les plus illustres du pays. Statuaire du roi, Geefs s’installe à Bruxelles où son atelier répond aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique. Ses statues de Léopold Ier se déclinent en diverses versions, dont l’une sur la colonne du Congrès, à Bruxelles, et une autre à Namur. À Anvers, il livre une statue de Rubens (1840) ; à Liège, celle de Grétry (1842). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France.


C’est sans doute l’un des rares points communs qu’il partage avec Grétry (Liège 1741 – Montmorency 1813). Membre de l’Institut de France en 1796, chevalier de la Légion d'honneur à la création de cet ordre, André-Modeste Grétry reçut de son vivant tous les honneurs possibles de la part des autorités en place à Paris, cité où il accomplit l’essentiel de sa carrière, tout en ayant été, en 1776, un conseiller particulier de François-Charles de Velbruck, prince-évêque de Liège, sa ville natale. Plongé dès son plus jeune âge dans le monde de la musique, André-Modeste fut enfant de chœur à la collégiale Saint-Denis et participa aux Crámignons. Ayant forcé sa voix alors en mue, il est contraint de se tourner vers la composition où il trouve à s’épanouir avec talent. Remarqué par le chanoine de Harlez, riche mécène éclairé liégeois, Grétry reçoit sa chance : comme Jean-Noël Hamal juste avant lui, il bénéficie d’une bourse de la Fondation Darchis qui lui permet de séjourner à Rome de 1759 à 1766. Séduit par un opéra de Piccini, formé auprès de Casali, maîtrisant le chant et la musique italienne, Grétry s’écarte des sentiers battus ; à l’occasion d’un carnaval (1765), il compose un intermède, Les Vendangeuses (Vendemiatrici) qui lui vaut les encouragements de Piccini. Nommé maître de chapelle à Liège, Grétry est encouragé par Voltaire et tente sa chance à Paris. Après plusieurs mois de galère, Grétry triomphe pour la première fois avec le Huron (1768). Lucile (1769) confirme le talent du jeune Wallon qui séduit aussi dans le genre comique, voire bouffon (Le Tableau parlant). Dans la lumière parisienne, Grétry va connaître une carrière exceptionnelle faite d’une quinzaine d’opéras et d’une quarantaine d’opéras comiques, tenant l’affiche pendant plus de trente ans avec Zémire et Azor (1771), Le Jugement de Midas et L’Amant jaloux (1778), Colinette à la Cour (1782), La Caravane du Caire (1783) et surtout un exceptionnel Richard Cœur de Lion (1784-1785).
Introduit dans les milieux parisiens, il devient le directeur de musique de la reine Marie-Antoinette (1774) et, en dépit des bouleversements politiques de 1789, de l’évolution des esprits et d’une inspiration moins heureuse, il conserve sa notoriété : inspecteur de musique du Conservatoire (1795-1800), protégé de Napoléon. C’est dans l’ancienne propriété de Jean-Jacques Rousseau, à Montmonrency, que Grétry se retire et finit sa vie, tout auréolé d’une gloire qui lui survivra. S’il est enterré au cimetière du Père Lachaise, sa ville natale obtient que son cœur soit rapatrié : l’urne qui le contient est visible dans le socle qui soutient la statue en bronze érigée en 1842.


À quelques pas de la place Saint-Lambert, le monument Grétry est au cœur de la cité de Liège. Une discrète mention figure au pied du socle portant l’impressionnante statue :


ANDRE ERNEST MODESTE
GRETRY
1741 – 1813


Orné de décors floraux, le socle délicatement sculpté contient effectivement la fameuse urne qui apparaît derrière un grillage sur la face avant du monument. À l’origine, un vers de Fuss devait être gravé sur le socle : Corpatrioe dedit ipse, lyram sibi vin.licat orbis. Représenté debout, Grétry tient dans sa main gauche ce qui ressemble à l’une de ses compositions.

 

Source


J-B. RONGÉ, dans Biographie nationale, t. 8, col. 256-299
Suzanne CLERCX, Grétry 1741-1813, Bruxelles, 1944
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 90-93, 339-340 
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 264, 307, 394, 397
Jean-Marc Warszawski reprend la liste de toutes les œuvres de Grétry : http://www.musicologie.org/Biographies/g/gretry_andre.html
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 363
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 5
Edmond MARCHAL, dans Biographie nationale, t. 22, col. 572-579
Roucourt, dans Biographie nationale, t. 20, col. 205
Ernest DISCAILLES, Charles Rogier d’après des documents inédits, Bruxelles, s.d., vol. 1, p. 151
Chantal JORDENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 557-561
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 255
L. ALVIN, Van Hasselt, dans Biographie nationale, t. 8, col. 759
Le politique, municipal, provincial et national (ancien Mathieu Laensbergh), 10 septembre 1829, n°216, p. 3
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 154

 

Statue André-Modeste Grétry (Liège)

Place de la République française
4000 Liège

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Paul Delforge

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Monument en hommage au compositeur Grétry à Liège

Réalisée en 1842, la statue en bronze qui se dresse sur le parvis du Théâtre royal est l’œuvre du sculpteur Guillaume Geefs. Elle représente André-Ernest-Modeste Grétry (1741-1813), célèbre compositeur d’opéras et d’opéras-comiques liégeois, reconnu comme le maître du genre en France durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le cœur du compositeur a été placé dans une urne visible dans le socle de calcaire qui supporte sa statue.

Place de l’Opéra
4000 Liège

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Classé, de même que le Théâtre royal, comme monument (avec zone de protection) le 18 mars 1999 

Institut du Patrimoine wallon

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Académie Grétry ou ancienne maternité de l'hôpital de Bavière

Construit en 1905 par la Commission d’Assistance publique de Liège, cet ensemble est un des derniers éléments de l’ancien hôpital de Bavière dont il constituait la maternité, particulièrement moderne pour l’époque. Ce vaste quadrilatère composé de plusieurs ailes aux façades conçues dans un style sobre où alternent briques et pierre, enserre deux cours. Deux bow-windows sur châssis en fer typiques du style Art nouveau ornent la plus grande de ces cours.

L’intérieur est tout aussi remarquable, en témoignent les élégants sols en mosaïques ou en parquet. Le complexe est également doté de vastes caves dont l’une d’elles servait à élever les lapines utilisées jadis en obstétrique pour le « test de la lapine », déterminant si une patiente était enceinte. L’ensemble est devenu l’Académie Grétry en 1989.

Boulevard de la Constitution 81
4000 Liège
 

carte

Classée comme monument (avec zone de protection) le 8 décembre 2008

www.academiegretry.be

Institut du Patrimoine wallon

G. Focant - SPW

Théâtre royal de Liège

Édifié en tuffeau et calcaire en 1818 / 1820, le théâtre possède une façade avec un rez-de-chaussée massif et un second niveau composé de portes-fenêtres et surmonté d’un élégant fronton de 1930. La salle « à l’italienne », comme à Namur, a la forme d’un fer à cheval s’ouvrant sur une scène rectangulaire. La coupole surbaissée avec lustre est ornée d’une très belle toile (1903) qui représente le panthéon de la musique : Apollon, les Muses et des musiciens célèbres, comme le Liégeois Grétry, dont la statue se trouve devant le théâtre royal. 

Ce monument a connu  une restauration complète et une adaptation aux techniques scéniques et accoustiques modernes de 2010 à 2012.

Rue Georges Clemenceau
4000 Liège

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Classé comme monument (avec zone de protection) le 18 mars 1999

Institut du Patrimoine wallon

Grétry André-Modeste

Culture, Musique

Liège 08/02/1741, Montmorency 24/09/1813

Plongé dès son plus jeune âge dans le monde de la musique – chez les Grétry, on est musicien de père en fils, et l’on pratique surtout le violon –, André-Modeste est enfant de chœur à la collégiale Saint-Denis, participe aux Crámignons et est davantage attiré par une troupe de chanteurs italiens de passage à Liège (1753) que par les cours de chant de maîtres médiocres. Ayant forcé sa voix alors en mue, il est contraint de se tourner vers la composition où il trouve à s’épanouir avec talent. Remarqué par le chanoine de Harlez, riche mécène éclairé liégeois, Grétry reçoit sa chance : comme Jean-Noël Hamal juste avant lui, il bénéficie d’une bourse de la Fondation Darchis qui lui permet de séjourner à Rome de 1759 à 1766.

Séduit par un opéra de Piccini, formé auprès de Casali, maîtrisant le chant et la musique italienne, Grétry s’écarte des sentiers battus ; à l’occasion d’un carnaval (1765), il compose un intermède, Les Vendangeuses (Vendemiatrici) qui lui vaut les encouragements de Piccini. Nommé maître de chapelle à Liège, Grétry n’entend pas faire carrière dans la musique religieuse et perçoit le parti qu’il peut tirer de la langue française dans des compositions variées (à l’époque, on jugeait cette langue peu musicale). Sur le chemin qui le ramène à Liège, il s’arrête un temps à Genève, où il fait la connaissance de Voltaire. Il remet en musique une pièce de Pavart, Isabelle et Gertrude, qui lui vaut des encouragements et le conseil de tenter sa chance à Paris. Après plusieurs mois de galère, le jeune Liégeois trouve un protecteur auprès du comte de Creutz qui reconnaît son originalité. En août 1768, le tout Paris partage l’avis de Creutz quand Grétry présente pour la première fois le Huron, comédie en deux actes sur un livret de Marmontel qui a transformé L’Ingénu, un conte de Voltaire. En ayant recours à la langue française, Grétry est parvenu à faire apprécier un opéra d’une musique sans nulle autre pareille.

Avec Lucile, présenté en janvier 1769, Grétry apporte la confirmation de son talent. Le public est particulièrement séduit par le quatuor qui chante Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ?, dont la mélodie est promise à une postérité étonnante : pendant de nombreuses années, la RTB l’utilisera pour marquer les actions de grève ; quant à Robert Wangermée, il proposera, en 1998, de la retenir comme hymne officiel wallon.

S’il excelle dans la musique sérieuse, Grétry prouve qu’il peut aussi être maître dans le genre comique, voire bouffon : en 1769, Le Tableau parlant, son premier chef-d’œuvre, place le musicien inventif et novateur au premier rang des compositeurs français. Dans la lumière parisienne, il va connaître une carrière exceptionnelle faite d’une quinzaine d’opéras et d’une quarantaine d’opéras comiques. Pendant plus de trente ans, André-Modeste Grétry tient l’affiche et est considéré, en France, comme le maître du genre, malgré la concurrence de Gluck par exemple. Emergent particulièrement Zémire et Azor (1771), Le Jugement de Midas et L’Amant jaloux (1778), Colinette à la Cour (1782), La Caravane du Caire (1783) et surtout un exceptionnel Richard Cœur de Lion (1784-1785), œuvre-maîtresse du génial compositeur qui préférait, quant à lui, le premier acte de La Fausse Magie (1775).

Introduit dans les milieux parisiens, il devient le directeur de musique de la reine Marie-Antoinette (1774) et, en dépit des bouleversements politiques de 1789, de l’évolution des esprits et d’une inspiration moins heureuse, il conserve sa notoriété : inspecteur de musique du Conservatoire (1795-1800), celui qui avait été conseiller intime du prince-évêque Velbruck  en 1776 est aussi le protégé de Napoléon. Compositeur populaire, dont le talent a été reconnu de son vivant, Grétry est certainement l’un des plus chantés à l’opéra, mais aussi en dehors, et par tous les milieux. Ainsi, un air tiré de la Caravane du Caire composé par Grétry devient, après adaptation, un des chants militaires les plus populaires au sein de la Grande Armée : La Victoire est à nous. Quant à l’air Ô Richard, Ô Mon Roy, il devient l’hymne royaliste pendant la Révolution…

C’est dans l’ancienne propriété de Jean-Jacques Rousseau que Grétry se retire et finit sa vie, tout auréolé d’une gloire qui lui survivra. S’étant fait écrivain, il avait publié plusieurs volumes de Mémoires. S’il est enterré au cimetière du Père Lachaise, sa ville natale obtient que son cœur soit rapatrié : l’urne qui le contient est visible dans le socle qui soutient la statue en bronze érigée, en 1842, face à l’Opéra de Liège.

 

Sources

J-B. RONGÉ, dans Biographie nationale, t. VIII, col. 256-299
Suzanne CLERCX, Grétry 1741-1813, Bruxelles, 1944
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 90-93, 339-340
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 264, 307, 394, 397
Jean-Marc Warszawski reprend la liste de toutes les œuvres de Grétry 

Gossec François-Joseph

Culture, Peinture, Révolutions

Vergnies 17/01/1734, Passy 16/02/1829


Né dans une famille d’agriculteurs, le jeune Gossec est enfant de chœur à Walcourt, à Maubeuge puis à Anvers et à Liège ; il n’a pas d’âge quand il joue aussi du violon. À l’heure où la musique italienne conserve encore une certaine influence en pays wallon, Gossec est vivement encouragé par le maître de chant André-Joseph Blavier (cathédrale Saint-Lambert à Liège) à poursuivre sa jeune carrière à Paris. En 1751, il quitte son Hainaut natal et est engagé comme violoniste dans l'orchestre de M. de la Poupelinière, le protecteur de Rameau. Six ans plus tard, il prend la direction de l’ensemble musical et se rend célèbre en 1760 avec sa Grande Messe des morts (Missa pro defunctis), à l'orchestration extraordinaire pour l'époque. Considérée comme son requiem, cette œuvre est fondamentale ; elle paraît avoir influencé à la fois Mozart pour son propre Requiem, ainsi que Berlioz pour sa Grande Messe des morts. Contemporain de Mozart dont il devient l’ami, Gossec dirige le théâtre du prince de Condé à Chantilly, puis sert comme Intendant de la Musique du prince de Conti.

Dans la capitale française, le wallon Gossec est en concurrence avec un autre enfant de son pays, le virtuose André-Modeste Grétry, quand il s’essaie dans le domaine de l’opéra-comique. Mais les grandes symphonies qu'il compose en 1769 pour le Concert des Amateurs soutiennent la comparaison avec celles de Joseph Haydn qu’il dirige. Le succès durable de certains de ses opéras, comme la tragédie lyrique Sabinus (1773) ou le premier ballet-pantomime La Fête de Mirza (1781), vaut à Gossec d'être nommé Directeur de la nouvelle École royale de Chant et de Déclamation (1784), après avoir été directeur du Concert spirituel (1773-1777) et sous-directeur (1780-1782) puis directeur (1782-1784) de l’Opéra. Avec plus de 50 symphonies composées entre 1756 et 1809, Gossec contribue au développement du genre en France.

Lorsqu’éclate la Révolution de 1789, Fr-J. Gossec se révèle un ardent propagandiste des idées nouvelles, qu’il magnifie à travers des hymnes ou des représentations spectaculaires. En 1792, il contribue à l’orchestration de La Marseillaise. Compositeur « officiel », il produit des musiques de plein air monumentales pour les fêtes républicaines. Son talent artistique transcende les épisodes politiques, car il est nommé au comité directeur du Conservatoire national de Musique de Paris (successeur de l’École de Chant). Ce Conservatoire, il l’a mis sur pied avec A-M. Grétry et il y enseigne la composition de 1795 à 1814, avant d’y être nommé inspecteur. Sous le régime napoléonien, Fr-J. Gossec est certainement le musicien le plus honoré de l’empire. Inhumé au cimetière du Père-Lachaise, il repose près de la tombe de son ami Grétry.

 

Sources

La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 336-337
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 264, 394
Robert WANGERMÉE et Philippe MERCIER (dir.), La musique en Wallonie et à Bruxelles, t. I : Des origines au XVIIIe siècle, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980
Walter THIBAUT, François-Joseph Gossec, Charleroi, Institut Destrée, 1970, coll. Figures de Wallonie

Ysaÿe Eugène

Culture, Musique

Liège 16/07/1858, Bruxelles 12/05/1931

Dans la lignée des virtuoses wallons, le nom d’Eugène Ysaÿe s’inscrit en lettres d’or à la suite des François Prume, Guillaume Lekeu et autre Henri Vieuxtemps. Véritable étoile internationale, Ysaÿe a marqué sa génération. « Maître de Chapelle de la Cour de Belgique », il a créé et donné son nom à un concours de très grande réputation, le Concours Ysaÿe (1937), qui deviendra par la suite le Concours musical international reine Elisabeth (1951).

Entré au Conservatoire de Liège à l’âge de 7 ans, il en est chassé quatre ans plus tard en raison des critiques de son père (musicien lui-même) envers l’enseignement qui y est dispensé. Par hasard, Vieuxtemps croise la route du jeune Eugène Ysaÿe et est impressionné par son talent. Le maître verviétois obtient sa réintégration au Conservatoire, dans la classe de Rodolphe Massart. Premier Prix au Conservatoire de Liège (1873), Ysaÿe est désormais sous l’aile tutélaire de Vieuxtemps qui lui octroie une bourse et lui permet ainsi de suivre les leçons du Polonais Wieniawski, soliste à la cour de St-Pétersbourg et remplaçant de Vieuxtemps à l’Académie de Bruxelles, avant de le faire venir à Paris, sous sa direction (1877). 

Accueilli ensuite à Cologne, Ysaÿe devient premier violon à Berlin (1880), où viennent l’écouter Franz Litz et Arthur Rubinstein. Moscou, Oslo accueillent ensuite le prodige pour lequel écrivent spécialement les plus grands (Debussy, Saint-Saëns, Fauré…). Continuateur de Vieuxtemps, Ysaÿe, devenu à son tour célèbre, conservera l’esprit de son maître, défendra et imposera la musique de ses amis et des jeunes qu’il aura, à son tour, reconnus (notamment comme professeur au Conservatoire de Bruxelles de 1886 à 1898). Il exerce ainsi une influence déterminante sur la musique de son temps en Wallonie.

Organisateur du Quatuor à cordes Ysaÿe (1894), créateur des Concerts Ysaÿe (1895-1914), de la Société de Concerts symphoniques, il parcourt l’Europe et l’Amérique à partir de 1883 ; il donne cent concerts par saison, comme chef d’orchestre et violoniste virtuose ; directeur musical de l’Orchestre symphonique de Cincinnati (1918-1921), Ysaÿe reste constamment en contact avec sa ville natale, ainsi qu’avec Bruxelles (où il professe 12 ans au Conservatoire), et passe régulièrement du temps dans sa maison de campagne à Godinne-sur-Meuse (La Chanterelle). 

Véritable étoile internationale, ses partenaires s’appellent Rachmaninov, Rubinstein, Clara Haskil, Pablo Casals ; il interprète Bach et Beethoven, mais aussi des compositeurs français de l’école franckiste, ainsi que Grétry, Lekeu, Vieuxtemps, Jongen, Vreuls et Théo Ysaÿe. Les critiques qui saluent le son de son archet sont dithyrambiques. Il crée les œuvres les plus représentatives de son temps ; il écrit de nombreuses pièces pour violon mais ce sont surtout ses Six Sonates pour violon seul qui constituent « le chef-d’œuvre d’un homme à la fin de son automne, qui sait tout sur le violon et qui en renouvelle la technique en même temps que l’expressivité » (J-J. Servais).

Des problèmes de santé mettent un terme à la carrière de concertiste, mais l’enseignant et le compositeur restent actifs. Une jeune élève américaine de 45 ans sa cadette qu’il a épousée en secondes noces le pousse à réaliser un projet qui lui tient particulièrement à cœur : la composition d’un opéra inspiré d’un incident tragique auquel il a assisté dans sa jeunesse lors de violentes grèves à Liège. Une femme avait été tuée en tentant d’éloigner une bombe placée par son mari sous la fenêtre du patron. L’opéra Pier li Houyeu, dont le livret est en wallon, est créé au Théâtre royal de Liège le 4 mars 1931 ; Ysaÿe très diminué entend sa retransmission à la radio ; très peu de temps après, se brise définitivement la corde de son violon.

Sources

José QUITIN, Biographie nationale, t. 33, col. 763-778
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV
Paul DELFORGE, Cent Wallons du Siècle, 1995

Œuvres principales

Six sonates pour violon, op. 27 dédiées à de grands violonistes et composées selon leur style (Joseph Szigeti S1, Jacques Thibaud S2, Georges Enesco S3, Fritz Kreisler S4, Mathieu Crickboom S5, Manuel Quiroga S6)
10 préludes (études) pour violon seul, op. posth.
Sonate à 2 violons (dédiée à la Reine Élisabeth)
Sonate pour violoncelle seul, op. 28

Poème élégiaque, op. 12 (Roméo & Juliette) pour violon et orchestre 
Scène au rouet, op. 13 pour violon et orchestre
Chant d'hiver, op. 15 pour violon et orchestre
Poème de l'Extase, op. 21 pour violon et orchestre
Poème de l'amitié, op. 26 pour 2 violons et orchestre
Poème Nocturne, op. 29 pour violon, violoncelle et orchestre
Harmonie du soir, op. 31 pour quatuor solo et orchestre à cordes
Exil !, op. 25 pour orchestre à cordes sans basses
Fantaisie pour violon et orchestre, op. 43, 
Divertimento, op. 24

Piére li houyeû, Opéra en wallon, 1931



 

Au cours des siècles, les musiciens wallons ont assimilé les grands courants culturels européens tout en dépassant rapidement leurs frontières, tant politiques qu’artistiques. Ce trait commun, notamment dû au fait que la Wallonie fut toujours une terre romane aux confins du monde germanique, a produit quelques œuvres magistrales qui ont traversé les siècles. Cette leçon vous permet de les (re)découvrir et de les écouter.

Sous l’Ancien Régime - et particulièrement durant les guerres de religion - nombreux sont les Wallons qui émigrent pour des raisons financières, culturelles ou spirituelles. D’Amérique en Chine, en passant par la France, la Suède et l’Égypte, plusieurs d’entre eux ont ainsi marqué de leur empreinte indélébile leur pays d’accueil. Retrouvez ici leurs parcours et leurs réalisations emblématiques qui, aujourd’hui encore, témoignent de leur savoir-faire.

Symbolique wallonne

Symbolique wallonne

Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.

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