Le tour du monde en guerre des autos-canons belges (1915-1918)

Avec trois cents volontaires de guerre, dix autos blindées (soit six autos-canons et quatre autos mitrailleuses) contournent le champ de bataille de l’Europe de l’ouest pour rejoindre les troupes russes. Pour ces forces occidentales, il s’agit de venir en aide au grand-quartier impérial des armées russes et de participer à une guerre de mouvement. Au sein de ce corps expéditionnaire belge, Marcel Thiry et son frère Oscar partagent l’autocanon 14, surnommée Chochotte, avec notamment le futur mandataire communiste Julien Lahaut et le lutteur Constant-le-Marin, quatre fois champion du monde.
Ayant quitté Brest à destination d’Arkangel, le corps des autos-canons combat pour la première fois en 1916 en Galicie. Le succès est au rendez-vous. Fin septembre, le général russe Broussilof arrête cependant l’offensive. Malgré la désertion des soldats russes, Kerensky qui vient devenir le nouveau ministre de la guerre dans le 2e Cabinet du prince Lvov (mai 1917), lance une offensive contre les Allemands le 16 juin. La révolution bolchévique d’octobre met un terme à la guerre sur le front oriental. Alors que la paix de Brest Litovsk est en pour-parler, « le Corps se trouvait aventuré en position douteuse ainsi perdu au fond d’un immense État en révolution dont on ne voyait plus très bien comment on pourrait sortir ». En novembre, l’ordre est donné de rentrer en France mais les troupes sont bloquées à Kiev jusqu’à l’arrivée de l’armée rouge, fin janvier 1918. Il n’est cependant pas question de regagner le pays par l’ouest. Après bien des périples, les volontaires belges arrivent à Omsk et signent l’engagement individuel de ne pas combattre les bolcheviks, moyennant quoi ils ont la promesse d’atteindre la frontière orientale de l’ancienne Russie sans obstacle. Après 62 jours 10.000 kilomètres en wagons, Vladivostok est atteint où un paquebot américain les attend. Après dix-huit jours de traversée du Pacifique, le corps expéditionnaire belge est accueilli en grande pompe dans toutes les villes des États-Unis, engagés dans le conflit depuis avril 1917. Rien n’est trop beau pour fêter les premiers soldats qui reviennent du combat. De New York, sur le transatlantique La Lorraine, ils arrivent à Bordeaux où l’unité blindée est dissoute. La rentrée au pays se réalise au moment où les forces alliées prennent l’ascendant sur le Reich.

Références
Frat-C ; ThiM ; ThiO&M ; WPH04-400


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)

Herd Henri

Sport, Lutte

Liège 12/08/1884, Liège 04/11/1965

Fasciné dès son plus jeune âge par les exploits d’un lutteur répondant au nom de Constant-le-Boucher, Henri Herd entend réaliser son rêve : devenir un lutteur célèbre, portant le surnom de Constant-le-Marin, afin de pouvoir voyager à travers le monde. Le rêve a quasiment été exhaussé, mais selon des modalités que le gamin d’Outremeuse ne pouvait prévoir. Commençant les compétitions vers 1903, il se hisse au premier rang d’une discipline aux règles encore indécises. Quatrième au championnat d’Europe 1906, deuxième en 1907, cet enfant né dans une famille de saltimbanques en a fini d’amuser la galerie de ses exploits pour quelques pièces de monnaie. En 1910, à Buenos-Aires, il décroche la ceinture d’or en battant le Français Paul Pons au terme d’un combat long de 4 heures. En battant le premier champion du monde professionnel, il s’inscrivait au firmament de sa discipline, au niveau international. Plusieurs titres confirment cette performance lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Mobilisé, le quadruple champion du monde s’engage ensuite comme volontaire au sein du Corps belge des Autocanons.

Aux côtés notamment de Marcel Thiry et de Julien Lahaut, Henri Herd quitte Brest à destination d’Arkangel, et participe pour la première fois à des combats, en 1916, en Galicie. Envoyés en renfort pour soutenir le tsar, les volontaires sont surpris par les révolutions russes qui portent les bolchéviques au pouvoir. Alors que la paix de Brest Litovsk est en pour-parler, ordre est donné de rentrer en France, mais les troupes sont bloquées à Kiev jusqu’à l’arrivée de l’armée rouge, fin janvier 1918. Après bien des périples, Henri Herd regagne l’Europe via Vladivostok et la traversée du Pacifique, des États-Unis et de l’Atlantique.

Invalide de guerre à son retour au pays, Henri Herd veut redevenir Constant-le-Marin. Et il atteint son objectif en décrochant, le 15 mars 1921, un ultime titre de champion du monde. Auréolé de ses exploits, il parcourt ensuite le monde en décrochant les « prize-money » de l’époque. Réfugié à Paris en mai 1940, il s’occupe ensuite d’un centre de réfugiés avant de quitter Bordeaux pour l’Argentine. Il ne rentre à Liège qu’en 1946 ; il ouvre une salle de sports au sous-sol du café dont il est le patron et donne encore quelques leçons aux jeunes qui viennent côtoyer la légende vivante et s’initier à la lutte gréco-romaine ainsi qu’au... catch. Un passage voûté (arvô) d’Outremeuse porte une inscription évoquant sa mémoire.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Théo MATHY, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005