Théâtre des premiers combats de l’agression allemande, la Wallonie de 1914 va se distinguer par l’héroïque résistance de Liège et connaître l’extrême violence des troupes ennemies qui se traduira par le martyre de plusieurs de ses villes. Découvrez comment, pillé et muselé, le pays wallon a vécu et résisté pendant ces quatre années d’occupation.

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Sesserath Léon

Militantisme wallon, Politique

Namur 22/04/1881, Dinant 01/10/1958

Frère de Simon (juriste) et d’Alphonse Sasserath (dentiste), l’avocat Léon Sasserath s’illustrera surtout en politique, en tant que sénateur et que maïeur de la ville de Dinant pendant près de vingt ans, tout en ayant un engagement politique wallon affirmé.

Candidat libéral lors des élections communales d’octobre 1911, Léon Sasserath contribue au raz-de-marée favorable aux partis qui s’opposent au gouvernement catholique en place à Bruxelles. Sur le plan local, la rivalité entre cléricaux et anticléricaux est aussi très vive à Dinant, surtout depuis 1896. Alors que les libéraux étaient sortis vainqueurs des urnes et s’apprêtaient à garder la direction de la ville, le ministre de l’Intérieur donnait satisfaction à une plainte du parti catholique ; recommencée (janvier 1896), l’élection dinantaise apportait au parti catholique d’Ernest Boulangé la majorité qui lui faisait défaut. Le duo que formait le bourgmestre avec son échevin Georges Cousot paraissait indéboulonnable à ses opposants progressistes, quand, début 1910, Ernest Le Boulengé remettait sa démission et se retirait de la vie politique. Le décès soudain de son successeur ouvrait toutes les perspectives en octobre 1911. En janvier 1912, le libéral Victorien Barré redevenait bourgmestre, mais démissionnait en février 1914. Le libéral Arthur Defoin le remplaçait alors à la tête d’une cité qui allait devenir martyr, le 23 août 1914. À l’entame de l’occupation allemande, Léon Sasserath entre dans le collège échevinal pour faire face aux événements.

La position stratégique de Dinant en a fait un objectif névralgique tant pour les Français qui ne veulent pas perdre cet ancrage sur la Meuse que pour les Allemands qui entendent contrôler tous les ponts sur le fleuve. Au lendemain d’une confrontation violente entre les deux armées, les troupes saxonnes s’en prennent aux civils dinantais et, mutatis mutandis, font revivre à la cité un drame aussi atroce qu’en 1466, lorsque les Bourguignons incendièrent la cité mosane. Impuissant face à la fureur allemande alimentée par une peur panique de pseudo francs-tireurs (23 août), Léon Sasserath est retenu comme otage dès le soir même, « par mesure de sécurité », avec le bourgmestre et d’autres notables. Par la suite, les Allemands vont retenir prisonniers 33 ecclésiastiques à Marche, tandis que sont envoyés en Allemagne, à Cassel précisément, 416 civils dont l’échevin Léon Sasserath, le bourgmestre Defoin, une dizaine de magistrats, les employés de la prison, des professeurs du collège communal, et bien d’autres, jeunes et vieux. Sans enquête, interrogatoire ni jugement, ils sont maintenus en détention à Cassel pendant trois mois. Aucune charge n’étant retenue contre les 400 compagnons d’infortune, ils sont autorisés à quitter Cassel et à rentrer à Dinant. Sasserath y revient fin novembre et retrouve ses fonctions scabinales.  Il les utilisera pour rendre un maximum de services à la population jusqu’en 1921.
Battus lors du premier scrutin au suffrage universel (1921), les libéraux se retrouvent dans l’opposition. 

Au niveau provincial, il dispose déjà d’une notoriété suffisante pour être régulièrement élu conseiller provincial de Namur (1925-1935), et pour occuper la vice-présidence du conseil provincial (1929-1933). Mais en octobre 1926, Léon Sasserath tient sa revanche et devient le bourgmestre de Dinant (1927-1936). 

C’est au cours de ce mandat qu’il passera commande au sculpteur Soete d’un monument destiné à commémorer les martyrs civils de 1914, à la fois ceux de Dinant et tous ceux de la Belgique (estimés alors à 23.700). L’œuvre du sculpteur Daoust, intitulée L’Assaut et inaugurée en 1927 en présence notamment du capitaine de Gaulle et du maréchal Pétain, ne suffisait pas à Léon Sasserath ; elle n’avait pas le même sens que le monument qu’il voulait absolument installer. Inaugurée en août 1936 sur la place d’Armes, l’œuvre de Soete est particulièrement monumentale ; au centre d’une longue balustrade, deux doigts levés vers le ciel en forme de V, signifient que, sur l’honneur, les Dinantais jurent qu’aucun franc-tireur n’a tiré sur les soldats allemands ; intitulée Furore Teutonico, elle sera basculée par les Panzers allemands en mai 1940. Sans doute faut-il voir dans cette initiative communale le signe de l’engagement de Léon Sasserath dans une forme du combat wallon. Le projet et l’inauguration de ce monument (en août 1936, la Belgique officielle est sur le point de modifier sa politique étrangère) provoqueront une vive polémique à dimension nationale, mais l’impact local n’est pas à négliger pour Sasserath ; son obstination dans l’édification de ce monument lui aurait vraisemblablement coûté son mandat de bourgmestre.

Membre du comité de patronage du premier congrès de la Concentration wallonne (1930), membre du comité d’honneur de la Fédération des Universitaires wallons (1933), il n’a pas rejoint son frère, Simon, au sein de la Ligue nationale pour la Défense de la Langue française. Mais son attachement à la culture française est réel, mêlé à des préoccupations wallonnes. Avocat, il devient membre dans les années 1930 du Groupement des Avocats de Langue française (1934-1940) et prend une part active dans la lutte contre le projet de loi du ministre de la Justice, Eugène Soudan, réglementant l’emploi des langues en Justice. Entré au Sénat en remplacement de Georges Hicguet décédé (novembre 1935), Léon Sasserath va représenter l’arrondissement de Namur-Dinant-Philippeville jusqu’en 1946. De 1935 à 1940, il est aussi le délégué de cet arrondissement à l’Assemblée wallonne. À ce moment, il ne partage pas totalement les vues des fédéralistes wallons. Président du groupe libéral au Sénat, Léon Sasserath cherche d’autres voies pour défendre les intérêts wallons, et s’identifie davantage au courant unioniste du Mouvement wallon. Ainsi, il n’hésite pas à présider la réunion de l’Entente libérale wallonne (Namur, 5 février 1939) qui décide de retirer sa confiance au gouvernement suite à la nomination du docteur Martens à l’Académie flamande. Sasserath faisait ainsi tomber un gouvernement comprenant trois ministres libéraux, dont le wallon et fédéraliste Émile Jennissen.

Membre du Congrès national wallon, Léon Sasserath participera au congrès wallon de la Libération (Liège, 20 et 21 octobre 1945). Membre du comité provincial namurois de patronage du Congrès national wallon de 1947, membre du comité de patronage du deuxième Congrès culturel wallon (Liège 1955), Léon Sasserath aurait été membre du Comité permanent du Congrès national wallon, à partir de 1948 et jusqu’en 1958. Membre de l’Entente libérale wallonne, il déclare en 1947 que sa fédération (Dinant) s’est ralliée au fédéralisme. 1947 est aussi l’année où il retrouve la présidence du collège dinantais. Il restera bourgmestre jusqu’en décembre 1956. On ne trouve aucune trace de la volonté de reconstruire le Furore Teutonico

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1459
http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/bourgmestres/sasserath-leon (s.v. octobre 2014)

Mandats politiques

Conseiller communal de Dinant (1912-1956)
Échevin (1914-1921)
Conseiller provincial (1926-1935)
Bourgmestre (1927-1936)
Sénateur (1935-1946)
Bourgmestre (1947-1956)

Ruwet André-Joseph

Politique

Dalhem 01/01/1860, Blegny 16/08/1914


Lors de l’attaque allemande du 4 août 1914, le pays de Herve est l’un des tout premiers théâtres des opérations militaires. En quelques heures, les villes de Visé, de Battice et de Herve notamment sont envahies. Des soldats belges résistent du côté de Visé et la nervosité des soldats allemands ne va cesser de s’accroître. Alors qu’ils s’entretuent maladroitement, les Allemands accusent les populations civiles d’en être responsables et s’en prennent à elles.

Dans le petit village de Blegny, trois régiments allemands arrivent en ordre dispersé dès le 5 août. L’exécution d’un civil marque le début d’une série de brutalités et d’atrocités commises contre les habitants du lieu sans motivation. Prises d’otages, évacuations de maisons, exécutions se succèdent. Le désordre règne dans la cité de Blegny dont le bourgmestre s’occupe depuis plusieurs années. Il a en effet été désigné en 1897. Agriculteur, André-Joseph Ruwet est bien connu de tous les Blégnytois et apprécié pour les travaux d’embellissement qu’il y a entrepris. En 1899, la ligne vicinale entre Liège-Barchon a été inaugurée, avant d’être étendue à Dalhem (1907), puis à Fouron-le-Comte (1908). Elle assure le transport de marchandises (mines de Blegny et produits agricoles) et permet aux ruraux de se rendre à Liège, jusqu’au terminus de la Place Saint-Lambert. C’est à cette vie paisible que s’en prennent les envahisseurs les 5, 6 et 7 août 1914.

En fait, la résistance inattendue des forts liégeois, en particulier ici ceux de Fléron de de Barchon, semble avoir « irrité » la soldatesque allemande pressée d’arriver à la frontière française, si bien que les populations en paient le prix fort. Dans la région, 850 civils sont tués, près de 1.500 habitations sont incendiées ou détruites. À Blegny, le calme semble revenir à partir du 8 août et le maïeur tente de réconforter ses concitoyens tant bien que mal, alors que des alentours parviennent les échos des combats et surtout de la résistance inattendue des forts liégeois. Il s’occupe déjà de l’approvisionnement, tentant de trouver de la farine au moulin d’Argenteau. Malheureusement, le 15 août arrive à Blegny un nouveau régiment. Quelques notables, dont le bourgmestre, sont alors pris en otage.
Pendant la nuit, des coups de feu retentissent. En représailles, les Allemands annoncent que des otages seront conduits à Liège ; en fait, les frères Gaspard et Léopold Hakin (choisis au hasard), l’abbé Remy Labeye et le bourgmestre André-Joseph Ruwet sont conduits, les yeux bandés, devant l’église locale. Alignés devant un mur, ils sont froidement fusillés. L’église est ensuite incendiée. Au total une cinquantaine de maisons de Blegny seront détruites et d’autres n’échapperont pas au pillage ; la localité perdra 19 de ses habitants. Si les Allemands avaient une stratégie de la terreur, elle visait les notables, prêtres et bourgmestres. André-Joseph Ruwet n’est pas le seul maire de Wallonie a payé de sa vie ce comportement d’un autre âge.

C’est Émile Andernack qui sera désigné pour remplacer A-J. Ruwet durant la période d’occupation, avant le long maïorat de Julien Ghuysen (de 1921 à 1964).
 


Sources
 

http://www.bel-memorial.org/names_on_memorials/display_names_on_mon.php?MON_ID=1865
Gustave SOMVILLE, Vers Liège, le chemin du crime, août 1914, Paris, 1915, p. 182-194 (http://dgtl.kbr.be:8881//exlibris/dtl/d3_1/apache_media/L2V4bGlicmlzL2R0bC9kM18xL2FwYWNoZV9tZWRpYS8xMDk2NzM=.pdf)
http://www.blegny-initiatives.be/Archives/BI1210/LeMagArchive1210.html (s.v. octobre 2014)
John HORNE, Alan KRAMER, 1914, les atrocités allemandes, traduit de l’anglais par Hervé-Marie Benoît, Paris, Tallandier, 2005, p. 33 et 477

Leman (Général) Gérard

Militaires

Liège 08/01/1851, Ixelles 17/10/1920

En août 1914, Gérard Leman commande la place fortifiée de Liège. Appliquant à la lettre le rejet de l’ultimatum allemand par le gouvernement belge, il mène une résistance aussi opiniâtre que désespérée. Face à l’armada déployée par l’envahisseur, l’attitude des forts de Liège frappe immédiatement les imaginations. Leur héroïsme et celui de leur commandant font le tour du monde. À 63 ans, Gérard Leman, jusque-là militaire discret, entre dans l’histoire.

En raison des activités de son père (capitaine d’artillerie, professeur à l’École militaire), Gérard Leman accomplit ses études à Bruxelles (Athénée et École militaire) ; premier de sa promotion (1872), le lieutenant du génie entre à son tour à l’École royale militaire (1880). Professeur de géologie, de mathématiques et d’architecture, il en devient le directeur des études (1899-1905), puis le commandant (1905-1914). Auteur de plusieurs ouvrages, s’intéressant aux techniques de fortifications, il accorde une importance première aux mathématiques dans la formation des futurs officiers. Parallèlement, il est chargé de l’éducation militaire du jeune Albert.

Lieutenant-général dans l'infanterie (1912), il reçoit, en janvier 1914, le commandement de la position fortifiée de Liège et de la 3e division d'armée ; en quelques mois, il organise la place de Liège dans l’hypothèse d’une offensive venant de l’est. Néanmoins, l’attaque du 4 août reste une surprise et le général Leman doit transférer précipitamment son QG dès le 6 août vers le fort de Loncin. C’est de là qu’il va diriger les opérations de ralentissement de l’avancée de l’armée allemande, ainsi que le prévoyait la stratégie militaire belge.

Surprises par cette résistance et pressées d’en finir, les armées de l’empereur déploieront des moyens modernes impressionnants et surtout nouveaux (Zeppelin, « Grosse Bertha », etc.) pour s’assurer du contrôle de la place de Liège. Alors qu’ils procèdent à des bombardements réguliers, les Allemands les entrecoupent par des envois d’émissaires chargés de convaincre le général Leman de capituler. Son refus est obstiné. Le 15 août, le fort de Loncin tient toujours. Le tir de la batterie installée au boulevard d’Avroy se fait cependant toujours plus précis et quand un projectile allemand tombe sur le magasin de munitions, le fort de Loncin vole en éclat dans une implosion exceptionnelle. Il ne restait plus, aux soldats du Reich, qu’à faire prisonniers les soldats belges. « Il faut rendre hommage à l’énergie du chef qui sut galvaniser ses maigres effectifs et obtenir des prodiges de leur vaillance » (La Vie wallonne, 1920).

Emmené devant Otto Von Emmich, le Général Leman lui remet son épée, demandant que l’on inscrive dans le livre de guerre qu’il a été capturé inconscient sur le champ de bataille. Fait prisonnier bien malgré lui, le général Leman reçoit les honneurs de guerre, avant d’être emmené en Allemagne, où il doit être soigné et suivi médicalement. Il est transféré dans différents camps, avant d’être finalement libéré sans conditions, le 19 décembre 1917. Bâle, Paris, le Havre et Spa permettront à sa santé de s’améliorer.

Acclamé comme un héros lors de son retour à Liège au lendemain de l’Armistice, il est maintenu dans ses fonctions sans limite d’âge. Alors que les récompenses et les marques de sympathie se multiplient (il assiste au premier rang à la remise de la Légion d’honneur à la ville de Liège, en juillet 1919, et il est anobli en novembre 1919), Leman rédige consciencieusement un Rapport sur la défense de Liège qu’il terminait à peine, lorsqu’il est emporté par une pneumonie. Ses funérailles, seulement civiles, donnent lieu à une cérémonie nationale, à Liège d’abord, à Bruxelles ensuite où le maréchal Pétain s’est déplacé en personne au nom de l’armée française, ainsi que le général Hutchinson pour l’armée britannique.

Sources

La Vie wallonne, 1ère année, n°3, 15 novembre 1920, p. 129-138
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOE, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 58-59
TUCHMAN Barbara W., Août 1914, Paris, Presses de la Cité, 1962, p. 186-187
Le rapport du général Leman sur la défense de Liège en août 1914 (introduction et notes du cdt G. HAUTECLERC) ; Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1960, Commission Royale d'Histoire
Maurice DES OMBIAUX, Le général Leman, Paris, Bloud & Gay, c. 1916, coll. « Pages actuelles / 1914-1916 » n°79

Joset Camille

Culture, Journalisme, Révolutions

Soumagne 14/12/1879, Etterbeek 30/12/1958


Le journaliste Mathieu François Camille Joset – Camille Joset comme il était appelé – s’est illustré durant les deux conflits mondiaux comme résistant.

Fils d’un négociant, Camille Joset mène des études gréco-latines au Collège Marie-Thérèse de Herve. Apprenti journaliste, il collabore bénévolement, étant encore étudiant, aux Nouvelles de Fléron, Le courrier de Herve et Le canton de Dison. Il poursuit des études de Philosophie thomiste au Petit Séminaire de Saint-Trond et part à l’Université de Liège où il fait une candidature en Sciences naturelles. Rédacteur de plusieurs hebdomadaires, notamment L’Université catholique, rédacteur en chef au Catholique belge, proche des théories de l’abbé Daens, il s’engage dans les rangs de la démocratie chrétienne et il quitte Liège, en 1902 pour Arlon. Là, il est nommé directeur de L’Avenir du Luxembourg, en janvier 1903, et en « améliore le contenu, l’organisation, les services du quotidien, ses techniques de composition et d’impression ».

Auteur du Bon féminisme, en 1904, Camille Joset se lance dans la politique en se portant candidat sur la liste catholique à Arlon, en vue des élections communales d’octobre 1911. L’année suivante, il figure en tête de la liste catholique, lors des élections provinciales, dans le canton d’Arlon et rafle 3 des 4 sièges à pourvoir, ce qui lui ouvre les portes du Conseil provincial.

« Le 4 août 1914, Joset s’engage comme volontaire dans l’armée belge, pour toute la durée des hostilités. Comme sous-lieutenant et officier d’état-major, il est rattaché au gouvernement militaire du Luxembourg, afin d’assurer le service de renseignement. Avant même l’invasion allemande, il se livre à l’espionnage ». À l’issue du conflit, Camille Joset reçoit diverses décorations, notamment la Croix civique de 1914-1918 de première classe et la Légion d’Honneur du Président de la République française.

Après l’Armistice, Joset déménage à Bruxelles où il devient directeur du service de presse et de publicité au Ministère des Chemins de fer, Postes et Télégraphes, tout en présidant l’Association des Villes belges et luxembourgeoises. Il est aussi nommé Haut-Commissaire royal adjoint pour les régions dévastées du Luxembourg. 
En 1939, il devient, avec son fils Camille-Jean Joset, agent du renseignement britannique, et membre du Directoire national du MNB (Mouvement national belge), dont il reprend le commandement national, le 23 octobre 1941, après l’arrestation d’Aimé Dandoy. Prenant de plus en plus de risques, il est emprisonné en avril de l’année suivante et le restera durant trois années. Nommé colonel de la Résistance, en 1947, reconnu grand invalide de guerre, résistant civil, résistant armé, résistant par la presse clandestine et prisonnier politique, il est élu Président du Conseil national de la Résistance, installé en mars 1945.

 

Sources

Service du livre luxembourgeois, http://www.servicedulivre.be/sll/fiches_auteurs/y/yande-albert.html
Paul WYNANTS, Le Père Camille-Jean Joset, p. 12 et suiv. 
http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20140916_00529459 (s.v. décembre 2014)

Conseiller provincial de Luxembourg (1912-1920)

Fiévez Amé (ou Aimé-Joseph)

Militaires

Calonne 7/03/1891, tué sur le front à Steenstrate, près de la ville d’Ypres, 26/03/1917


Le bilan humain de la Première Guerre mondiale est particulièrement saisissant : quel que soit le camp des belligérants, on dénombre 18,5 millions de morts, civils et militaires confondus et plus de 21 millions de soldats blessés. Près de 2% de la population de tous les États en guerre ont disparu entre 1914 et 1918. En Belgique, c’est près de 1,5% de la population de 1914 qui a disparu quand est annoncé l’Armistice. Aux 62.000 victimes civiles s’ajoutent près de 43.000 soldats tués et des milliers de blessés. Partout dans les villages, des centaines de monuments rendent hommage aux disparus, de façon discrète ou de manière plus ostensible.

Inaugurée le 11 novembre 1922, la tombe du soldat inconnu – qui se trouve au pied de la colonne du Congrès, à Bruxelles – symbolise l’hommage de toute la Belgique aux soldats tués. En Wallonie, il n’existe pas de « monument concurrentiel », tandis qu’à Dixmude a été élevée la Tour de l’Yser, inaugurée en août 1930, pour commémorer la paix en Europe, tout en rendant hommage aux victimes flamandes de la Grande Guerre.

Dès l’entame de sa construction en 1928, la Tour de l’Yser est devenue le lieu de pèlerinage du Mouvement flamand. À partir de 1932, la crypte de la Tour accueille, à côté de six cercueils individuels de soldats flamands, celui contenant les corps de trois soldats retrouvés sur le champ de bataille de Steenstrate ; les corps du caporal Fiévez et des frères Frans et Edward van Raemdonck sont à ce point imbriqués, affirme-t-on alors, qu’ils sont placés ensemble dans le même cercueil. Au fil du temps et d’hommages politiquement distincts, les frères van Raemdonck – proches du mouvement frontiste – deviennent le symbole des soldats flamands méprisés par les officiers francophones et sacrifiés en raison de leur incompréhension du sens des ordres qui leur étaient donnés en français.

Dès l’été 1917, nul n’ignore la présence du caporal wallon Amé Fiévez aux côtés des frères van Raemdonck. Originaire de la région d’Antoing, Fiévez avait 23 ans quand l’armée impériale viola les frontières des pays voisins. Derrière l’Yser, il a subi pendant des mois toutes les misères d’une guerre de tranchées qui n’en finit pas. Lors d’un assaut nocturne sur le Stampkot, dans la nuit du 25 au 26 mars 1917, Amé Fiévez est surpris dans son élan par une riposte allemande, en même temps que les frères van Raemdonck. Récupérées dans le no man’s land de la plaine de l’Yser, leurs dépouilles seront déplacées à plusieurs reprises : en 1924, ils sont enterrés ensemble dans le cimetière militaire de Westvleteren ; leurs trois noms figurent sur le monument de Steenstrate (1933) ; mais si officiellement le corps de Fiévez est resté au cimetière de Westvleteren, dans les faits, il a bien été transféré dans la crypte de l’Yzer en 1932.

En 1955, plusieurs articles de la presse francophone révèlent la situation, tandis que des descendants de la famille protestent contre le caractère illégal de la situation. Il faudra attendre les préparatifs des commémorations du centième anniversaire de la Grande Guerre pour que le caporal wallon Amé Fiévez bénéficie d’hommages personnalisés, tant à Dixmude qu’à Antoing. Il était l’un des 9.750.000 soldats tués durant la Première Guerre mondiale.

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Soir, L’Avenir 24/03/2014
Maarten VAN GINDERACHTER, Raemdonck, dans Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging, Tielt, Lannoo, 1998, t. III, p. 2528-2529

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Binard Arthur

Politique

Hanzinelle 1851, Givet 21/07/1916


Au moment de l’invasion allemande d’août 1914, la commune de Hanzinelle, dans le Namurois, n’échappe pas aux massacres et atrocités commises par les soldats en campagne. Les 24 et 25 août, l’heure est au bilan : plus d’un tiers des habitations du village ont été détruites ou incendiées. Heureusement, les habitants ont fui et les victimes civiles sont peu nombreuses, ce qui n’est pas le cas dans les rangs français. En effet, après deux passage de troupes les 15 et 19 août en direction de Charleroi, des soldats français refluent trois jours plus tard, en provenance de Châtelet et de Bouffioux, et, pour freiner l’ennemi, ils prennent position à Hanzinelle. La localité est alors au cœur de violents combats qui durent jusqu’au 24 août. Ce matin-là, les troupes allemandes entrent dans le village où elles incendient des maisons.

Prévoyant le pire au vu des événements, Arthur Binard a incité, dès le 22 août, la population civile à se mettre à l’abri, voire à fuir. Depuis 1911, il est le bourgmestre de la localité. C’est à ce titre que, dès 1915, il dresse le bilan des tragiques événements, avec l’aide du curé (Daube) et de l’instituteur (Yernaux). Outre les dégâts aux maisons, Binard compte 72 morts dans les rangs franco-algériens, contre 2 du côté allemand.

Comme de nombreux autres « maïeurs » de Wallonie, il reste en fonction sous l’occupation afin d’assurer le ravitaillement et la « tranquillité » de ses concitoyens. Membre du Conseil supérieur de l’Industrie et du Commerce avant 14, Binard est un industriel bien connu dans sa région. Mais son comportement à l’égard de l’ennemi déplaît aux autorités allemandes qui décident de l’arrêter et de l’emprisonner à Givet. C’est là, en 1916, qu’il est condamné à la pendaison, peine exécutée immédiatement.
 

Sources

Chanoine Jean SCHMITZ et Dom Norbert NIEUWLAND, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg, Bruxelles, Paris, Librairie nationale d’art et d’histoire, G. Van Oest & Cie, 1923, t. IV, cinquième partie, L’Entre Sambre et Meuse, p. 22-23
http://www.bel-memorial.org/cities/namur/hanzinelle/hanzinelle_stele_binard.htm (s.v. juillet 2013)

Bastin Jules

Militaires, Résistance

Roux 23/03/1889, Gross Rosen 1/12/1944


Comme de nombreux Wallons de sa génération, Jules Bastin est surpris par l’invasion allemande d’août 1914, ainsi que par celle de mai 1940. Fait prisonnier, il se distinguera par ses nombreuses tentatives d’évasion lors de la Grande Guerre et il paiera finalement de sa vie son engagement au sein de l’Armée secrète, lors de la Seconde Guerre mondiale.

Engagé volontaire à l’armée dès ses 17 ans, Jules Bastin passe du 13e régiment de ligne à Dinant à l’École militaire où il est admis en 1907 ; il opte pour la cavalerie, l’armée d’élite de l’époque. Le 31 décembre 1913, il est admis au 1er régiment de Chasseurs à cheval à Tournai. Lieutenant de cavalerie en 1914, il est blessé sur le champ de bataille après une charge à la tête de son peloton, le 16 août. Fait prisonnier à hauteur de Chaumont-Gistoux, il est transféré en Allemagne à l’instar de près de 42.000 soldats capturés principalement durant ce mois d’août 14. Les conditions de détention sont abominables. Mû par une seule obsession, s’évader, Jules Bastin s’y reprend à dix reprises avant de parvenir à rejoindre les Pays-Bas. De plus en plus surveillé, c’est finalement du fort IX d’Ingolstadt, en Bavière, qu’il reprend définitivement sa liberté en novembre 1917. Arrivé près de la frontière entre l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, un tunnel creusé sous la ligne électrifiée lui permet de gagner Vaals, puis Maastricht, avant d’embarquer pour Calais où il arrive en décembre. Car son intention ultime est de rejoindre les troupes belges sur l’Yser ; avec elles, il participe à l’offensive victorieuse de septembre-octobre 1918. 

Commandant d’un escadron du 1er Lanciers caserné à Spa (1928), promu lieutenant-colonel (1934) puis colonel (1939), professeur de tactique à l’École de Guerre (1936), il raconte dans un livre à succès, publié dans les années 1930, ses 10 tentatives d’évasion ; un aviateur français, Roland Garros, était parmi ses compagnons d’infortune. Dans ses souvenirs, Charles de Gaulle, lui aussi prisonnier en Allemagne au printemps 1916 non loin de Jules Bastin, racontera que le militaire de Charleroi était alors pour lui un modèle. Plusieurs fois récompensés des plus hautes distinctions, Jules Bastin est un « héros » qui s’en est retourné à la vie normale jusqu’en 1939.

Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Jules Bastin participe à la Campagne des 18 Jours en tant que chef d’État-Major du corps de la cavalerie belge. Après la capitulation décidée par Léopold III, il refuse la situation, embarque pour l’Angleterre, revient en France avant de finalement rentrer au pays. Affecté à l’OTAD (Office des Travaux de l’Armée démobilisée), il va contribuer à la formation de La Légion belge (septembre 1941). Le danger est permanent. Il est arrêté et emprisonné une première fois (un mois, en novembre 1941). Commandant de l’organisation de combat, le colonel Robert Lentz a moins de chance et Bastin lui succède à la tête du réseau clandestin (mai 1942), avant de devenir le commandant de la Légion belge (novembre 1942), qui devient L’Armée de Belgique (1943) avant de prendre l’appellation définitive d’Armée secrète (1er juin 1944). Depuis la fin 1942, Bastin est en effet chargé par le gouvernement belge en exil à Londres de coordonner et fédérer tous les organes de résistance armés du pays. Tombé dans un guet-apens près de Liège (avril 1943), il échappe de peu à la mort et passe quelques semaines en prison avant d’être libéré. Mais sa troisième arrestation, le 24 novembre 1943, lui est funeste. Il est envoyé à la prison de Saint-Gilles où ses tentatives d’évasion sont vaines. Finalement, le 5 février 1944, il est déporté vers l’Est et, épuisé par les mauvais traitements qui lui sont infligés, Jules Bastin ne reviendra pas du camp de concentration de Gross Rosen.

 

Sources

Jules BASTIN, La lutte pour la liberté. Mes 10 évasions, 1914-1917, Paris, Payot, 1936
Albert CRAHAY, Vingt héros de chez nous : 1940-1964, Bruxelles, 1983, p. 209-229
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOE, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 255
http://www.freebelgians.be/articles/articles-3-36+de-la-legion-belge-a-l-armee-secrete.php (s.v. septembre 2014)
Léon-E. HALKIN, dans Biographie nationale, t. 31, col. 55-56

Trésignies Léon

Résistance

Rebecq-Bierghes 1886, canal de Willebroeck, à Grimbergen 26/08/1914

Ouvrier aux chemins de fer, Léon Trésignies est mobilisé en plein cœur de l’été 1914. Rejoignant la 2e compagnie, 3e bataillon du 2e Chasseur à pied, il gagne son unité à Mons, avant de prendre la direction du canal de Willebroeck. Sur place, les Allemands occupent déjà l’autre rive, là où se trouve le mécanisme du pont-levis. Se portant volontaire, Trésignies plonge dans le canal, déjoue l’attention des Allemands, parvient sur l’autre rive et actionne le mécanisme. Malheureusement, au lieu de l’abaisser, il remonte le pont et est repéré par les Allemands. 

Le 26 août 1914, Léon Trésignies est abattu en mission. Le 15 septembre 1914, le caporal est cité à l’ordre du jour de l’Armée belge et devient le héros du Pont-Brûlé, un héros de la résistance nationale. À Charleroi, la caserne qui porte son nom accueille le Musée des Chasseurs à pied.
 

Sources

Yves VANDER CRUYSEN, Un siècle d’histoires en Brabant wallon, Bruxelles, Racine, 2007, p. 51-52
Raymond GILON, Les Carnets de la mobilisation 38-40, Liège, Dricot, s.d., p. 308
Arthur DELOGE, Le caporal Trésignies, le héros du Pont-Brûlé, Bruxelles, ACJB, 1922
Camille BUFFIN, La Belgique héroïque et vaillante, Paris, 1916, p. 117-119

© Bel-Memorial

Schnock Nicolas

Politique

Hachy 1868, Étalle 23/08/1914

Lors de l’invasion allemande d’août 1914, l’envahisseur commet un certain nombre d’exactions à l’encontre des civils dans des villages de Wallonie : incendies, pillages, exécutions sommaires, etc. Des autorités prises en otages sont froidement exécutées. Ainsi, le 23 août 1914, c’est Nicolas Schnock, le bourgmestre de Hachy, qui est exécuté par pendaison. 

À l’heure de l’ultimatum allemand, il avait intimé l’ordre à la population locale de déposer les armes à son domicile, obéissant ainsi à une injonction venant de Bruxelles qui souhaitait éviter des initiatives civiles dans le conflit militaire. Persuadé que Nicolas Schnock avait l’intention de fomenter une conspiration, les Allemands se saisissent du maïeur, rendent un jugement sommaire et le condamnent. La disparition de ce maire ajoute au drame qui frappe alors le sud de la Wallonie au début de la Grande Guerre.

 

Sources

Jean SCHMITZ, Norbert NIEUWLAND, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg, Bruxelles, Paris, 1920, vol. 7, p. 208-210, 217
Stéphanie CLAISSE, Le déporté de La Grande Guerre : un ‘héros’ controversé. Le cas de quelques communes du Sud Luxembourg belge, CHTP-BEG, n°7, 2000, p.