Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Zénobe GRAMME

Quelques mois à peine après le décès, à Paris, de Zénobe Gramme, l’association des anciens élèves de Polytechnique et de Centrale, à Paris, fait connaître son intention d’ériger un monument à la mémoire de l’illustre inventeur. Après son invention, le nom de Gramme s’était imposé comme celui d’une marque et l’on en avait fini par oublier que ce nom renvoyait à un génial inventeur qui, en se retirant discrètement, dans la banlieue parisienne n’avait pas facilité l’entretien de sa mémoire. L’idée des Parisiens fait cependant bondir les milieux belges ; plusieurs articles paraissent et Oscar Colson retrace, pour la revue Wallonia, une importante biographie qui insiste sur les racines wallonnes de l’inventeur de la dynamo. Plutôt qu’un comité bruxellois, ce sont des Liégeois qui prennent l’initiative : l’Association des Ingénieurs sortis de l’École de Liège formule, dès août 1903, le projet d’ériger un monument en l’honneur de son illustre membre. Un Comité présidé par Frédéric Nyst – par ailleurs président de l’AILg – lance une importante souscription publique qui parvient à sensibiliser plus d’un millier de communes, de sociétés et de particuliers : ce sont près de 75.000 francs qui sont rassemblées auxquels le gouvernement, la province et la ville de Liège ajoutent de plantureux subsides.

Pourvu de moyens importants, le « Comité du Monument Gramme » (au sein duquel on retrouve notamment le professeur George Montefiore-Levi) peut se permettre d’ériger un impressionnant monument à Liège, d’apposer une plaque commémorative à Jehay et de créer des bourses d’études pour les étudiants de l’École industrielle de Liège. Chacun s’accorde à considérer que l’inauguration du monument liégeois doit s’inscrire dans le cadre de l’Exposition universelle qui se tient alors dans la Cité Ardente. Le monument prend place dans le prolongement du pont de Fragnée lui aussi rénové et inauguré en 1905.

En présence du ministre Gustave Francotte – en charge du Travail –, le bourgmestre Gustave Kleyer exprime la satisfaction de « la Capitale wallonne » d’accueillir un tel monument. Il est à la mesure du génie attribué à Zénobe Gramme puisqu’il comprend trois groupes de sculpture en bronze s’appuyant sur un socle en pierre de très grande largeur : Gramme menuisier, Gramme méditant, vingt ans plus tard.

La partie évoquée ici s’intitule « la dynamo ». Menuisier bricoleur et persévérant, Zénobe Gramme (1826-1901) dépose en 1869 le brevet de son innovation majeure, une machine dynamoélectrique. À la tête de sa propre société, il parviendra à vendre son « produit » de plus en plus perfectionné à l’industrie. C’est à l’inventeur qui a révolutionné le monde que cette partie du monument rend hommage. Sur un socle plus élevé que les deux autres, occupant la position centrale, un autre socle en forme de colonne carrée est surmonté d’un large buste, réalisé en bronze, qui présente Zénobe Gramme en demi corps. Sa main repose sur une dynamo bien visible. Symbolisant une déesse personnifiant la science selon les uns, la porteuse d’électricité selon les autres, une femme se tient à la droite de l’inventeur ; elle tient les palmes glorieuses et « les foudres électriques ».

La réalisation de l’ensemble du monument en revient à l’architecte Charles Soubre (1846-1915) et au sculpteur Thomas Vinçotte (1850-1925). Très tôt intéressé par la sculpture, le jeune Vinçotte a déjà eu la chance de fréquenter l’atelier d’Alexandre et Guillaume Geefs, quand il est admis à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Élève brillant auprès de Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, second au Prix de Rome 1872, il part se perfectionner dans plusieurs ateliers parisiens et les bustes (l’un de P. Orts, l’autre de Giotto) qu’il présente au Salon de Bruxelles en 1875 lui assurent une notoriété définitive. Après deux années en Italie (1877-1879), il répond à de multiples commandes publiques et du Palais royal, tout en poursuivant une œuvre personnelle. En marbre ou en bronze, avec des bustes, des statues, des monuments ou des bas-reliefs, réaliste ou introduisant de la fantaisie, Vinçotte s’impose comme une valeur sûre de son temps, se spécialisant, à partir des années 1880 dans la représentation des chevaux. Originaire de Borgerhout et décédé à Schaerbeek, il a été professeur de sculpture à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts d’Anvers de 1886 à 1921. Quant à Charles (Étienne) Soubre, second fils du compositeur Étienne Soubre, et neveu du peintre Charles Soubre, il est professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Liège depuis 1885. Il a signé les plans de quelques villas bourgeoises essentiellement en région liégeoise (château Peltzer à Verviers, maisons sur les grands boulevards de Liège, etc.) quand il se voit confier la réalisation du monument Gramme avec Vinçotte.

 

Sources

Wallonia, 1902, p. 123-129 ; Wallonia, 1903, p. 261-283 ; Wallonia, 1905, p. 488-492
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 206
Si Liège m’était conté, n°36, automne 1970, p. 11
Suzy PASLEAU, dans Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 205-206
Revue du Conseil économique wallon, n° 42, janvier 1960, p. 78
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 605-609
Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, 2003, p. 515-516
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_%C3%89tienne_Soubre (sv. janvier 2014)

 

Monument Zénobe Gramme

Square Gramme
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Kleyer Gustave

Politique

Habay-la-Vieille 17/03/1853, Liège 4/04/1939

Docteur en Droit de l’Université de Liège, avocat au Barreau de Liège, Gustave Kleyer adhère au Parti libéral et, lors des élections de 1884, est élu conseiller communal de Liège (1884). Quatre ans plus tard, il accède au mandat d’échevin, en charge de l’État civil du contentieux et des Beaux-Arts (1888-1895), avant de s’occuper des travaux publics (1895-1900). Libéral doctrinaire, il est au centre d’une cacophonie politique au moment de la mise en place d’un nouveau collège en juillet 1900. Finalement le maïeur Léon Gérard démissionne, et Gustave Kleyer est désigné comme bourgmestre de Liège, à la tête d’une tripartite libéraux-socialistes-catholiques d’abord (1900-1901), d’une majorité des gauches ensuite (1901-1921). Il restera le chef de la Violette jusqu’en 1921. 

Parmi les nombreux projets menés par ou sous le maïorat de Gustave Kleyer, on ne peut passer sous silence l’aménagement du boulevard qui étend la ville sur les hauteurs de Cointe ni l’organisation de l’Exposition universelle de 1905, à la suite de laquelle sont aménagés les quartiers de Fragnée et des Vennes. C’est aussi lui qui dut faire face à l’attaque puis à l’occupation allemande de 1914-1918. Eviter le bombardement de la cité tout en soutenant la résistance du général Leman depuis les forts, empêcher que les Allemands ne prennent des otages sous prétexte de francs-tireurs, déjouer les directives de l’occupant et notamment les amendes réclamées, telles sont quelques-unes des multiples tâches qu’accomplit Kleyer en plus des questions d’organisation, de protection, de ravitaillement, de défense des administrés et bien d’autres problèmes d’ordre économiques et sociaux. 

Son dévouement et sa bravoure lui valurent le respect de tous ses contemporains. Après l’Armistice, c’est encore Gustave Kleyer qui reçoit des mains du président français Poincaré la Croix de la Légion d’honneur pour la résistance de la ville de Liège en août 1914 (24 juillet 1919). Usé par les années de guerre, G. Kleyer décide de se retirer de la vie politique en 1921.

À la tête de ce que l’on considérait à l’époque comme la capitale de la Wallonie, Gustave Kleyer n’exerce pas de mandat à un autre niveau de pouvoir. Néanmoins, à de nombreuses reprises, à la tête du Collège de Liège, il affirme son opposition à toute mesure de « bilinguisation » de la Wallonie et à toute loi de contrainte linguistique. Lors de la constitution de l’Assemblée wallonne en 1912, il apporte son soutien à ce Parlement wallon informel et à son programme. Délégué effectif de Liège de 1913 à 1920 auprès de l’Assemblée wallonne, Gustave Kleyer introduit la question wallonne dans son discours de La Joyeuse Entrée du roi Albert en 1913 et ouvre aussi son hôtel de ville aux réunions de l’Assemblée wallonne en novembre 1913 et en avril 1919.

 

Sources

Robert DEMOULIN, dans Biographie nationale, t. XXXI, col. 507-515
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 895
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10

 

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1884-1921)
Échevin (1888-1900)
Bourgmestre (1900-1921)