Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Pierre l’Ermite

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte provincial Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. 

Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Déjà à ce moment, une commission de spécialistes devait sélectionner les personnages illustres du passé liégeois. 

Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une nouvelle commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Le liégeois Lambert Noppius (1827-1889) coordonne le chantier de décoration. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Pierre l’Ermite, réalisée par Laumans, est parmi celles-ci.

Statue Pierre l’Ermite

Auteur de deux statues et d’un bas-relief illustrant « L’érection du palais par Erard de la Marck », le sculpteur anversois Jean-André Laumans (1823-1902) fait partie de l’équipe d’une douzaine de sculpteurs qui travaillent sous la direction de Lambert Noppius. Élève de Jean Geefs, second Prix de Rome en 1851, auteur de quelques réalisations à Bruxelles, Jan Andries Laumans participe au chantier liégeois entre 1877 et 1884. Il signe plusieurs sculpteurs dans des églises bruxelloises et travaille sur les chantiers de décoration des hôtels de ville de Bruxelles et de Furnes. Celui qui deviendra professeur à l’Académie de Maastricht est l’auteur, sur le chantier du Palais provincial de Liège du Pierre l’Ermite situé sur le retour du péristyle, du côté gauche, sur la partie supérieure de la colonne de gauche. Il figure à côté de la statue d’Alix de Warfusée, et est visible à l’extrême gauche supérieure de la façade principale. Tenant une croix bien en évidence à hauteur de son cœur, le fameux prédicateur de la Croisade semble vouloir poursuivre sa vaste entreprise malgré la pierre qui le fige pour l’éternité.

À l’époque où il a été sélectionné comme personnalité marquante de l’histoire liégeoise, on considérait encore que Pierre l’Ermite était originaire de Huy, qu’il avait été l’initiateur de la Croisade bien avant le pape Urbain et qu’il avait fondé le monastère de Neufmoustier, sur les hauteurs de Huy, après son retour de Jérusalem. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on admettait encore que Pierre l’Ermite avait fini ses jours à Huy, en 1115. Depuis lors, notamment grâce aux travaux critiques de Godefroid Kurth qui, le premier, remit en question la légende, nul n’ignore qu’une grande partie de la biographie ancienne de Pierre l’Ermite ne correspond en rien avec la vérité historique. Si la décoration du palais provincial devait être refaite totalement en ce XXIe siècle, il y a de fortes chances pour que Pierre l’Ermite ne figurât plus parmi les personnalités marquantes de la glorieuse histoire liégeoise.



Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 87.
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Godefroid KURTH, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 435-442.
Jean FLORI, Pierre l’Ermite et la première croisade, Paris, Fayard, 1999, essentiellement p. 20-28, 494-495
Hélène WALLENBORN, Pierre l’Ermite aux origines du Neufmoustier ?, dans Annales du Cercle hutois des Sciences et des Beaux-Arts, Huy, 1994, t. XLVIII, p. 221-239.
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 93, 267, 269
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 31
La Meuse, 2 octobre 1880.

Façade du Palais provincial
(face à la place Notger)
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Gertrude de MOHA

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Gertrude de Moha est parmi celles-ci.

Membre de cette équipe, Jean-André Laumans (Heist-op-den-Berg 1823 – Laeken 1902) va réaliser deux des 42 statues et représenter une scène historique (L’érection du palais par Erard de la Marck). Retenu parmi les derniers candidats au Prix de Rome 1851, cet élève de Guillaume Geefs à l’Académie d’Anvers (1841) puis d’Eugène Simonis à l’Académie de Bruxelles (1842-1846) est régulièrement sollicité par des commandes officielles à Bruxelles, ainsi que pour la réalisation de décorations d’églises, essentiellement en pays flamand. Dans les années 1880, il réalise deux des 48 métiers sur la place du Petit Sablon (Les marchands de poissons et les Savetiers), deux œuvres certes intéressantes mais qui ne symbolisent guère son œuvre. Oscillant entre un style académique et ouverture à un nouveau style, il réalise des œuvres d’inspiration dont, parfois, seul le titre permet la compréhension. Professeur à l’Académie de Maastricht, Laumans a surtout marqué la décoration de l’hôtel de ville de Furnes, quand il est engagé sur le chantier du palais provincial de Liège. Alors que Léon Mignon réalise la statue de Berthe, la mère de Charlemagne, Laumans reçoit mission de réaliser la seconde statue féminine du chantier.

Sa statue de Gertrude de Moha est placée sur la partie supérieure, à l’extrême gauche du péristyle. Elle est la deuxième en commençant par la gauche, placée entre Pierre l’Ermite et Ambiorix. La chronologie n’est pas le critère de positionnement des statues, puisque l’héritière du comté de Moha a vécu au XIIIe siècle (c. 1204 – 1225), alors que Pierre l’Ermite est un prédicateur de la fin du XIe siècle et Ambiorix le contemporain de Jules César… Fille du comte de Looz, Gertrude avait été donnée en épouse à Albert, comte de Moha, l’objectif « politique » de cette union matrimoniale étant que leur descendance rassemble sous son nom les deux territoires. Les deux garçons sur lesquels reposaient les espoirs trouvèrent une fin tragique dans leur adolescence. L’espoir d’une naissance s’amenuisant avec le temps, les époux font don du comté de Moha à l’église de Liège, sous réserve d’une postérité toujours possible (1204). À peine l’allégeance est-elle signée qu’une fille vient au monde et prend le prénom de sa mère : Gertrude ; c’est elle que le sculpteur a représentée. Seule héritière à l’âge de 8 ans, Gertrude se voit confiée au duc de Lorraine, son tuteur, tandis que la succession de Moha vient s’ajouter aux différends qui opposent déjà Brabançons et Liégeois. Leur dispute dans la question de la succession impériale est attisée par le devenir du comté de Moha dont la situation géographique est de haute importance stratégique.

En mai 1212, la ville de Liège est-elle mise à sac par les Brabançons, tandis que Hugues de Pierrepont, contraint de trouver refuge à Huy, excommunie Henri Ier, duc de Brabant. Le château de Moha ne s’est pas rendu et le conflit se poursuit, meurtrier, jusqu’au succès des Liégeois, le 13 octobre 1213 (bataille de Steppes). Après avoir séjourné à Metz où elle a épousé son tuteur (Thibaut/Théobald), la duchesse Gertrude, devenue veuve, revient vivre dans son comté de Moha « pacifié ». Mariée en secondes noces au comte de Champagne, elle s’en délie et décède, à 21 ans, sans descendance. La barrière de sécurité de Moha face aux Brabançons reste dans l’orbite de la principauté de Liège. Dernière héritière du comté de Moha, Gertrude participe ainsi de l’histoire liégeoise, ce qui explique sa présence sur la façade historiée du Palais provincial.

 

Sources

Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 88
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Jean-Pierre BOVY, Promenades historiques dans le pays de Liège, Liège, 1838, t. I, p. 198-242
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, Bruxelles, CGER, 1990, p. 93, 267, 269
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 31
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Statue de Gertrude de Moha

Palais provincial (façade)
4000 Liège

carte

Paul Delforge