Leman (Général) Gérard

Militaires

Liège 08/01/1851, Ixelles 17/10/1920

En août 1914, Gérard Leman commande la place fortifiée de Liège. Appliquant à la lettre le rejet de l’ultimatum allemand par le gouvernement belge, il mène une résistance aussi opiniâtre que désespérée. Face à l’armada déployée par l’envahisseur, l’attitude des forts de Liège frappe immédiatement les imaginations. Leur héroïsme et celui de leur commandant font le tour du monde. À 63 ans, Gérard Leman, jusque-là militaire discret, entre dans l’histoire.

En raison des activités de son père (capitaine d’artillerie, professeur à l’École militaire), Gérard Leman accomplit ses études à Bruxelles (Athénée et École militaire) ; premier de sa promotion (1872), le lieutenant du génie entre à son tour à l’École royale militaire (1880). Professeur de géologie, de mathématiques et d’architecture, il en devient le directeur des études (1899-1905), puis le commandant (1905-1914). Auteur de plusieurs ouvrages, s’intéressant aux techniques de fortifications, il accorde une importance première aux mathématiques dans la formation des futurs officiers. Parallèlement, il est chargé de l’éducation militaire du jeune Albert.

Lieutenant-général dans l'infanterie (1912), il reçoit, en janvier 1914, le commandement de la position fortifiée de Liège et de la 3e division d'armée ; en quelques mois, il organise la place de Liège dans l’hypothèse d’une offensive venant de l’est. Néanmoins, l’attaque du 4 août reste une surprise et le général Leman doit transférer précipitamment son QG dès le 6 août vers le fort de Loncin. C’est de là qu’il va diriger les opérations de ralentissement de l’avancée de l’armée allemande, ainsi que le prévoyait la stratégie militaire belge.

Surprises par cette résistance et pressées d’en finir, les armées de l’empereur déploieront des moyens modernes impressionnants et surtout nouveaux (Zeppelin, « Grosse Bertha », etc.) pour s’assurer du contrôle de la place de Liège. Alors qu’ils procèdent à des bombardements réguliers, les Allemands les entrecoupent par des envois d’émissaires chargés de convaincre le général Leman de capituler. Son refus est obstiné. Le 15 août, le fort de Loncin tient toujours. Le tir de la batterie installée au boulevard d’Avroy se fait cependant toujours plus précis et quand un projectile allemand tombe sur le magasin de munitions, le fort de Loncin vole en éclat dans une implosion exceptionnelle. Il ne restait plus, aux soldats du Reich, qu’à faire prisonniers les soldats belges. « Il faut rendre hommage à l’énergie du chef qui sut galvaniser ses maigres effectifs et obtenir des prodiges de leur vaillance » (La Vie wallonne, 1920).

Emmené devant Otto Von Emmich, le Général Leman lui remet son épée, demandant que l’on inscrive dans le livre de guerre qu’il a été capturé inconscient sur le champ de bataille. Fait prisonnier bien malgré lui, le général Leman reçoit les honneurs de guerre, avant d’être emmené en Allemagne, où il doit être soigné et suivi médicalement. Il est transféré dans différents camps, avant d’être finalement libéré sans conditions, le 19 décembre 1917. Bâle, Paris, le Havre et Spa permettront à sa santé de s’améliorer.

Acclamé comme un héros lors de son retour à Liège au lendemain de l’Armistice, il est maintenu dans ses fonctions sans limite d’âge. Alors que les récompenses et les marques de sympathie se multiplient (il assiste au premier rang à la remise de la Légion d’honneur à la ville de Liège, en juillet 1919, et il est anobli en novembre 1919), Leman rédige consciencieusement un Rapport sur la défense de Liège qu’il terminait à peine, lorsqu’il est emporté par une pneumonie. Ses funérailles, seulement civiles, donnent lieu à une cérémonie nationale, à Liège d’abord, à Bruxelles ensuite où le maréchal Pétain s’est déplacé en personne au nom de l’armée française, ainsi que le général Hutchinson pour l’armée britannique.

Sources

La Vie wallonne, 1ère année, n°3, 15 novembre 1920, p. 129-138
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOE, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 58-59
TUCHMAN Barbara W., Août 1914, Paris, Presses de la Cité, 1962, p. 186-187
Le rapport du général Leman sur la défense de Liège en août 1914 (introduction et notes du cdt G. HAUTECLERC) ; Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1960, Commission Royale d'Histoire
Maurice DES OMBIAUX, Le général Leman, Paris, Bloud & Gay, c. 1916, coll. « Pages actuelles / 1914-1916 » n°79

Kleyer Gustave

Politique

Habay-la-Vieille 17/03/1853, Liège 4/04/1939

Docteur en Droit de l’Université de Liège, avocat au Barreau de Liège, Gustave Kleyer adhère au Parti libéral et, lors des élections de 1884, est élu conseiller communal de Liège (1884). Quatre ans plus tard, il accède au mandat d’échevin, en charge de l’État civil du contentieux et des Beaux-Arts (1888-1895), avant de s’occuper des travaux publics (1895-1900). Libéral doctrinaire, il est au centre d’une cacophonie politique au moment de la mise en place d’un nouveau collège en juillet 1900. Finalement le maïeur Léon Gérard démissionne, et Gustave Kleyer est désigné comme bourgmestre de Liège, à la tête d’une tripartite libéraux-socialistes-catholiques d’abord (1900-1901), d’une majorité des gauches ensuite (1901-1921). Il restera le chef de la Violette jusqu’en 1921. 

Parmi les nombreux projets menés par ou sous le maïorat de Gustave Kleyer, on ne peut passer sous silence l’aménagement du boulevard qui étend la ville sur les hauteurs de Cointe ni l’organisation de l’Exposition universelle de 1905, à la suite de laquelle sont aménagés les quartiers de Fragnée et des Vennes. C’est aussi lui qui dut faire face à l’attaque puis à l’occupation allemande de 1914-1918. Eviter le bombardement de la cité tout en soutenant la résistance du général Leman depuis les forts, empêcher que les Allemands ne prennent des otages sous prétexte de francs-tireurs, déjouer les directives de l’occupant et notamment les amendes réclamées, telles sont quelques-unes des multiples tâches qu’accomplit Kleyer en plus des questions d’organisation, de protection, de ravitaillement, de défense des administrés et bien d’autres problèmes d’ordre économiques et sociaux. 

Son dévouement et sa bravoure lui valurent le respect de tous ses contemporains. Après l’Armistice, c’est encore Gustave Kleyer qui reçoit des mains du président français Poincaré la Croix de la Légion d’honneur pour la résistance de la ville de Liège en août 1914 (24 juillet 1919). Usé par les années de guerre, G. Kleyer décide de se retirer de la vie politique en 1921.

À la tête de ce que l’on considérait à l’époque comme la capitale de la Wallonie, Gustave Kleyer n’exerce pas de mandat à un autre niveau de pouvoir. Néanmoins, à de nombreuses reprises, à la tête du Collège de Liège, il affirme son opposition à toute mesure de « bilinguisation » de la Wallonie et à toute loi de contrainte linguistique. Lors de la constitution de l’Assemblée wallonne en 1912, il apporte son soutien à ce Parlement wallon informel et à son programme. Délégué effectif de Liège de 1913 à 1920 auprès de l’Assemblée wallonne, Gustave Kleyer introduit la question wallonne dans son discours de La Joyeuse Entrée du roi Albert en 1913 et ouvre aussi son hôtel de ville aux réunions de l’Assemblée wallonne en novembre 1913 et en avril 1919.

 

Sources

Robert DEMOULIN, dans Biographie nationale, t. XXXI, col. 507-515
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 895
Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne (1912-1923). Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, décembre 2012, coll. Notre Histoire n°10

 

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1884-1921)
Échevin (1888-1900)
Bourgmestre (1900-1921)

Première Guerre mondiale : les combats d’août à décembre 1914

Le 4 août, les troupes du Reich violent la frontière belge. Le 7 août, la brigade du général Erich Ludendorff parvient à entrer dans Liège et s’en empare, malgré la résistance pugnace des forts de la Meuse. Pendant une semaine encore, douze forts liégeois parviennent à retenir les autres divisions allemandes à l’entrée de la vallée qui donne accès à la France ; le 14 août, sept d’entre eux doivent pourtant se résoudre à capituler ; le 15, Boncelles et Lantin tombent de concert. Sous les coups des troupes allemandes désormais rassemblées, Loncin se rend à son tour. Dans le même temps, comme l’avaient prévu certains militants wallons, les Prussiens ont usé des voies ferroviaires récemment construites (notamment le tronçon Francorchamps-Malmedy-Stavelot) pour envoyer rapidement des troupes vers Verdun. Les 22 et 23 août, Neufchâteau, Virton, Namur, Charleroi, Mons, doivent admettre la supériorité de l’envahisseur. Le 26 août, l’ensemble de la Wallonie est sous domination allemande. Entre le 5 et le 26 août, plus de 5.000 civils sont exécutés par l’envahisseur, et plus de 15.000 maisons sont détruites. Plusieurs dizaines de communes wallonnes sont en droit de se considérer comme villes martyrs ; la mémoire collective wallonne retient surtout les noms de Visé, Soumagne, Andenne, Tintigny, Tamines, Ethe et Dinant.
Le 20 août, les troupes allemandes sont entrées dans Bruxelles. La stratégie militaire belge d’avant-guerre tente de faire ses preuves par la politique du réduit autour d’Anvers. Les bombardements allemands sur la métropole portuaire sont de plus en plus violents (octobre) et, rapidement, les troupes repliées doivent évacuer. Les 6 et 7 octobre, elles prennent la direction de l’Yser où commence une longue et pénible guerre de tranchées. Le 10 octobre, Anvers tombe. Le gouvernement trouve refuge à Ostende d’abord (6 au 13 octobre), à Sainte-Adresse, près du Havre ensuite, alors que le roi Albert qui ne veut pas quitter le « sol national » s’installe à La Panne.
La contre-offensive Joffre sur la Marne reporte sine die l’entrée des Allemands dans Paris, et les défaites essuyées à Ypres et à Arras les empêchent d’atteindre jamais la côte de la Manche. La résistance militaire qui se concentre dans les plaines de l’Yser annihile les espoirs allemands d’une victoire rapide.

Références
Duby94 ; FH05-270 ; G14AAB02 ; G14AAB05  ; G14AAB06 ; GeGB52a ; H113 ; M262 ;Win73

 


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)