Renard André

Militantisme wallon, Socio-économique

Valenciennes 21/05/1911, Liège 20/07/1962

C’est dans le contexte de la crise économique mondiale de 1929 et de ses répercussions dans le bassin industriel wallon qu’André Renard entame sa vie professionnelle. Jeune ouvrier, il prend rapidement conscience de l’importance d’une structuration syndicale. Victime de rétorsions patronales, Renard maintient le cap, luttant en faveur des congés payés, de la semaine des 40 heures, puis contre le fascisme et en faveur de l’Espagne républicaine. Repéré par Isi Delvigne, il intègre la Fédération des métallurgistes de Liège, comme responsable du service d’études et de documentation (fin 1937).

Mobilisé au moment de la Drôle de Guerre, combattant durant la Campagne des Dix-Huit Jours, Renard est fait prisonnier de guerre, déporté en Allemagne, avant de bénéficier d’une libération pour raison médicale (1942). Dès son retour, il s’engage dans la Résistance, prend des responsabilités au sein du Service Socrate et contribue au rassemblement de son ancien syndicat avec des Comités de lutte syndicale au sein du Mouvement métallurgique unifié (MMU) qui devient le Mouvement syndical unifié (MSU), dont Renard assure la direction. Cet organisme autonome au programme radical contribuera à la naissance de la FGTB dans un processus de fusion (28 et 29 avril 1945) : le MSU parvient à conserver la presque totalité des principes de sa Déclaration originelle, dont l’indépendance syndicale et le non-cumul des mandats politiques et syndicaux. Les syndicats chrétiens ayant rejeté l’idée d’une fusion au sein de la FGTB, l’unité syndicale souhaitée par Renard n’est pas atteinte.

Président de la Fédération des Syndicats de la région de Liège (1944), secrétaire national de la Fédération des Métallurgistes (1945), secrétaire national de la FGTB (1946-1948, 1949-1953), André Renard apparaît, dès la Libération, comme un leader important. S’appuyant sur les métallos et bénéficiant d’un charisme incontestable, il renforce son leadership par son sens de la négociation et par l’énoncé de revendications claires. Barré par Louis Major dans la succession de Paul Finet au secrétariat général de la FGTB (1953), André Renard accepte de devenir secrétaire général adjoint, exerçant compétence sur les régionales wallonnes. Durant les années ‘50, Renard développe également de fortes activités au niveau de la construction européenne. Par ailleurs, entouré de nombreux intellectuels et experts, il fait émerger un nouveau programme socio-économique reposant sur des réformes de structure fondamentales destinées à introduire de la planification souple et à contrôler les secteurs-clés de l’économie. Les Congrès extraordinaires de la FGTB de 1954 et 1956 adoptent ces formules qui deviennent la doctrine officielle renouvelée du syndicat socialiste. Dans les faits, il n’y a pas unanimité au sein de la FGTB et la ligne de fracture se superpose à une ligne de partage régionaliste. C’est aussi le cas au sein du PSB qui adopte pourtant à la fois le programme économique des réformes de structure du syndicat et l’idée d’une fédéralisation des structures du Parti (1959).

C’est à l’occasion de la Question royale que Renard a manifesté publiquement pour la première fois son attachement à la défense de l’idée fédéraliste, afin de prendre en considération les intérêts de la Wallonie, très mal représentée dans toutes les structures nationales. Dix années plus tard, lors de la Grande Grève contre la Loi unique (hiver ‘60-’61) qui paralyse l’ensemble du bassin industriel wallon, Renard, coordinateur du mouvement, associe réformes de structure et fédéralisme. Ce sont les deux axes principaux du programme du Mouvement populaire wallon que crée Renard dans la foulée de la grève. À ce moment, il a démissionné de tous ses mandats syndicaux. Considérant avoir été abandonné tant par la direction nationale de la FGTB que par celle du PSB lors de la Grève, il entend faire pression sur les forces de gauche et contribuer à un changement radical de société, en commençant par le territoire du pays wallon.

Dans un article de Combat intitulé « J’ai démissionné », il explique que « les structures unitaires tant étatiques que syndicales sont l’obstacle et au socialisme et à l’expansion économique, les deux étant plus que jamais condition l’un de l’autre. Je veux être libre (...) pour militer (...) pour une Wallonie démocratique et prospère. (...) Seul le fédéralisme peut créer les conditions favorables aux réformes de structure économique qui créeront elles-mêmes les conditions de l’expansion économique dans le progrès social ».

En 1961 et 1962, la vie d’André Renard se confond avec celle du Mouvement populaire wallon. À la tête du journal La Wallonie (1952-1962) et de Combat (1961-1962), le président du MPW ne peut cependant compter que sur la mobilisation populaire. Meetings, cortèges et congrès se succèdent jusqu’à l’été 1962. La disparition soudaine d’André Renard brise des milliers d’espérances et oblige ses compagnons de route à développer de nouvelles stratégies.

Sources

RENARD André    TILLY Pierre, André Renard, Le Cri, Fondation Renard, Bruxelles-Liège, 2005
DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001 

Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.

Renard André

Commandeur (Historique)

VALENCIENNES 21.05.1911 – LIÈGE 20.08.1962

Issu d’un milieu modeste, André Renard entre comme ouvrier chez Cockerill en 1932. Il contribue à y fonder les premiers noyaux syndicaux. Membre des Jeunes Gardes Socialistes, il se rend plusieurs fois en Espagne durant la guerre civile, afin d’apporter son soutien aux Républicains.

Mobilisé en 1939, il est arrêté par l’ennemi en 1940 et déporté en Allemagne jusqu’en 1942, année où il rentre en Wallonie pour raisons médicales. Commence alors un long combat, dans la clandestinité, visant à saboter l’effort de guerre allemand, tout en continuant à militer pour unir les travailleurs sur une base la plus large possible.
 
A la Libération, en marge de son action syndicale, il prend clairement position dans la Question royale contre le retour de Léopold III et figure parmi les organisateurs des grandes grèves de juillet 1950. Dans ce contexte, il apporte son soutien à la tentative avortée de constituer un Gouvernement wallon provisoire, initiative clandestine et révolutionnaire pour l’époque.
 
A partir de 1950, il s’affiche ouvertement comme militant wallon, tout en continuant à présider aux destinées de la FGTB avec le Flamand Louis Major. Au cours de la décennie 1950–1960, il pourra constater au sein du syndicat la différence de conception qui se manifeste entre Wallons et Flamands, tant dans les buts que dans les moyens. Toujours à cette époque, il dirige le journal La Wallonie, organe officiel du syndicalisme liégeois, dans lequel il développe librement ses idées wallonnes.

En 1960, la tension sociale est à son comble suite au projet de loi économique du Gouvernement : la Loi unique (« inique » pour les syndicats). Pendant l’hiver 1960 1961, la grève générale est déclenchée. Elle paralysera la Wallonie pendant plus d’un mois. Convaincu que le fédéralisme peut réformer les structures de l’Etat belge, André Renard fonde, en février 1961, le Mouvement Populaire Wallon (MPW), afin de peser plus encore sur la décision politique.

Quittant alors le monde syndical, il mobilise des personnalités de tous bords autour de son projet. Il parvient ainsi à donner une assise populaire sans précédent au Mouvement wallon qui milite alors pour l’établissement d’un juste tracé de la frontière linguistique et l’avènement d’un fédéralisme permettant de remédier spécifiquement aux problèmes économiques et sociaux wallons.

André Renard est malheureusement prématurément emporté par la maladie en 1962. Le MPW lui survit cependant et contribuera grandement à unir les forces wallonnes et à éveiller une conscience mobilisatrice, perpétuant ainsi dignement la mémoire de son fondateur.

Ayant inspiré de nombreux militants wallons, syndicalistes ou non, André Renard fut fait Commandeur du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012, un demi-siècle après son décès.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, RENARD André, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5363