Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Félicien ROPS

Buste en hommage à Félicien Rops, réalisé par Charles Delporte, 12 mai 1988.

Si la ville de Namur a fini par accorder beaucoup d’attention à la mémoire de Félicien Rops, né dans la cité mosane en 1833, une autre localité a aussi compté dans la vie de l’artiste : par son mariage avec Charlotte Polet de Faveaux (1857), le peintre va habiter régulièrement dans le château familial des Polet, à Thozée. C’est là, à partir de 1869, qu’il donnera des leçons de gravure. Classé par la Région wallonne en 1996, le château de Thozée accueille l’asbl Fonds Félicien Rops qui perpétue la mémoire de son ancien propriétaire. À moins de trois kilomètres du château, un buste commémore la présence de Rops dans l’entité de Mettet. Il est situé devant la maison communale, place Joseph Meunier, et est l’œuvre de Charles Delporte.

Frère du poète Jacques Viesvil et du chanteur Paul Louka, Charles Delporte (1928-2012) avait entamé une carrière d’instituteur dans le pays de Charleroi qui l’a vu naître, avant de se consacrer entièrement à l’art : s’il commence à sculpter en 1947, sa première exposition remonte à l’année 1952 (Charleroi), mais la peinture le passionne également. Créatif à l’originalité débordante, artiste contemporain, il découpe lui-même son parcours artistique en trois périodes : génétique (il privilégie alors les formes ovoïdes et embryologiques) ; géophysique (son graphisme s’inspire alors de la science et des mathématiques) ; nucléaire enfin (ses formes évoquent des mouvements d’électrons). Si ses réalisations provoquent souvent la perplexité du spectateur, voire des critiques, Charles Delporte n’a de cesse de les promouvoir, exposant aux quatre coins de la planète, n’hésitant pas à offrir certaines d’entre elles à des musées prestigieux ; il parvient à obtenir un espace d’exposition permanent à Mont-sur-Marchienne, tandis qu’un musée lui est consacré dans l’ancienne école communale de Damme. Catholique fervent, royaliste revendiqué et Wallon passionné, Charles Delporte jouit d’une notoriété toute particulière dans le pays de Charleroi en raison de ses trois coqs situés au milieu du rond-point du boulevard Tirou. Sculpture acquise par la ville dans les années 1990, cette œuvre s’intitule en réalité Chantre de la liberté. Ce n’est d’ailleurs pas le seul rond-point occupé par des œuvres monumentales de Charles Delporte en Wallonie, comme à Bruxelles et en Flandre.

Également poète et musicien, il signe plusieurs bustes de Félicien Rops, dont une très originale version à Mettet.
Sur une dalle dressée, en marbre Sainte-Anne, un moulage bronzé figure la tête barbue de Félicien Rops dans un cadre particulier puisqu’elle apparaît entre des ramures de cerf. Sur le socle, une petite plaque en bronze indique :


HOMMAGE A ROPS
DELPORTE
1988


Inauguré en mai 1988 en présence du gouverneur de la province de Namur, d’une petite-fille de Félicien Rops et de Charles Delporte, le buste rend hommage à un artiste wallon des plus exceptionnels. Peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, Félicien Rops (Namur 1833 – Essonnes 1898, et enterré à Mettet), fut sa vie durant un provocateur qui n’avait consenti à aucun sacrifice pour éviter de tomber dans un purgatoire justifié seulement par la pudibonderie de son temps. Dans les milieux artistiques que fréquente le jeune Rops alors qu’il est inscrit aux cours de Droit de l’Université libre de Bruxelles au milieu du XIXe siècle, on a très vite reconnu le talent du caricaturiste et du lithographe. Illustrateur des Légendes flamandes (1858) de Charles de Coster, il est poussé par Charles de Groux et Constantin Meunier. Maîtrisant toutes les techniques (vernis mou, pointe sèche, aquatinte), il excelle dans la gravure à l’eau-forte qu’il a étudiée à Paris. Illustrateur de Baudelaire (Épaves en 1866, et les poèmes condamnés des Fleurs du mal), Rops devient l’un des illustrateurs les plus recherchés de la capitale française où il s’installe définitivement en 1874, sans renoncer à voyager à travers l’Europe et l’Amérique du Nord, ni à revenir régulièrement en bord de Meuse. Il en ramène d’éblouissants paysages ; mais à côté de cette peinture à l’huile, le dessinateur continue d’affoler les bourgeois bien-pensants par ses thématiques provocatrices. Membre du Groupe des XX, Félicien Rops a encore croisé la route d’Armand Rassenfosse (1886). De leur profonde amitié naissent une technique particulière de gravure et un vernis mou transparent, au nom évocateur, le « Ropsenfosse ».

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
André LÉPINE, 80 monuments insolites d'Entre-Sambre-et-Meuse, Cerfontaine, 1989, p. 28
Wallonia 1912, p. 561
La Vie wallonne, 15 août 1921, n°12, p. 573 ; 15 octobre 1925, LXII, p. 81 ; 15 décembre 1925, LXIV, p. 133-146 ; octobre 1933, CXLVIII, p. 66-68
Maurice KUNEL, dans Biographie nationale, t. 33, col. 627-63

 

Buste Félicien Rops (Mettet)

Place Joseph Meunier
5640 Mettet

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque Félicien ROPS

Plaque commémorative Félicien Rops, 20 septembre 1925.
Réalisé à l’initiative des Amis de l’Art wallon.

Au sortir de la Grande Guerre, un certain temps est nécessaire pour que d’anciennes associations culturelles reprennent leurs activités. C’est le cas de l’association des Amis de l’Art wallon et surtout de ses sections. À Namur, sous l’impulsion de Jean Grafé, la section ne renaît qu’en 1925. Sa première activité consiste à placer une plaque commémorative sur la maison natale de Félicien Rops. Depuis son inauguration, le 20 septembre 1925, dans le cadre des Fêtes de Wallonie, une pierre bleue figure ainsi à mi-hauteur, entre le rez-de-chaussée et le premier étage du n°33 de la rue du Président, dans le vieux Namur. Gravées et surchargées de rouge, les lettres de la dédicace indiquent :

ICI EST NÉ
FÉLICIEN ROPS
LE 7 JUILLET 1833

S’inscrivant dans le cadre des Fêtes de Wallonie, l’inauguration rassemble de très nombreuses personnalités : parmi d’autres et notamment les membres de la famille Rops, on reconnaît le bourgmestre Golenvaux, trois échevins et de nombreux conseillers communaux dont François Bovesse, des représentants du ministère des Sciences et des Arts et des institutions culturelles namuroises, des artistes (Pierre Paulus, Victor Rousseau et Armand Rassenfosse), ainsi que les responsables des sections de Liège et de Namur des Amis de l’Art wallon. Les discours sont l’occasion de rappeler à la fois la personnalité de l’artiste honoré et les prolégomènes de la plaque commémorative.

En effet, dès 1912, les Amis de l’Art wallon avaient pris la décision d’inscrire un monument dans l’espace public de Wallonie en l’honneur de Rops. Chargé d’en étudier les modalités pratiques, Jean Grafé avait fait adopter les conclusions à l’unanimité : des soutiens nombreux étaient assurés pour garantir une souscription généreuse quand la Grande Guerre éclata. Au lendemain du conflit, la section de Liège des Amis de l’Art wallon se mobilise autour d’un projet tout aussi ambitieux, mais en l’honneur de César Franck dont on doit célébrer le centenaire de la naissance en 1922. Pour éviter confusion et concurrence, les « Namurois » patientent, mais ne voyant rien se concrétiser, décident d’aller de l’avant : la plaque commémorative apposée en 1925 n’est cependant qu’une étape. La section namuroise des Amis de l’Art wallon ne désespère pas en effet de réaliser un monument plus imposant, digne du « plus grand graveur que le monde ait engendré », selon la formule de Jean Grafé.

Peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, Félicien Rops (Namur 1833 – Essonnes 1898), le provocateur, le compositeur du Pornocratès, n’avait pas consenti beaucoup d’efforts pour éviter de tomber dans un purgatoire justifié seulement par la pudibonderie de son temps. Les esthètes de l’art wallon ne s’y étaient cependant pas trompés ; ils avaient rapidement reconnu dans l’œuvre de Rops des qualités exceptionnelles qu’il fallait absolument partager avec le plus grand nombre, tout en faisant de Rops un représentant majeur de l’art produit en Wallonie. Dans les milieux artistiques que fréquente le jeune Rops alors qu’il est inscrit aux cours de Droit de l’Université libre de Bruxelles, on a très vite reconnu aussi le talent du caricaturiste et du lithographe. Illustrateur des Légendes flamandes (1858) de Charles de Coster, il est poussé par Charles de Groux et Constantin Meunier. Maîtrisant toutes les techniques (vernis mou, pointe sèche, aquatinte), il excelle dans la gravure à l’eau-forte qu’il a étudiée à Paris. Illustrateur de Baudelaire (Épaves en 1866, et les poèmes condamnés des Fleurs du mal), Rops devient l’un des illustrateurs les plus recherchés de la capitale française où il s’installe définitivement en 1874, sans renoncer à voyager à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Il en ramène d’éblouissants paysages ; mais à côté de cette peinture à l’huile, le dessinateur continue d’affoler les bourgeois bien-pensant par ses thématiques provocatrices. Membre du Groupe des XX, Félicien Rops a encore croisé la route d’Armand Rassenfosse (1886). De leur profonde amitié naissent une technique particulière de gravure et un vernis mou transparent, au nom évocateur, le « Ropsenfosse ».

En inaugurant la plaque commémorative du côté de la rue du Président, les Amis de l’Art wallon n’ignorent pas que Rops est né dans un logis provisoire dont l’entrée est située du côté du Marché au Beurre ; choisissant de rendre la plaque plus visible, ils optent cependant pour l’hôtel de maître principal qui a sa façade principale du côté de la rue du Président. Ainsi, estiment-ils, la plaque commémorative rendra davantage le service pédagogique attendu, à savoir « rendre à Rops la place qu’il devrait occuper depuis longtemps dans l’esprit de chacun ». Saluant en Félicien Rops « un artiste wallon », le bourgmestre Golenvaux accepte au nom de la ville de Namur de prendre sous sa garde la plaque commémorative.

Insistant sur les très nombreux liens qui rattachent Rops à Namur, les Amis de l’Art wallon organiseront par la suite une rétrospective de l’artiste, envisageront l’érection d’un monument plus imposant et manifesteront leur intention de créer, à Namur, un Musée qu’ils enrichiraient progressivement, afin de remplacer le Musée des Beaux-Arts détruit pendant la Première Guerre mondiale (l’acquisition par les pouvoirs publics de l’Hôtel de la Croix, rue Saint-Antoine, permettrait d’en faire un musée des arts anciens majeurs et mineurs du Namurois). Ils ont fait l’annonce de leurs intentions lors d’une courte réunion solennelle dans la salle des séances du conseil communal de Namur.

Sources

Wallonia 1912, p. 561
La Vie wallonne, 15 août 1921, n°12, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1925, LXII, p. 81
La Vie wallonne, 15 décembre 1925, LXIV, p. 133-146
La Vie wallonne, octobre 1933, CXLVIII, p. 66-68
Maurice KUNEL, dans Biographie nationale, t. 33, col. 627-631

Rue du Président 33
5000 Namur

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Mémorial Félicien ROPS

Mémorial Félicien Rops, 17 septembre 1933.
Réalisé par l’architecte Jules Lalière et le sculpteur Armand Bonnetain.

Depuis 1912, les membres namurois de l’association des Amis de l’Art wallon piaffent d’impatience à l’idée de pouvoir inaugurer à Namur un édifice commémoratif digne du talent de Félicien Rops. Malgré un parcours semé d’embuches, l’objectif est atteint quand, le 17 septembre 1933, est dévoilé le monument Rops dans le parc Louise-Marie. Il s’agit d’une réalisation à la fois simple et très originale puisqu’a été reproduit à Namur l’escalier que Félicien Rops lui-même avait imaginé, dessiné et réalisé dans son jardin de la Demi-Lune, à Essones, près de Paris. À l’arrière de cette maison qu’il habitait, à la fin de sa vie, Rops se fit aider par ses deux jardiniers ; il utilisa les pierres ramassées sur place et construisit l’escalier qui relier deux des terrasses de ce jardin garni de roses, qui dévale de la route de Fontainebleau vers la Seine. « Cet escalier à double révolution encadre une muraille où s’enchâsse un vivant médaillon [dû au] sculpteur Armand Bonnetain ». Il trouve très bien sa place dans le cadre arboré du parc aménagé entre 1874 et 1880 et dédié à Louise-Marie d’Orléans.

S’inscrivant dans le cadre des Fêtes de Wallonie, l’inauguration de « l’escalier Rops » attira la grande foule ; en l’absence de Jules Destrée, Armand Rassenfosse – vice-président du Comité du monument Rops – remet officiellement le monument à la garde de la ville de Namur qui l’accepte, via Louis Huart, son bourgmestre.

Pour les amis de Félicien Rops, cette inauguration scelle définitivement une initiative qui remonte à 1912. Au sein des Amis de l’Art wallon, association constituée au lendemain des deux grands salons artistiques organisés par Jules Destrée dans le cadre de l’Exposition internationale de Charleroi en 1911, l’affirmation d’un art wallon passe obligatoirement par l’élévation d’un monument Rops dans l’espace public de Wallonie. Les ambitieux projets ayant été remisés en raison de la Grande Guerre, un autre obstacle se mit sur la route du « monument Rops » après l’Armistice. La section de Liège des Amis de l’Art wallon s’était mobilisée autour d’un projet tout aussi ambitieux, en l’honneur de César Franck. Le centenaire de sa naissance, en 1922, devait donner naissance à un monument que l’on ne voulait pas concurrencer. L’échec de l’initiative des Liégeois raviva le projet des « Namurois » qui posèrent un premier acte concret, en 1925, par l’accrochage d’une plaque commémorative sur la maison natale de Félicien Rops. D’autres projets furent alors élaborés, mais seul le monument inauguré en 1933 aboutira, même si ses initiateurs regrettèrent vivement ne pas avoir réussi à récolter tous les fonds nécessaires à la réalisation d’un imposant bas-relief qui aurait été la reproduction d’un frontispice bien connu de Rops, La Femme et la Chimère, qui aurait parfaitement symboliser son œuvre.

L’inauguration de « l’escalier Rops » qui doit encore se couvrir de rosiers grimpants est alors l’occasion pour les orateurs (principalement Charles Delchevalerie) de rappeler que le « Grand Namurois » est un artiste wallon des plus exceptionnels. Peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, Félicien Rops (Namur 1833 – Essonnes 1898), le provocateur, le compositeur du Pornocratès, n’avait pourtant pas consenti beaucoup d’efforts pour éviter de tomber dans un purgatoire justifié seulement par la pudibonderie de son temps. Les esthètes de l’art wallon ne s’y étaient cependant pas trompés ; ils avaient rapidement reconnu dans l’œuvre de Rops des qualités exceptionnelles qu’il fallait absolument partager avec le plus grand nombre, tout en faisant de Rops un représentant majeur de l’art produit en Wallonie.

Dans les milieux artistiques que fréquente le jeune Rops alors qu’il est inscrit aux cours de Droit de l’Université libre de Bruxelles au milieu du XIXe siècle, on a très vite reconnu le talent du caricaturiste et du lithographe. Illustrateur des Légendes flamandes (1858) de Charles de Coster, il est poussé par Charles de Groux et Constantin Meunier. Maîtrisant toutes les techniques (vernis mou, pointe sèche, aquatinte), il excelle dans la gravure à l’eau-forte qu’il a étudiée à Paris. Illustrateur de Baudelaire (Épaves en 1866, et les poèmes condamnés des Fleurs du mal), Rops devient l’un des illustrateurs les plus recherchés de la capitale française où il s’installe définitivement en 1874, sans renoncer à voyager à travers l’Europe et l’Amérique du Nord. Il en ramène d’éblouissants paysages ; mais à côté de cette peinture à l’huile, le dessinateur continue d’affoler les bourgeois bien-pensant par ses thématiques provocatrices. Membre du Groupe des XX, Félicien Rops a encore croisé la route d’Armand Rassenfosse (1886). De leur profonde amitié naissent une technique particulière de gravure et un vernis mou transparent, au nom évocateur, le « Ropsenfosse ».

Loin de ces techniques, mais faisant preuve d’une créativité indéniable, l’architecte Lalière et le sculpteur Bonnetain intègrent hardiment le mémorial Rops dans le parc Louise-Marie. Proche ami de Jules Destrée, Armand Bonnetain (Bruxelles 1883 – Uccle 1973) signe un médaillon présentant le profil droit de Félicien Rops. Ce médaillon en bronze est enchâssé dans une large plaque de marbre où se lit la dédicace : 1833-1898, Félicien Rops. Quant à Jules Lalière, il adapte à Namur l’œuvre parisienne de Rops.

Médailleur-statuaire, ce fils d’un chef-coq de nationalité française ne prend la nationalité belge qu’en 1926. Ancien élève de Constant Montald, Bonnetain s’adonne d’abord à la peinture avant d’être happé par la sculpture à la suite des cours de Charles Van der Stappen qui l’initie plus particulièrement à l’art de la médaille. Contemporain des Anto Carte, Paul Delvaux, René Magritte et Edgar Tytgat, de Pierre Theunis et Marcel Rau, Armand Bonnetain se spécialise dans le seul genre de la médaille. Du portrait de l’épouse de Van der Stappen, en 1902, à la représentation du compositeur Léopold Samuel, sa dernière réalisation en 1968, Bonnetain signe près de trois centaines de médailles, réalise des bas-reliefs, parfois de grande taille, ne réalisant des bustes exceptionnellement que pour ses amis (comme celui de Jules Destrée en 1913). Comme l’écrit François de Callataÿ, « Bonnetain s’inscrivit comme l’héritier de la tradition renaissante du portrait en médaille, qui fait correspondre au portrait physique du droit celui moral du revers ». S’il est le plus souvent adepte du format rectangulaire, il signe à Namur un médaillon arrondi pour Félicien Rops. Il s’intègre dans une pierre rectangulaire beaucoup plus large qui prend place au milieu de l’escalier réalisé par Jules Lalière (Lambusart 1875 – Namur 1955). Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles dans les années 1890, il sera désigné architecte-urbaniste de la ville de Namur en 1946, nomination consacrant une intense activité d’un demi-siècle dans la capitale wallonne. Installé dès le début du XXe siècle à Namur, il y réalise trois maisons de maître « Art Nouveau » avant de mener la construction de son propre hôtel particulier inspiré par Victor Horta. Le succès qu’il rencontre avant-guerre dans la vallée mosane ne se dément pas quand sonne l’heure de la reconstruction. Si son plan d’aménagement de la Grand’ Place de Namur n’est pas retenu, il obtient des commandes privées (cinéma « Renaissance », maison de François Bovesse, hôtel du Château de Namur à la Citadelle) ou plus sociales (Cité Renaissance à Saint-Servais) où s’expriment des styles fort différents. S’étant consacré aussi à la restauration de monuments anciens, il entre sans surprise comme membre effectif de la Commission royale des Monuments et des Sites (Section Monuments) en 1937. En tant qu’architecte, Lalière apporte une contribution remarquée à deux monuments commémoratifs : le mémorial du massacre de Tamines (avec Mascré, en 1920) et son « escalier Rops » (avec Bonnetain).

Sources

Wallonia 1912, p. 561
La Vie wallonne, 15 août 1921, n°12, p. 573
La Vie wallonne, 15 octobre 1925, LXII, p. 81
La Vie wallonne, 15 décembre 1925, LXIV, p. 133-146
La Vie wallonne, octobre 1933, CXLVIII, p. 66-68
Maurice KUNEL, dans Biographie nationale, t. 33, col. 627-631
François DE CALLATAŸ, Armand Bonnetain, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IX, p. 54-58
Marc SIMON, Jules Lalière, dans Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 211-212
Anne-Françoise GOFFAUX, Bernard WODON, Répertoire des architectes wallons du XIIIe au XXe siècle, Namur, 1999, Études et documents, série Aménagement et Urbanisme n°4, p. 99

 

Mémorial Félicien Rops – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Parc Louise-Marie
5000 Namur

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Paul Delforge

Heusy Paul

Culture, Littérature

Verviers 10/12/1834, Limeil-Brévannes (France) 22/11/1915

De brillantes études à l’Université de Liège confèrent à Alfred Guinotte le titre de docteur en Droit (1856), qui lui ouvre les portes du barreau de Liège. D’autres préoccupations motivent cependant le fils du négociant verviétois Henri-Guillaume Joseph Guinotte et de Marie-Anne Renand : la littérature et la politique dont il finit par faire la synthèse.

Fondée en 1854 avec le soutien du Grand Orient de Belgique, la Revue trimestrielle accueille ses premiers textes, deux nouvelles, Franz Brenner (1858), et Louise (1859). Éphémère directeur de la revue liégeoise La Belgique contemporaine (1861-1862), qu’il avait créée et où il côtoyait Thill Lorrain, Guinotte y publie surtout des chroniques politiques, où s’exprime son engagement social. Dans les années 1860, Guinotte préside la section de Liège de la Libre Pensée, et fait partie du comité de la Ligue de l’enseignement. Conférencier, consacrant son temps aux Cours populaires (il y présente notamment l’histoire de la Révolution française), l’avocat se met au service de la cause d’ouvriers arrêtés à la suite de manifestations. Son engagement politique mériterait d’être mieux connu car, en janvier 1870, lorsque la Ière Internationale ouvrière mobilise les ouvriers dans les rues de Liège, Guinotte figure parmi les orateurs, aux côtés notamment d’Eugène Hins et de Paul Janson, de Jean Fontaine, et des Verviétois Jamar et Larondelle. Il défend alors ouvertement le projet de créer, à côté de la Chambre des représentants, une « représentation exclusive des travailleurs », une assemblée composée de représentants élus au scrutin libre.

C’est chez son frère, Lucien, directeur de charbonnages dans le Hainaut, que l’auteur de la nouvelle Le mariage m’épouvante (1861) rencontre celle qui deviendra son épouse (1875), Laurence Le Hardy de Beaulieu, dont le père et le grand-père – le général Le Hardy, vicomte de Beaulieu, figure marquante de la Révolution de 1830 – vivent aux États-Unis.

Abandonnant ses fonctions d’avocat-conseil d’une industrie française située dans l’Hérault (1875-1876), Guinotte décide de se faire un nom dans la littérature. À Paris, où il s’installe, il survit en donnant quelques articles qu’il signe « Paul Heusy », en référence à sa région natale. Sur les conseils de Félicien Rops, il fréquente les milieux naturalistes et il parvient à faire paraître des nouvelles dans Le Réveil, puis La Marseillaise. Compilées, quatre nouvelles constituent son premier livre, Un coin de la vie de misère (Paris, 1878), qui s’avère un vrai succès littéraire, plusieurs fois réédité jusqu’au début du XXe siècle. Dédiés respectivement à Gustave Flaubert, Alphonse Daudet, Edmond de Goncourt et Émile Zola, les quatre récits ont pour personnage principal un ouvrier mineur de Liège (Antoine Mathieu), un berger solitaire de l’Hérault (Jean Benoît), une prostituée parisienne (La Fille de Jérôme) et une pauvresse du Parc Monceau (La Marchande de plaisirs). Il s’agit de la première œuvre de conception naturaliste à s’inscrire dans la littérature belge de langue française.

La reconnaissance parisienne lui ouvre les colonnes de plusieurs revues littéraires françaises, mais ce sera le seul livre que Guinotte parviendra à faire publier de son vivant. L’Histoire du peintre Eugène-Marie – histoire douloureuse d’un enfant adultérin –, sur lequel il travaille pendant quatre ans ne trouve pas d’éditeur. D’autres tentatives seront tout aussi vaines, si bien que le succès des chroniques très sociales qu’il fait paraître, de 1882 à 1883, dans le journal Radical, organe du Grand Orient de France, ne parvienne pas à satisfaire Guinotte.

À l’été 1883, il embarque sa famille et part pour la Floride. À l’invitation de son beau-père, il se lance alors dans la culture des oranges, entreprise qui ne lui sourit guère. Reprenant sa collaboration au Radical auquel il adresse des Lettres floridiennes (1886), il retourne à Paris. De 1887 à 1908, il est un rédacteur permanent du journal parisien auquel il livre près de 250 récits inspirés du carnet où il notait « les faits de la vie humble et de la vie haute ». Critique d’art, chroniqueur judiciaire, conteur, Paul Heusy a rangé son ambition d’écrivain, satisfait de vivre de sa plume de journaliste dont le style est davantage apprécié.

Il a 74 ans quand il accepte l’invitation de son épouse d’une nouvelle expérience américaine. Perdu dans le Minnesota, loin des amis du milieu parisien, il alimente quelques journaux du Vieux Continent en exprimant son amertume et son incompréhension de la vie américaine. Il décide alors de revenir à Paris, sans sa famille, à l’été 1913 ; il s’y attarde au point de ne pouvoir repartir en août 1914… À 80 ans, il remplace dans les salles de rédaction ses confrères envoyés au front. C’est un cancer qui l’emportera à l’hospice de Brévannes, fin 1915.

À l’initiative de Paul Delbouille, l’édition définitive d’Un coin de la vie de misère (1883) est réimprimée par l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique en 1942. Cinquante ans plus tard, la même Académie publie Gens des rues (1994), ouvrage où sont rassemblés 33 courts récits parmi les meilleurs de Paul Heusy.


Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse & https://www.belgicapress.be/ 
DELSEMME, Paul, Biographie nationale, t. 43, col. 463-472
DEFOSSE, Paul (dir.), Dictionnaire historique de la laïcité en Belgique, Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 162
Service de la Promotion des Lettres de la FWB, http://www.promotiondeslettres.cfwb.be/index.php?id=gensdesrueslesucrefilefigures 
Regards sur les lettres françaises de Belgique, Bruxelles, De Rache, 1976 

 

Principaux ouvrages

Franz Brenner (nouvelle, 1858)
Louise (nouvelle, 1859)
Le mariage m’épouvante (1861-1862, saynète)
Un coin de la vie de misère (recueil, 1878)
Gens des rues (recueil inédit, 1873)
Histoire du peintre Eugène-Marie (roman inédit)
Gens des rues (1994)

Qu’elle soit écrite en langues régionales ou en français, intimiste ou universelle, la création littéraire wallonne est abondante. Du Romantisme aux créations contemporaines, découvrez les genres et les auteurs de Wallonie au travers d’une synthèse et de nombreux textes offrant une première anthologie.

Rops Félicien

Culture, Gravure, Peinture

Namur 7/07/1833, Essonnes 23/08/1898

Peintre, aquafortiste, dessinateur, illustrateur et graveur, Félicien Rops, le provocateur, le compositeur du Pornocratès, est resté longtemps au purgatoire, avant que son œuvre ne soit reconnue dans sa totalité.

Brillant étudiant au Collège Notre-Dame de la Paix à Namur, le jeune Rops supporte mal la disparition de son père, un industriel namurois (1849) et devient à ce point turbulent et radicalement anticlérical qu’il est renvoyé par les Jésuites. Les caricatures de ses professeurs n’arrangent rien, mais il achève ses humanités à l’Athénée voisin et s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Namur. Le dessin, plus précisément la caricature, lui sert peut-être d’exutoire, mais son talent est incontestable. Quand il entame des études de droit à l’Université libre de Bruxelles, Félicien Rops fréquente les milieux artistiques et contestataires où l’on apprécie les traits féroces qu’il publie dans quelques feuilles, comme Charivari et l’Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires (1856). De cette époque datent nombre de lithographies et ses premiers contacts avec Charles De Coster dont il illustrera Les Légendes flamandes (1858). Inscrit à l’Atelier libre Saint-Luc, il rencontre notamment Charles de Groux et Constantin Meunier.

D’autres portes s’ouvrent devant le talentueux Namurois. Souvent à Paris, il y étudie la gravure à l’eau-forte où il va exceller, et maîtrise toutes les techniques : le vernis mou, la pointe sèche, l’aquatinte. Pour Baudelaire, qu’il rencontre à Namur, il illustre le frontispice des Épaves (1866), ainsi que les poèmes condamnés des Fleurs du mal. En 1869, F. Rops fonde la « Société Internationale des Aquafortistes ». Rapidement (1864-1871), il devient l’un des illustrateurs les plus recherchés à Paris où il s’installe définitivement en 1874. Amateur de voyages, il sillonne l’Europe et l’Amérique du Nord, et y nourrit l’inspiration du peintre. En 1870, il est sur les champs de bataille de la guerre franco-allemande ; ensuite, il accompagne un ami archéologue et ses huiles qui s’inscrivent dans la veine réaliste montrent les bords de Meuse comme du Danube, ou des paysages secs des pays du sud. Le dessinateur, quant à lui, affole le bourgeois bien-pensant, les thèmes qu’il choisit jouissant de « la dextérité et du raffinement de la plume ou du crayon souvent rehaussé de gouache, d’aquarelle ou de pastel ». Dénonciateur de l’hypocrisie bourgeoise de son époque, il privilégie une nudité souvent provoquante, un érotisme troublant, où il introduit le diable à partir du milieu des années 1870. Celui-ci ne doit pas faire peur et il a parfois les traits de Rops lui-même.

Membre du Groupe des XX, Félicien Rops a encore croisé la route d’Armand Rassenfosse (1886). De leur profonde amitié naissent une technique particulière de gravure et un vernis mou transparent, au nom évocateur, le « Ropsenfosse ». Atteint par une maladie oculaire (1892), Rops reste en contact épistolaire avec ses amis, continue à travailler tout en s’occupant des roses de sa propriété d’Essonnes, au sud de Paris.
La femme et le désir sont quasi omniprésents chez Rops. Cette provocation permanente est assumée par l’artiste, mais elle a évidemment un revers. Pendant de nombreuses années, la connaissance de l’œuvre de Rops pâtit du caractère érotique affirmé de nombreuses compositions. Le bien connu Pornocratès en est l’exemple-type, qui a fait couler beaucoup d’encre. Dans sa ville natale, la province de Namur a institué un Musée Félicien Rops en 1964 ; sa collection s’accroîtra progressivement tandis que l’institution sortira lentement de sa discrétion initiale.

Sources

PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles
Musée Rops
Fonds Rops
KUNEL Maurice, Biographie nationale, t. 33, col. 627-631
Wallonie. Le Pays et les Hommes (Art, Lettre, Culture), t. II, p. 389, 519-520, 557-558

Œuvres principales

Un Enterrement au pays wallon, litho, 1863
La Tentation de Saint- Antoine, dessin, 1878 
Pornocratès, pastel et gouache, 1878
Cent légers croquis sans prétention pour réjouir les honnestes gens, 1878
Sataniques, dessins aquarellés, 1882

Rassenfosse Armand

Culture, Gravure

Liège 6/08/1862, Liège 28/01/1934

Associé à l’imprimeur français Auguste Bénard, Armand Rassenfosse est administrateur et directeur artistique de cette imprimerie qui se classera désormais parmi les spécialistes du beau livre illustré, et de l’art de l’affiche (1890-1914). Autodidacte, il se forge par ailleurs une solide réputation de dessinateur, graveur, illustrateur et affichiste. Avec Rops, qu’il rencontre à Paris en 1886, il élabore un procédé de vernis mou, transparent et résistant, baptisé Ropsenfosse. Mais ce n’est là qu’une péripétie car Rassenfosse est un ingénieur de la gravure, tant ses recherches tendent vers un aspect scientifique de la question. Ses illustrations des Fleurs du Mal de Charles Beaudelaire (1897) lui assurent un succès retentissant. Arrivé tardivement à la peinture à l’huile (1897-1900), il fait de la femme (une femme différente de celles représentées par Rops) le principal sujet de peintures réalisées sur carton recouvert de cire d’abeille (1910-1913). L’élément oriental s’installe ensuite dans le décor puis occupe totalement la composition (1913-1915). À partir de 1916, une rupture le conduit vers l’expressionnisme puis, dès 1930, l’étude de nu devient un prétexte à des compositions d’allure symboliste. 

 

Sources

DE RASSENFOSSE Nadine, Rassenfosse, peintre, graveur, dessinateur, affichiste, Liège, Perron, 1989
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. II, p. 520, 547, 559-560
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III, p. 341
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV, p. 232
OCHS Jacques, Biographie nationale, 1958-1959, t. 30, col. 741-744
DES OMBIAUX Maurice, Quatre artistes liégeois. A. Rassenfosse, Fr. Maréchal, A. Donnay, E. Berchmans, Bruxelles, 1907

Boch Anna

Culture, Peinture

Saint-Vaast 10/02/1848, Bruxelles 25/02/1936

Fille de Victor Boch, l’un des fondateurs de la fameuse faïencerie Royal Boch-Keramis à La Louvière, Anna Boch est attirée par la peinture, même si on lui connaît aussi des talents pour la musique et la céramique. Cousine d’Octave Maus, élève d’Isidore Verheyden et influencée par Théo van Rysselberghe, elle collectionne avec son frère Eugène les tableaux des luministes français dont elle va s’inspirer fortement. 

Entrée en 1885, en même temps que Félicien Rops, au groupe des XX, elle devient une représentante majeure du courant impressionniste en pays wallon : de ses voyages en France, elle revient influencée par Seurat et Monet ; discrète, l’artiste louvièroise ne trouve cependant guère d’échos auprès de ses contemporains ; il est vrai qu’elle n’expose qu’à deux reprises, à Paris, en 1907 et 1908. Ce sont les post impressionnistes, comme Albert Lemaître et Richard Heintz qui établiront le contact avec cet important mouvement pictural français dont Anna Boch a été la représentante isolée en pays wallon. 

Par ailleurs, le mécénat de la famille Boch a permis à de jeunes artistes de persévérer dans leurs entreprises ; ce fut le cas notamment de Vincent van Gogh, devenu un ami de son frère Eugène. Les spécialistes affirment que le seul tableau (Vigne rouge) que van Gogh a vendu l’a été à Anna Boch. Au décès d’Anna Boch, sa collection fut revendue aux enchères et le fruit de la vente servit, conformément à son testament, à soutenir la retraite d’artistes dans le besoin.
 

Sources

Jacques STIENNON dans JORIS Freddy, ARCHAMBEAU Natalie (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 261
Thérèse THOMAS, Michelle LENGLEZ, Pierre DUROISIN, Anna Boch : Catalogue raisonné, Bruxelles, Racine, 2005
Thérèse THOMAS, Cécile DULIÈRE, Élisa JACQUIER DE ROSÉE, Anna Boch, 1848-1936, Tournai Renaissance du Livre, 2000
Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, 2006, p. 62-63