Paul Delforge

Stèle Richard HEINTZ

Stèle Richard Heintz, réalisée par Adelin Salle, 22 septembre 1935. 

Au décès de Richard Heintz, en mai 1929, ses amis forment un comité pour mieux faire connaître son œuvre et lui rendre durablement hommage (1930). Une grande rétrospective est organisée à Liège à la fin du printemps 1931, avant que le comité n’inaugure, le 22 septembre 1935, une série de lieux de mémoire dont un monument dans le village de Sy-sur-l’Ourthe. C’est dans ce hameau, en effet, que le peintre avait découvert les paysages qui l’inspiraient le plus. Ayant pris résidence à Nassogne, il se rendait souvent sur les bords de l’Ourthe, mais aimait aussi s’inspirer des horizons qu’offraient Stoumont, sur les bords de l’Amblève, ainsi que Redu, les sources de la Lesse et les forêts de Nassogne.


Natif de Herstal, en 1871, Heintz avait fait ses premiers pas artistiques à l’Académie de Gand (1887), avant de parfaire sa formation à l’Académie de Liège (1888-1892). La Mer du Nord, l’Ardenne et l’Italie (où il séjourne de 1906 à 1912 grâce à une bourse de la Fondation Darchis) sont ses premiers modèles. Ses explorations lui permettent de découvrir les secrets des jeux de la lumière et il commence à créer ses propres couleurs. Considéré comme « impressionniste par sa recherche de la sensation du moment, il se distingue cependant des principaux représentants français par sa technique plus large et sa palette plus grasse et souvent plus sombre, ses bleus profonds notamment » (Parisse). Sa manière de peindre est aussi plus impulsive. S’il ne professe pas à l’Académie de Liège, Heintz est considéré comme un maître à peindre, et ses disciples sont nombreux. De tempérament solitaire, il trouve à Sy son paradis. Il y revient régulièrement et, pour s’en rapprocher encore davantage, décide d’habiter à Nassogne de 1926 à 1929. C’est au bord de l’Ourthe qu’en mai 1929 la mort viendra le surprendre alors qu’il recherchait la meilleure lumière pour son prochain tableau.
Dans un premier temps, le Comité Richard Heintz (que préside Olympe Gilbart, aidé d’Armand Rassenfosse comme vice-président de Jules Bosmant comme secrétaire) envisage d’ériger un mémorial sur la Roche Noire. Pour des raisons techniques, le Comité opte finalement pour le hameau de Sy, à hauteur de la route de Filot. C’est là qu’une stèle en pierre bleue portant un médaillon est inaugurée le 22 septembre 1935, période des Fêtes de Wallonie, en présence de nombreux amis du peintre, de personnalités des mondes politiques et culturels liégeois et wallons. Dans ses discours, Olympe Gilbart classe Richard Heintz « parmi les peintres qui expriment avec la plus loyale tendresse la terre wallonne » et souligne que « son » comité a voulu « honorer celui qui a traduit avec la plus totale sincérité toutes nos émotions devant les arbres, les eaux et les rochers des Ardennes ».


Sollicité pour figer dans le marbre la personnalité du « peintre de Sy », le statuaire Adelin Salle relève le défi par un monument sobre. La stèle arrondie en pierres bleues supporte un médaillon de grande taille, en bronze, présentant le profil droit de Richard Heintz. Ayant été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, sa ville natale, après avoir travaillé quelques années dans la forge paternelle, Adelin Salle s’avère un portraitiste doué (Zénobe Gramme et César Franck) qui, comme nombre de ses collègues sculpteurs, est fortement sollicité au lendemain de la Grande Guerre pour réaliser des monuments aux victimes du conflit mondial (par ex. le monument aux lignes assyriennes du Sart-Tilman). Dès cette époque, il fait preuve d’un style classique qu’il n’abandonnera jamais. Outre des compositions allégoriques et divers sujets religieux, Adelin Salle n’est pas encore très connu quand il est sollicité pour le mémorial R. Heintz. Mais une certaine notoriété l’attend en 1937 quand il est fait appel à lui sur le chantier du Lycée de Waha et lorsqu’il signe une statue en marbre blanc, représentant en pied la reine Astrid présentant le prince de Liège. Après la Seconde Guerre mondiale, l’architecte Georges Dedoyard lui confie une partie de la décoration du pont des Arches (1947-1948). S’il est aussi nommé professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Liège de 1944 à 1949, Adelin Salle ne connaît pas l’aisance, lui qui ne vit que pour son art qu’il pratique quotidiennement dans son atelier de Cointe. Il s’éteint à Tilff en juillet 1952, localité où il avait signé un coq très reconnaissable sur le monument aux morts.


 

Stèle Richard Heintz

 

Sources



La Vie wallonne, août 1929, CVII, p. 294-296
La Vie wallonne, octobre 1931, CXXXV, p. 62-67
La Vie wallonne, octobre 1935, CLXXXII, p. 59-62
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 689-690 et t. II, p. 394
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 148
Jacques PARISSE, Richard Heintz 1871-1929. L’Ardenne et l’Italie, Liège, éd. Mardaga, 2005
Liliane SABATINI, Le Musée de l’Art wallon, Bruxelles, 1988, collection Musea Nostra
W. LEMOINE, dans Biographie nationale, t. 35, col. 370-373
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Route de Filot
4190 Sy

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Paul Delforge

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Salle Adelin

Culture, Sculpture

Liège 1884, Tilff 1952

Sculpteur ayant reçu sa formation à l’Académie de Liège où il deviendra d’ailleurs professeur de 1944 à 1949, Adelin Salle a commencé sa carrière en intervenant dans la rénovation d’églises et de bâtiments publics de la cité ardente. Médailleur, Adelin Salle réalise en 1930 une série consacrée aux sports pour l’Exposition internationale de Liège, ainsi que deux illustrations de Zénobe Gramme et de son invention, et un médaillon en l’honneur d’Olympe Gilbart (1936). Sculpteur monumental, il réalise une grande statue en marbre blanc (près de 2 mètres) de la reine Astrid en pied, tenant le petit prince de Liège à bout de bras (hôtel de ville de Liège). 

À la même époque, il est associé par l’architecte Moutschen à la décoration du nouveau Lycée de Waha : il réalise le bas-relief intitulé Étude (1937-1938). Après la Seconde Guerre mondiale, Georges Dedoyard fait appel à lui pour exécuter Les Scènes populaires liégeoises – statues en pierre de 6 mètres de hauteur – lorsque l’architecte entreprend la reconstruction du pont des Arches (1948-1949). Sculpteur de bustes, de figures et de compositions allégoriques, Adelin Salle laisse sa signature sous le Monument aux morts du Sart Tilman et sur le Chemin de croix de l’église Sainte-Marie-des-Anges, à Liège.

 

Sources

Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 360
Françoise DUMONT, Woman in Art, œuvres provenant des collections du Musée de l’Art wallon, sur http://www.mithra.be/files/library/Divers/Woman_in_Art_FR_.swf (s.v. août 2013)