Photo Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Monument Théodore BARON

 
Monument Théodore Baron, réalisé par Charles Van der Stappen, 12 juillet 1903 ; 2 juillet 1911. 

C’est le dimanche 12 juillet 1903 qu’a été inauguré le monument dédié au peintre paysagiste namurois Théodore Baron. L’œuvre réalisée par le sculpteur Charles Van der Stappen était alors située près du Casino. Quelques années plus tard, en juillet 1911 précisément, un nouvel emplacement est choisi pour accueillir le monument : le parc de la Plante devient son lieu définitif et le 75e anniversaire de l’Académie des Beaux-Arts de Namur sert de prétexte officiel. Figé dans le bronze pour l’éternité, le peintre statufié est entouré d’arbres et de végétation et a la compagnie proche et permanente de la Meuse, l’une de ses principales sources d’inspiration.

Né à Ixelles en 1840, Théodore Baron a fait de la vallée de la Meuse et des sommets de l’Ardenne son espace de travail pendant plusieurs années. Après des études à l’atelier Saint-Luc à Bruxelles (1854-1858), Théodore Baron avait d’abord peint des paysages de Campine et c’est de cette époque que remonte une prédilection pour le gris qui en fait l’un des fondateurs de l’école du gris. Secrétaire et organisateur des expositions de la Société libre des Beaux-Arts (1868), il plaide en faveur d’une totale liberté dans l’expression artistique. Découvrant Anseremme puis les environs de Profondeville où Camille Lemonnier l’a invité dans sa maison de campagne, Baron tombe amoureux des paysages forgés par les multiples cours d’eaux de la vallée mosane. Quand il voyage en Europe, il est surtout attiré par la vallée de la Moselle et par l’Eifel. Tournant le dos au romantisme, il s’inscrit dans un courant résolument réaliste quand il représente la nature ; son grand intérêt pour la science qu’est la géologie se ressent dans son œuvre ; son observation méticuleuse exclut l’improvisation, voire parfois une certaine spontanéité. 

Ayant opté pour des dominantes ocres et brunes tout en continuant à privilégier les gris, il s’arrête sur toutes les particularités des paysages – rochers, schistes, ruisseaux, taillis, ciel, etc. – et il s’efforce d’en rendre tous les aspects réels, n’hésitant pas à utiliser abondamment la pâte pour faire ressentir la lourdeur des pierres ou la pesanteur des nuages. Il excelle aussi dans les paysages hivernaux. Quand il devient professeur à l’Académie de peinture de Namur, il se laisse séduire par le courant impressionniste. En 1893, il succède à Marinus à la tête de l’Académie de Namur. À l’annonce de son décès, à Saint-Servais, en 1899, ses amis et ses proches décident d’honorer sa mémoire par un monument dont la conception et la réalisation sont confiées à Charles Van der Stappen.

Contemporain de Baron, né lui aussi à Bruxelles (Saint-Josse-ten-Noode précisément) en 1843, Van der Stappen n’était pas issu d’un milieu aisé. Muni des fondamentaux de l’école primaire, il contribue aux revenus de la famille en travaillant comme plâtrier pendant la journée, avant d’entreprendre des cours, en soirée, à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, dans les années 1860. Il y bénéficie des conseils avisés des Liégeois Jéhotte et Simonis. Il fréquente aussi l’atelier de Portaels où le hasard lui fait rencontrer Meunier et Lemonnier. Tentant sa chance lors de salons et de concours, il travaille sur divers chantiers de décoration, dont un à Paris qui lui permet de fréquenter l’École des Beaux-Arts. C’est à partir des années 1870 que ses œuvres commencent à être véritablement remarquées, après sa médaille d’or au Salon de Bruxelles (1869). La commande par l’État du monument Gendebien à Bruxelles, ainsi que l’aide de mécènes lui procurent les moyens de mener des voyages d’étude en Italie (Rome, Florence, Naples), tout en repassant par Paris où les œuvres de Jean-Baptiste Carpeaux et d’Auguste Rodin l’influencent encore.

Monument Théodore Baron

Mais son séjour en Italie le conduit plutôt à adopter le style néo-Renaissance version Michel-Ange et Donatello. Ayant redécouvert la technique oubliée de la cire perdue, il la remet au goût du jour et ne va pas manquer dans l’enseigner à Bruxelles lorsqu’il est chargé de cours à l’Académie de 1883 à 1910. Il dirige aussi l’institution de 1898 à 1901 et de 1907 à 1910, manifestant clairement ses goûts en faveur de l’usage de toutes les techniques, anciennes comme nouvelles (la photographie notamment). Lui-même n’avait pas hésité à renouveler son style et ses techniques, innovant sans cesse. Les commandes publiques qu’il remporta dès les années 1870 n’ont pas monopolisé le travail de Van der Stappen ; il offre dès lors régulièrement à la vue des œuvres originales lors de Salons et d’Expositions, signe des bustes pour des particuliers et réalise des objets de décoration tant pour les jardins que pour les tables ou les intérieurs. 

Les critiques et les polémiques seront nombreuses tant son style et ses sujets d’inspiration apparurent singuliers, voire déroutants. C’est à un artiste dans la pleine maturité de son art qu’est confiée, en 1902, la statue de Théodore Baron. À l’époque, Van der Stappen travaille sur des projets ambitieux, de très grande dimension, qu’il n’aura jamais l’occasion d’achever, la mort l’emportant en 1910. Ainsi ne verront jamais le jour le Monument à l’infinie bonté – initiative personnelle – et le Monument au Travail – pour la province de Brabant. Par contre, présentée sous forme d’esquisse au Salon de la Libre esthétique en 1902, la statue de Théodore Baron est bien achevée et inaugurée le 12 juillet 1903. À cette occasion, Edmond Picard rend hommage à Baron, « l’un des maîtres du paysage belge ».

Avec son allure de marcheur infatigable muni de grandes bottes, à la recherche d’un angle de vue pour un nouveau paysage, elle présente le peintre en mouvement, tenant son chapeau dans la main droite, tandis que son matériel de travail apparaît sous le coude de son bras gauche. Dans l’épaisseur du socle rond, en bronze, qui soutient la statue, apparaissent la signature du sculpteur et la mention de la « Fonderie nationale des bronzes/Ane Firme Petermann/ St Gilles-Bruxelles ». Le piédestal a lui aussi une forme arrondie. Sur la partie avant apparaît la mention :


«A
Théodore Baron
Ses amis . Ses admirateurs».


Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012, p. 21
Notice de Georges Mayer, http://balat.kikirpa.be/peintres/Detail_notice.php?id=173 (s.v. avril 2014)
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. 2, p. 542-543
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 574-582


http://www.sculpturepublique.be/5000/VanDerStappen-TheodoreBaron.htm 
http://namur-cent-detours.skynetblogs.be/archives/category/des-statues/index-3.html (s.v. juillet 2013)
S. HOUBART-WILKIN, dans Biographie nationale, t. 31, col. 43-48
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 603
L’Art moderne, 5 juillet 1903, n°27, p. 241 ; 9 août 1903, n°32, p. 278-279

parc de la Plante, rue Théodore Baron – 5000 Namur

carte

Paul Delforge