Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Abel WAROCQUE

Statue Abel Warocqué ; 15 novembre 1868.
Réalisée par Guillaume Geefs.

Après celui d’Henri De Gorge inauguré en 1855 au Grand-Hornu, la statue d’Abel Warocqué est l’un des tout premiers monuments dédié à un capitaine d’industrie dans l’espace public de Wallonie. Dressé sur la Grand place de Morlanwelz, le monument rend aussi hommage à celui qui administra la commune pendant près de trente ans. Sur le socle en pierre sont en effet gravées les mentions suivantes :


« À leur bourgmestre,
les habitants de Morlanwelz
Le 15 novembre 1868 ».

« À leur administrateur,
les employés des charbonnages de Mariemont et de Bascoup ».


Les deux grandes activités locales du grand-père de Raoul Warocqué sont ainsi mises en évidence : son rôle politique et son rôle économique. L’emplacement n’est pas neutre puisque la statue Warocqué est placée devant l’église qu’il fit construire en 1862-1864 selon les plans de l’architecte bruxellois Laureys, et surtout sur l’emplacement de l’ancienne église, détruite en 1863.

Fils aîné de Nicolas Warocqué (1773-1838), Abel (1805-1864) est rapidement appelé à lui succéder dans les diverses industries et participations familiales, principalement les charbonnages de Mariemont et de Bascoup. Seul propriétaire de Mariemont en 1838, il mène une politique d’investissements portant à la fois sur l’amélioration des voies de communication, sur les con

ditions de travail (logements ouvriers) et la prise de participation (sidérurgie, assurance, chemins de fer, etc.). En 1855, il obtient une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris pour une machine de son invention : la « warocquière » est une « échelle à vapeur » destinée à faciliter la montée et la descente des mineurs. Désigné comme bourgmestre de Morlanwelz, défenseur du programme libéral, il dirige l’entité de 1836 à 1864.

C’est ce « héros » du XIXe siècle que Guillaume Geefs (1805-1883), son contemporain, est chargé de figer pour l’éternité. Formé à l’Académie d’Anvers, le jeune Geefs a été rapidement repéré par ses professeurs ; une bourse lui a permis de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il était nommé professeur de sculpture à l’Académie d’Anvers (1833-1840). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France. Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique venait de trouver l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre (ou le bronze) les personnes et les événements les plus illustres du pays. Répondant aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique, il livre à Anvers une statue de Rubens (1840) et à Liège, celle de Grétry (1842), avant de réaliser de nombreuses statues de Léopold Ier. C’est donc un artiste renommé et chevronné qui réalise, pour Morlanwelz, la statue Warocqué.

Le bourgmestre et grand patron est représenté debout, en costume d’époque ; à l’arrière de la jambe gauche, le sculpteur évoque explicitement l’invention de Warocqué, à savoir la warocquière : le nom est mentionné au bas d’une sorte de longue feuille de dessin où sont représentés deux mineurs montant ou descendant dans un puits de mine maçonné. Le sculpteur anversois Guillaume Geefs signe sa réalisation par la mention « Gme Geefs/statuaire du roi/Bruxelles » gravée dans le bronze.

 

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 656-657
Sybille VALCKE, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 415-417
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434
Hervé HASQUIN, La Wallonie, Son histoire, Bruxelles, Luc Pire, 1999, p. 144

Grand Place
7140 Morlanwelz

carte

Paul Delforge

Berceau de la Révolution industrielle sur le continent européen au XIXe siècle, la Wallonie s’est imposée comme la deuxième puissance économique mondiale, exportant son savoir-faire par-delà les frontières. (Re)découvrez à travers ces pages les grandes étapes de cet essor exceptionnel ainsi que les mutations auxquelles la Wallonie a dû faire face ensuite. Autant d’éléments indispensables pour comprendre la revendication fédéraliste régionale et la Wallonie d’aujourd’hui.

© Musée de Mariemont

Warocqué Abel

Socio-économique, Entreprise

Morlanwelz 07/11/1805, Mariemont 17/08/1864


Si son invention, la warocquière, n’a pas révolutionné le monde de l’exploitation minière, elle témoigne cependant qu’Abel Warocqué était davantage qu’un patron de houillère, profitant de l’aisance de son milieu familial : son oncle, Isidore, banquier et industriel, était considéré comme la 4e fortune de la place de Mons à la fin du régime français, et son père, Nicolas, frère d’Isidore, venait de créer la Société minière de Mariemont quand Abel vit le jour. Mais Isidore fera faillite et Nicolas devra investir pour développer ses activités.

Fils aîné de Nicolas (1773-1838), Abel est appelé à lui succéder dans les diverses industries et participations familiales. Dès 1827, il devient administrateur-adjoint de la Société de Mariemont, puis administrateur de la Société de Bascoup quand ce charbonnage tombe dans l’escarcelle des Warocqué. Seul propriétaire de Mariemont en 1838, il poursuit la politique industrielle ambitieuse de son père, faite d’investissements portant à la fois sur l’amélioration des voies de communication, sur les conditions de travail (logements ouvriers) et la prise de participation dans d’autres activités (sidérurgie, assurance, chemins de fer, etc.). Abel Warocqué ne ménage pas ses efforts pour moderniser ses entreprises de Mariemont et de Bascoup, en retirant un important surcroît de productivité en quelques années. Par ailleurs, en dépit de l’opposition de puissants concurrents, il parvient à imposer la construction de la ligne ferroviaire Manage-Erquelinnes : inaugurée en 1857, elle permet de vendre son charbon sur les marchés français. Propriétaire foncier étendu, spéculateur, il contribue aussi à la naissance de La Louvière. Il est aussi inventeur.

En 1855, Abel Warocqué décroche en effet une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris pour la « warocquière ». Machine de son invention, elle est en fait une « échelle à vapeur » destinée à faciliter la montée et la descente des mineurs. Elle a été mise au point dans son charbonnage de Mariemont dès les années 1840 et elle sera adoptée dans le bassin français de Saint-Étienne. Elle semblait révolutionner le secteur des échelles mobiles quand une série d’inconvénients apparurent à  l’usage. Pêchant par un manque de sécurité, elle ne parviendra pas à s’imposer comme le standard dans les houillères européennes.

À l’instar de son paternel, Abel est aussi actif en politique, mais contrairement à lui, il n’affiche pas d’opinions orangistes. Désigné par le roi comme bourgmestre de Morlanwelz, il dirige l’entité de 1836 à 1864 : défenseur du programme libéral, il y crée une école gardienne gratuite et fait construire une église. Abel Warocqué est le grand-père de Raoul Warocqué.

 

Sources


Hervé HASQUIN, La Wallonie, Son histoire, Bruxelles, Luc Pire, 1999, p. 144
La Vie wallonne, IV, 1971, n°336, p. 410-413
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 2001
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 99
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 656-657
Maurice VAN DEN EYNDE, Raoul Warocqué, seigneur de Mariemont (1870-1917), Mariemont, 1970