Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc Émile WIKET

Banc Émile Wiket, réalisé par Jules Brouns, septembre 1954.

Le chansonnier wallon Émile Wiket (1879-1928) n’est pas l’homme d’une seule composition ; pourtant, seule sa chanson Li P’tit banc ! a réussi à résister au temps et à maintenir le souvenir de son auteur, tant par l’interprétation des paroles sur une musique de Pierre Van Damme, que par la présence d’un banc sur une place liégeoise portant le nom du poète wallon.

Chansonnier wallon, disciple de Defrecheux, Émile Wiket a brodé sur le thème du Lèyîz-m’plorer de nombreuses variations, dont sa chanson la plus populaire, Li P’tit banc (1899), ainsi que « sa suite de sonnets Li tchanson dès bâhes (La chanson des baisers) dans laquelle il réussit par un effet de mise en scène et l’insertion de détails intimistes, à rajeunir le sujet ». Secrétaire à l’École d’Armurerie de la ville de Liège, il a consacré l’essentiel de son temps à la langue wallonne. Auteur de multiples vaudevilles avec Maurice Midrolet de 1900 à 1910, ainsi que de contes et de nouvelles, de recueils de chansons et de volumes en vers, d’œuvres dramatiques et lyriques, chroniqueur, chansonnier et poète, Émile Wiket a reçu de multiples lauriers de ses pairs, tout en étant fort applaudi par le grand public. Rédacteur en chef de Noss’Pèron, dont il a été le fondateur, rédacteur en chef d’Amon nos Autes, président du Cercle littéraire La Wallonne, membre titulaire de la Société de Littérature wallonne (1925), collaborateur à Li Trintchet, à Li Clabot et au Réveil wallon, il fut aussi attentif à l’affirmation et à la défense de la Wallonie politique. Critique à l’égard d’auteurs auxquels il reprochait de vouloir orner le wallon des clicotes di Paris (chiffons de Paris), il n’échappe pas aux mêmes artifices et est finalement rangé parmi les représentants les plus typiques de la préciosité. En 1927, il est le premier titulaire du Grand Prix de Littérature wallonne (1926) décerné par la Société de Littérature wallonne, à l’initiative du Théâtre du Trianon.

Banc Émile Wiket (Liège)

Cela n’empêche nullement Li P’tit banc d’être l’une des chansons wallonnes parmi les plus célèbres. Si, depuis 1940, le compositeur a donné son nom à une rue de Liège, la société littéraire « La Wallonne » dont il fut le président attend toujours, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que le poète dispose d’un petit monument sous la forme d’un petit banc. Il s’agirait d’élever ce banc précisément dans le jardin-square qui porte déjà son nom au coin des rues Wazon, Saint-Laurent et Monulphe, à Liège, non loin de la rue Wazon où il vécut. Créant en son sein un Comité Émile Wiket, le cercle littéraire lance une souscription publique durant l’été 1948, sans grand succès immédiat. Persévérant, grâce à Flore Lomba, il parvient à convaincre et à obtenir le soutien de la province de Liège, ainsi que de nouveaux sympathisants. Le projet est confié à Jules Brouns, déjà auteur du banc Van Damme. En septembre 1954, est inauguré là où « La Wallonne » l’avait souhaité un élégant banc en pierre bleue, comprenant une longue partie assise, relevée sur le côté droit d’une pierre haute. Sur celle-ci, on peut lire que l’ensemble est dédié


A
ÉMILE WIKET
POÈTE WALLON
1879 – 1928


TOT PRÈS DÈ VÎ PONT I N’A ST-ON P’TIT BANC


avec une phrase en wallon évoquant les deux premiers vers de la célèbre chanson. Dans le coin inférieur droit de la pierre haute, on peut encore lire que le monument a été


ÉRIGÉ PAR
SOUSCRIPTION
PUBLIQUE
PAR LA CRL
LA WALLONNE


Sculpteur surtout actif en région liégeoise, Jules Brouns (Ivoz-Ramet 1885 - Herstal 1971) a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où Joseph Rulot a été l’un de ses principaux professeurs. Récompensé par plusieurs prix, le jeune Brouns est d’abord tailleur de pierre dans l’entreprise paternelle, avant de devenir professeur de modelage et de dessin à l’École technique de Huy, ensuite à Seraing. Après la Grande Guerre, il reprend l’atelier de Rulot dont il est le légataire universel. Au-delà de la conservation et de l’entretien de la mémoire de son maître, Jules Brouns réalise essentiellement des monuments aux victimes de la guerre, principalement en région liégeoise, dans des cimetières comme sur les places publiques. Il signe notamment, en 1952, la statue du mémorial Walthère Dewé. Son style est souvent reconnaissable par le recours

 à une allégorie féminine, debout regardant vers le ciel et de grande dimension. 

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1673-1674
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. 3, p. 193
Oscar PECQUEUR, dans La Vie wallonne, octobre 1927, LXXXVI, p. 76-80
La Vie wallonne, janvier 1928, LXXXIX, p. 185
Wallonie libre, février 1954
Le Gaulois, 14 août 1948, n° 114, p. 3
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996, p. 142
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d’Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l’Université de l’État à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 157
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 17-19

 

Place Émile Wiket
4000 Liège

carte

Paul Delforge