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Monument Georges WILLAME

Mémorial Georges Willame, réalisé par Marcel Collet, 1er juin 1930.


Djé vourou pouvwer prind’ a spalle
em vi Nivelles
Èye l’d’aller moustrer d’ainsi pa
Tous costes…
(Em’ Nivelles)

C’est au printemps 1930 qu’est inauguré un mémorial Georges Willame (1863-1917), au parc de la Dodaine, à Nivelles. Plus d’un an auparavant (janvier 1929), un Comité du Mémorial Georges Willame s'était en effet constitué à Nivelles dans le but d’ériger un mémorial à celui qui avait disparu en plein cœur de la Grande Guerre, suite à une congestion, alors que les autorités allemandes procédaient à la séparation administrative. Issu d’une famille implantée depuis plusieurs générations dans la cité de sainte Gertrude, Willame a fait carrière à Bruxelles, au sein de l’administration du ministère de l’Intérieur (1881), dont il deviendra directeur général. Mais c’est l’écrivain wallon, le conteur français, l’archéologue, le folkloriste et l’historien nivellois que saluent principalement les membres du Comité du Mémorial Georges Willame et tous ceux qui ont accepté de souscrire financièrement à son projet d’ériger un monument à Nivelles. Ce sont toutes les facettes de l’activité intellectuelle de Willame qui fédèrent : les uns se souviennent qu’il avait fondé une feuille en patois appelée L’Aclot (1888) et qu’il avait produit avec El Rouse dé Sainte Ernelle (La rose de Sainte Renelde) la première pièce de théâtre poétique en wallon (1890). D’autres veulent honorer celui qui contribua au lancement de la revue Wallonia, ou se souvenir de celui qui se mobilisa auprès des autorités belges pour accroître les subventions à accorder à la littérature régionale. Sur le plan plus local, nul n’ignore que Willame s’intéressa particulièrement à l’histoire de Nivelles à laquelle il consacra plusieurs études, ou qu’il introduisit comme cadre de deux de ses romans. La mobilisation autour du projet du Mémorial Georges Willame permit de commander à Marcel Collet (1894-1944) une œuvre à la mesure du personnage.

Mémorial Georges Willame

À la fois sculpteur et architecte, prix Godecharle 1907, Marcel Collet (1894-1944) a reçu plusieurs commandes de la ville de Nivelles, dont la célèbre statue de l'archange saint Michel, patron originel de la ville, qui couronne le perron depuis 1922, du moins quand elle n’est pas prise à partie par des chapardeurs. Frère de Paul Collet, le sculpteur signe d’autres monuments à Nivelles, ainsi que diverses maisons de particuliers dans le style Art Déco à Bruxelles.
La stèle en pierre est donc simple, destinée à mettre en évidence un bas-relief en bronze et une série de mentions gravées dans la pierre. Par une découpe originale de la pierre, Marcel Collet a créé un effet de profondeur et d’élévation, réservant des places appropriées aux deux textes : le plus long, cité ci-dessus, occupe la partie inférieure et la plus large de la stèle ; l’autre, placé entre la citation en wallon et le profil gauche de l’écrivain, mentionne simplement : 
« A Georges Willame
Les Aclots »

La stèle Willame a quelque peu voyagé dans Nivelles, trouvant place dans le Parc de la Dodaine avant d’être installée sur un square, à l’entrée de la rue des Vieilles prisons, au carrefour de la rue Saint-Georges et de la rue de l’Evêché.

 

Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Alain COLIGNON, Georges Willame, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1674
La Terre wallonne, 1929, t. 19, n°113, p. 304
Le Guetteur wallon, janvier 1929, n°12, p. 253

Du parc de la Dodaine au square de la rue des Vieilles Prisons
1400 Nivelles

carte

Paul Delforge

Monseur Eugène

Académique, Philologie, Humanisme-Egalité, Militantisme wallon

Liège 17/09/1860, Bruxelles 6/12/1912

À la fin du XIXe siècle, l’intérêt pour les traditions wallonnes connaît un renouveau. Langue, folklore, traditions figurent parmi les préoccupations d’Eugène Monseur, brillant philologue classique qui va être notamment à l’origine de réalisations aussi diverses que la Société du Folklore wallon, la revue Wallonia ou la Ligue belge des Droits de l’Homme.

Docteur en Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1884), Eugène Monseur ajoute un doctorat en Droit à sa formation (1885), afin de rencontrer la volonté paternelle de voir son fils devenir avocat, comme d’autres membres de la famille. L’histoire des religions, celles de l’Inde en particulier, l’attire cependant davantage que le Barreau de Liège. Formé au sanscrit, lauréat du concours des bourses de voyage, élève de l’École des Hautes Études de Paris (1886-1887), puis de l’Université de Berlin (1888), il est chargé d’une série de cours à l’Université libre de Bruxelles à partir de 1888. Professeur extraordinaire (1890-1900), professeur ordinaire (1900-1912), il mène de front de solides recherches dans des domaines variés (sa bibliographie scientifique en témoigne), tout en s’investissant dans des questions de société. De manière un peu étonnante, c’est son intérêt pour l’histoire des origines indo-européennes qui le conduit à plaider en faveur de mesures urgentes pour la conservation des traditions et croyances du peuple wallon.

En décembre 1889, Eugène Monseur est parmi les principaux fondateurs de la Société du Folklore wallon, à côté de Maurice Wilmotte et d’Auguste Stécher. Dès 1891, il édite un Questionnaire du folklore wallon qui, à la suite des nombreuses réponses reçues, sera refondu par lui en 1892 sous le titre Le folklore wallon pour la Bibliothèque belge des connaissances modernes. Curieux des superstitions et des mœurs du pays wallon, il contribue presque entièrement à la parution du Bulletin de Folklore (1891). Partisan d’en faire une revue scientifique, il n’est pas suivi par les membres de la Société qui préfèrent mettre l’accent sur la vulgarisation et disposer d’une publication paraissant à un rythme plus rapide. C’est ainsi que naît Wallonia, en décembre 1892, Recueil mensuel de littérature orale, croyance et usages traditionnels, à l’initiative d’Oscar Colson, collaborateur de Monseur, ainsi que de Georges Willame et Joseph Defrecheux. Wallonia n’empêche pas Monseur de poursuivre le Bulletin de Folklore, dont les 13 fascicules sont les seuls, à cette époque, à s’intéresser de manière rigoureuse au folklore.

Auteur d’articles de réflexion critique sur la question de l’enseignement supérieur, Eugène Monseur anime le débat idéologique sur la chahutée question scolaire. Favorable à une réforme profonde de l’orthographe française, Eugène Monseur prend aussi parti dans la question de l’orthographe wallonne (L’orthographe walone (sic), Liège, 1896) et s’intéresse à l’idée d’adopter une langue internationale artificielle qui ne serait pas l’espéranto. Membre du Comité Francisco Ferrer (1909), Monseur est présenté par Georges Lorand « comme le véritable créateur de la Ligue des droits de l’homme, (…) il en a été l’âme, même s’il n’a voulu en être que le vice-président » (Despy). Dans la foulée de la ligue française née de l’Affaire Dreyfus, cette « Ligue belge des Droits de l’Homme » est en effet née en mai 1901, à l’initiative d’un homme aussi discret que déterminé.

 

Sources

Andrée DESPY-MEYER, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1114-1115
Andrée DESPY-MEYER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 1, p. 274-277
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 340
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 240 ; t. IV, p. 386-388