Florence Fréson, Cheminement de pierres à la Haute Wegge. 2013

Waremme, rue Walter Lucas. Zone publique

« Concevoir une œuvre d’art public, c’est toujours dépasser la réflexion de l’artiste solitaire dans son atelier ; c’est s’inscrire dans l’exigence de l’autre et s’enrichir des contraintes. Elaborer en collaboration avec de nouveaux partenaires une intégration artistique dans le cadre de logements sociaux, c’est se confronter à une réalité inhabituelle et la considérer comme un stimulant à la création. » Florence Fréson

L’intégration d’œuvres d’art dans les logements sociaux constitue un nouveau défi pour la Commission des Arts de Wallonie. La réflexion sur ce sujet est restée longtemps sur le champ des idées et des projets à venir.

Une collaboration avec la Société Wallonne d’Habitations Sociales a permis de concrétiser 3 projets faisant figure de tests ; parmi ceux-ci, l’intervention de Florence Fréson à Waremme. Le Home Waremmien s’est montré un partenaire actif et désireux de ne pas être uniquement un gestionnaire mais également un accompagnateur socio-éducatif de ses locataires. Il témoigne d’un volontarisme à améliorer le cadre de vie des habitants. Concrètement cela se traduit autant par une revalorisation du bâti que par le développement de la cohésion sociale. Dans cette optique, l’intégration d’une œuvre d’art ne pouvait être que le résultat d’une collaboration avec les habitants et des partenaires locaux (Centre Culturel, enfants des écoles, CPAS, plan de cohésion sociale…). Par ailleurs, la commune de Waremme, riche de nombreuses associations, encourage des initiatives citoyennes : potager communautaire, terrain de pétanque…

Florence Fréson est licenciée en histoire de l’art et archéologie de l’ULg et de l’ULB. Elle est également diplômée de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles en sculpture et en sculpture monumentale. Dès le début de sa carrière, elle a été attirée par le traitement des matériaux lithiques. Autant à l’aise dans un travail de surface de la pierre grise qui s’apparente à un travail d’écriture que dans des interventions monumentales, l’artiste est l’auteur de plusieurs intégrations à l’espace public ;  une  sculpture-fontaine et parcours d’eau aux Célestines (Namur) en 1998, une installation à Bérinzenne (Spa) en collaboration avec Alain Hinant en 2004. Epinglons également les Monolithes d’Uccle en 1993, une intervention artistique à Ath en 1998, le Chemin de traverse au Musée en Plein Air du Sart-Tilman en 2002, une intégration à la station de traitement des eaux d’Ans en 2015…

Lors d’une première étape, des rencontres avec l’artiste, les habitants et les membres des associations partenaires ont permis d’expliquer le projet et de récolter les premières impressions et idées. L’artiste s’est prêtée au jeu du porte à porte chez les habitants. Elle a ainsi recueilli leurs avis. Elle a privilégié une attente, très pratique, des grands-parents qui souhaitaient disposer d’espaces proches pour les enfants, la plaine de jeux communale étant jugée trop éloignée et en plein soleil. Les premières ébauches voient le jour sous forme de maquettes. Cette manière de procéder était une nouveauté pour Florence Fréson. Cette première étape, essentielle dans le cadre du partenariat artiste / habitants / autorités locales, a nécessité un processus de prise de conscience des contraintes techniques et budgétaires.

Les habitants ont encore été invités à visiter la carrière d’où sont extraites les pierres destinées à l’installation. Cette découverte de la pierre, formée il y a 360 millions d’années, constitue un voyage dans le temps et dans l’espace. L’extraction, le transport et l’installation de plus de 40 blocs bruts de 2 à 14 tonnes est une aventure commautaire pour les utilisateurs de l’œuvre. Les blocs ont été assemblés en fonction des contraintes de l’espace disponible tout en privilégiant un geste sculptural. 

Des ateliers d’appropriation ont ensuite été organisés par l’artiste avec un public d’enfants, d’adolescents et d’adultes qui ont été initiés au travail du sculpteur, dans l’espoir qu’en les impliquant dans le processus de création, ils seront plus respectueux et attentifs à la préservation des pierres. Amenés à participer au projet, les habitants s’investissent. Les enfants gravent des dessins et des jeux de sociétés, les adolescents interviennent sur les blocs, ils adoucissent les arêtes vives et aménagent des bancs dans le creux des pierres.

Ces intégrations sculpturales sont composées de 45 blocs de calcaire de Vinalmont. Tantôt bancs, tantôt tables, murs, tableaux noirs ou montagnes, agencés de part et d’autre d’une pelouse centrale, pour susciter la rencontre et favoriser la convivialité.

La rue Walter Lucas. Lieu ouvert vers le Sud. Une percée de la rue, vers la pelouse centrale entre deux duplex de logements, l’un ancien, l’autre récent, offre un espace intéressant pour une première installation de pierres disposées selon un tracé linéaire, invitant au cheminement ou au jeu et au repos sur les pierres-bancs, principalement destinées aux enfants et leurs parents.

L’angle de la rue Walter Lucas, vers le Nord et la rue Haute Wegge. Une pelouse en pente douce, bordée de plantations d’arbres, offre une zone qui dégage un calme et une sérénité accueillante. Lieu de partage et de rencontre, de repos sur les grandes pierres plates disposées en cercle ouvert, table de jeux de société gravée dans la pierre par les enfants. Ce lieu de convivialité favorise les rencontres entre voisins qui s’y retrouvent parfois pour la première fois.

Marie-Hélène Joiret