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Buste Gilles Demarteau – KIK-IRPA

Buste Gilles DEMARTEAU

Buste Gilles Demarteau, réalisé par Berthe Centner, 28 juillet 1923.

En 1907 déjà, un buste dédié au peintre Léon Philippet avait été inauguré dans le parc de la Boverie, à deux pas du palais construit pour l’Exposition universelle de 1905. En juillet 1923, un deuxième buste est inauguré. Il est destiné à commémorer Gilles Demarteau (1722-1776), considéré comme un graveur ayant acquis une grande renommée à Paris au XVIIIe siècle. L’initiative en revient à l’Œuvre des Artistes, présidée par Hogge, qui remet à la ville de Liège le buste en bronze coulé, dû à Berthe Centner. Adossé à la façade principale du Palais des Beaux-Arts, le buste (70 cm) est posé sur une stèle de style Louis XV, en pierre d’Euville. Sobrement était mentionné sur la stèle :

« Gilles Demarteau. 1722-1776 »

Pour l’inauguration en 1923, le tout Liège est présent, bourgmestre, parlementaires, échevins, professeurs d’université, militaires, consul de France, ainsi que des artistes, dont Berthe Centner. Recevant le buste officiellement au nom de la ville de Liège, l’échevin des Beaux-Arts, Olympe Gilbart, exprime le vœu de voir le parc de la Boverie « s’enrichir d’autres monuments rappelant les titres de Liégeois qui s’illustrèrent aux différentes époques dans le domaine des arts et des lettres ».

Peu connue, la Verviétoise Berthe Centner (Lambermont 1866 – Verviers 1950)) s’était distinguée avant la Grande Guerre par ses bustes ; elle avait participé à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1910 et à plusieurs Salons de cette époque, et elle avait réalisé le buste de Gilles Demarteau pour une exposition sur le graveur de Louis XV, organisée – déjà – par l’Œuvre des Artistes, avec le soutien de la ville de Liège et le concours de collectionneurs. Cette exposition s’était tenue à Liège, de juin à septembre 1912. La ville avait acheté le buste en plâtre à Berthe Centner (il se retrouvera dans les collections du Musée de l’Art wallon). 

Dans le même temps, avait été émise l’idée de commander un buste en marbre ou en bronze, afin de le placer dans un square de Liège, une fois l’exposition terminée. La décision semble même avoir été prise dès le mois d’août 1912 et le parc de la Boverie est déjà choisi pour l’accueillir. Les événements internationaux ne permettent cependant pas de concrétiser rapidement ce projet. L’Œuvre des Artistes n’y renonce pas et, en 1923, celle qui est membre du Cercle des Beaux-Arts de Liège peut assister à l’inauguration d’un monument qui trouve place dans le plus beau parc de la Cité ardente. En 2014, force est de constater que le buste et le socle ont disparu sans laisser de trace.

Contemporain d’André-Modeste Grétry, Gilles Demarteau (1722-1776) a marqué le XVIIIe siècle français par des estampes particulièrement appréciées. Issu d’une famille de maîtres armuriers liégeois, il  bénéficie de l’enseignement de J-B. Coclers avant de rejoindre Paris, où il rejoint son frère (circa 1740). Sa famille semble en effet posséder à Paris une boutique d’orfèvrerie établie sur le quai éponyme. Excellant dans son art, Demarteau entre à la Monnaie de Paris en 1762, en qualité de graveur-ciseleur juré. 

À côté de cet emploi au service du royaume de France, Demarteau développe une production propre comme graveur d’estampes (1751-1776). La technique qu’il a mise au point lui assure renommée et reconnaissance : appelée « la gravure en manière de crayon », elle consiste, au moyen d’outils spéciaux (dont la roulette), à produire des fac-simile de crayon qui ont l’apparence exacte de l’original. Selon certains auteurs, Demarteau est l’inventeur de la technique en question, mais d’autres la lui contestent (l’attribuant au Nancéen Jean-Charles François). Nul ne peut toutefois lui enlever le mérite d’avoir porté le procédé à la perfection. 

En 1766, Gilles Demarteau est agréé à l’Académie et en 1769, il est reçu comme Académicien. Ses gravures d’après Boucher et Cochin font tourner la tête au tout Paris : ses mécènes et protecteurs se font nombreux. Il reproduit aussi des œuvres de Watteau et de Fragonard. En 1770, il est nommé graveur des dessins du Cabinet du roi. À son décès, en 1776, il avait atteint le sommet de sa gloire. Après être tombée quelque peu dans l’oubli au XIXe siècle, l’œuvre de Demarteau est redécouverte au début du XXe siècle quand l’art du XVIIIe siècle revient à la mode. Quelques-unes de ses gravures suscitent l’admiration lors d’une exposition à Paris en 1906. C’est cependant dans sa ville natale que, sous le patronage de la ville, la Bibliothèque centrale expose plus de 200 gravures de Gilles Demarteau et de son neveu, Gilles-Antoine. 

Source

La Vie wallonne, 15 août 1923, n°XXIX, p. 580-581
La Vie wallonne, I, 1977, n°357, p. 26-29
La Belgique artistique et littéraire, juillet-septembre 1912, n°82-84, p. 113
L’Art moderne, 25 août 1912, n°34, p. 269
Cor ENGELEN, Mieke MARX, Dictionnaire de la sculpture en Belgique à partir de 1830, Bruxelles, août 2006, t. I, p. 480
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 203
Albert DE NEUVILLE, Gilles Demarteau, Turnhout, 1920, coll. « Les Grands Belges », dont p. 27
Exposition Gilles Demarteau : Graveur du roi membre de l'académie royale 1722-1776, catalogue illustré, Liège Œuvre des Artistes, 1912
Serge ALEXANDRE, Virginie VOETS, Gilles Demarteau (1722-1776) : graveur liégeois au service des rois de France, Liège, 1998
Édith MICHA, Gilles Demarteau, graveur liégeois au service des rois de France, Liège, 2004
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 292-293

Buste Gilles Demarteau

 

Parc de la Boverie 
4020 Liège

carte

Paul Delforge

Portrait de Jean-Charles Delsaux – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Portrait de Jean-Charles DELSAUX

Portrait de Jean-Charles Delsaux incrusté dans un chapiteau, réalisé par Léopold Noppius ( ?), entre 1877 et 1884.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vers 1865, il se retire du chantier et est remplacé par Jean-Godefroid Umé.

Formé à l’Académie de Liège, nommé architecte officiel de la province de Liège en 1845, J-Ch. Delsaux est surtout reconnu pour ce qui était son tout premier gros chantier. Par la suite, il signe les plans de quelques églises en régions liégeoise et verviétoise, et s’occupe surtout de restauration d’édifices religieux. Il contribue à l’introduction du style néo-gothique dans l’est de la Wallonie. 

Le portrait de l’architecte apparaît dans son œuvre principale : son visage, de face, a été en effet sculpté dans un des chapiteaux et est visible – si l’on fait un important effort pour le retrouver – sur la face orientale de la 9e colonne de l’aile occidentale de la première cour du Palais provincial. Ce clin d’œil amical au maître d’œuvre n’est ni daté ni signé. Il remonte probablement à la phase des travaux de décoration entreprise entre 1877 et 1884 et menée sous la direction de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889). C’est en effet vingt-cinq ans après la fin du gros œuvre que le gouverneur Jean-Charles de Luesemans entreprend de réaliser la décoration qu’avait prévue Delsaux. L’avis d’une nouvelle commission de spécialistes détermine les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Par la présence de son portrait sur une des colonnes, Delsaux participe à cet hommage collectif. 

On attribue cette sorte de clin d’œil à Léopold Noppius (1834-1906), le frère du maître d’œuvre. Avant ce chantier de décoration, Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige un Projet de cortège historique pour Liège en 1887

Source

Flavio DI CAMPLI, Jean-Charles Delsaux (1821-1893), le « Viollet-le-Duc » liégeois, dans Les Cahiers nouveaux, Namur, septembre 2012, p. 80-81
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 76
Flavio DI CAMPLI, Jean-Charles Delsaux (1821-1893). Architecte provincial, Herstal, Musée de Herstal, 1998
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Anne-Françoise GOFFAUX, Bernard WODON, Répertoire des architectes wallons du XIIIe au XXe siècle, Namur, 1999, Etudes et documents, série Aménagement et Urbanisme n°4, p. 43

 

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

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Paul Delforge

Emplacement de la maison natale d’André Delchef, démolie lors de la rénovation de la Société libre d’Émulation ; la plaque commémorative avait déjà disparu – Google

Plaque André DELCHEF

Plaque commémorative André Delchef, réalisée à l’initiative de l’Union des Femmes de Wallonie, 15 mars 1935.  

Afin de commémorer le centenaire de la naissance d’André Delchef, une plaque commémorative est inaugurée, le 15 mars 1935, sur la façade la maison natale de celui qui fait figure de précurseur dans le mouvement dramatique wallon. En 1858, en effet, était jouée à Liège une pièce de théâtre en wallon, Li Galant dè l’siervante, dont le succès fut tel qu’il stimula la création de nouvelles œuvres en wallon : en quelque sorte, André Delchef avait fait œuvre de pionnier, ouvrant la route aux Édouard Remouchamps, Henri Simon et autre Théophile Bovy.
Issu de la petite bourgeoisie liégeoise, André Delchef est d’abord un fabricant d’armes, accaparé par ses affaires, et qui fit de l’écriture un hobby. Il n’avait que 23 ans lorsqu’il composa Li Galant dè l’siervante, pièce qui est jouée au Théâtre royal de Liège et qui est couronnée par la toute jeune Société liégeoise de littérature wallonne. Comédie en deux actes et en vers, la pièce se veut une peinture de mœurs mettant en scène des bourgeois et leurs domestiques, dans leur quotidien. Jouées par des comédiens amateurs, les premières représentations séduisent tant par le recours au parler wallon que par la limpidité de l’intrigue et le caractère des personnages. Salué par toute la critique pour cette première œuvre, André Delchef demeurera toujours « l’auteur du Galant » malgré l’écriture de nombreuses autres pièces. Premier président de l’Association des Auteurs dramatiques wallons (1857-1899), André Delchef est aussi l’auteur d’une Histoi¬re de la Littérature wallonne à Liège de 1830 à 1880. Mais en 1858, sa pièce de théâtre en wallon fondée sur l’observation des mœurs du temps, il avait inauguré un genre nouveau : en un siècle, pas moins de 5.000 pièces wallonnes seront écrites et jouées.
Le centième anniversaire de Delchef (décédé en 1902) est l’occasion d’honorer le personnage, mais aussi le foisonnement de l’art dramatique wallon. L’initiative en revient à sa fille, Marguerite Horion-Delchef, par ailleurs présidente de l’Union des Femmes de Wallonie. Aujourd’hui disparue, la plaque apposée sur la façade de la maison natale indiquait :

ICI EST NÉ LE POÈTE
ANDRÉ DELCHEF
QUI FIT REVIVRE
LE THÉÂTRE WALLON
AVEC LI GALANT DÈ L’SIERVANTE
1835-1902 

Source

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Vie wallonne, juin 1935, CLXXIX, p. 305-309
L’Action wallonne, 15 mars 1935, n°3, p. 3
Wallonia, 1910

Emplacement de la maison natale d’André Delchef, démolie lors de la rénovation de la Société libre d’Émulation

 

Rue des Carmes 6 
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Jean DEL COUR

Statue de Jean Del Cour, réalisée par Jules Halkin, c. 15 octobre 1880.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Jean Del Cour est parmi celles-ci.

Placée aux côtés de Mathias de Louvrex et Charles de Méan, la statue de Jean Del Cour est l’une des 42 personnalités retenues, selon le critère d’avoir marqué l’histoire de la principauté de Liège. Elle est située sur la façade du marteau de droite du palais provincial, dans la partie inférieure des colonnes d’angle. Assurément, cette réalisation a dû représenter un défi pour le sculpteur Jules Halkin (Liège 1830 – Liège 1888) qui signe huit des statues et bas-reliefs liégeois du « palais », dont « l’assassinat de Saint-Lambert », « la sortie des Franchimontois » et un « Notger répandant l’instruction ». En effet, réaliser la sculpture d’un sculpteur n’est pas banal. De surcroît, il s’agissait pour Halkin de s’attaquer à un maître, à celui dont les œuvres s’imposent à tous ses prédécesseurs, à celui qui est considéré comme le chef de file de l’école liégeoise du XVIIe siècle. Évitant le style baroque de son prédécesseur, Halkin signe une œuvre sobre, plaçant dans les doigts de la main droite de son aîné un ciseau, tandis que la gauche porte un maillet.

Originaire de Liège où il accomplit l’essentiel de sa carrière de sculpteur, Jules Halkin avait suivi les cours de Gérard Buckens à l’Académie des Beaux-Arts de sa ville natale. Une bourse de la Fondation Darchis lui permet de séjourner à Rome pendant plusieurs mois (1851-1853), avant de parfaire sa formation en France et en Allemagne. Au début des années 1860, il trouve facilement des acheteurs privés pour plusieurs de ses premières réalisations essentiellement à connotation religieuse (Vierge, chemin de croix, bas-reliefs, etc.), avant de participer au chantier de décoration du palais provincial de Liège. Ses bustes en bronze et en marbre trouvent de nombreux amateurs auprès de bourgeois de la Cité ardente, qu’ils soient industriels, intellectuels ou artistes eux-mêmes. Il réalise aussi un Saint-Lambert pour la cathédrale Saint-Paul et un chemin de croix en pierre de France pour l’église Saint-Jacques (1862-1865). Sa notoriété, Jules Halkin la doit surtout à sa sculpture monumentale du Cheval de halage (1885) qui partage avec le Torè de Mignon l’espace des Terrasses de Liège. 

Source

Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 436-437
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 103
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 676
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
La Meuse, 2 octobre 1880

 

 

Statue de Jean Del Cour

 

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Joseph Dejardin

Buste Joseph Dejardin, réalisé par Louis Gérardy, 1933.

Situé au bout de la rue Mattéoti, sur la place verdoyante de la cité ouvrière, un buste rend hommage à un leader syndical et homme politique socialiste, originaire du bassin sidérurgique de Liège. Comme le mentionne la plaque métallique située au bas du monument, il s’agit d’honorer ici :

JOSEPH DEJARDIN
FONDATEUR DE LA CENTRALE
SYNDICALE DES MINEURS
1873 – 1932

Il s’agit aussi, ce que ne précise pas le monument, mais que « tout le monde sait », d’honorer un enfant de la commune. C’est en effet à Grivegnée, le premier jour du printemps 1873, qu’est né Joseph Dejardin, dans une famille ouvrière déjà fort nombreuse qui comptera onze enfants. Son père comme sa mère travaillent à la mine ; à peine scolarisé, Joseph ira lui aussi à la mine, comme ses frères et sœurs. Décidé à changer sa misérable vie comme celle des autres mineurs qui partagent son sort, Joseph Dejardin va s’engager dans l’action syndicale et politique. En dépit des risques (en 1889, alors qu’il distribue le journal Le Populaire, il est arrêté et accusé de fomenter des troubles), il milite activement tant dans les organisations syndicales que politiques. 

Député socialiste de Liège (décembre 1909-1932), il figure parmi les membres-fondateurs de l’Assemblée wallonne créée à l’initiative de Jules Destrée. Échevin de Beyne-Heusay (1908), bourgmestre faisant fonction (janvier 1912), il est nommé par le gouvernement belge le 20 septembre 1914 en raison de la bravoure affichée lors de l’invasion allemande d’août 1914. Déporté en Allemagne (décembre 1916 – mars 1917), il exercera ses fonctions maïorales jusqu’à son décès. Par ailleurs et surtout, Joseph Dejardin déploie une intense activité syndicale. Président du syndicat des Mineurs avant 1914, il devient, en 1919, le leader national de la Centrale des Mineurs qu’il avait contribué à faire naître. Son expertise était appréciée et reconnue. Elle fut notamment saluée lors des Conférences internationales du Travail de 1930 et 1931 où ses interventions contribuèrent à l’élaboration des textes définitifs (durée du travail dans les mines). Vice-président de la Fédération internationale des Mineurs, il avait été désigné à la présidence lors du congrès de Londres, en septembre 1932. Ses funérailles furent quasiment nationales.

Son souvenir fut entretenu par ses camarades syndicaux. Bien que la démarche soit inhabituelle, un monument est élevé à sa mémoire et ce dès 1933. La réalisation de son buste est confiée au sculpteur Louis Gérardy (Liège 1887 – Liège 1959). Formé à l’Académie de Liège, il fréquente volontiers l’atelier d’Oscar Berchmans qui sera son maître. Proche des milieux wallons, Gérardy a été sollicité à plusieurs reprises lorsqu’il s’est agi de réaliser des médaillons destinés aux tombes des disparus (ainsi Henri Bekkers, Nicolas Defrêcheux, Louis Warroquiers au cimetière de Robermont). En 1919, il réalise le monument serbe sur la pelouse d’honneur de Robermont. Dans les années 1930, il travaille sur  le chantier de décoration du Lycée de Waha (bas-reliefs). Cependant, il s’est davantage spécialisé dans la représentation animalière (tête de chiens, d’oiseaux, etc.), signant des bas-reliefs, comme des statuettes décoratives. Lors du Salon de Liège en 1930, il présente une série consacrée aux chevaux de trait. Cela ne l’empêche pas de répondre à des commandes variées, comme celles de la statue du général Bertrand (1934) ou du buste du syndicaliste Joseph Dejardin quelques mois auparavant. Ce buste a été fondu par la société Dehin frères.

Sources

Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne 1912-1923. Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, janvier 2013, coll. Notre Histoire, p. 234
Paul VAN MOLLE, Le Parlement belge 1894-1972, Ledeberg-Gand, Erasme, 1972, p. 80
Le mouvement syndical belge, 20 novembre 1932, p. 259
À la mémoire de Joseph Dejardin, Député…, Cuesmes, imp. fédérale, s.d.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 615

Buste Joseph Dejardin

Square de la rue Mattéoti 
4030 Liège (Grivegnée)

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Paul Delforge

 Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Nicolas DEFRECHEUX et à « l’âme wallonne »

Monument La Légende, initialement dédié à Nicolas Defrecheux et à « l’âme wallonne », réalisée par Joseph Brouns sur un modèle de Joseph Rulot, c. 1965.
 

À la fin du XIXe siècle, le poète wallon Nicolas Defrecheux (1825-1874) jouit d’une célébrité incontestée depuis le succès rencontré par sa fameuse complainte, le Lèyîz-m’ plorer. Celle-ci est parue dans le Journal de Liège en 1854 et est devenue en peu de temps un immense succès populaire grâce à une adaptation d’un air en vogue, extraite de l’œuvre Gastibelza, du compositeur français Hyppolite Monpou. Balayant les vieux préjugés qui perduraient à l’égard du wallon, Leyîz-m’plorer est la première chanson à exprimer en wallon une véritable poésie lyrique. 

Deux ans plus tard, Defrecheux connaît une autre grande réussite avec le cråmignon L’avez-v’vèyou passer ?, à la fois succès populaire et œuvre célébrée en raison de la qualité de son écriture et du vocabulaire wallon utilisé. Collaborateur de l’Almanach de Mathieu Laensbergh (1857-1874) et du Dictionnaire des spots et proverbes wallons de Joseph Dejardin, Nicolas Defrecheux contribue encore à l’émergence de la Société liégeoise de Littérature wallonne, fondée en 1856. Par conséquent, au tournant des XIXe et XXe siècles, l’idée d’ériger un monument en l’honneur de celui qui est considéré comme l’un des précurseurs de la littérature wallonne est vivement soutenue dans tous les milieux wallons, qu’ils soient littéraires ou non.

À la suite d’une idée émise par Paul Gérardy, un simulacre de concours est lancé au printemps 1895 ; un Comité de l’Œuvre du Monument Defrecheux est mis en place qui précise que le monument devra avoir « le caractère d’une manifestation en l’honneur de l’idée wallonne ». Huit projets sont en compétition (ils seront exposés à la vue du public après la délibération), mais déjà une esquisse de Joseph Rulot a été retenue à l’unanimité : articulées autour d’un tertre rocheux surmonté d’un tronc d’arbre, quatre figures allégoriques – la Légende, la Poésie, la Fantaisie, la Naïveté – sont entourées de 7 personnages empruntés aux textes de Defrecheux ; occupant une surface de près de 40 m² au sol, et sur une hauteur de 6 mètres, l’ensemble est complété par trois scènes : un cråmignon d’enfants, une femme racontant des histoires à deux enfants, une jeune fille – près d’une fontaine – en admiration devant le médaillon du poète.

Sculpteur en vogue, Joseph Rulot (1853-1919) a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1871-1881) et plusieurs récompenses saluent cet artiste scrupuleux et tourmenté. Nul ne conteste son talent ; c’est d’ailleurs pour cela qu’il est nommé professeur de sculpture à l’Académie de Liège en 1904, en remplacement de Prosper Drion. Nul ne conteste non plus sa sensibilité wallonne : amis de nombreux jeunes artistes et écrivains qui se revendiquent Wallons (revues Floréal et La Wallonie notamment), il est l’un des rapporteurs importants du Congrès wallon de 1905. Nul ne conteste davantage sa large culture classique, son imagination débordante et sa créativité originale. Pourtant, candidat malheureux à la réalisation d’un monument César Franck à Paris (1904), il pêche par une forme d’insatisfaction permanente qui le conduit à rarement concrétiser ses projets. Ainsi en est-il du monument Defrecheux auquel il consacre l’essentiel de son existence, en penser aux formes idéales à lui donner, sans jamais le réaliser. Pour reprendre l’expression utilisée par Serge Alexandre, ce projet a été un véritable roman-feuilleton à rebondissements durant lequel, notamment, de vifs débats auront lieu tant sur la question de l’emplacement, du financement que de la forme et de la taille du monument.


Pourtant, les efforts de mobilisation n’ont pas manqué. Ainsi, en 1896, la Fédération wallonne publie une plaquette d’une trentaine de pages reprenant plusieurs œuvres wallonnes, dont Tot seu de N. Defrecheux, afin de rassembler les premiers deniers nécessaires au financement du monument ; une large souscription est aussi lancée ; plusieurs manifestations sont organisées  et des financements publics sont obtenus, non sans mal. Alors que plusieurs monographies s’intéressent au poète Defrecheux, confirment la qualité de son œuvre et consolident sa notoriété, le sculpteur se fait aussi attendre. Son esquisse originelle ne cesse d’évoluer. Elle prend du volume, de nouveaux personnages (34 figures et 5 moutons) sont ajoutés. Finalement, après dix-neuf ans d’attente, le but semble presque atteint : dans son atelier, Rulot peut présenter, fin juillet 1914, une maquette où l’on retrouve le programme iconographique de 1895 enrichi et disposé autour d’un massif qui évoque le rocher Bayard à Dinant, l’ensemble faisant désormais 12 mètres de haut. Des premiers travaux de fondation ont été entamés en 1913. La validation de cette œuvre doit passer la dernière étape du conseil communal quand éclate la Grande Guerre… L’ambitieux projet ne verra jamais le jour.

Monument Nicolas Defrecheux et à « l’âme wallonne » (Liège)


Après l’Armistice, alors que les pouvoirs publics financent principalement des monuments d’hommage aux victimes de la guerre, le monument Defrecheux continue d’être défendu, notamment par le plus fidèle disciple de Rulot, Jules Brouns, ainsi que par l’architecte Paul Jaspar, voire par Xavier Neujean. Néanmoins, l’année 1925, date du centième anniversaire de la naissance de Defrecheux, s’écoule sans qu’aucun monument n’émerge. L’Exposition internationale de l’Eau, en 1939, est un nouveau prétexte invoqué par le Comité auprès de Georges Truffaut pour réaliser l’œuvre de Rulot. Sans succès : bien d’autres monuments s’élèvent à Liège, mais toujours pas celui décidé en 1895. En 1946, le projet intégral est définitivement abandonné (la maquette – plâtre – du projet définitif – 165 cm – est conservée au Musée communal de Herstal). Finalement, on se souvint que Léon Souguenet vanta un jour le moulage de la statue représentant la Légende et qu’en face de cette seule figure-là, il y vit l’âme wallonne et déclara qu’à elle seule cette statue suffisait (1925). 

À partir d’une maquette de Rulot, Jules Brouns sculpta la « Légende » dans la pierre ; en 1956, cette statue est acquise par la ville de Liège et, en 1965, elle trouve place dans le Parc de la Boverie. Le « Comité Defrecheux » ayant disparu, Jules Brouns (1885-1971) sera l’un des rares à se souvenir des ambitions initiales de Rulot et en mesure de les confronter avec cette statue solitaire, bien loin d’évoquer spontanément tant l’idée wallonne que la mémoire de Nicolas Defrecheux. Sauf à y déceler de l’ironie, la seule inscription figurant sur le monument n’aide d’ailleurs pas à comprendre son histoire :


LA LÉGENDE
DE
JOSEPH RULOT
1858 – 1919

 

 

Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 189-190
Alain COLIGNON, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 416
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 403
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. 2, p. 114, 468-469 ; t. III, p. 243 et 359
[Daniel DROIXHE], Quatre poètes wallons de Herstal, Littérature et monde du travail, Herstal, Musée communal, 1975, p. 20
Charles et Joseph DEFRECHEUX, Anthologie des poètes wallons, Liège, 1895
Wallonia, t. IV, 1896, p. 34 ; t. IX, 1901, p. 147-148 ; t. XI, 1903, p. 21 ; t. XIII, 1905, p. 169 ; t. XVI, 1908, p. 180
La Vie wallonne, n° LVI, mars 1925, p. 300-301
Alexandre GERARD, Nicolas Defrecheux, extrait de L’Ami de l’Ordre, Namur, 1901.
Une identité taillée dans la pierre. Le monument wallon dédié à Nicolas Defrecheux, dans Enquêtes du musée de la Vie wallonne, Liège, 2002-2004, t. XX, n°241-244, p. 307-346
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1449
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d’Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l’Université de l’Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148, en particulier p. 129 et ssv.
Fabienne MASSON-RUSINOWSKI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 544-546

Parc de la Boverie
4020 Liège

carte

Paul Delforge

KIK-IRPA, Bruxelles et © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste Adrien de Witte

Buste Adrien de Witte, réalisé par Oscar Berchmans avec l’aide de l’architecte Alfred Lobet, 19 novembre 1938.


Au lendemain de l’Exposition universelle de 1905, le parc de la Boverie devient progressivement le lieu privilégié pour accueillir des monuments dédiés principalement à des artistes liégeois. Dès 1907, est inauguré un buste dédié au peintre Léon Philippet ; en juillet 1923, Gilles Demarteau est honoré à son tour, avant que ne les rejoignent, sans être exhaustif, Louis Boumal (1925), Jean Varin (1928), Jean-Barthélémy Renoz (1930), Armand Rassenfosse (1935), Adrien de Witte (1938), Georges Antoine (1938), Auguste Donnay (1956 ?) et Richard Heintz (1956). Une galerie des bustes prend ainsi place dans la pergola du parc de la Boverie ; elle permet au public de croiser une palette d’artistes de renom, du moins jusqu’au début du XXIe siècle. On assiste en effet alors une série de disparitions et d’actes de vandalisme (vols, dégradation, lancer de buste dans la Meuse…) contraignant les autorités liégeoises à mettre à l’abri certains bustes restants. Si quelques monuments restent intacts, d’autres ont entièrement disparu, comme en témoignent certains socles nus.


Inauguré le 19 novembre 1938, en présence du bourgmestre Xavier Neujean, le buste d’Adrien de Witte n’a pas échappé à ce phénomène. Le socle est toujours présent, mais le buste a disparu en 2007. Réalisé en bronze coulé, d’une dimension de 70 centimètres, il était dû à l’initiative de l'Œuvre des Artistes qui en avait confié la réalisation au sculpteur liégeois Oscar Berchmans (Liège 1869 – Spa 1950). En 1938, l’artiste jouit d’une solide réputation. Son monument à Hubert Goffin, inauguré en 1912, est sa carte de visite la plus visible en région liégeoise jusqu’au moment où il achève le très remarqué fronton de la façade de l’Opéra royal de Wallonie qui constitue sa plus belle réussite (1930). 

Depuis sa plus tendre enfance, il évolue dans un milieu tourné vers la peinture ; lui a cependant opté pour la sculpture lorsqu’il a suivi les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Liège auprès de Prosper Drion et d’Adrien de Witte (1884) ; il a aussi fréquenté l’atelier de Léon Mignon et de Paul de Vigne auprès desquels il a appris son métier. Au-delà de commandes pour des particuliers, Berchmans est régulièrement sollicité par les autorités communales liégeoises qui lui confient la réalisation de bas-reliefs pour le Palais des Beaux-Arts de l’Exposition de 1905, le mémorial Mignon (1906), des bustes et des monuments comme celui déjà cité à Hubert Goffin à Ans (1912), ou celui dédié à Hortense Montefiore-Levi (1911), voire le mémorial Wauters de Waremme. Comme ses collègues, Berchmans a également signé de nombreux monuments aux victimes et aux héros de 14-18, par exemple, le mémorial dédié à l’exploit de l’Atlas V ou le bas-relief apposé contre la façade de l’Université de Liège commémorant les exécutions sommaires de civils par les Allemands durant la nuit du 20 au 21 août 1914. À partir de 1919, Berchmans enseigne à l’Académie de Liège et il ne fait aucun doute qu’il y croise la route de son collègue Adrien de Witte, sans savoir encore qu’il sera amené à en réaliser le buste de son aîné.


Adrien de Witte (Liège 1850 – Liège 1935) est de la génération qui précède Berchmans. Lui aussi a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, mais de Witte a choisi la peinture quand il accomplit un premier voyage en Italie en 1872-1873, avant d’y séjourner plus longtemps, de 1879 à 1884, en tant que boursier de la Fondation Darchis. Dès la décennie 1870, l’artiste a signé ses œuvres les plus significatives : La Lessiveuse, La femme au corset noir et la très connue Femme au corset rouge, datant de 1880. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts dès 1885, il va se consacrer entièrement à ses élèves, jusqu’en 1921, faisant finalement regretter que l’artiste ne se soit pas montré plus productif : 80 œuvres ont été cataloguées en 1927 – 237 en 1981 à l’occasion d’une rétrospective au « musée de la Boverie ». Ses dessins, eaux fortes, aquarelles et peintures à l’huile ont sonné la renaissance de l’école liégeoise dans le dernier quart du XIXe siècle.



Sources


Françoise CLERCX LEONARD-ÉTIENNE, Sylvie LEJEUNE (dir.), Adrien de Witte : dessins, pastels, gravures : Liège, cabinet des estampes, musée de la Boverie, du 11 septembre au 15 novembre 1981, Ville de Liège, 1981 
(Jules BOSMANT), Salon 1950 : exposition rétrospective Adrien De Witte organisée à l'occasion du centenaire de la naissance du maître : musée des beaux-arts de Liège, 14 octobre-12 novembre, Liège, 1950
Charles DELCHEVALERIE, Adrien De Witte, Anvers, 1949, coll. Monographies de l’Art belge
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Jacques PARISSE, Actuel XX : la peinture à Liège au XXe siècle, Liège, Mardaga, 1975, p. 32
Charles DELCHEVALERIE, Adrien de Witte, peintre, dessinateur et graveur, Liège, Bénard, 1927
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 141 et 142
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=A118170&objnr=10128100 
La Vie wallonne, juin 1927, LXXXI, p. 265-268
La Vie wallonne, II, n°250, p. 109-117
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 291-295
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 11
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 83
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 359
La Vie wallonne, III, 1950, n°251, p. 219
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
 

 

Buste Adrien de Witte. Montage réalisé à partir d’une photographie de l’IRPA

Parc de la Boverie

4020 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Gosuin de STREEL

Statue de Gosuin de Streel, réalisée par Léopold Noppius,entre 1881 et 1884.


Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Elles racontent l’histoire de la principauté de Liège, privilégiant les acteurs du Moyen Âge.


À titre personnel, Léopold Noppius, le frère de l’architecte liégeois, signe onze décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège, parmi lesquelles Gosuin de Streel. À son sujet, il est inutile de chercher les traits de son visage, le sculpteur ne semble pas disposer d’informations précises à son sujet et il se contente de le représenter comme un guerrier, harnaché dans ses cuirasses et sous son casque, posant la main gauche sur son bassin tandis que la droite s’appuie sur une longue épée. Le visage de Gosuin est ainsi le seul à ne pas être représenté, d’autres hommes d’armes ayant leur visière remontée, comme Henri de Hornes ou Vincent de Bueren. Il s’agit d’une réelle singularité car les statues « liégeoises » sont toutes réalisées avec un souci d'art et de différenciation. Représentant d’une illustre famille de la noblesse hesbignonne, Gosuin de Streel a marqué l’histoire liégeoise par l’opposition qu’il manifesta à l’encontre du prince-évêque Louis de Bourbon.


Avec Vincent de Bueren, cité ci-dessus, Gosuin est considéré comme l’un des principaux meneurs dans la tentative de capture du duc de Bourgogne lors du fameux épisode des Six cents Franchimontois. Refusant que la principauté devienne un état vassal de la Bourgogne, il a profité de l’éloignement continu de l’évêque, Louis de Bourbon, et de l’absence momentanée de son intendant, d’Humbercourt pour accompagner les « patriotes » liégeois dans la prise du pouvoir de la cité (septembre 1468), provoquant ainsi la colère du duc de Bourgogne qui met ses armées en route. Au prix d’un coup de main hardi, Streel et Bueren parviennent à faire prisonniers l’évêque et son intendant lors d’une rencontre à Tongres (9 octobre). Trop confiant en leur prince-évêque, les Liégeois le laissent partir négocier à Péronne. Mal leur en prit. Le 27 octobre, les armées bourguignonnes sont aux portes de la ville. Le dernier coup de force de Bueren échoue. Charles le Téméraire n’est pas capturé et les « Franchimontois » sont mis en déroute. Livré au duc de Bourgogne, Gosuin de Streel est décapité le jour de Noël, devant la Cour de Bruxelles. Comme le sculpteur de Tombay avec de Bueren, Léopold Noppius s’est limité à suggérer le statut de Gosuin de Streel, dont la statue se situe dans un angle formé par le côté doit du péristyle et le début de la façade orientale.


Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des cinquante ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial.

 

Sources


Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 97
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 162 et 165

 

Statue Gosuin de Streel (Liège)

Façade latérale du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Mathias-Guillaume de LOUVREX

Statue de Mathias-Guillaume de Louvrex, réalisée par Jules Halkin, c. 15 octobre 1880.


Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius, une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Louvrex est parmi celles-ci.


Placée aux côtés de Charles de Méan et de Jean Del Cour, la statue de Mathias-Guillaume de Louvrex est l’une des 42 personnalités retenues, selon le critère d’avoir marqué l’histoire de la principauté de Liège. De facture sérieuse, elle a été réalisée avec un souci d’art et de différenciation ; le visage présente des similitudes avec le peu de documents que l’on a conservés. Sur la façade du marteau de droite du palais provincial, dans la partie inférieure des colonnes d’angle, Mathias-Guillaume de Louvrex (1665-1734) a été représenté tenant son livre en mains, par le sculpteur Jules Halkin qui signe huit des statues et bas-reliefs liégeois dont « l’assassinat de Saint-Lambert », « la sortie des Franchimontois » et un « Notger répandant l’instruction ».


Jurisconsulte, magistrat de la cité en 1702, diplomate, Mathias-Guillaume de Louvrex possédait une bibliothèque exceptionnelle. Il avait rassemblé dans un impressionnant Recueil en quatre volumes, des édits, règlements, privilèges, concordats et traités du pays de Liège et du comté de Looz.


Quant à Jules Halkin (Liège 1830 – Liège 1888), il accomplit l’essentiel de sa carrière de sculpteur à Liège, sa ville natale, où il avait suivi les cours de Gérard Buckens à l’Académie des Beaux-Arts. Une bourse de la Fondation Darchis lui permet de séjourner à Rome pendant plusieurs mois (1851-1853), avant de parfaire sa formation en France et en Allemagne. Au début des années 1860, il trouve facilement des acheteurs privés pour plusieurs de ses premières réalisations essentiellement à connotation religieuse (Vierge, chemin de croix, bas-reliefs, etc.), avant de participer au chantier de décoration du palais provincial de Liège. Ses bustes en bronze et en marbre trouvent de nombreux amateurs auprès de bourgeois de la Cité ardente, qu’ils soient industriels, intellectuels ou artistes eux-mêmes. Il réalise aussi un Saint-Lambert pour la cathédrale Saint-Paul et un chemin de croix en pierre de France pour l’église Saint-Jacques (1862-1865). Sa notoriété, Jules Halkin la doit surtout à sa sculpture monumentale du Cheval de halage (1885) qui partage avec le Torè de Mignon l’espace des Terrasses de Liège.

 

Sources


Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 436-437
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 103
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 676
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 

 

Statue de Mathias-Guillaume de Louvrex

Façade du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Albert de CUYCK

Statue d’Albert de Cuyck, réalisée par Alphonse de Tombay, entre 1881 et 1884.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.


Parmi les personnalités retenues figure en très bonne place le prince-évêque Albert de Cuyck. Sa statue est située en plein centre du péristyle, témoignant de l’importance du personnage dans la manière de retracer l’histoire liégeoise au milieu du XIXe siècle. Il est entouré par Henri de Dinant et Erard de la Marck. Dans des habits évoquant le statut de prince-évêque, il tient ostensiblement en mains un document qui symbolise la charte dite « Charte de Cuyck ». Pourtant, dans le tome 4 de la Biographie nationale paru en 1873, seulement treize lignes d’une étroite colonne sont consacrées à ce personnage illustre ! Il est alors considéré comme l’évêque de Liège (1194-1200) qui a accordé aux Liégeois leurs libertés et privilèges, mais déjà un doute est émis : « il est plus que probable qu’il confirma, à prix d’argent, les franchises que [les Liégeois] possédaient déjà ». 

Cinquante ans plus tard, Félix Magnette, notamment, précisera, à la suite de Godefroid Kurth, que la charte de Brusthem de 1175 préludait certainement « l’admirable charte d’Albert de Cuyck », texte clair et précis des libertés civiles du peuple liégeois. Élu en 1194 dans des circonstances particulièrement tendues, Albert de Cuyck avait dû se rendre à Rome pour faire annuler l’élection de son concurrent (Simon de Limbourg). Le décès de ce dernier (1195) favorisa le dessein d’Albert de Cuyck qui, malgré la « bénédiction papale », semble avoir dû accepter de fortes concessions pour se rallier les bourgeois de Liège. Habileté diplomatique ou rapport de force, toujours est-il que, entre 1196 et 1198, une charte est rédigée qui devient la première véritable constitution de la cité. Surnommée la « Charte d’Albert de Cuyck », elle ne va jamais cesser d’être citée en exemple et en référence, et d’être confirmée par les souverains successifs. Décédé en 1200, le prince-évêque n’aura guère l’occasion de constater toutes les conséquences d’une signature qui, à elle seule, lui vaut d’entrer dans l’histoire. On accorde moins de prix à son autorisation d’élargir l’enceinte fortifiée de la cité de Liège ou au fait que c’est sous son court règne que la houille fut découverte.


Pour figer dans la pierre ce célèbre prince-évêque, il a été fait appel à Alphonse de Tombay (1843-1918), fils et petit-fils de sculpteurs liégeois. En plus de son apprentissage dans l’atelier paternel, de Tombay fréquente l’Académie de Liège où il bénéficie notamment des conseils de Prosper Drion. Ami de Léon Mignon, il a bénéficié comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et a séjourné plusieurs mois à Rome (1874-1878) quand il revient à Liège, au moment où s’ouvre le chantier de décoration du Palais provincial. Répondant à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès, de Tombay signe à Liège six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques (L'exécution de Guillaume de la Marck, La mort de Louis de Bourbon, L'octroi de la Paix de Fexhe). Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles (Jardin botanique, Parc du Cinquantenaire) comme à Paris (Arc de Triomphe), il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902).


Sources


Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 457-458
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 67, 80-88 et ssv.
Émile VARENBERGH, dans Biographie nationale, t. 4, col. 597
BECDELIÈVRE, dans Biographie liégeoise, t. 1, p. 81
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. juillet 2013)
Serge ALEXANDRE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 

 

Statue d’Albert de Cuyck

 

Façade du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

carte

Paul Delforge