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Paul Delforge - Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque André RENARD

Plaque commémorative André Renard, réalisé par Alphonse Darville, 14 septembre 1963.

La disparition aussi brutale que soudaine d’André Renard en juillet 1962 a suscité une multitude de réactions et d’initiatives en pays wallon, particulièrement dans la région liégeoise. Très vite, dans les communes à forte majorité socialiste, le nom d’André Renard a été attribué à une rue ou à une place (Amay, Herstal, Wanze, Romsée, etc.). 
Des souscriptions sont lancées pour ériger qui une stèle, qui une plaque commémorative. Un imposant monument sera inauguré en septembre 1965 au cimetière de Seraing, mais c’est à Wandre, en septembre 1963, qu’est inaugurée la toute première plaque commémorative.
 

Sur la façade d’une maison de la place… André Renard, à quelques dizaines de mètres du passage à niveau, une plaque rectangulaire en marbre accueille un médaillon de bronze représentant le profil gauche du leader syndical wallon, tandis que l’inscription suivante est gravée en lettres d’or :


ANDRE RENARD
LEADER SYNDICALISTE
WALLON
1911 - 1962
___     ____
 
LE 14 SEPTEMBRE 1963

 

Plaque commémorative André Renard – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Figure marquante du paysage politique wallon et belge, surtout depuis les événements de l’hiver 1960-1961, André Renard (Valenciennes 1911 - Liège 1962) jouit d’un soutien populaire exceptionnel dans le bassin industriel liégeois. Avec son décès, le Mouvement populaire wallon perd son président, le journal quotidien La Wallonie et l’hebdomadaire syndical Combat leur directeur. Des autres fonctions qu’il a exercées dans sa carrière, Renard a démissionné au lendemain de la grande grève wallonne contre la Loi unique. Le jeune délégué syndical des années 1930, l’ancien ouvrier devenu responsable du service d’études et de documentation du syndicat socialiste (fin 1937) avait largement contribué à la naissance de la FGTB à la Libération et y avait occupé différentes fonctions importantes : président de la Fédération des Syndicats de la région de Liège (1944), secrétaire national de la Fédération des Métallurgistes (1945), secrétaire national (1946-1948, 1949-1953), secrétaire général adjoint, en charge des régionales wallonnes (1953-1961). Promoteur de la définition du programme doctrinal du syndicat socialiste, André Renard était devenu le défenseur déterminé d’un nouveau programme socio-économique reposant sur des réformes de structure fondamentales destinées à introduire de la planification souple et à contrôler les secteurs-clés de l’économie. La disparition soudaine de cet important moteur de l’action wallonne brise des milliers d’espérances et oblige ses compagnons de route à développer de nouvelles stratégies.

D’après Combat, l’hebdomadaire du Mouvement populaire wallon, l’inauguration de la plaque André Renard a donné lieu à une imposante mobilisation dans les rues de Wandre et de Herstal. Alors que des drapeaux wallons étaient arborés aux fenêtres à côté de calicots portant les mots « fédéralisme » et « réformes de structures », voire une photo d’André Renard, un impressionnant cortège s’est dirigé vers la place de la Gare désormais rebaptisée. De nombreux discours furent prononcés, notamment par Simon Paque, André Genot et Raymond Latin, évoquant la personnalité d’André Renard, mais surtout les raisons de son engagement. Au-delà du souvenir, il s’agissait surtout d’évoquer les revendications du moment, principalement « le droit pour la Wallonie de disposer d’elle-même et de choisir les voies de son expansion économique et sociale ».

Déjà choisi pour représenter Jules Destrée, c’est le sculpteur Alphonse Darville qui signe le médaillon « André Renard ». Né à Mont-sur-Marchienne en 1910, formé notamment à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Prix Godecharle 1931, Premier Grand Prix de Rome (1935), Darville avait été très vite reconnu et sollicité dans les milieux carolorégiens de l’Entre-deux-Guerres sensibles à la question wallonne. Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, co-fondateur de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945), Darville va contribuer à la création de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, qu’il dirige de 1946 à 1972. Auteur de l’insolite monument au pigeon-soldat qui trouve place dans le parc Astrid de Charleroi (1951), il avait notamment signé l’imposante statue de Jules Destrée inaugurée à Charleroi en 1957.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont Combat, 19 septembre 1963)
Pierre TILLY, André Renard, Le Cri, Fondation Renard, Bruxelles-Liège, 2005
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, Institut Destrée, 2001, p. 1380-1387.
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300.
Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie »
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 290 ; t. II, p. 190.
 

Place André Renard
4020 Wandre

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IPW

Plaque Édouard REMOUCHAMPS

Plaque à la mémoire d’Édouard Remouchamps, réalisée par Georges Petit, 4 février 1913.

Sur la façade de la maison natale d’Édouard Remouchamps (1836-1900), une plaque en bronze a été apposée le 4 février 1913 à l’initiative de l’association des Amis de l’Art wallon. Le sculpteur Georges Petit y a représenté deux personnages, dans un certain relief, celui de Tâti (à droite) recevant d’un air bravade les remontrances de sa sœur Tonton (à gauche) (incarnés par T. Quintin et J. Lambremont) ; il a ensuite inscrit la mention suivante :

« Le 14 mai 1836
est né dans cette maison
Édouard Remouchamps
auteur de la célèbre comédie
Tâti l’Pérriqui
dont le succès détermina
le réveil du Sentiment wallon ».

La plaque est signée, à gauche, les Amis de l’Art wallon, à droite, Georges Petit.

La date de l’inauguration n’a pas été choisie au hasard. Le 4 février 1913 marque le 25e anniversaire de la centième représentation de Tâti, ce qui est un succès sans précédent pour les lettres wallonnes. Il s’agit d’une initiative privée.
Lors de sa séance du 12 mars 1912, la société des Amis de l’Art wallon a répondu favorablement à la suggestion d’Oscar Colson de rendre hommage à Édouard Remouchamps par un monument public ; la discussion s’est ouverte à un projet plus vaste. Le mémorial en bronze ou en pierre dédié à Remouchamps serait installé dans la cour de l’hôtel d’Ansembourg où d’autres monuments prendraient place ; l’endroit deviendrait une sorte de panthéon « de nos gloires wallonnes, mot bien gros pour la modestie des nôtres ». Chargée d’étudier concrètement la question, la section liégeoise fait rapport lors de l’assemblée du 13 octobre. Finalement, l’initiative se limitera à apposer une plaque commémorative sur la maison natale de Remouchamps, rue du Palais 44. Une souscription publique et l’appui des autorités provinciales liégeoises permettent de réunir les moyens financiers nécessaires d’autant qu’une représentation de Tati l’Periqui procure la recette des entrées à ce projet confié au sculpteur Georges Petit (1879-1958).

Né à Lille, de parents liégeois, Georges Petit grandit à Liège et reçoit une formation artistique à l’Académie des Beaux-Arts où il est l’élève de Prosper Drion, Jean Herman et Frans Vermeylen. Il deviendra plus tard professeur de cette Académie. « Depuis 1901, date de ses premières œuvres, jusqu’à la guerre de 1940, Georges Petit a occupé avec autorité la scène artistique liégeoise », affirme Jacques Stiennon qui explique qu’il devait sa position aux multiples commandes officielles reçues autant qu’à sa maîtrise précoce de son art. Sa sensibilité et sa capacité à transformer une anecdote en symbole universel ont influencé durablement ses élèves, parmi lesquels Oscar et Jules Berchmans, Robert Massart, Louis Dupont et Adelin Salle. D’abord attiré par les portraits, Petit a livré plusieurs bustes de grande facture, tout en s’intéressant à la condition humaine. Marqué par la Grande Guerre, l’artiste y puise une force qui se retrouve dans ses réalisations des années 1917 à 1927. Comme épuisé par tant de souffrances, il choisit la peinture de chevalet et devient plus léger, sans tomber dans la facilité. Les visages humains tendent à disparaître et tant les paysages que les traditions wallonnes l’inspirent : en peinture, comme dans ses médailles (qui sont très nombreuses et d’excellente facture), voire dans les quelques sculptures qu’il exécute encore, comme la Tradition commandée par le Musée de la Vie wallonne.

Georges Petit avait vingt-et-un ans lorsqu’Édouard Remouchamps est décédé. En raison du retentissement de la pièce Tâti l’periqui, il ne pouvait ignorer le nom de son auteur ; mais au-delà du nom, le personnage restait quelqu’un de discret. Bourgeois prospère en raison des activités de meunerie développées en Hesbaye, libéral et philanthrope, homme cultivé aimant la poésie, française d’abord, wallonne ensuite, Édouard Remouchamps a peu écrit, mais sa troisième pièce de théâtre connaît la consécration à partir de 1884, quand tout le pays wallon découvre progressivement cette comédie-vaudeville en trois actes et en vers qui interpelle, sans avoir l’air d’y toucher, le public sur des sujets politiques d’actualité. De surcroît, elle contribue à la renaissance du théâtre wallon, tout en alimentant la prise de conscience politique wallonne. Il n’est donc pas étonnant que les Amis de l’Art wallon aient souhaité marqué son souvenir sur la maison familiale, celle aussi de leur ami Joseph-Maurice Remouchamps, l’un des fondateurs du Musée de la Vie wallonne.

Sources

Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°36, automne 1970, p. 23
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 214-218
Jacques STIENNON (introduction), Georges Petit, catalogue de l’exposition organisée à Liège du 9 janvier au 2 février 1980, Verviers, 1980
Wallonia, 1912, p. 559-560

 

Maison natale
Rue du Palais  44
4000 Liège

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Paul Delforge

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Statue Rathier

Statue de Rathier, réalisée par Jules Halkin, réalisée par Jules Halkin, c. 15 octobre 1880.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius, une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs destinés à raconter l’histoire liégeoise. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et placées à leur place respective. Rathier est parmi celles-ci.

Placée logiquement selon l’évolution chronologique entre les princes-évêques Francon et Wazon, la statue de Rathier est l’une des 42 personnalités retenues, selon le critère d’avoir marqué l’histoire de la principauté de Liège. Elle se situe sur la partie supérieure gauche de la façade occidentale. L’évêque Rathier (Liège circa 890 – Namur 974) est l’un des évêques les plus remarquables de l’histoire liégeoise. Formé à la solide école de Lobbes, il apparaît comme l’un des meilleurs théologiens de son temps (Genicot), voire « le seul théologien de son siècle » (Kurth). Considéré comme « un des esprits les plus curieux » de son temps, Rathier excelle en médecine, en mathématiques et en sciences, il maîtrise les auteurs grecs et romains, connaît le droit canon et les philosophes. Plusieurs voyages à l’étranger lui ont permis de rassembler tout un savoir qui faisait défaut dans sa patrie avant lui. Latiniste distingué, il développe aussi, comme théologien, une approche personnelle. Si son savoir est considérable, Rathier restera toujours malheureux dans ses entreprises liées aux charges ecclésiastiques. Désigné comme prince-évêque en 953, il devra renoncer à sa charge tant l’opposition de l’aristocratie et du clergé liégeois était forte (955). Éphémère évêque de Vérone (962-969), il connaît aussi de sérieux problèmes quand il prétend à la direction de l’abbaye de Lobbes. C’est à l’abbaye d’Aulne que Rathier achève une longue existence, marquée par des déboires dans les cercles de pouvoirs, mais par une œuvre intellectuelle de premier ordre.

Cette complexité ne se lit pas sur la statue réalisée par Jules Halkin (Liège 1830 – Liège 1888) qui se contente de le lui faire tenir un parchemin dans la main gauche, bien peu représentatif de l’abondante production littéraire du personnage. De facture sérieuse, elle est néanmoins réalisée avec un souci d’art et de différenciation. Liégeois lui-même, le sculpteur accomplit l’essentiel de sa carrière dans sa ville natale. Il y a d’ailleurs suivi les cours de Gérard Buckens à l’Académie des Beaux-Arts, avant qu’une bourse de la Fondation Darchis ne lui permette de séjourner à Rome pendant plusieurs mois (1851-1853). Il parfait ensuite sa formation en France et en Allemagne. Au début des années 1860, il trouve facilement des acheteurs privés pour plusieurs de ses premières réalisations essentiellement d’inspiration religieuse (Vierge, chemin de croix, bas-reliefs, etc.), avant de participer au chantier de décoration du palais provincial de Liège : là il signe huit statues et bas-reliefs dont « l’assassinat de Saint-Lambert », « la sortie des Franchimontois » et un « Notger répandant l’instruction ». Le sculpteur réalise encore un Saint-Lambert pour la cathédrale Saint-Paul et un chemin de croix en pierre de France pour l’église Saint-Jacques (1862-1865). Ses bustes en bronze et en marbre trouvent aussi de nombreux amateurs auprès de bourgeois de la Cité ardente, qu’ils soient industriels, intellectuels ou artistes eux-mêmes. Sa notoriété, Jules Halkin la doit surtout à sa sculpture monumentale du Cheval de halage (1885) qui partage avec le Torè de Mignon l’espace des Terrasses de Liège.

Sources

Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 436-437
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 79
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 676
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Godefroid KURTH, Rathier, dans Biographie nationale, t. 18, col. 772-783
La Meuse, 2 octobre 1880 et ssv.


 

Statue de Rathier – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam


 

 

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

carte

Paul Delforge

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Buste Louis Rademecker

Buste à la mémoire du commissaire et résistant Louis Rademecker, réalisé par Marceau Gillard, 26 janvier 1974. 

Sur la façade du commissariat de police situé rue Hullos, à Liège, émerge un monument dédié à Louis Rademecker. Il s’agit d’un buste sculpté par Marceau Gillard, posé sur une longue pierre bleue rectangulaire et placé dans un aménagement spécifique de la façade ; sur le socle, une petite plaque en bronze indique :

LOUIS RADEMECKER
COMMISSAIRE DE POLICE
MORT EN HÉROS À LA CITADELLE DE LIÈGE
LE 14 MARS 1943

En dessous, sur le socle, les mots suivants sont gravés en relief dans le marbre noir :

MIEUX VAUT MOURIR
DEBOUT
QUE VIVRE A
GENOUX


Cette inscription a été gravée par le maître marbrier Delferrière.

Au sortir de la Grande Guerre, Louis Rademecker (Liège 1895–1943) était entré au service de la Sûreté de l’État ; envoyé en Allemagne, il a fait partie de l’armée belge d’occupation en tant qu’officier de la police judiciaire (1919-1925). Agent de liaison entre services secrets belge et français à Düsseldorf, il perd son emploi lorsque la Sûreté réduit ses cadres. Entré à la police de Liège en juillet 1926, l’agent de 3e classe est promu commissaire-adjoint de 2e classe (1927) et de 1ère classe en 1933. Secrétaire du Commissaire en chef (1931), il est une personnalité respectée sur la place de Liège, comme en témoigne sa désignation en tant que Directeur de l’École de police (1937). Renouant avec ses activités de renseignements lorsque la menace de guerre se précise, Rademecker crée l’Épingle noire, au service de la France. Tentant de contribuer à l’effort de résistance à l’invasion allemande (mai-juin 1940), il revient à Liège durant l’été et est attaché au Parquet de police, tout en étant le chef du secteur Liège-Limbourg du réseau Francis-Daniels. Sa désignation comme Commissaire de police de la 4e division par Joseph Bologne (1941) est rejetée par les autorités d’occupation : la police allemande a d’ailleurs déjà arrêté le policier liégeois pendant quelques jours en octobre 1940. Néanmoins, faisant fonction de commissaire, il dirige le bureau de la rue Hullos quand la Geheime Feldpolizei procède à nouveau à son arrestation. Cette fois, cependant, il est enfermé au secret, dans une cellule de la Citadelle. Il y est torturé et c’est plus que vraisemblablement des suites des sévices endurés qu’il décède le 14 mars 1943. Les Allemands affirmeront qu’il s’est pendu… Des photos souvenirs imprimées à l’époque indiquent qu’il fut abattu par la Gestapo. Les soupçons allemands portent sur les activités clandestines de Louis Rademecker, accusé d’espionnage. Ancien agent du Cinquième bureau français, il était resté en contact avec des officiers français au début de la Seconde Guerre mondiale et le réseau d’évasion qu’il a mis en place vers la France a permis le rapatriement de plusieurs dizaines de prisonniers de guerre français évadés, ainsi que des aviateurs anglais ; il travaillait aussi pour Luc-Marc. Par ailleurs, dès 1941, il avait contribué à la création d’une association d’aide et de solidarité à l’égard des familles des policiers ; à l’origine, il s’agissait d’aider les proches des policiers prisonniers, en fuite ou déportés ; elle étendra ses activités à d’autres catégories de patriotes résistants et les maintiendra en les diversifiant après la Libération.

En 1991, « L’œuvre Louis Rademecker » fêtait ses 50 années d’existence avec faste et elle reste active à l’approche de ses 75 ans. Chaque année, le monument Rademecker est fleuri à l’occasion de la journée commémorative organisée par les associations patriotiques et par le Comité des Fastes de la Police liégeoise.

Après la Libération, Louis Rademecker a droit à des funérailles officielles grandioses (19 juillet 1945). L’œuvre qui porte son nom inaugure un monument en 1946 en l’honneur des policiers liégeois décédés, mais il faut attendre janvier 1974 pour qu’un monument soit exclusivement consacré à Louis Rademecker ; il est l’œuvre de Marceau Gillard.

Né en France de parents wallons (Louvroil 1904 – Liège 1987), Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de dessin à l’Académie de Liège avant d’opter aussi pour la sculpture, où il devient l’élève d’Oscar Berchmans. Il se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 20), décorateur de théâtre, il devient professeur dans le réseau provincial liégeois (1931-1949) à Seraing, puis à Huy ; après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il devient professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond à des commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (« Naissance de Liège » – 6 mètres) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale. À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale.

Sources

Emmanuel DEBRUYNE, La guerre secrète des espions belges 1940-1944, Bruxelles, Racine, 2008, p. 24
Coeurs belges, avril 1951, n°4, p. 3-4 (reproduisant un article du 3 mai 1944)
http://www.bel-memorial.org/cities/liege/liege/liege_stele_rademecker.htm 
Cédric VRANKEN, La police communale de Liège pendant la Seconde Guerre mondiale, Université de Liège, département des sciences historiques, année académique 2013-2014, inédit, p. 179-193, 332-333
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 626-627
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 94-95

 

Buste Louis Rademecker (Liège)


 

 

Rue Saint-Laurent 79
4000 Liège

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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Pierre l’Ermite

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte provincial Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. 

Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Déjà à ce moment, une commission de spécialistes devait sélectionner les personnages illustres du passé liégeois. 

Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une nouvelle commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Le liégeois Lambert Noppius (1827-1889) coordonne le chantier de décoration. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Pierre l’Ermite, réalisée par Laumans, est parmi celles-ci.

Statue Pierre l’Ermite

Auteur de deux statues et d’un bas-relief illustrant « L’érection du palais par Erard de la Marck », le sculpteur anversois Jean-André Laumans (1823-1902) fait partie de l’équipe d’une douzaine de sculpteurs qui travaillent sous la direction de Lambert Noppius. Élève de Jean Geefs, second Prix de Rome en 1851, auteur de quelques réalisations à Bruxelles, Jan Andries Laumans participe au chantier liégeois entre 1877 et 1884. Il signe plusieurs sculpteurs dans des églises bruxelloises et travaille sur les chantiers de décoration des hôtels de ville de Bruxelles et de Furnes. Celui qui deviendra professeur à l’Académie de Maastricht est l’auteur, sur le chantier du Palais provincial de Liège du Pierre l’Ermite situé sur le retour du péristyle, du côté gauche, sur la partie supérieure de la colonne de gauche. Il figure à côté de la statue d’Alix de Warfusée, et est visible à l’extrême gauche supérieure de la façade principale. Tenant une croix bien en évidence à hauteur de son cœur, le fameux prédicateur de la Croisade semble vouloir poursuivre sa vaste entreprise malgré la pierre qui le fige pour l’éternité.

À l’époque où il a été sélectionné comme personnalité marquante de l’histoire liégeoise, on considérait encore que Pierre l’Ermite était originaire de Huy, qu’il avait été l’initiateur de la Croisade bien avant le pape Urbain et qu’il avait fondé le monastère de Neufmoustier, sur les hauteurs de Huy, après son retour de Jérusalem. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on admettait encore que Pierre l’Ermite avait fini ses jours à Huy, en 1115. Depuis lors, notamment grâce aux travaux critiques de Godefroid Kurth qui, le premier, remit en question la légende, nul n’ignore qu’une grande partie de la biographie ancienne de Pierre l’Ermite ne correspond en rien avec la vérité historique. Si la décoration du palais provincial devait être refaite totalement en ce XXIe siècle, il y a de fortes chances pour que Pierre l’Ermite ne figurât plus parmi les personnalités marquantes de la glorieuse histoire liégeoise.



Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 87.
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Godefroid KURTH, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 435-442.
Jean FLORI, Pierre l’Ermite et la première croisade, Paris, Fayard, 1999, essentiellement p. 20-28, 494-495
Hélène WALLENBORN, Pierre l’Ermite aux origines du Neufmoustier ?, dans Annales du Cercle hutois des Sciences et des Beaux-Arts, Huy, 1994, t. XLVIII, p. 221-239.
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 93, 267, 269
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 31
La Meuse, 2 octobre 1880.

Façade du Palais provincial
(face à la place Notger)
4000 Liège

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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Pépin de Landen

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. 

Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.

À titre personnel, Léopold Noppius, le frère de l’architecte liégeois, signe 11 décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège. Parmi elles, entre Monulphe et Remacle, figure Pépin de Landen, aussi appelé Pépin l’Ancien (c. 580-640). 

Maire du palais d’Austrasie, il joue un rôle majeur à la cour des rois mérovingiens. Marié à Itte, il eut 2 filles, Gertrude et Begge, et un fils, Grimoald ; il est généralement considéré comme le premier de la lignée des Péppinides et, par conséquent, un des premiers ancêtres connus de Charlemagne.

Située à l’extrême gauche de la façade du Palais provincial, sur le Marteau gauche, dans la partie supérieure des premières colonnes, la statue de Pépin de Landen est l’une des toutes premières, matériellement et chronologiquement, de la longue galerie des personnalités majeures du passé de la « nation » liégeoise. Elle est aussi visible depuis la rue du Palais.

Statue Pépin de Landen

Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius, dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon, avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des 50 ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège, afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial.




Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 103
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 



 

 

Façade latérale du Palais provincial
(face à la place Notger)
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Pépin de Herstal, sur le monument Charlemagne à Liège

Professeur à l’Académie de Bruxelles, le sculpteur liégeois Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services à sa ville natale, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne. S’inscrivant dans un mouvement typique du XIXe siècle visant à honorer les « gloires nationales belges », cette proposition a embarrassé les autorités liégeoises tant en raison de la question non résolue à l’époque du lieu de naissance de Charlemagne, que par l’insistance du sculpteur d’installer son œuvre sur la place Saint-Lambert. 

Au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? Elle reste d’ailleurs discutée encore aujourd’hui. Cependant, en dépit des protestations de Jehotte, l’emplacement qui est finalement choisi est le boulevard d’Avroy. C’est là que le monument est inauguré le 26 juillet 1868.

Contrairement à l’impression que pourrait donner une vision lointaine de l’impressionnante statue équestre, Charlemagne n’est pas le seul à être honoré. Jehotte associe toute « sa famille » – du moins six de ses ascendants les plus illustres –, par une représentation en bas-relief sur le large socle de style romano-byzantin, par ailleurs ornés de motifs végétaux et de médaillons historiés alternant avec des têtes de lion. Dans les six niches à arcades en plein cintre, que séparent des colonnes ornées de l’aigle impérial, on rencontre Begge, Charles Martel, Bertrade, Pépin de Landen, Pépin le Bref et Pépin de Herstal, le premier de la dynastie des Pippinides.

Statue Pépin de Herstal sur le monument Charlemagne

La famille des Pippinides

Propriétaire d’un patrimoine s’étendant principalement autour de Liège et en Ardenne, la famille des Pippinides s’étend, par mariages, aux régions de Metz et de Verdun, avant que Pépin II de Herstal (circa 645 – Jupille 714) ne réussisse à dominer toute l’Austrasie et à jouer un rôle important en Neustrie (687-710). Par la conquête de la Frise cisrhénane, Pépin II s’assure le contrôle de l’embouchure du Rhin et de la Meuse. En favorisant la christianisation des territoires conquis, il inaugure également une politique qui renforce sa propre autorité, la hiérarchie ecclésiastique établie lui étant en principe fidèle : le refus de l’évêque Lambert de célébrer le deuxième mariage de Pépin II de Herstal se soldera par l’assassinat de l’évêque de Tongres-Maastricht… Petit-fils de Pépin Ier, maire des deux palais, celui d’Austrasie et de Neustrie, Pépin II exerce aussi un ascendant certain sur les très jeunes rois mérovingiens qu’il fait et défait selon ses intérêts ; il devient de facto le détenteur de l’autorité royale. 

Les descendants de Pépin II (Charles Martel, Pépin le Bref, Charlemagne) finiront par écarter les faibles rois et à prendre définitivement leur place, mettant un terme à la dynastie des Mérovingiens. C’est ce fils de Begge, par ailleurs arrière-grand-père de Charlemagne, que Jehotte représente.

Le sculpteur Louis Jehotte

Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est, comme lui, élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). 

Nommé professeur de sculpture à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). 

Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de 20 ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco), et c’est là qu’il exécute la fonte de cette œuvre colossale, pesant 10 tonnes. 

En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal, et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur, qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. 

Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.



Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71 Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
Pierre COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques d’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
http://www.sculpturepublique.be/4000/Jehotte-Charlemagne.htm 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 

Boulevard d’Avroy
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Notger

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques

Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. 

Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Notger est parmi les premières.

Membre de cette équipe, Michel Decoux (1837-1924) va réaliser 3 des 42 statues, dont celle de Notger. Considéré comme un sculpteur animalier, M. Decoux est surtout connu pour la réalisation de groupes de scènes de chasse et s’est spécialisé dans les animaux sauvages (éléphants, panthères, etc.). Influencé par le cubisme et s’inscrivant dans le courant Art déco, aimant travailler le bronze, il signe une œuvre très différente sur le chantier de Liège : c’est dans la pierre que, de manière fort classique, il tente de rendre la personnalité de Notger (c. 930-1008).

Statue de Notger

Notger, premier prince-évêque de Liège

Originaire de Souabe, Notger est désigné évêque de Liège par l’empereur Otton Ier en 972. Huit ans plus tard, il reçoit d’Otton II un privilège d’immunité générale sur les possessions de l’Église de Liège, qui transforme ainsi l’évêque en prince-évêque

En déléguant son pouvoir à la cathédrale Saint-Lambert et à son titulaire, l’empereur transforme de facto l’évêque, en l’occurrence Notger, en un comte ayant droit de haute justice, de lever le tonlieu, de battre monnaie, d’établir des marchés et de dresser des fortifications. 

En 985, Notger reçoit en donation le comté de Huy ; d’autres territoires suivront formant un important ensemble territorial s’étendant de part et d’autre de la Meuse. La principauté de Liège devient le modèle de ce que l’on appellera l’« Église impériale ottonienne » (Reichskirche). 

Souverain puissant, Notger entreprend d’importants travaux qui contribuent à la transformation rapide de la cité de Liège. Il est aussi reconnu comme évêque bâtisseur.

Le rôle majeur de Notger dans l’histoire de Liège lui vaut d’occuper une place en vue sur la façade du Palais provincial. La statue du tout premier prince-évêque est en effet située sur le péristyle ; elle est la deuxième en commençant par la gauche lorsque l’on fait face au bâtiment. Revêtu d’habits qui lui donnent l’apparence d’un évêque, le personnage statufié tient un manuscrit dans sa main gauche, tandis que son bras droit est plié à hauteur de sa poitrine. Sa main droite est, elle-même, relevée dans une posture qui est unique parmi les 42 statues du Palais provincial. Le regard de Notger paraît fixer l’horizon ; les traits sont décidés. Le socle de sa statue est l’un des rares où le nom gravé apparaît encore de manière assez nette.



Hubert SILVESTRE, dans Biographie nationale, t. XLIV, col. 446-459
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 332.
http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_18697/notger-et-son-temps (s.v. avril 2014)
Jean-Louis KUPPER, Alexis WILKIN (dir.), Évêque et prince, Notger et la Basse-Lotharingie aux alentours de l’an mil, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2013.
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 32 et ssv.
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82.
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. juillet 2013)
La Meuse, 2 octobre 1880.

Façade du Palais provincial (face à la place Notger)
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Charles MARTEL

Professeur à l’Académie de Bruxelles, le sculpteur liégeois Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services à sa ville natale, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne. S’inscrivant dans un mouvement typique du XIXe siècle visant à honorer les « gloires nationales belges », cette proposition a embarrassé les autorités liégeoises tant en raison de la question non résolue à l’époque du lieu de naissance de Charlemagne, que par l’insistance du sculpteur d’installer son œuvre sur la place Saint-Lambert. 

Au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? Elle reste d’ailleurs discutée encore aujourd’hui. Cependant, en dépit des protestations de Jehotte, l’emplacement qui est finalement choisi est le boulevard d’Avroy. C’est là que le monument est inauguré le 26 juillet 1868.


Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est comme lui élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). Nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. 

Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de vingt ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco) et c’est là qu’il exécute la fonte de cette œuvre colossale, pesant dix tonnes. En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.


Statue Charles Martel (Liège)Contrairement à l’impression que pourrait donner une vision lointaine de l’impressionnante statue équestre, Charlemagne n’est pas le seul personnage honoré par le monument. Toute « sa famille » – du moins six de ses ascendants les plus illustres – est associée par Jehotte, par une représentation en bas-relief sur le large socle de style romano-byzantin, par ailleurs ornés de motifs végétaux et de médaillons historiés alternant avec des têtes de lion. Dans les six niches à arcades en plein cintre, que séparent des colonnes ornées de l’aigle impérial, on rencontre tour à tour Charles Martel, Pépin de Landen, Pépin le Bref, Pépin de Herstal, ainsi que deux femmes, Bertrade et Begge.


Avec Charles Martel (circa 690 – Quierzy 741), c’est le grand-père paternel de Charlemagne que Jehotte représente sur le piédestal de l’empereur. Né à Andenne (selon certains auteurs), fils de Pépin II de Herstal, le maire du palais d’Austrasie, Charles Martel est appelé à hériter de sa charge en 714. De multiples péripéties entourent sa prise de pouvoir effective en 717. Vainqueur notamment de la bataille dite de l'Amblève (716), il a dû combattre à la tête des Austrasiens pour affirmer son pouvoir, et affronter la Neustrie pour contrôler puis pacifier l'ensemble du royaume franc dont il est le seul maître jusqu’à son décès, en 741. Il contribue à son expansion, notamment après avoir combattu du côté de l’Europe centrale, et à son raffermissement après avoir battu les armées omeyyades à Poitiers (732). Reconnu pour avoir donné une organisation militaire sérieuse au royaume des Francs, il laisse à ses deux fils, Carloman et Pépin le Bref, un pouvoir qui ne s’embarrasse plus guère des rois mérovingiens.

 

- Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71 Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle,  catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461 
- Pierre COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques ’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois,  juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77 
- Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995,    p. 246-250 
- Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154 
- Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10 
- Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010 
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764 
- Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Boulevard d’Avroy 
4000 Liège

carte

Inaugurée le 26 juillet 1868

Paul Delforge

Plaque Martin-Pierre MARSICK

Martin-Pierre Marsick (1847-1924) est l’un des remarquables représentants de l’école liégeoise de violon. Formé très tôt au Conservatoire de musique de Liège, il apprend l’instrument auprès de M. Dupont, puis de Heynberg (1857-1864), avant d’entrer au Conservatoire de Bruxelles, où Hubert Léonard est alors son professeur (1865), avant de se rendre à Paris, chez Joseph Massart, au Conservatoire national supérieur (1868). 

Son Premier Prix en 1869 lui ouvre de grandes perspectives. Entre 1875 et 1886, il fait les beaux jours de la Société nationale de musique. Premier violon du « quatuor Marsick », il interprète les grands compositeurs de son temps, classiques comme modernes, sans oublier les compositeurs wallons Vieuxtemps et Franck. 

Lui-même compose une quarantaine d’œuvres, essentiellement pour violon. Professeur de violon au Conservatoire national supérieur de musique de Paris (1892-1899), il entreprend alors, comme soliste, plusieurs tournées en Angleterre, en Russie et aux Amériques et tente de vivre de son art à Chicago où s’est ouverte une école belge de violon. 

Mais c’est à Paris qu’il achève sa carrière comme enseignant, non sans cultiver ses racines liégeoises. S’il meurt à Paris, c’est à Liège qu’ont lieu ses obsèques en 1924. Moins de dix années plus tard, avec le soutien de la Société liégeoise de musicologie, ses amis et sa famille organisent une cérémonie d’hommage en apposant une plaque commémorative sur sa maison natale, à Jupille, et en organisant un concert qui réunit, sous la direction d'Armand Marsick, son neveu, trois grands violonistes que Martin Marsick avaient formés : Jacques Thibaud, Carl Flesch et Georges Enesco. Chacun interprète personnellement une œuvre composée par Marsick après avoir joué le Concerto pour trois violons et orchestre de Vivaldi. 
 

La plaque a été posée le 4 juin 1933; délicatement gravés sur une plaque de cuivre, deux blocs de textes sont séparés par un archet en diagonale.

 


-http://chljupille.over-blog.com/article-30890667.html 
-http://armand.marsick.pagesperso-orange.fr/biographie2.htm 
-http://www.marsick.fr/
-La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 392, 411 ; t. IV, p. 351

Rue Lassaux 3
4020 Jupille

carte

Paul Delforge