Michaël Bihain, LaBelle. 2016

Rochefort (Jemelle), giratoire au croisement de la N86 et de la N836. Espace public

L’intégration plastique à un rond-point est un exercice tout aussi délicat que l’installation d’une œuvre dans un espace architectural. Tous les giratoires ne se prêtent pas à l’accueil du travail d’un artiste. Souvent le souhait des autorités communales est d’acquérir une pièce emblématique qui évoque la tradition, l’histoire ou l’économie locales au risque d’orienter le choix vers des « oeuvres » anecdotiques dans le meilleur des cas, vers des objets de la vie quotidienne élevés au statut d’œuvre d’art dans le pire. La Commission des Arts de Wallonie s’est dotée d’une grille d’analyse qui aide à orienter les choix des types d’interventions possibles. Cela peut aller d’un simple aménagement paysager à l’intégration d’une œuvre par un artiste.

Le Collège Communal de Rochefort a fait appel à la CAW afin de mener une réflexion sur un giratoire qui marque l’entrée de la commune. Le rond-point est installé sur une aire bien dégagée. Deux axes importants s’y rejoignent avant d’aborder la route qui conduit au centre-ville.

Le designer

Parcours atypique que celui de Michaël Bihain, après une formation de boucher puis de charpentier, il étudie le design à l’Institut Saint-Luc de Liège où il enseigne aujourd’hui la conception de mobilier et à l’université de Hull en Angleterre. Il crée BIHAINProd Studio à Londres. Il va s’illustrer dans le travail du mobilier, de la joaillerie et des accessoires et expose à Paris, Londres, Milan. Certaines de ses pièces font partie des collections permanentes du Musée du Design à Séoul et du Musée National de Suède. Après une nomination pour le Award Design Report de Milan en 2007, Michaël Bihain sera choisi pour dessiner le mobilier du British Council de Paris. Il est, entre autres, l’auteur d’un comptoir d’accueil dans la nouvelle bibliothèque de Flémalle (2009). Depuis 2005, il est installé à Bruxelles où il a créé BIHAIN Design et Architecture Office. Suivant une inclination pour la simplicité, les conceptions de Michaël Bihain allient à la fois nouveaux modes de vie et mémoire collective. Parmi ses créations phares, épinglons OYON, un porte-fruit mural. Son travail n’est pas exempt d’humour, ainsi la Paradise Chair n’incite pas nécessairement à s’asseoir. Son sens du pratique, de la simplicité et sa touche d’humour en faisaient le créateur tout désigné pour imaginer l’aménagement du giratoire de Rochefort.

L’œuvre

Rochefort évoque à la fois l’entrée des Ardennes, un patrimoine important, des produits de bouche de qualité, la bière mais aussi son désormais célèbre Festival du Rire. L’ensemble de ces éléments donne à cette commune une image forte, conviviale, accueillante, ouverte et riche, une ville dont les caractéristiques méritent un « label ».

Faisant référence au patrimoine monumental, Michaël Bihain imagine un label devenu LaBelle, dessin du profil de Rochefort. Le label retourné est ancré dans le sol riche des Ardennes. On distingue la silhouette inversée des principaux monuments de la ville. Marqué d’un large sourire tel un smiley. Symbole de l’accueil du visiteur, évocation du Festival du Rire, LaBelle est une tranche, une tranche de Rochefort, une tranche de fromage, une tranche d’histoire ou une tranche de rire. LaBelle est aussi un repère qui structure l’espace, une balise pour les automobilistes particulièrement dans l’obscurité. Son pied unique et central n’entraine pas de pollution visuelle. Conçue comme un tableau d’informations, elle permet de recevoir une série de renseignements. La structure est constituée d’une tôle sur laquelle il est possible de projeter l’annonce de manifestations folkloriques, médiatiques ou culturelles. Le système d’éclairage LED n’est pas directement intégré à l’œuvre, ce qui permet un réglage optimal afin d’éviter les nuisances lumineuses et l’éblouissement des conducteurs. Une installation sur un giratoire doit répondre à un certain nombre de paramètres de sécurité. Le choix de l’éclairage de LaBelle est de nature à garder les conducteurs en éveil et alertes par la forme et l’alternance des couleurs de l’éclairage.

Cette œuvre sculpturale, Michael Bihain imagine la décliner de diverses manières. Objet précieux de récompense, elle s’élève au rang de trophée. Objet de la vie quotidienne, LaBelle devient planche à tartiner, à fromage, à viande, sous verre et souligne la qualité de produits de bouche rochefortois. Emblème de la ville, on pourrait la décliner en porte-clés, en lampe de bureau.

Marie-Hélène Joiret