Michel François, Le Scribble. 2011

La Louvière, boulevard Mairaux. Espace public

Une Cité à réécrire 

L’oeuvre de Michel François a été installée à La Louvière durant l’été 2011. À l’époque, l'avenir de la ville était en construction à travers un vaste plan de rénovation dans la perspective, toute proche, de l'opération La Louvière. Métropole Culture qui a mis la cité à l'honneur en 2012. Ce projet d’intégration artistique est la première des 4 interventions qui émailleront l'espace public dans le cadre de ce renouveau urbain. 

Marqué par un long destin industriel, le paysage urbanistique de La Louvière est ponctué de références chargées de cette histoire encore en quête de reconnaissance patrimoniale. Dans un désir de lier ce passé au futur proche, les autorités communales ont cherché à se doter d’une cohérence et d’une identité urbanistique à travers des principes d’aménagements simples et neufs.

Un des concepts adoptés par les auteurs de projet (Groupe LUP0) était de créer une forêt dans la ville, celle des loups en référence à la louve, symbole de la ville. De plus, La Louvière présente peu de végétations d’alignement et d’espaces verts pour sa population. Le nouveau plan prévoyait donc de planter intensément les rues afin de les rendre plus intimes et de traiter les places en clairières pour exprimer leur rôle d’esplanade. Places et rues sont alors traitées d’une manière complémentaire.

 Dans sa première phase, l’opération de rénovation urbaine du centre-ville intégrait l’aménagement du boulevard Mairaux, l’élargissement de ses trottoirs, la réalisation de zones de stationnements distinctes, le placement de nouveaux éléments de mobilier urbain pour créer des petits salons urbains et l’intégration du Scribble de Michel François. 

Le geste de l’artiste comme métaphore du projet urbanistique

Des fils, assez sauvages, en métal s'entrelacent infiniment jusqu'à former une sculpture monumentale. Ainsi mis en oeuvre, le Scribble est la transposition spatiale d'une forme habituellement griffonnée sur papier comme les crayonnages d’un enfant ou les premières esquisses d’un projet d’adulte qui doit encore naître. Des Scribbles, Michel François en a réalisé plusieurs tout au long de sa carrière avec des matériaux divers. Ce geste dans l’espace représente de manière symbolique un parfait exemple du travail de l'artiste et de sa volonté de détourner les formes de notre quotidien. C'est également un geste ironique de sa part d’imposer, à l’échelle d’une ville, les qualités plastiques d'une forme considérée comme insignifiante. En effet, quand on envisage l’histoire de la sculpture en ville, on ne peut s’empêcher de penser aux bustes et autres effigies à la gloire d’une personne ou d’un groupe de personnes. Ici, le sculpteur magnifie un geste, le sien, pas nécessairement glorieux, mais qui fait sens lorsque l’on commémore la richesse créative des Hommes. 

À La Louvière, la sculpture de Michel François a été pensée comme une métaphore du devenir de la ville en reconstruction. La volonté du plasticien était de capter cette énergie espérée qu’il a formalisée dans une gestuelle révélée aux passants, citoyens ou autres promeneurs à séduire. Il propose de cette manière, de représenter les premières esquisses d’un projet urbanistique à bâtir. Un tracé initial qui donnera la détermination créative pour une ville à redessiner mais aussi à réinventer. 

Posée sur un socle de béton circulaire, la pièce s’inscrit dans l’alignement des arbres jalonnant le boulevard comme pour leur donner une traduction sculpturale. Artefact de l’arbre, la sculpture devient une référence dans l’espace public, celle qui servira de totem pour le promeneur. Grâce à leur contexte, les tracés torrentueux, apparemment aléatoires prennent alors forme et l’œuvre s’intègre à l’allée en imitant ses lignes et en reflétant ses couleurs. Chacun peut y voir ce qu’il souhaite, une frondaison, un vol d’oiseau, le bruit de la ville… La couleur blanche adoptée par l’artiste permet une multitude de références. L’environnement donne alors une dimension neuve à la démarche qui, dans le nouveau plan pour la ville, fait écho à l’énergie vitale de la croissance végétale. Une libre écriture à la croisée des chemins entre le « chaos » de la nature et « l’ordre » de la cité.

Après l’allusion au premier geste créatif, voici une œuvre d’art exposée comme une page blanche dans la ville. En effet, cette sculpture, Michel François l’a offerte aux usagers qu’il invite à rêver.

 

Adèle Santocono