Michel Leonardi, Les pirogues. 2016

Namur (Jambes), avenue Bovesse n° 25. Accessible aux heures de bureau

La gageure de Thierry Lanotte, l’architecte chargé de la requalification de l’immeuble Bovesse, était de redessiner l’enveloppe extérieure du bâtiment, tenir compte de la double entrée de la poste et de la DG04 et générer une nouvelle dynamique de la troisième dimension par une requalification des toitures. Il a été sensible à l’extraordinaire situation paysagère observée depuis le 5e étage. Il a ainsi créé une « boîte » posée sur le toit de l’immeuble, à la fois salle de réunion et point de vue sur le patrimoine namurois. Enfin, les intentions de collaboration de l’architecte avec un artiste ont été mises en évidence dès le départ de la conception du projet.

Le choix de la Commission des Arts de Wallonie s’est porté sur Michel Leonardi. Né en 1951, architecte d’intérieur, artiste, professeur émérite à l’Institut Saint-Luc de Liège, collaborateur de nombreux architectes. La polyvalence de son métier l’a amené à transférer son univers plastique au niveau architectural et permis de construire des expériences sensorielles où la couleur et la lumière modèlent l’espace. Il est l’auteur de plusieurs intégrations parmi lesquelles La Source, peinture murale et reliefs en acier peints au Centre Thermal de Spa Monopole (2004) et Les Ombrelles du carrefour du Boulevard d’Avroy à Liège (2007). Plus récemment, il est intervenu dans le nouveau Palais de Justice de la même ville (2011), jouant sur des couleurs pastel et des éclairages. Aucun des médias plastiques n’échappe à son sens de l’expression : peinture, dessin, photo, vidéo, mobilier… Il cultive un vrai sens de l’espace. Il réinvente pour le public de nouvelles manières de se mouvoir, modifie ses habitudes de perception.

Pour l’immeuble Bovesse, Michel Leonardi s’est concentré sur l’espace du hall d’entrée et sur les ascenseurs. Généralement conçus en tant que simples éléments techniques, ces derniers sont traités comme des vecteurs de voyage, un moment de lâché prise entre deux lieux.  Le  « voyageur » est accompagné dans ce court moment de déplacement par un travail sur la lumière. Pour le hall, l’artiste a imaginé deux mobiles installés dans la partie supérieure du volume laissant libres le sol et les murs sur une hauteur d’environ 2,40 m. Il s’agit d’un lieu de passage et d’accueil. Michel Leonardi a conçu un dispositif léger, aérien, poétique et spatial. Suspendus pas des axes rotatifs dans l’espace, deux mobiles de tailles différentes animés par des mouvements giratoires discontinus, lents et silencieux, sont éclairés par des projecteurs de lumières orientés dans des directions opposées. Ils projettent des images et des formes colorées sur les surfaces des parois et sur le plafond du hall. Les formes, les images sont, ici, des véhicules de rêves doux non intrusifs et suffisamment ouverts à une grande diversité d’interprétations. Le visiteur traverse le lieu et se prépare à emprunter l’un des deux ascenseurs pour s’élever peut-être tout en haut, jusqu’au dernier étage, métaphore du pont du navire, dont la « cabine » rouge posée sur le toit lui offrira une vision époustouflante sur la ville et son environnement. Tout en bas, les deux mobiles « turbines » traversant la coque du bateau brassent symboliquement l’eau, donnant à percevoir les remous colorés au-dessus de la tête du passager en attente du voyage…  

Marie-Hélène Joiret