Wallonie industrielle

Dès le début du XIXe siècle, la Wallonie s’impose comme l’une des principales régions industrielles du continent, de 1810 à 1880, elle est la seconde puissance industrielle mondiale proportionnellement à sa population. La révolution belge de 1830 a rompu brutalement le rythme de cette croissance en coupant l’industrie de ses marchés traditionnels. Cette rupture sera cependant compensée par le développement du réseau de chemin de fer qui relance la production. Les années 1850-1860 enregistrent des taux de croissance impressionnants, particulièrement dans les industries du fer, des machines mécaniques et de la laine. La production des houillères s’accroît de 65 % et leurs exportations de 75 %. Les entreprises sidérurgiques multiplient leur production par 2,5. C’est l’âge d’or de l’industrie !… qui tranche cependant durement avec les conditions de vie déplorables des travailleurs, en proie à la logique d’un libéralisme que rien n’encadre. Les richesses naturelles de la région, la disponibilité de la main-d’œuvre et celle du capital, couplées à une politique de développement des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales soutiennent l’ampleur de ce mouvement.

En 1880, la logique capitalistique menée à son paroxysme conduit à une exploitation dramatique d’une part importante de la population. Conséquence de cela, en 1886, des émeutes ouvrières insurrectionnelles éclatent et se propagent dans l’ensemble de la Wallonie industrielle avec, au-delà de l’exaspération sociale, un objectif politique affirmé : le suffrage universel. Celui-ci sera accordé, tempéré par le vote plural, en 1894 et de manière pure et simple (pour les hommes) en 1919. 

Durant la dernière décennie du XVIIIe et la première moitié du XXe siècle, des entrepreneurs wallons opèrent une modernisation et une mécanisation sans précédent de l’appareil de production. La figure emblématique de ce mouvement est le technicien anglais William Cockerill qui, après avoir soutenu la mécanisation de filatures de laine verviétoises, lance à Liège des usines assurant la production industrielle de machines qui révolutionneront divers secteurs. Son fils John acquiert des charbonnages, des laminoirs et se lance dans la construction d’un haut fourneau. D’autres Liégeois participent à ce vaste mouvement qui, en moins de deux décennies, fait de la région Meuse-Vesdre l’un des centres industriels les plus dynamiques du continent. Également sous l’influence de techniciens anglais, l’industrie extractive du borinage connaît une véritable révolution, amorcée par la résolution du problème de l’évacuation de l’eau. L’industrie des métaux enregistre aussi une vague de modernisation impressionnante qui touche également le secteur du verre.

Le dernier tiers du XIXe siècle est marqué par une profusion de progrès techniques. Etienne Lenoir dépose un brevet pour un moteur à explosion, Ernest Solvay met au point un processus de production industrielle de la soude et Zénobe Gramme invente la dynamo, ouvrant la voie à l’usage industriel de l’électricité. Julien Dulait fonde une compagnie générale d’électricité et part à la conquête de l’Europe et de la Russie, avant de fonder les Ateliers de construction électrique de Charleroi - les Acec - dont le rayonnement sera impressionnant. Georges Nagelmakers fonde la Compagnie internationale des wagons-lits. Les entrepreneurs et ingénieurs wallons rayonnent littéralement en Europe et au-delà. Nestor Martin exporte ses productions de fer et de cuivre jusqu’en Chine, les verriers fondent des centres de production aux États-Unis, Jean Jadot construit des centrales électriques, des tramways et des chemins de fer en Chine, tandis qu’Edouard Empain réalise le métropolitain de Paris. Basée sur une activité artisanale séculaire dans la région liégeoise, la production d’armes franchit une étape décisive avec la constitution, en 1888, de la Fabrique nationale d’armes qui, depuis Herstal, développera un savoir-faire international jamais démenti.

La dépression mondiale des années 1874-1893 affecte cette croissance mais la poursuite des innovations techniques, l’expansion vers l’étranger et le développement de nouveaux secteurs permettent un redressement économique à partir de 1895.